Témoignages de voyageurs algériens humiliés dans les aéroports français :
Ce sont des dizaines d'Algériens qui sont humiliés quotidiennement dans les aéroports français. Présenter son passeport «vert» à certains agents de la police des frontières, c'est subir de leur part les pires des comportements humiliants et méprisants.
Une attitude devenue une règle courante à l'égard de citoyens qui, pourtant, jouissent de tous leurs droits à la libre circulation. Ce droit est acquis en principe grâce à un visa délivré, selon la réglementation en vigueur, par les autorités habilitées, en l'occurrence le consulat de France en Algérie. Abdelaziz, directeur d'agence de voyages, père de deux enfants, a été malmené à l'aéroport de Paris.
Il a subi un traitement inhumain de la part des agents de la sécurité. Il nous raconte son expérience. «Je suis parti, il y a quelques jours, avec mes deux enfants âgés de 12 et 25 ans. Eux sont entrés sur le territoire français sans aucun problème. Moi et les deux demoiselles qui étaient derrière moi dans la queue, étions orientés au bureau de vérification. Nous avons attendu un peu plus d'une heure l'arrivée d'un lieutenant de police. Il nous a demandé si nous savions lire et écrire.
J'ai répondu : je suis licencié en droit, je sais lire et écrire aussi. Il m'a dit que je n'avais pas de réservation d'hôtel et m'a sorti d'autres motifs infondés. J'ai essayé de répondre à ses accusations, il m'a interrompu "Taisez vous, ici c'est moi qui parle", ça m'a choqué», a-t-il indiqué. Après une attente de trois heures, un autre flic arrive et ramène une notification. «Il m'a demandé de signer sans lire.
J'ai refusé. Il a tenté trois fois et a fini par me donner le document pour le lire après qu'il ait constaté que je n'avais aucune intention de revenir sur mes propos. J'ai été doublement surpris par le contenu de cette notification rédigée sans aucun fondement. Il a été mentionné que ma réservation a été annulée sur ma demande, je n'avais pas la confirmation de billet de retour et je ne détiens que 500 euros. J'ai essayé de me défendre en réfutant ces accusations mais le policier a détourné la conversation et me répond : "Même si tu payes un million d'euros, tu ne rentres pas en France"», raconte Abdelaziz.
«Taisez-vous, ici c'est moi qui parle»
Les trois personnes et les deux enfants ont été ensuite conduits dans une salle jusqu'à 20h30. «Nous avons passé un après-midi dans le froid et la saleté jusqu'à l'arrivée de ce fourgon qui nous a transportés à l'hôtel IBIS. Nous étions près d'une vingtaine de personnes. On m'a fait comprendre que j'étais dans un commissariat de police, et on m'a interdit de rester avec ma fille qu'on a hébergée dans une chambre loin de celle où j'ai été logé moi et mon fils.
La police n'a pas cessé de tourner toute la nuit pour vérifier que nous sommes encore sur place. A 5h du matin, on nous a réveillés et j'ai demandé de rentrer au pays car, étant malade et affaibli, je ne pouvais plus supporter cette situation», a encore ajouté Abdelaziz. Ce père de deux enfants affirme qu'il a obtenu son visa Schengen Espagne et qu'il est détenteur de tous les papiers nécessaires pour le voyage.
«Je suis un agent de voyages, je connais la réglementation. Les billets sont électroniques, on ne peut pas prendre un billet sans confirmer le retour, j'avais mon assurance et tout le nécessaire mais cela ne m'a pas protégé contre cette humiliation inadmissible», a-t-il affirmé. Abdelaziz soupçonne d'attraper le diabète depuis cette aventure désagréable. «J'avais froid. Je me suis senti mal dans ma peau et au cœur. Je ne pouvais pas supporter cette situation», a-t-il ajouté. Abdelaziz ne souhaite plus revenir dans ce pays, quelles que soient les circonstances. «Je voulais promener mes enfants dans ce pays que je connais très bien.
Mais là, je ne suis plus prêt à refaire cette expérience», a-t-il affirmé. Nawel, 31 ans, photographe de presse, a vécu une expérience dramatique en septembre 2009. «Je suis partie en France pour assister à la fête de l'humanité tenue les 11, 12 et 13 septembre 2009 mais à laquelle je n'ai jamais assisté», a-t-elle regretté. Elle évoque ce séjour pas comme les autres. «Je suis arrivée à l'aéroport d'Orly le 10 septembre. La multitude de questions et l’attitude sceptique des agents de la police des frontières m'a choquée.
J'ai eu beau leur expliquer que j'avais une réservation d'hôtel et qu'ils n'avaient qu'à confirmer mes propos auprès de cet établissement ou même contacter les organisateurs de l'événement mais vainement. Ils n'ont même pas pris la peine de le faire», a-t-elle indiqué. Nawel a été ensuite conduite au poste de police où elle a été fouillée.
La police lui remet un document portant règlement de refoulement des étrangers pour le signer. Elle a été ensuite conduite à une salle d'attente où se trouvaient un homme et trois femmes africaines de différentes nationalités. «Au bout de quelques minutes d'attente, la police a encore ramené d'autres personnes. Ils avaient l'intention de me renvoyer sur le prochain vol sur l'Algérie. Une solution que j'ai refusée catégoriquement même sous le coup de la menace et de l'intimidation qu'ont fait preuve ces mêmes flics», a-t-elle raconté.
Hôtel Ibis ou commissariat de police ?
Ce refus a amené les services de sécurité à la conduire à l'hôtel Ibis où étaient hébergées des dizaines de personnes dans le même cas. «J'ai été traitée comme un clandestin alors que j'avais un visa Affaires Schengen d'une durée de six mois que j'ai établi après avoir présenté tous les documents au consulat de France à Alger.
J'ai aussi rappelé à ces flics que j'exerçais dans la presse et qu'ils sont tenus de respecter les conventions signées pour le respect de la corporation mais en vain. C'est frustrant», a-t-elle encore raconté. A l'hôtel, une surveillance rigide a été mise en place. «Je n'avais pas le droit de fermer ma chambre. Le flic venait chaque quart d'heure pour vérifier que je n'ai pas quitté les lieux», a-t-elle encore ajouté. Le déplacement de Nawel s'est fait pendant le mois de Ramadan.
«Je n'ai pas mangé pendant deux jours. Au troisième jour, j'ai été contrainte d'acheter une salade et un gâteau pour pouvoir tenir le coup», dira-t-elle. Elle chargea deux avocats pour prendre en charge son affaire, ce qui lui a valu une dépense supplémentaire de 10 000 euros. «Un laisser-aller flagrant a été constaté de la part des services de sécurité qui ne fournissaient aucun effort pour vérifier les faits. Ça a été une perte de temps et d'argent aussi.
J'ai raté l'évènement pour lequel je faisais le déplacement. Les excuses présentées à la fin de ce feuilleton malheureux n'ont eu aucun effet sur moi», a-t-elle affirmé. Pendant son séjour, plusieurs questions tourmentaient l'esprit de Nawel. «Suis-je un criminel pour subir ce traitement policier inadmissible ? Pourquoi me délivre-t-on un visa qu'on remet en cause quelques jours après ? Pourquoi ce cafouillage alors qu'on est censé être dans un pays moderne où les moyens existent pour faire les choses dans la clarté et l'efficacité ?»
A sa sortie d'hôtel, Nawel jura de ne plus remettre les pieds en France. «J'ai visité d'autres pays où les gens sont plus respectueux et l'être humain préserve sa dignité, chose que je n'ai pas sentie en France», a-t-elle affirmé. Les Algériens s'interrogent sur l'origine de ces comportements discriminatoires qui interviennent en période de crise qui se déclenche entre les deux pays. Mais encore une fois, l'Algérie n'applique pas le principe de réciprocité et les citoyens français ont le meilleur accueil dans nos aéroports.
Par Nouria Bourihane
Le Temp d'Algérie