La longue histoire tourmentée entre l’Algérie et le Maroc
Frontières, drogue, biens confisqués et ingérence
18-06-2011
Par Abdelkrim Ghezali
Ce qui rapproche les deux pays est plus important que ce qui les sépare. Pourtant, l’Algérie et le Maroc n’ont pas réussi à former le duo qu’ils sont condamnés à être, pour servir de locomotive au Maghreb et à l’Afrique dans leurs quêtes d’intégration et de développement.
La solidarité qui a caractérisé les relations des peuples maghrébins notamment marocain, tunisien et algériens, durant l’occupation coloniale était exemplaire et augurait d’un avenir aussi commun que le passé. Les courants indépendantistes des trois pays se sont rapprochés au sein de l’Etoile nord- africaine (ENA) en 1926 et se sont unis pour un même idéal : l’indépendance du Maghreb et sa réunification. Mais la différence de la nature de l’occupation française en Algérie d’une part et le Maroc et la Tunisie d’autre part
a favorisé les manœuvres coloniales qui ont poussé les Tunisiens et les Marocains à se défaire du projet de l’ENA. L’Algérie était une colonie sans aucune autonomie et considérée comme un département français, alors que la Tunisie et le Maroc étaient des protectorats avec des pouvoirs locaux vassaux. Néanmoins, Tunisiens et Marocains n’ont épargné aucun effort pour soutenir le combat libérateur de l’Algérie. Au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, le roi Mohamed V étant mort, Hassen II a ressuscité le projet du Grand-Empire chérifien qui s’étend du Rif au fleuve du Sénégal et de l’Atlantique à l’est de Béchar. L’Algérie s’est conformée aux accords internationaux qui exigent de tous les pays d’observer et de respecter les frontières héritées de la période coloniale, autrement c’est toute la géographie du monde qui serait remise en cause, d’autant plus que les guerres entre les nations sont essentiellement dues à la remise en cause des frontières. Au cours de l’automne 1963, le Maroc masse ses troupes aux frontières ouest de l’Algérie dans la perspective d’annexer une partie du Sahara algérien pour laquelle les Algériens se sont battus et sont morts. La guerre des sables a ainsi alimenté les animosités entre Alger et Rabat avant que l’affaire du Sahara occidental ne vienne en 1975 envenimer les rapports entre les deux pays à ce jour. Les accords de Zeralda, entérinés et approfondis par les accords de Marrakech en 1988, stipulent que l’édification du Maghreb ne doit pas souffrir du conflit sahraoui qui ne doit en aucun cas interférer dans le processus de construction de l’Union du Maghreb arabe (UMA). En 1990, Hassen II a finalement accepté le principe d’un référendum au Sahara occidental et des rencontres ont eu lieu à Huston, entre les représentants du roi et le Polisario pour faire aboutir le projet référendaire. En 1994, un attentat à Marrakech est le prétexte qu’attendait le Palais royal pour remettre en cause ses engagements internationaux. Pour Rabat, l’Algérie, qui faisait face à un terrorisme inédit qui a menacé les fondements de l’Etat, était dans une position de faiblesse telle qu’il était temps de se défaire de ses engagements pour relancer la marocanité du Sahara sans passer par le référendum inscrit pourtant dans l’agenda des Nations unies. C’est à ce moment que le Maroc accuse l’Etat algérien d’avoir fomenté l’attentat de Marrakech et décide de façon unilatérale de fermer les frontières avec l’Algérie et d’imposer le visa aux Algériens, remettant ainsi en cause les accords de Marrakech sur la libre circulation des personnes dans l’espace UMA. Après l’élection de Bouteflika et le recul du terrorisme, le Maroc a tenté un rapprochement pour l’ouverture des frontières. L’Algérie a rappelé alors ses conditions consistant en la discussion de tous les problèmes passifs entre les deux pays, à savoir la sécurisation des frontières pour combattre le trafic de drogue et toutes les formes de contrebande, le dossier des Algériens dépossédés de leurs biens lors de la crise de 1975 et la finalisation du bornage des frontières. Le Maroc refuse cette offre et fait de l’ouverture des frontières un préalable, approche que l’Algérie rejette catégoriquement.
En fait, le forcing marocain pour l’ouverture des frontières vise deux objectifs, l’un tactique, le second stratégique : tactiquement, le Maroc veut calmer les populations marocaines riveraines des frontières avec l’Algérie dont l’ouverture leur sera bénéfique économiquement, stratégiquement, Rabat espère faire croire à la communauté internationale qu’Alger cède à ses pressions et, par ricochet, affaiblir la position algérienne sur le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. A propos de cette dernière question, le Maroc fait le jeu des puissances occidentales, notamment la France et les Etats-Unis qui s’accommodent d’un désaccord algéro-marocain.
http://www.latribune-online.com/suplements/cahiers_du_week-end/53619.html
Frontières, drogue, biens confisqués et ingérence
18-06-2011
Par Abdelkrim Ghezali
Ce qui rapproche les deux pays est plus important que ce qui les sépare. Pourtant, l’Algérie et le Maroc n’ont pas réussi à former le duo qu’ils sont condamnés à être, pour servir de locomotive au Maghreb et à l’Afrique dans leurs quêtes d’intégration et de développement.
La solidarité qui a caractérisé les relations des peuples maghrébins notamment marocain, tunisien et algériens, durant l’occupation coloniale était exemplaire et augurait d’un avenir aussi commun que le passé. Les courants indépendantistes des trois pays se sont rapprochés au sein de l’Etoile nord- africaine (ENA) en 1926 et se sont unis pour un même idéal : l’indépendance du Maghreb et sa réunification. Mais la différence de la nature de l’occupation française en Algérie d’une part et le Maroc et la Tunisie d’autre part
a favorisé les manœuvres coloniales qui ont poussé les Tunisiens et les Marocains à se défaire du projet de l’ENA. L’Algérie était une colonie sans aucune autonomie et considérée comme un département français, alors que la Tunisie et le Maroc étaient des protectorats avec des pouvoirs locaux vassaux. Néanmoins, Tunisiens et Marocains n’ont épargné aucun effort pour soutenir le combat libérateur de l’Algérie. Au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, le roi Mohamed V étant mort, Hassen II a ressuscité le projet du Grand-Empire chérifien qui s’étend du Rif au fleuve du Sénégal et de l’Atlantique à l’est de Béchar. L’Algérie s’est conformée aux accords internationaux qui exigent de tous les pays d’observer et de respecter les frontières héritées de la période coloniale, autrement c’est toute la géographie du monde qui serait remise en cause, d’autant plus que les guerres entre les nations sont essentiellement dues à la remise en cause des frontières. Au cours de l’automne 1963, le Maroc masse ses troupes aux frontières ouest de l’Algérie dans la perspective d’annexer une partie du Sahara algérien pour laquelle les Algériens se sont battus et sont morts. La guerre des sables a ainsi alimenté les animosités entre Alger et Rabat avant que l’affaire du Sahara occidental ne vienne en 1975 envenimer les rapports entre les deux pays à ce jour. Les accords de Zeralda, entérinés et approfondis par les accords de Marrakech en 1988, stipulent que l’édification du Maghreb ne doit pas souffrir du conflit sahraoui qui ne doit en aucun cas interférer dans le processus de construction de l’Union du Maghreb arabe (UMA). En 1990, Hassen II a finalement accepté le principe d’un référendum au Sahara occidental et des rencontres ont eu lieu à Huston, entre les représentants du roi et le Polisario pour faire aboutir le projet référendaire. En 1994, un attentat à Marrakech est le prétexte qu’attendait le Palais royal pour remettre en cause ses engagements internationaux. Pour Rabat, l’Algérie, qui faisait face à un terrorisme inédit qui a menacé les fondements de l’Etat, était dans une position de faiblesse telle qu’il était temps de se défaire de ses engagements pour relancer la marocanité du Sahara sans passer par le référendum inscrit pourtant dans l’agenda des Nations unies. C’est à ce moment que le Maroc accuse l’Etat algérien d’avoir fomenté l’attentat de Marrakech et décide de façon unilatérale de fermer les frontières avec l’Algérie et d’imposer le visa aux Algériens, remettant ainsi en cause les accords de Marrakech sur la libre circulation des personnes dans l’espace UMA. Après l’élection de Bouteflika et le recul du terrorisme, le Maroc a tenté un rapprochement pour l’ouverture des frontières. L’Algérie a rappelé alors ses conditions consistant en la discussion de tous les problèmes passifs entre les deux pays, à savoir la sécurisation des frontières pour combattre le trafic de drogue et toutes les formes de contrebande, le dossier des Algériens dépossédés de leurs biens lors de la crise de 1975 et la finalisation du bornage des frontières. Le Maroc refuse cette offre et fait de l’ouverture des frontières un préalable, approche que l’Algérie rejette catégoriquement.
En fait, le forcing marocain pour l’ouverture des frontières vise deux objectifs, l’un tactique, le second stratégique : tactiquement, le Maroc veut calmer les populations marocaines riveraines des frontières avec l’Algérie dont l’ouverture leur sera bénéfique économiquement, stratégiquement, Rabat espère faire croire à la communauté internationale qu’Alger cède à ses pressions et, par ricochet, affaiblir la position algérienne sur le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. A propos de cette dernière question, le Maroc fait le jeu des puissances occidentales, notamment la France et les Etats-Unis qui s’accommodent d’un désaccord algéro-marocain.
http://www.latribune-online.com/suplements/cahiers_du_week-end/53619.html
A. G