cherif75 a écrit:Témoignage sur les derniers jours de l'Algérie française.
En complément des écrits de Lurchar 21, je désire faire état d'événements vécus par moi et par ma famille à la fin de l'Algérie française.
Le 19 mars 1962 est signé à Evian un accord de cessez-le-feu entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la république algérienne (G.P.R.A.). La guerre d'Algérie est donc supposée prendre fin. C'est pourtant compter sans l'opposition des milieux dits "ultras" de l'Algérie française. L'organisation armée secrète (O.A.S.) incarne cette tendance. Elle considère comme illégal le dit accord et appelle à lutter tant contre l'armée française qu'elle définit comme étant au service d'un gouvernement de trahision nationale et de capitulation que contre le F.L.N. En fait, l'O.A.S. entre alors dans une fuite en avant meurtrière et suicidaire qui aboutit à l'éxode de la majorité de la population européenne d'Algérie le 5 juillet 1962. Elle ordonne en effet la lutte pour la constitution d'un réduit européen. Son objectif est donc de créer des poches du territoire algérien qui seraient vidées de leur population algérienne (dite alors "musulmane"). L'O.A.S. s'attaque alors à des civils de façon à provoquer la terreur et l'exode
Il s'agit d'une phase de la guerre qui se caractérise tant par sa cruauté que par son absurdité et par son caractère vain.
J'habite alors le lotissement Michel.C'est un ensemble de pavillons habités presqu'exclusivement par des Européens très majoritairement acquis à l' organisation fasciste. Ce lotissement se trouve à Ben-Omar qui est un quartier de Kouba, banlieue située à sept kilomètres au sud-est d'Alger.
L'univers naturel de ce quartier paisible jusqu'alors, bascule totalement. Nous sommes deux familles algériennes qui vivent dans cet océan pied-noir. Mes parents sont enseignants et ont dans leur classe essentiellement des éléves d'origine européenne.
Mon père rentre un soir à la maison et est menacé à l'arme automatique par le gendre de l'inspecteur de l'éducation nationale qui est notre voisin. Ce jeune homme se cache derrière un muret mais mon père l'entrevoit grâce à un angle de vue. Il porte un seau métallique pour le transport de petites quantités de charbon. Il réussit à surprendre l'assassin potentiel, se sert de son seau comme d'une arme, désarme son guetteur et l'assomme en le frappant au visage. L'on découvre quelques jours après que ce jeune homme d'à peine dix-neuf ans est un chef O.A.S. responsable de nombreux assassinats. Il est lui même retouvé découpé en morceaux dans une des poubelles de la mairie de Kouba.
Quelques jours plus tard, j'ai le triste privilège d'assister malgrè moi à une scène de lynchage. Nous nous trouvons alors avec ma mère sur le balcon de notre appartement situé au troisième étage de notre résidence. Je vois très distinctement un jeune homme algérien d'environ dix-huit ans basculé dans une rigole par un groupe d'une dizaine d'Européens hystériques. L' un d'eux soulève un gros bloc et fait geste de lui écraser la tête avec. Le dit jeune homme ne doit son salut qu'au passage d'un policier qui décide au péril de sa vie de l'arracher aux griffes de ses bourreaux en pleine folie meurtrière. Ce groupe avait voulu venger l'assassinat du fermier espagnol qui, quotidiennement vendait du lait frais à mes parents. Il s'agissait en effet encore alors d'une banlieue restée champêtre.
Le troisième fait qui se situe au cours de cette période relativement courte mais riche en évènements sanglants (20mars 1962-17juin 1962), concerne la seconde famille d'enseignants algériens qui habite sur le même palier que nous. La situation est à ce point dangereuse que les deux familles ont pris la décision que les courses seraient faites à tour de rôle par l'un ou l'autre père de famille pour les deux familles. Ceci pour limiter la casse "au cas où". Ce jour là, la mère de la famille sus-citée frappe à notre porte désespérée. Elle demande à mon père de tenter de raisonner son mari sur le point de commettre l'irréparable. Il voit en effet deux Européens s'introduire dans l'immeuble et les prend pour de tueurs de l'O.A.S. Il prépare un coktail-Molotov à l'aide d'une recharge d'essence et d'une mèche et s'apprête à lancer la bombe sur la personne restée aux commandes du side-car qui attend son ami qui monte les marches de l'immeuble. Il s'arme d'une hache dont il entend se servir contre celui qu'il considère comme l'assaillant potentiel de sa famille. Fort heureusement, mon père réussit à raisonner le voisin qui renonce à son projet dont les conséquences auraient sans doute entraîné notre massacre collectif par les nervis de l'activisme dans l'heure qui aurait suivi. Ce pauvre homme qui frôle désormais la folie est admis dans un hôpital psychiatrique pour soigner une dépression nerveuse dont il ne se rétablit totalement qu'après l'indépendance. Nous-mêmes sentons que la situation est de plus en plus intenable, surtout après le départ de nos voisins. Mes parents reçoivent en effet quotidiennement des messages dans leur boîte à lettres. Leurs élèves pieds-noirs devenus activistes de l'O.A.S. les informent qu'ils tentent de les protéger contre d'autres membres de l'organisation, mais qu'ils ne peuvent pas tout contrôler et que leur vie est en danger. Ils conseillent à mes parents d'être très prudents dans le démarrage de leur voiture car une bombe peut y avoit été mise. Mes parents décident alors de demander leur mutation à Mirabeau (aujourd'hui Draâ-Ben-Khedda) dans le département de Tizi-Ouzou où nous demeurons jusqu'à septembre 1962.Tout y est calme et le cessez-le-feu y est respecté. Nous assistons à l'entrée des troupes de l'armée des frontières qui arrivent de Tunisie pour soutenir Ben-Bella contre le G.P.R.A. Quand nous retournons à Ben-Omar, nous constatons que notre appartement a été "visité" et que plusieurs meubles ont disparu. Le quartier est totalement vide. Des familles européennes que nous connaissions, il n'en demeure plus que deux. Sans doute, celles qui ne s'étaient pas compromises avec l'O.A.S. (ce qui est exceptionnel). Le groupe scolaire au sein duquel mes parents enseignent est occupé par les militaires français. Ils se retirent et ce sont les soldats algériens qui les remplacent. Ce mouvement est assez rapide pour laisser la rentrée des classes se faire normalement. Mes parents ont alors la joie d'être désormais les éducateurs de l'état qu'ils souhaitent depuis si longtemps et pour lequel dans le plus grand secret, ils ont consacré les plus belles années de leur vie.
Bien à vous, amitiés, Cherif75.
Merci cherif pour ce témoignage document.
Un autre temoignage de mostaganem1975
J'ai vêcu l'époque de l'OAS en algérie. J'étais une enfant de 10 ans mais je m'en rappelle comme si c'était hier. Un matin alors que je me rendais à l'école ,j'étais surprise de voir que tous les murs de notre petit village portaient une inscription en gros caractères :"OAS" à côté un oeil au contour et à la rétine noir. L'oeil au regard effrayant semblait menacer les passants. Avec l'OAS la violence va se répandre partout. Qu'est ce que l'OAS? le général Degaule venait de se prononcer pour l'indépendance de l'Algérie. La France st entrée en négociation avec le FLN. Pour les Arabes le dénouement approchait, pour les français d'algérie et tous les partisants de l'Algérie française qui se sentaient trahis par la métropole, l'heure de réagir contre se projet qui se dessinait à l'horizon avait sonné. Il fallait à tout prix maintenir l'algérie sou domination française ou plus précisément, soumettre ce pays à un pouvoir français indépendant de la métropole, d'ou la création de l'OAS en Avril 1961.
Après le 19 Mars 1962, date de la signature des accords d'Evian, l'OAS va intensifier ses violences contre les Arabes. il tuait ,homme ,femme enfants, plastiquait les hôpitaux, les écoles. Dans notre petit vilage tous les hâbitants français (d'origine espagnole) sont devenus des OAS. Moi même j'ai été pourchassée par une voiture des OAS. Les victimes étaient toujours des civils Arabes. L'armée régulière française qui étaient sensée protéger la population, arrivait toujours après les faits et la fuite des auteurs des crimes. Les OAS ne s'attaquait pas aux résidants français dont le départ vers la métropole n'a commencé qu'au cours du mois de juin date à laquelle les OAS ont commencé à jeter les armes. Dans mon livre, dont le sujet n'a rien à voir avec l'OAS, j'ai consacré une page à ces evennements. Je cherche encore un éditeur pour mon manuscrit.
je voudrais apporter quelques précisions: l'appelation de' pieds noirs' n'était pas connu en ALgérie. C'est une appelation de la métropole pour désigner les français d'Algérie. J'ai lu un livre intitulé l'Echarde. l'Auteur s'appelle: Michelle Villanueva le livre décrit bien la période de l'OAS et donne beaucoup d'informations à ce sujet. j'ai les coordonnées de cet auteur que j'ai contacté par téléphone.
Au revoir et à bientôt