SNP ou anonymes ?
par Abdou B.
par Abdou B.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
La vie d’un être humain n’a pas de prix; elle est hors de prix parce qu’elle est irremplaçable. Il n’y a parfois pas de pièces de rechange, de joints à remplacer, un delco à nettoyer comme s’il s’agissait de remettre un engin en marche; mais lorsqu’un individu meurt, c’est pour toujours, pour ne plus jamais revenir vers l’amour de sa famille, vers l’amitié de ses collègues. Il ne peut plus faire de projets, voir ses enfants grandir, enterrer ses parents ou apprécier la beauté d’une femme, d’un coucher de soleil, goûter à sa musique préférée ou apprendre à danser à ses petits.
Dans les grandes nations où la vie est valorisée, chantée, dansée, la disparition violente d’êtres humains (accident de la route, terrorisme, négligence médicale, virage dangereux ou pylône électrique) fait lever tout un pays. Dirigeants nationaux, élus locaux, presse, médias, intellectuels et société civile, comme un seul homme dénoncent, critiquent, pétitionnent, proposent et rendent des hommages unanimes aux disparus. Souvent, ce sont le chef de l’Etat, le Premier ministre qui vont aux enterrements et saluent les dépouilles de soldats, de policiers, de pompiers, de gendarmes, de fonctionnaires morts dans l’exercice d’un devoir. Parce que la vie n’a pas de prix, singulière et unique, elle est protégée, aimée, sacrée, et on dit chaque fois que celui qui y touche est dénoncé au plus haut niveau.
Tous les jours en Algérie, le terrorisme fauche des hommes en uniforme, par le froid ou la chaleur, de jour comme de nuit, dans des endroits totalement inconnus pour ceux qui, bien à l’abri, pérorent dans les médias, en cherchant un bouc émissaire n’importe où. «Certaines parties», «certaines personnes», des mains étrangères», «un complot ourdi», «des provocateurs irresponsables», «des intempéries inattendues», «un séisme surprise», des vampires apatrides, tout est bon pour ne pas désigner le chômage, la frustration sexuelle, l’absence durable d’un logement, la perte de la dignité et les petits boulots à la petite semaine. Manipuler les chiffres des pauvres, ceux de la précarité, ceux de la mendicité en cravate (encore faut-il la recenser !), des jeunes filles sorties du système éducatif ou empêchées de travailler parce que des partis politiques intégristes s’y opposent et «travaillent» les parents à la sortie du travail ou de la mosquée, est insupportable. Comme l’est le nombre terrifiant d’associations adoubées et financées juste à la veille d’une élection, dont les résultats sont connus bien à l’avance, et dénoncés une décennie plus tard. On leur a demandé de faire contre des sachets noirs bourrés de billets de banque, et elles ont obéi en attendant le prochain rappel pour arborer des slogans staliniens et, si nécessaire, faire le coup de poing ou le coup du doberman dressé à reconnaître les copains, les coquins et ceux qui pensent autrement.
Les hommes en uniforme qui tombent chaque jour relèvent désormais du secret d’Etat, du statut de SNP ou des harraga du devoir. Il n’y a sur aucun média ou journal leur photo, leurs nom et prénom, leur état-civil et leurs états de service. Ils sont enterrés nul ne sait où, mais toujours en catimini, comme des parjures, des cadavres qui feraient honte à leur famille, à leur corps professionnel, à leur patrie alors qu’ils meurent pour elle, à cause d’elle et parce qu’ils obéissent aux ordres d’une hiérarchie qui ne dit rien lorsqu’ils tombent, criblés de balles ou déchiquetés par des bombes. Ils tombent parce que d’autres Algériens l’ont voulu, leurs «frères en religion» qui se gaussent des discours lénifiants, lorsqu’ils sont dits, de ministres, de praticiens qui, le soir venu, retrouvent leur famille bien au frais ou au chaud, selon la saison.
Ces victimes, ces héros du devoir ne sont ni des SNP (ce qui n’est pas une tare), ni des anonymes dont on ignore tout. Ils ont une affiliation, des matricules, un ordre d’incorporation, une femme, des enfants, des parents, des collègues de nuits froides et des amis.
L’Algérie tout entière doit connaître leur visage, leur âge pour mesurer la criminalité intégriste qui les fauche jour après jour, là où des maquisards crapahutaient contre l’armée coloniale. L’Algérie a le droit et le devoir de les honorer dans les médias par les premiers décideurs du pays, de leur réserver des espaces beaux, symboliques, où plus tard des enfants accompagnés de leurs enseignants viendraient se recueillir, déposer des fleurs et chanter des chansons douces, d’amour et de reconnaissance. Comme le font les grands gouvernants dans leur pays, qui organisent, légifèrent même les hommages aux martyrs et aux héros.
Un parti islamiste, un autre dit nationaliste et un troisième autoproclamé républicain (ce qui ne veut rien dire en Algérie) ne disent mot, ne rendent aucun hommage, ne dénoncent le terrorisme qu’à chaque décennie pour être dans l’air du temps, pour être d’accord avec un programme auquel ils sont étrangers, qu’ils font mine de soutenir, faute d’être libres et de faire autrement. M. Soltani, ministre d’Etat (SVP !), dont le parti a des ministres au gouvernement, ne cesse d’afficher ses «différences» avec les deux autres formations qui constituent la majorité présidentielle.
Les différences en question seraient les bienvenues et enrichissantes pour le débat démocratique, pour l’Etat de droit, la condamnation ferme à chaque fois qu’un fils de l’Algérie tombe sous les coups du terrorisme, à chaque fois, mille fois s’il le faut, sans répit, pour dire simplement «non au terrorisme». M. Soltani soutient la peine de mort, cette monstruosité qui ne règle rien, qui défigure une société. Le monsieur en question, dont personne ne connaît les études et les diplômes en matière de religion, disserte sur l’Islam comme le ferait n’importe quel quidam analphabète, n’ayant jamais fréquenté Zeïtouna, El-Azhar, la Sorbonne ou l’université algérienne pour ce qui est des sciences sociales et humaines. Qui légitime ses «théories» religieuses, sociales, économiques, théologiques ou politiques ?
Mais comme il faut aux formations archaïques, financées, adoubées, médiatisées, des «ennemis» et non des adversaires, de l’intérieur, M. Soltani reconduit la logorrhée des partis uniques, heureusement éradiqués dans la presque totalité de la planète. «Certains journalistes» qu’il peut pourtant ester en justice s’ils sont dangereux pour la mère partie. Il peut tout autant décortiquer point par point et attaquer éventuellement en justice les programmes de l’opposition, lui qui participe d’une majorité sans oser en sortir dans la clarté, et si possible s’en aller affronter le suffrage universel comme il sied avec classe à... un ministre d’Etat, qui serait un simple «intellectuel». Incroyable mais vrai !
Et dire qu’en face, un ministre d’Etat, élevé au rang de deuxième personnage de l’Etat français, a démissionné parce qu’il avait l’élection législative pour s’en retourner solliciter le suffrage des citoyens pour redevenir maire de Bordeaux. Il y a une classe politique dans le monde et il y a dans d’autres pays des indus occupants, admis, courtisés, qui préparent un avenir incertain, à part modifier l’article 2 de la Constitution algérienne, sans avouer sur quoi porterait la modification. Tout le monde est prévenu.
Quotidien d'Oran
«Il faut écouter beaucoup et parler peu pour
bien agir au gouvernement d’un Etat».
bien agir au gouvernement d’un Etat».
Richelieu
La vie d’un être humain n’a pas de prix; elle est hors de prix parce qu’elle est irremplaçable. Il n’y a parfois pas de pièces de rechange, de joints à remplacer, un delco à nettoyer comme s’il s’agissait de remettre un engin en marche; mais lorsqu’un individu meurt, c’est pour toujours, pour ne plus jamais revenir vers l’amour de sa famille, vers l’amitié de ses collègues. Il ne peut plus faire de projets, voir ses enfants grandir, enterrer ses parents ou apprécier la beauté d’une femme, d’un coucher de soleil, goûter à sa musique préférée ou apprendre à danser à ses petits.
Dans les grandes nations où la vie est valorisée, chantée, dansée, la disparition violente d’êtres humains (accident de la route, terrorisme, négligence médicale, virage dangereux ou pylône électrique) fait lever tout un pays. Dirigeants nationaux, élus locaux, presse, médias, intellectuels et société civile, comme un seul homme dénoncent, critiquent, pétitionnent, proposent et rendent des hommages unanimes aux disparus. Souvent, ce sont le chef de l’Etat, le Premier ministre qui vont aux enterrements et saluent les dépouilles de soldats, de policiers, de pompiers, de gendarmes, de fonctionnaires morts dans l’exercice d’un devoir. Parce que la vie n’a pas de prix, singulière et unique, elle est protégée, aimée, sacrée, et on dit chaque fois que celui qui y touche est dénoncé au plus haut niveau.
Tous les jours en Algérie, le terrorisme fauche des hommes en uniforme, par le froid ou la chaleur, de jour comme de nuit, dans des endroits totalement inconnus pour ceux qui, bien à l’abri, pérorent dans les médias, en cherchant un bouc émissaire n’importe où. «Certaines parties», «certaines personnes», des mains étrangères», «un complot ourdi», «des provocateurs irresponsables», «des intempéries inattendues», «un séisme surprise», des vampires apatrides, tout est bon pour ne pas désigner le chômage, la frustration sexuelle, l’absence durable d’un logement, la perte de la dignité et les petits boulots à la petite semaine. Manipuler les chiffres des pauvres, ceux de la précarité, ceux de la mendicité en cravate (encore faut-il la recenser !), des jeunes filles sorties du système éducatif ou empêchées de travailler parce que des partis politiques intégristes s’y opposent et «travaillent» les parents à la sortie du travail ou de la mosquée, est insupportable. Comme l’est le nombre terrifiant d’associations adoubées et financées juste à la veille d’une élection, dont les résultats sont connus bien à l’avance, et dénoncés une décennie plus tard. On leur a demandé de faire contre des sachets noirs bourrés de billets de banque, et elles ont obéi en attendant le prochain rappel pour arborer des slogans staliniens et, si nécessaire, faire le coup de poing ou le coup du doberman dressé à reconnaître les copains, les coquins et ceux qui pensent autrement.
Les hommes en uniforme qui tombent chaque jour relèvent désormais du secret d’Etat, du statut de SNP ou des harraga du devoir. Il n’y a sur aucun média ou journal leur photo, leurs nom et prénom, leur état-civil et leurs états de service. Ils sont enterrés nul ne sait où, mais toujours en catimini, comme des parjures, des cadavres qui feraient honte à leur famille, à leur corps professionnel, à leur patrie alors qu’ils meurent pour elle, à cause d’elle et parce qu’ils obéissent aux ordres d’une hiérarchie qui ne dit rien lorsqu’ils tombent, criblés de balles ou déchiquetés par des bombes. Ils tombent parce que d’autres Algériens l’ont voulu, leurs «frères en religion» qui se gaussent des discours lénifiants, lorsqu’ils sont dits, de ministres, de praticiens qui, le soir venu, retrouvent leur famille bien au frais ou au chaud, selon la saison.
Ces victimes, ces héros du devoir ne sont ni des SNP (ce qui n’est pas une tare), ni des anonymes dont on ignore tout. Ils ont une affiliation, des matricules, un ordre d’incorporation, une femme, des enfants, des parents, des collègues de nuits froides et des amis.
L’Algérie tout entière doit connaître leur visage, leur âge pour mesurer la criminalité intégriste qui les fauche jour après jour, là où des maquisards crapahutaient contre l’armée coloniale. L’Algérie a le droit et le devoir de les honorer dans les médias par les premiers décideurs du pays, de leur réserver des espaces beaux, symboliques, où plus tard des enfants accompagnés de leurs enseignants viendraient se recueillir, déposer des fleurs et chanter des chansons douces, d’amour et de reconnaissance. Comme le font les grands gouvernants dans leur pays, qui organisent, légifèrent même les hommages aux martyrs et aux héros.
Un parti islamiste, un autre dit nationaliste et un troisième autoproclamé républicain (ce qui ne veut rien dire en Algérie) ne disent mot, ne rendent aucun hommage, ne dénoncent le terrorisme qu’à chaque décennie pour être dans l’air du temps, pour être d’accord avec un programme auquel ils sont étrangers, qu’ils font mine de soutenir, faute d’être libres et de faire autrement. M. Soltani, ministre d’Etat (SVP !), dont le parti a des ministres au gouvernement, ne cesse d’afficher ses «différences» avec les deux autres formations qui constituent la majorité présidentielle.
Les différences en question seraient les bienvenues et enrichissantes pour le débat démocratique, pour l’Etat de droit, la condamnation ferme à chaque fois qu’un fils de l’Algérie tombe sous les coups du terrorisme, à chaque fois, mille fois s’il le faut, sans répit, pour dire simplement «non au terrorisme». M. Soltani soutient la peine de mort, cette monstruosité qui ne règle rien, qui défigure une société. Le monsieur en question, dont personne ne connaît les études et les diplômes en matière de religion, disserte sur l’Islam comme le ferait n’importe quel quidam analphabète, n’ayant jamais fréquenté Zeïtouna, El-Azhar, la Sorbonne ou l’université algérienne pour ce qui est des sciences sociales et humaines. Qui légitime ses «théories» religieuses, sociales, économiques, théologiques ou politiques ?
Mais comme il faut aux formations archaïques, financées, adoubées, médiatisées, des «ennemis» et non des adversaires, de l’intérieur, M. Soltani reconduit la logorrhée des partis uniques, heureusement éradiqués dans la presque totalité de la planète. «Certains journalistes» qu’il peut pourtant ester en justice s’ils sont dangereux pour la mère partie. Il peut tout autant décortiquer point par point et attaquer éventuellement en justice les programmes de l’opposition, lui qui participe d’une majorité sans oser en sortir dans la clarté, et si possible s’en aller affronter le suffrage universel comme il sied avec classe à... un ministre d’Etat, qui serait un simple «intellectuel». Incroyable mais vrai !
Et dire qu’en face, un ministre d’Etat, élevé au rang de deuxième personnage de l’Etat français, a démissionné parce qu’il avait l’élection législative pour s’en retourner solliciter le suffrage des citoyens pour redevenir maire de Bordeaux. Il y a une classe politique dans le monde et il y a dans d’autres pays des indus occupants, admis, courtisés, qui préparent un avenir incertain, à part modifier l’article 2 de la Constitution algérienne, sans avouer sur quoi porterait la modification. Tout le monde est prévenu.
Quotidien d'Oran