Mon mari est mort en
Algérie en 1994, alors
qu'il se faisait soigner
dans un hôpital
d'Oran. Nous n'avons pas pu récupérer
sa dépouille, en raison de la fermeture
des frontières terrestres entre le Maroc et
l'Algérie. La mort dans l'âme, nous avons
dû l'enterrer sur place. À ce jour, ni moi ni
mes deux filles n'avons eu l'occasion de
nous rendre à Oran pour nous recueillir
sur sa tombe. Qu'ils rouvrent ce satané
passage pour nous permettre de voir
enfin sa sépulture ! » Quatorze ans déjà.
Pour Houria et ses deux filles, l'attente
se fait longue, trop longue. Employée
comme gardienne à l'école Sidi-Ziane
à Oujda, celle-là même où le président
algérien Abdelaziz Bouteflika a fait ses
premières classes durant les années quarante,
Houria, âgée d'une quarantaine
d'années, s'est résignée. Faute d'argent
pour prendre un bus ou un taxi pour rallier
Casablanca avant de rejoindre, par
avion, la ville d'Oran, elle attend désespérément
que Marocains et Algériens se décident enfin à rouvrir ces fameuses
frontières fermées depuis l’été 1994.
« Pourquoi nos dirigeants n'arriventils
pas à s'entendre, s'interroge Houria.
Pourtant, nous sommes tous khaoua (frères).
Avec les Algériens, nous partageons
la langue, l'histoire, la religion. Depuis
des siècles, nos sangs se sont même
entremêlés pour faire un même peuple.
Dites à Bouteflika de faire le geste que tous les Marocains attendent de lui. »
C'est à Oujda, plus que partout ailleurs
au Maroc, que l'on prend la mesure de
la situation tragi-comique engendrée par
cette fermeture. D'un côté, on ferme les
yeux sur une gigantesque contrebande, de
l'autre, on continue de refuser aux Algériens
et aux Marocains le droit de circuler
librement entre les deux pays. D'un côté,
des produits de toutes sortes qui entrent
et sortent en toute illégalité, de l'autre,
des hommes et des femmes qu'on prive
de déplacement en raison de différends
politiques et de contentieux historiques.
« Cette fermeture a provoqué des drames
et des déchirements qui deviennent
de plus en plus difficiles à supporter au
fil des ans, explique Ali, journaliste originaire
d'Oujda. Du jour au lendemain,
des milliers de familles ont été séparées,
divisées, écartelées. C'est à croire que nos
responsables ne mesurent pas assez l'ampleur
de la tragédie.
Saïd Aït-Hatrit
Afrique Magazine
Algérie en 1994, alors
qu'il se faisait soigner
dans un hôpital
d'Oran. Nous n'avons pas pu récupérer
sa dépouille, en raison de la fermeture
des frontières terrestres entre le Maroc et
l'Algérie. La mort dans l'âme, nous avons
dû l'enterrer sur place. À ce jour, ni moi ni
mes deux filles n'avons eu l'occasion de
nous rendre à Oran pour nous recueillir
sur sa tombe. Qu'ils rouvrent ce satané
passage pour nous permettre de voir
enfin sa sépulture ! » Quatorze ans déjà.
Pour Houria et ses deux filles, l'attente
se fait longue, trop longue. Employée
comme gardienne à l'école Sidi-Ziane
à Oujda, celle-là même où le président
algérien Abdelaziz Bouteflika a fait ses
premières classes durant les années quarante,
Houria, âgée d'une quarantaine
d'années, s'est résignée. Faute d'argent
pour prendre un bus ou un taxi pour rallier
Casablanca avant de rejoindre, par
avion, la ville d'Oran, elle attend désespérément
que Marocains et Algériens se décident enfin à rouvrir ces fameuses
frontières fermées depuis l’été 1994.
« Pourquoi nos dirigeants n'arriventils
pas à s'entendre, s'interroge Houria.
Pourtant, nous sommes tous khaoua (frères).
Avec les Algériens, nous partageons
la langue, l'histoire, la religion. Depuis
des siècles, nos sangs se sont même
entremêlés pour faire un même peuple.
Dites à Bouteflika de faire le geste que tous les Marocains attendent de lui. »
C'est à Oujda, plus que partout ailleurs
au Maroc, que l'on prend la mesure de
la situation tragi-comique engendrée par
cette fermeture. D'un côté, on ferme les
yeux sur une gigantesque contrebande, de
l'autre, on continue de refuser aux Algériens
et aux Marocains le droit de circuler
librement entre les deux pays. D'un côté,
des produits de toutes sortes qui entrent
et sortent en toute illégalité, de l'autre,
des hommes et des femmes qu'on prive
de déplacement en raison de différends
politiques et de contentieux historiques.
« Cette fermeture a provoqué des drames
et des déchirements qui deviennent
de plus en plus difficiles à supporter au
fil des ans, explique Ali, journaliste originaire
d'Oujda. Du jour au lendemain,
des milliers de familles ont été séparées,
divisées, écartelées. C'est à croire que nos
responsables ne mesurent pas assez l'ampleur
de la tragédie.
Saïd Aït-Hatrit
Afrique Magazine