Kenitra égale Abou Ghrib ? |
de Mohamed Zaâf |
Des manifestations pacifiques organisées mercredi et jeudi derniers par les populations sahraouies ont été sauvagement réprimées par les forces coloniales marocaines dans la ville sainte de Smara et à Dakhla (ex-villa Cisneros), la cité portuaire théâtre d’une récente expédition punitive menée par les colons marocains contre les colonisés sahraouis. Les manifestations, qui regroupaient des hommes et des femmes, dénonçaient l’occupation et réclamaient l’organisation d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental, dans leur pays. Plus de trois décennies d’occupation n’ont pas suffi aux Marocains pour «pacifier» les «indigènes». Plus de trente ans après, les Sahraouis trouvent toujours irréaliste de vouloir les transformer en un tour de passe-passe, eux qui ont choisi librement d’être des républicains, en citoyens de Sa Majesté. Les Sahraouis, mis à part la poignée de renégats qui accompagne fatalement les grandes révolutions, refusent plus que jamais l’occupation étrangère. Dans les territoires occupés, ils font face à une répression d’inspiration israélienne et il arrive que leurs maisons soient dévastées. Bien qu’ils n’aient jamais versé dans le terrorisme ni commis le moindre attentat contre un civil ou un militaire marocain dans les villes du Sahara occidental. Ils lancent des slogans, brandissent des banderoles, hissent leur emblème national. Ils sont prêts à se faire tabasser et, quand on les emprisonne, ils poursuivent encore dans les cachots leur lutte par des grèves de la faim. Des prisons qui n’ont pas grand-chose à envier à Abou Ghrib. Il y a de cela huit jours, S. L., un prisonnier politique sahraoui, était torturé avant d’être sodomisé par des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire de la prison civile de Kenitra. Il était puni juste pour ses opinions politiques. Aujourd’hui, Internet aidant, la répression marocaine est connue de tous. Mais l’ONU, plusieurs fois saisie par le Polisario et qui a en la Minurso un témoin crédible sur les lieux, se contente tout juste de compter les coups. Une situation intolérable mais on ferme l’œil, on laisse faire comme si on voulait pousser les Sahraouis à la résignation. Comme si on voulait les décourager et les acculer à accepter coûte que coûte l’autonomie, une proposition marocaine aussi généreuse que la caresse du scorpion. Le pillage du phosphate et des richesses halieutiques sahraouies, avec la complicité d’une Europe plus cupide que jamais, assure annuellement quelque quatre milliards de dollars au royaume. Entre-temps, plus de 160 000 Sahraouis traversent leur long exil forcé dans le dénuement et n’arrivent à survivre que grâce aux dons. Ils vivent de l’aide internationale alors que leurs richesses profitent à d’autres. Et le monde entier est le témoin indifférent de la spoliation. Irréaliste ! M. Z. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] |