L'oncle du roi du Maroc tire sur un policier à Casablanca
Le mari d'une princesse (sœur de Hassan II) a tenté d'abattre, mardi a Casablanca un policier en uniforme. Ce dernier lui avait simplement demandé les papiers de la voiture.
A la clinique où il a été transporté d'urgence, Tariq Mouhib, policier de la circulation à Casa-Anfa, a du mal à croire ce qu'il a vécu ce mardi 9 septembre 2008. Les yeux larmoyants, il touche l'impact de la balle sur sa cuisse gauche, murmure quelques mots inaudibles, puis replonge dans un état second.
A l'entrée de sa chambre, deux policiers interdisent l'accès aux collègues et membres de la famille venus rendre visite au jeune policier. «Nous avons des ordres stricts. Personne n 'a le droit de lui parler maintenant», nous répond-on. C'est que l'affaire est assez grave. Peu avant l'heure du f'tour, vers 18h 30, Tarik, 32 ans, arrête une voiture luxueuse qui venait de griller un stop au niveau de la corniche casablancaise. «Lorsqu 'il demande les papiers de la voiture au conducteur, ce dernier lui répond : tu n'es qu 'une sale mouche et tu oses me demander mes papier», raconte un proche du policier Tarik Mouhib. Ce dernier insiste et redemande à voir les papiers de ce conducteur si particulier. Exaspéré, ce dernier descend de sa voiture (un 4x4 Infinity noir) et sort un pistolet de sa boîte à gants. «Tu crois être le seul à avoir une arme l'yemmak ? Moi aussi, j'en ai une, espèce de bakhouch (insecte)», répond le conducteur. Quelques secondes plus tard, une première balle quitte le foyer du pistolet pour se loger en haut de la cuisse gauche du policier. Sans perdre conscience, ce dernier s'écroule et se tord de douleur. Rapidement, une foule se forme autour de la scène et des policiers, qui étaient en poste à proximité, accourent sur place. La confusion est totale. Le policier est évacué assez rapidement, mais le conducteur est encerclé par des dizaines de curieux qui faisaient du sport ou qui regagnaient leurs domiciles en cette heure de pointe. Très vite, un cordon sécuritaire est installé tout autour de la voiture. Toute la préfecture de police de Casablanca a fait le déplacement. Les mines sont défaites et les traits sont graves. Les radios crachotent, au moment où notre conducteur reste confortablement installé dans son fauteuil en cuir, constamment accroché à son téléphone. «C'est un ch'rif. Quelqu'un de très important. La situation est très délicate», affirme, entre deux messages radios, un adjoint du préfet de police de Casablanca. Quand des photographes de presse commencent à shooter «le conducteur VIP», un policier prend le volant du 4x4 et se fraye difficilement un chemin au milieu de la foule pour disparaître dans le trafic casablancais.
A la clinique où il a été transporté, la situation du jeune policier est jugée stable. «C'est une balle à fragmentation. Nous n'avons pu extraire que le gros morceau. Six petites particules sont encore plantées dans la cuisse. Nous ne pourrons nous exprimer qu'après 24 heures», explique un infirmier sur place. Dans la salle de radiologie, le jeune policier est en pleurs. Deux mots reviennent dans sa bouche : «Il m'a traité de bakhouch, de debbane. Je n'ai pourtant fait que mon boulot». Tarik est ensuite placé dans une chambre sécurisée, avec double vitrage. Une infirmière reste constamment a son chevet, pendant que plusieurs commissaires et autres responsables de la wilaya défilent dans les couloirs de la clinique casablancaise. La famille du jeune policier est d'abord interdite de lui rendre visite, mais sa mère est autorisée, exceptionnellement, à le prendre dans ses bras. En quittant la chambre, elle est visiblement sous le choc. Elle murmure des mots inaudibles, avant d'éclater en sanglots : «Je n'ai que deux fils et ils ont voulu me tuer le premier». A la tombée de la nuit : une question est sur toutes les lèvres : qui peut bien être le conducteur de la voiture ? «On sait que c'est quelqu'un de très important et qu'il est proche de la famille royale. C'est tout», affirme un policier présent à la clinique.
A Rabat, une réunion de crise réunit plusieurs responsables au siège de la DGSN. Cherche-t-on à étouffer l'affaire ou à masquer l'identité du conducteur ? Mystère. Toujours est-il que vers 21 heures de la même soirée: un nom circule avec insistance. Hassan Yacoubi, mari de l'une des sœurs de Hassan II, et donc tante du roi Mohammed VI. L'homme venait apparemment tout juste de quitter le golf d'Anfa en compagnie dé quelques amis quand le policier l'a intercepté .Presque au même moment (vers 21 heures 30), une autre information plonge la famille du jeune policier dans un gros chagrin. Hassan Yacoubi vient d'être admis en hôpital psychiatrique.
Il souffrirait, selon des sources informées, de troubles comportementaux et psychiques. La belle astuce ! La dépêche officielle confirme cette version des faits. «... dans un état de démence avancé, Hassan Yacoubi (HY) a fait usage d'une arme à feu, blessant légèrement à la jambe, le policier. HY souffre depuis plusieurs années de la maladie de Korsakoff, qui entraîne une dégénérescence mentale grave. Il a suivi divers traitements psychiatriques pendant cinq ans dans des établissements spécialisés, au Maroc et en Italie», peut-on lire sur la dépêche. M. Yacoubi est peut-être atteint d'une maladie mentale grave, mais comment expliquer dans ce cas qu'il puisse quand même bénéficier d'un permis de port d'arme depuis 1995 ? La même dépêche de la Map affirme d'ailleurs que ce permis ne lui a été retiré qu'après l'incident du mardi 9 septembre. Cela veut dire qu'un malade mental s'est baladé pendant plusieurs armées avec un pistolet chargé à portée de main. Qui en porte la responsabilité «L'affaire suit son cours normal. L'enquête se poursuit et le parquet est maintenant saisi de l'affaire. On ne peut donc pas prévoir l'évolution des événements», affirme un haut gradé au sein de la préfecture de police de Casablanca. Affaire à suivre. Dans son entourage, Tarik Mouhib est présenté comme une personne équilibrée. Il est entre en fonction en 2002 et a toujours servi dans le district de Casa Anfa. «Cela veut dire qu'il est habitué à traiter avec ce genre de personnages. Si ce conducteur lui avait dévoilé son identité, Tarik l'aurait salué avec respect et l'aurait laissé filer. C'est malheureusement comme ça que marche notre pays», affirme un collègue à Tarik avant de conclure : «Nous acceptons d'être insultés par ces gens qui se croient tout permis. Ils nous crachent dessus ou nous collent des baffes. Là, ils nous tirent carrément dessus. Ils ont raison de nous considérer comme des insectes finalement».
Driss Bennani
Source: Le Soir Echos
__________________
Le mari d'une princesse (sœur de Hassan II) a tenté d'abattre, mardi a Casablanca un policier en uniforme. Ce dernier lui avait simplement demandé les papiers de la voiture.
A la clinique où il a été transporté d'urgence, Tariq Mouhib, policier de la circulation à Casa-Anfa, a du mal à croire ce qu'il a vécu ce mardi 9 septembre 2008. Les yeux larmoyants, il touche l'impact de la balle sur sa cuisse gauche, murmure quelques mots inaudibles, puis replonge dans un état second.
A l'entrée de sa chambre, deux policiers interdisent l'accès aux collègues et membres de la famille venus rendre visite au jeune policier. «Nous avons des ordres stricts. Personne n 'a le droit de lui parler maintenant», nous répond-on. C'est que l'affaire est assez grave. Peu avant l'heure du f'tour, vers 18h 30, Tarik, 32 ans, arrête une voiture luxueuse qui venait de griller un stop au niveau de la corniche casablancaise. «Lorsqu 'il demande les papiers de la voiture au conducteur, ce dernier lui répond : tu n'es qu 'une sale mouche et tu oses me demander mes papier», raconte un proche du policier Tarik Mouhib. Ce dernier insiste et redemande à voir les papiers de ce conducteur si particulier. Exaspéré, ce dernier descend de sa voiture (un 4x4 Infinity noir) et sort un pistolet de sa boîte à gants. «Tu crois être le seul à avoir une arme l'yemmak ? Moi aussi, j'en ai une, espèce de bakhouch (insecte)», répond le conducteur. Quelques secondes plus tard, une première balle quitte le foyer du pistolet pour se loger en haut de la cuisse gauche du policier. Sans perdre conscience, ce dernier s'écroule et se tord de douleur. Rapidement, une foule se forme autour de la scène et des policiers, qui étaient en poste à proximité, accourent sur place. La confusion est totale. Le policier est évacué assez rapidement, mais le conducteur est encerclé par des dizaines de curieux qui faisaient du sport ou qui regagnaient leurs domiciles en cette heure de pointe. Très vite, un cordon sécuritaire est installé tout autour de la voiture. Toute la préfecture de police de Casablanca a fait le déplacement. Les mines sont défaites et les traits sont graves. Les radios crachotent, au moment où notre conducteur reste confortablement installé dans son fauteuil en cuir, constamment accroché à son téléphone. «C'est un ch'rif. Quelqu'un de très important. La situation est très délicate», affirme, entre deux messages radios, un adjoint du préfet de police de Casablanca. Quand des photographes de presse commencent à shooter «le conducteur VIP», un policier prend le volant du 4x4 et se fraye difficilement un chemin au milieu de la foule pour disparaître dans le trafic casablancais.
A la clinique où il a été transporté, la situation du jeune policier est jugée stable. «C'est une balle à fragmentation. Nous n'avons pu extraire que le gros morceau. Six petites particules sont encore plantées dans la cuisse. Nous ne pourrons nous exprimer qu'après 24 heures», explique un infirmier sur place. Dans la salle de radiologie, le jeune policier est en pleurs. Deux mots reviennent dans sa bouche : «Il m'a traité de bakhouch, de debbane. Je n'ai pourtant fait que mon boulot». Tarik est ensuite placé dans une chambre sécurisée, avec double vitrage. Une infirmière reste constamment a son chevet, pendant que plusieurs commissaires et autres responsables de la wilaya défilent dans les couloirs de la clinique casablancaise. La famille du jeune policier est d'abord interdite de lui rendre visite, mais sa mère est autorisée, exceptionnellement, à le prendre dans ses bras. En quittant la chambre, elle est visiblement sous le choc. Elle murmure des mots inaudibles, avant d'éclater en sanglots : «Je n'ai que deux fils et ils ont voulu me tuer le premier». A la tombée de la nuit : une question est sur toutes les lèvres : qui peut bien être le conducteur de la voiture ? «On sait que c'est quelqu'un de très important et qu'il est proche de la famille royale. C'est tout», affirme un policier présent à la clinique.
A Rabat, une réunion de crise réunit plusieurs responsables au siège de la DGSN. Cherche-t-on à étouffer l'affaire ou à masquer l'identité du conducteur ? Mystère. Toujours est-il que vers 21 heures de la même soirée: un nom circule avec insistance. Hassan Yacoubi, mari de l'une des sœurs de Hassan II, et donc tante du roi Mohammed VI. L'homme venait apparemment tout juste de quitter le golf d'Anfa en compagnie dé quelques amis quand le policier l'a intercepté .Presque au même moment (vers 21 heures 30), une autre information plonge la famille du jeune policier dans un gros chagrin. Hassan Yacoubi vient d'être admis en hôpital psychiatrique.
Il souffrirait, selon des sources informées, de troubles comportementaux et psychiques. La belle astuce ! La dépêche officielle confirme cette version des faits. «... dans un état de démence avancé, Hassan Yacoubi (HY) a fait usage d'une arme à feu, blessant légèrement à la jambe, le policier. HY souffre depuis plusieurs années de la maladie de Korsakoff, qui entraîne une dégénérescence mentale grave. Il a suivi divers traitements psychiatriques pendant cinq ans dans des établissements spécialisés, au Maroc et en Italie», peut-on lire sur la dépêche. M. Yacoubi est peut-être atteint d'une maladie mentale grave, mais comment expliquer dans ce cas qu'il puisse quand même bénéficier d'un permis de port d'arme depuis 1995 ? La même dépêche de la Map affirme d'ailleurs que ce permis ne lui a été retiré qu'après l'incident du mardi 9 septembre. Cela veut dire qu'un malade mental s'est baladé pendant plusieurs armées avec un pistolet chargé à portée de main. Qui en porte la responsabilité «L'affaire suit son cours normal. L'enquête se poursuit et le parquet est maintenant saisi de l'affaire. On ne peut donc pas prévoir l'évolution des événements», affirme un haut gradé au sein de la préfecture de police de Casablanca. Affaire à suivre. Dans son entourage, Tarik Mouhib est présenté comme une personne équilibrée. Il est entre en fonction en 2002 et a toujours servi dans le district de Casa Anfa. «Cela veut dire qu'il est habitué à traiter avec ce genre de personnages. Si ce conducteur lui avait dévoilé son identité, Tarik l'aurait salué avec respect et l'aurait laissé filer. C'est malheureusement comme ça que marche notre pays», affirme un collègue à Tarik avant de conclure : «Nous acceptons d'être insultés par ces gens qui se croient tout permis. Ils nous crachent dessus ou nous collent des baffes. Là, ils nous tirent carrément dessus. Ils ont raison de nous considérer comme des insectes finalement».
Driss Bennani
Source: Le Soir Echos
__________________