Démocratie en panne, pays en berne
par Mohammed Guétarni *
La politique est, avant tout, une science exacte (et non expérimentale) de l'exercice du pouvoir dans une société organisée. Autrement dit, les politiques n'ont pas droit à l'erreur. Faute de quoi s'applique la devise de Platon: tout ce que font les gouvernants comme erreurs, les Grecs (ou les Algé-Riens en l'occurrence) le paient «chairement.» C'est pourquoi, ce vocable qui paraît, à l'évidence sémantique, prend des allures de règles scientifiquement établies.
La politique, selon certains politologues, est Janus (1) en ce que le Pouvoir est, à la fois, l'instrument de domination pour maintenir l'ordre public mais aussi et surtout le moyen d'assurer la sécurité et le bonheur du citoyen et l'intégration collective. Elle est appelée à régler la vie sociale, économique, culturelle... de la société de tous les jours. Cependant, une pareille politique ne peut être exercée que par des professionnels à compétences et abnégation avérées, élus démocratiquement au suffrage universel.
Dès qu'il entre en fonction, le nouveau chef (de l'État ou du Gouvernement) devient le chef de tous ses compatriotes sans distinction aucune ni de partis, ni de races, de classes, d'ethnies ou de sexes. Un pareil pouvoir, doué de telle sagesse légendaire, assure honneur et bonheur à toute sa nation.
Si, paradoxalement, le Pouvoir cultive sciemment la dépolitisation de la société (comme au temps du Parti unique), la politique se pervertira et favorisera, sinon encouragera la démobilisation sociale, voire même l'immobilisme de la société et un conservatisme rétrograde (que nous vivons, hélas, aujourd'hui). Les gouvernants deviennent les oppresseurs du peuple dans l'unique intention de conserver «leur» pouvoir et leurs privilèges le plus longtemps possible. Ils veillent plus sur leurs affaires personnelles que celles de l'État et du Citoyen pour lesquelles ils sont nommés et grassement payés.
Alors, commencent les maux provoqués par un tel césarisme que les mots restent incapables de traduire.
Dans les pays réellement démocratiques où la voix de l'électeur pèse de tout son poids dans la balance de l'urne, le «Président» est élu pour deux mandats tout au plus à l'instar de Clinton, Bush, Chirac... Le Chef arabe, une fois installé au sommet de la «pire-amide» du pouvoir, en devient «Résident» puisqu'il est assuré d'être continuellement reconduit dans ses fonctions et se succède indéfiniment à lui-même jusqu'à la fin de ses jours à l'exemple d'El-Kadafi, Moubarek, El-Assad... Pire, ces mégalos préparent déjà leurs héritiers à hériter leurs trônes.
C'est une sorte de monarchies républicaines qui ne dit pas son nom et où les classes dirigeantes se régénèrent perpétuellement pour garder toujours les rênes du pouvoir entre leurs mains. C'est, en quelque sorte, la matérialisation de la devise de Mussolini: «le Pouvoir, c'est nous, pour nous et entre nous.»
La démocratie, en Algérie, semble plus virtuelle que réelle tant que l'Opposition n'a ni voix au chapitre, ni droit de regard sur ce que fait le Pouvoir en place à l'instar d'autres pays, tant qu'il n'y a pas de débats télévisés entre des membres du Gouvernement et ceux de l'Opposition, tant que le responsable, à quel niveau que ce soit - Président d'A.P.C. ou de la République, Chef de daïra ou du gouvernement - n'a de compte à rendre qu'à lui-même et jamais devant ses compatriotes. Nous sommes en droit de nous interroger de quelle démocratie s'agit-il? Celle-ci est, en tout état de cause, incompatible avec un pareil mode de gestion. Sinon, ce ne sont que «des-mots-crachés» ou «des-maux-cratie »
Il est, notoirement, connu qu'un Souverain devient puissant par sa droiture et sa loyauté envers son peuple, par la force du Droit et de la Justice et non par la répression et la terreur. Chaque Chef arabe se prend pour le Pharaon de son peuple. Un «haut dieu» qu'il, faut craindre et lui obéir. Faut-il, alors, un Moïse à chacun pour lui rappeler, sans diviser la mer pour frayer sa voie du salut (le temps des miracles est révolu), qu'il est un simple mortel parmi les mortels et que s'il est à la tête de son pays, il n'est pas créé d'un meilleur limon mais de la même terre que tous ses compatriotes. Les autres pays réellement démocratiques sont gouvernés par des souverains à l'exemple de Périclès ou de Minos parce qu'ils sont élus par les urnes et non au moyen de fraudes électorales comme dans nos contrée.
Le monde arabe est en train de «construire sa propre destruction» et «érige sa propre faillite» parce qu'il n'y a plus de Chef de la trempe de Omar Ibn-Khattab considéré par le Prophète lui-même (QSSSL) comme la Justice personnifiée. Un véritable savant à la tête de son peuple. L'intelligence de l'incompétence conduit droit vers la déliquescence de l'État et, par suite, vers la délinquance sociale qui se traduit par la violence, le terrorisme, la corruption, les détournements de deniers publics, le laisser-aller, le laisser-faire... qui affaiblissent l'État et ses institutions et empoisonnent la vie du citoyen.
Pourtant, l'Islam exhorte à l'acquisition du savoir et bénit ses détenteurs. Il insiste, également, sur l'égalité de tous devant Dieu. Nous sommes tous égaux devant la naissance, l'enfance, la vieillesse, la maladie, la mort. Par ailleurs, notre religion souligne la parenté des croyants. «Tous les croyants sont frères.» (2) Cette parenté doit interpeller les Gouvernants arabes à traiter leurs gouvernés de la même manière et avec équité comme au temps de Omar, abstraction faite de la naissance, de la famille, du rang social ou toute autre considération si ce n'est le mérite et l'abnégation.
Tout au début de l'humanité, il n'y avait ni noble, ni aristocrate. Comme disait la maxime: «Quand Adam piochait et Eve filait, qui était gentilhomme?» Ce qui montre que tous les hommes naissent égaux en droits et en devoirs. Accomplir consciencieusement son Devoir vis-à-vis de Dieu et la Nation est l'assurance garantie des Droits de tous. D'ailleurs, le sociologue français Émile Durkheim a bien formulé cette idée: «Si chacun faisait SON devoir, disait-il, tout le monde obtiendrait SES droits sans les réclamer.»
Un régime politique sans démocratie est malade. Il porte en lui les germes de son propre mal qui se traduisent par le népotisme, le despotisme, les passe-droits... De même, un système dictatorial est source d'appauvrissement et de régression de la société. Une démocratie réelle (et non virtuelle comme la nôtre), où les pouvoirs sont séparés, où les responsables sont les premiers à craindre et respecter la loi et sont sommés à rendre des comptes, où le Droit et le Savoir sont les deux jambes sur lesquelles s'appuie le pays, favorise incontestablement la cohésion sociale. Son président devient un véritable ascète. Il est aimé et vénéré par son peuple comme un enfant aime et respecte son père et, lui, aime son peuple et le vénère comme un père aime son enfant.
Dans le monde arabe, ce genre de président n'existe plus de puis Omar Ibn-Khattab. Il est à la tête de son pays -mais pas dans la tête de son peuple- par la force de ses baïonnettes ou au moyen de fraudes électorales. C'est pourquoi, nos chefs sont plus des Résidents à vie, dans leurs palais présidentiels que des Présidents élus pour un mandat. Cet «État» de fait, qui semble s'éterniser, ne prête guère à l'optimisme.
La démocratie en Algérie est en panne et le pays en berne. Les dernières élections législatives (votées par moins de 20%, donc rejetées par plus de 80% des électeurs) ont fait, certes, 350 «députés» heureux de leur prébende mais, en même temps, 35 millions de «dépités» malheureux. Ce n'est pas avec une pareille méthode de gestion perverse et surannée que l'on prétend sauver le pays de son naufrage et lui assurer un avenir à la hauteur des aspirations sociales. Pourtant en démocratie, la souveraineté, dit-on, revient... au peuple. Est-ce vrai chez nous? Nous ne pouvons que l'espérer.
Aux grands hommes, Dieu, Nation et Société sont reconnaissants.
1 : Janus (mythe romain). Un des anciens dieux de Rome. Il est gardien des portes dont il surveille les entrées et les sorties. C'est pourquoi, il est représenté par deux visages.
A Rome, le temple de Janus n'est fermé qu'en temps de paix.
2 : Soura: 50 ; Verset : 10.
par Mohammed Guétarni *
La politique est, avant tout, une science exacte (et non expérimentale) de l'exercice du pouvoir dans une société organisée. Autrement dit, les politiques n'ont pas droit à l'erreur. Faute de quoi s'applique la devise de Platon: tout ce que font les gouvernants comme erreurs, les Grecs (ou les Algé-Riens en l'occurrence) le paient «chairement.» C'est pourquoi, ce vocable qui paraît, à l'évidence sémantique, prend des allures de règles scientifiquement établies.
La politique, selon certains politologues, est Janus (1) en ce que le Pouvoir est, à la fois, l'instrument de domination pour maintenir l'ordre public mais aussi et surtout le moyen d'assurer la sécurité et le bonheur du citoyen et l'intégration collective. Elle est appelée à régler la vie sociale, économique, culturelle... de la société de tous les jours. Cependant, une pareille politique ne peut être exercée que par des professionnels à compétences et abnégation avérées, élus démocratiquement au suffrage universel.
Dès qu'il entre en fonction, le nouveau chef (de l'État ou du Gouvernement) devient le chef de tous ses compatriotes sans distinction aucune ni de partis, ni de races, de classes, d'ethnies ou de sexes. Un pareil pouvoir, doué de telle sagesse légendaire, assure honneur et bonheur à toute sa nation.
Si, paradoxalement, le Pouvoir cultive sciemment la dépolitisation de la société (comme au temps du Parti unique), la politique se pervertira et favorisera, sinon encouragera la démobilisation sociale, voire même l'immobilisme de la société et un conservatisme rétrograde (que nous vivons, hélas, aujourd'hui). Les gouvernants deviennent les oppresseurs du peuple dans l'unique intention de conserver «leur» pouvoir et leurs privilèges le plus longtemps possible. Ils veillent plus sur leurs affaires personnelles que celles de l'État et du Citoyen pour lesquelles ils sont nommés et grassement payés.
Alors, commencent les maux provoqués par un tel césarisme que les mots restent incapables de traduire.
Dans les pays réellement démocratiques où la voix de l'électeur pèse de tout son poids dans la balance de l'urne, le «Président» est élu pour deux mandats tout au plus à l'instar de Clinton, Bush, Chirac... Le Chef arabe, une fois installé au sommet de la «pire-amide» du pouvoir, en devient «Résident» puisqu'il est assuré d'être continuellement reconduit dans ses fonctions et se succède indéfiniment à lui-même jusqu'à la fin de ses jours à l'exemple d'El-Kadafi, Moubarek, El-Assad... Pire, ces mégalos préparent déjà leurs héritiers à hériter leurs trônes.
C'est une sorte de monarchies républicaines qui ne dit pas son nom et où les classes dirigeantes se régénèrent perpétuellement pour garder toujours les rênes du pouvoir entre leurs mains. C'est, en quelque sorte, la matérialisation de la devise de Mussolini: «le Pouvoir, c'est nous, pour nous et entre nous.»
La démocratie, en Algérie, semble plus virtuelle que réelle tant que l'Opposition n'a ni voix au chapitre, ni droit de regard sur ce que fait le Pouvoir en place à l'instar d'autres pays, tant qu'il n'y a pas de débats télévisés entre des membres du Gouvernement et ceux de l'Opposition, tant que le responsable, à quel niveau que ce soit - Président d'A.P.C. ou de la République, Chef de daïra ou du gouvernement - n'a de compte à rendre qu'à lui-même et jamais devant ses compatriotes. Nous sommes en droit de nous interroger de quelle démocratie s'agit-il? Celle-ci est, en tout état de cause, incompatible avec un pareil mode de gestion. Sinon, ce ne sont que «des-mots-crachés» ou «des-maux-cratie »
Il est, notoirement, connu qu'un Souverain devient puissant par sa droiture et sa loyauté envers son peuple, par la force du Droit et de la Justice et non par la répression et la terreur. Chaque Chef arabe se prend pour le Pharaon de son peuple. Un «haut dieu» qu'il, faut craindre et lui obéir. Faut-il, alors, un Moïse à chacun pour lui rappeler, sans diviser la mer pour frayer sa voie du salut (le temps des miracles est révolu), qu'il est un simple mortel parmi les mortels et que s'il est à la tête de son pays, il n'est pas créé d'un meilleur limon mais de la même terre que tous ses compatriotes. Les autres pays réellement démocratiques sont gouvernés par des souverains à l'exemple de Périclès ou de Minos parce qu'ils sont élus par les urnes et non au moyen de fraudes électorales comme dans nos contrée.
Le monde arabe est en train de «construire sa propre destruction» et «érige sa propre faillite» parce qu'il n'y a plus de Chef de la trempe de Omar Ibn-Khattab considéré par le Prophète lui-même (QSSSL) comme la Justice personnifiée. Un véritable savant à la tête de son peuple. L'intelligence de l'incompétence conduit droit vers la déliquescence de l'État et, par suite, vers la délinquance sociale qui se traduit par la violence, le terrorisme, la corruption, les détournements de deniers publics, le laisser-aller, le laisser-faire... qui affaiblissent l'État et ses institutions et empoisonnent la vie du citoyen.
Pourtant, l'Islam exhorte à l'acquisition du savoir et bénit ses détenteurs. Il insiste, également, sur l'égalité de tous devant Dieu. Nous sommes tous égaux devant la naissance, l'enfance, la vieillesse, la maladie, la mort. Par ailleurs, notre religion souligne la parenté des croyants. «Tous les croyants sont frères.» (2) Cette parenté doit interpeller les Gouvernants arabes à traiter leurs gouvernés de la même manière et avec équité comme au temps de Omar, abstraction faite de la naissance, de la famille, du rang social ou toute autre considération si ce n'est le mérite et l'abnégation.
Tout au début de l'humanité, il n'y avait ni noble, ni aristocrate. Comme disait la maxime: «Quand Adam piochait et Eve filait, qui était gentilhomme?» Ce qui montre que tous les hommes naissent égaux en droits et en devoirs. Accomplir consciencieusement son Devoir vis-à-vis de Dieu et la Nation est l'assurance garantie des Droits de tous. D'ailleurs, le sociologue français Émile Durkheim a bien formulé cette idée: «Si chacun faisait SON devoir, disait-il, tout le monde obtiendrait SES droits sans les réclamer.»
Un régime politique sans démocratie est malade. Il porte en lui les germes de son propre mal qui se traduisent par le népotisme, le despotisme, les passe-droits... De même, un système dictatorial est source d'appauvrissement et de régression de la société. Une démocratie réelle (et non virtuelle comme la nôtre), où les pouvoirs sont séparés, où les responsables sont les premiers à craindre et respecter la loi et sont sommés à rendre des comptes, où le Droit et le Savoir sont les deux jambes sur lesquelles s'appuie le pays, favorise incontestablement la cohésion sociale. Son président devient un véritable ascète. Il est aimé et vénéré par son peuple comme un enfant aime et respecte son père et, lui, aime son peuple et le vénère comme un père aime son enfant.
Dans le monde arabe, ce genre de président n'existe plus de puis Omar Ibn-Khattab. Il est à la tête de son pays -mais pas dans la tête de son peuple- par la force de ses baïonnettes ou au moyen de fraudes électorales. C'est pourquoi, nos chefs sont plus des Résidents à vie, dans leurs palais présidentiels que des Présidents élus pour un mandat. Cet «État» de fait, qui semble s'éterniser, ne prête guère à l'optimisme.
La démocratie en Algérie est en panne et le pays en berne. Les dernières élections législatives (votées par moins de 20%, donc rejetées par plus de 80% des électeurs) ont fait, certes, 350 «députés» heureux de leur prébende mais, en même temps, 35 millions de «dépités» malheureux. Ce n'est pas avec une pareille méthode de gestion perverse et surannée que l'on prétend sauver le pays de son naufrage et lui assurer un avenir à la hauteur des aspirations sociales. Pourtant en démocratie, la souveraineté, dit-on, revient... au peuple. Est-ce vrai chez nous? Nous ne pouvons que l'espérer.
Aux grands hommes, Dieu, Nation et Société sont reconnaissants.
* Docteur ès Lettres
Université de Chlef.
Université de Chlef.
Quotidien d'Oran
1 : Janus (mythe romain). Un des anciens dieux de Rome. Il est gardien des portes dont il surveille les entrées et les sorties. C'est pourquoi, il est représenté par deux visages.
A Rome, le temple de Janus n'est fermé qu'en temps de paix.
2 : Soura: 50 ; Verset : 10.