Expulsion arbitraire des Marocains d’Algérie : Une Marche verte… maudite ?
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Benhamed Mohammadi
07 Novembre 2008
Autodidacte et patriote, le président de l’ADMEA (Association des Marocains expulsés d’Algérie) est aussi un leader associatif. Mohamed El Herrouachi a abattu, depuis 2005 date de création de l’ONG, un travail de sensibilisation et de mobilisation des troupes. Il fait le point avec nos lecteurs quelque 3 années après.
La Gazette du Maroc : Combien de Marocains ont été expulsés arbitrairement d’Algérie en 1975 et dans quelles conditions ?
Mohamed El Herrouachi : 45 000 familles totalisant 350 000 individus qui, aujourd’hui, 33 ans après le drame de l’expulsion arbitraire, atteignent 1 500 000 membres. L’expulsion avait déjà démarré en 1963 à la suite de la guerre des sables, puis le 19 juin 1965 après le coup d’Etat putschiste de Houari Boumédienne. Aussi, en 1968, avec la défaite de l’Egypte en controverse avec l’Algérie, l’expulsion a fait des victimes parmi nos ressortissants. Tout prétexte pour se venger du Maroc était bon à prendre, mais en décembre 1975, ce fut le drame de la «Marche noire» de Boumédienne contre la Marche Verte de Hassan II. Le cynisme du putschiste poussa l’outrecuidance jusqu’à faire coïncider le nombre d’expulsés, au nombre de volontaires participant à la Marche verte.
Pour quels motifs ont-ils fait l’objet de cette mesure contraire aux lois de l’émigration et aux droits de l’homme?
Les dirigeants algériens sont des putschistes qui ne connaissent que le langage de la force. D’où l’instauration d’un Conseil de la Révolution, plus haute instance de commandement, présidée par Boumédienne, comptant 27 membres dont 18 militaires. C’est un Etat bandit qui a bafoué les termes de l’accord bilatéral entre les ministres des Affaires Etrangères de 1963 entre les deux pays, règlementant l’émigration réciproque et droit d’établissement.
Comment se sont déroulées les opérations d’accueil au Maroc ?
Vu le nombre d’expulsés, et quels que soient les moyens dont disposent le Maroc, les besoins avaient dépassé les possibilités. Ce qui a poussé à privilégier un traitement sécuritaire de nos ressortissants accueillis dans leur mère patrie.
Comment s’est opérée l’aide à la réinsertion des Expulsés ?
13 années durant, des familles sont restées dans les camps sous des tentes de fortune. La réinsertion est très difficile. Surtout, quand la majorité des refoulés se sont vus offrir des petits emplois temporaires (chaouchs, gardiennage…) et que les écoliers se moquaient des enfants des expulsés en les narguant avec les “ 600 DH que touche ton papa ! ”. Depuis, le gouvernement les a oubliés. Lorsque le chef de famille décède ou part à la retraite, les décisions judiciaires d’expulsion (une autre ?) sèment le désarroi dans les familles menacées de se retrouver, comme en 1975, à la rue. Se sentant victimes d’une double expulsion, algérienne et marocaine, ces nouveaux “ gitans ” n’ont plus foi en leur pays. Ils deviennent rancuniers et leur cœur est rempli d’indignation et de colère.
Comment expliquez-vous le silence des autorités marocaines face au fait accompli de l’Algérie de feu Boumédienne ?
La plupart des expulsés sont des Rifains et proviennent aussi de L’Oriental et de zones sahariennes, notamment le Tafilalet. qui justifie sa retenue par la nécessité de ne pas insulter l’avenir en entrant en guerre. Mais nous avons trop contenté l’Algérie. Cela suffit. Ils doivent nous rendre des comptes. C’est une question d’honneur et de dignité. Que ce soit clair : notre association est prête à se sacrifier pour le Sahara marocain, mais nous ne baisserons jamais les bras sur le dossier humanitaire pour recouvrer la plénitude de nos droits. Notre force c’est le lobbying exercé par des MRE expulsés qui ont réussi leur réinsertion active en Europe occidentale et en Amérique, et souvent à des postes stratégiques.
Quelle a été la réaction des partis politiques et de la société civile au Maroc et en Algérie ?
En Algérie, le black-out total ne peut s’expliquer que par la dure répression du pouvoir militaro-fasciste, la prédominance étouffante du FLN à l’époque et l’inexistence d’une opinion publique et d’une société civile. Il n’empêche que des voix solidaires se sont élevées, notamment celles de leaders politiques d’opposition dont Hocine Aït Hamed, Ferhat Abbas et Benyoussef Benkhedda. Ils avaient condamné l’expulsion arbitraire des Marocains et la prise du pouvoir par les putschistes. En revanche il est surprenant que la même loi du silence ait pu s’étendre au Maroc. Si les partis dits administratifs comme le gouvernement n’ont pas osé réagir, par contre on s’explique mal le profil bas adopté par les partis de gauche dont les militants étaient exilés à Alger, ce qui leur posait un problème de conscience. Le plus grave, ce sont les ONG des droits de l’homme qui n’ont pas bougé le petit doigt. Pourquoi ? Je voudrais bien le savoir.
Quelles ont été les actions de solidarité organisées avec les MRE expulsés en Algérie, au Maroc et à l’étranger ?
Au Maroc, il n’y a pas de solidarité effective, en raison du fait que le dossier est totalement ignoré. Ce n’est qu’en 2005 que l’on commence à en parler avec l’avènement de l’ADMEA qui a constaté la grande surprise de nos concitoyens en entendant parler du drame subi par leurs frères ce “ décembre noir algérien ”. Il faut saluer aussi la presse indépendante marocaine qui nous a soutenus dans la révélation au grand jour du scandale de l’expulsion arbitraire, et commence à nous accompagner dans la restitution de la vérité historique sur les faits.
Ce crime contre l’humanité a laissé des séquelles vivaces de l’autre côté des frontières car, au moins, 20 000 familles mixtes ont été directement affectées par ces regrettables évènements et 12000 femmes algériennes mariées à des Marocains expulsés ont dû “ brûler ” les frontières pour rejoindre les leurs dans le Royaume.
En Europe, les victimes s’activent pour recouvrer leurs droits spoliés et la solidarité entre toutes les composantes de nos rangs s’est renforcée après le grand succès de la rencontre nationale de Rabat du 20 juillet 2008 à laquelle ont fortement participé aussi tous nos compatriotes vivant dans les pays occidentaux. Dans quelques semaines, une délégation de notre association se rendra aux Etats-Unis d’Amérique pour des rencontres de sensibilisation programmées avec des parlementaires US du Congrès, des responsables des deux partis démocrate et républicain et des responsables de l’ONU.
ADMEA
Une ONG militante de terrain
En dépit de tentatives « télécommandées » pour semer la confusion dans les esprits et la zizanie dans les rangs, notamment en parachutant des associations fantoches s’octroyant la « légitimité représentative » des MRE expulsés d’Algérie, (il en existe au moins deux, à Rabat et Oujda qui n’ont aucune audience), cherchant désespérément à provoquer l’amnésie collective autour du drame de 1975, l’ADMEA (Association des Marocains expulsés d’Algérie) a repoussé toutes les attaques en confortant ses assises régionales par un travail de terrain omniprésent. Mieux encore, au bout de 3 années seulement d’existence, l’ADMEA compte plus 7000 adhérents répartis entre 15 sections régionales auxquelles s’ajoutent deux autres sections en France et en Belgique. Trois objectifs, un dans chaque axe Algérie, Maroc et Etranger, sont prioritaires : défendre les droits des MRE expulsés d’Algérie, plaider les affaires des victimes dans le cadre de leur réinsertion au Maroc et, en dernier lieu, engager les poursuites et démarches internationales contre les bourreaux algériens. « Je suis constamment en déplacement, en contact de terrain avec mes compatriotes », explique El Herrouachi. Mieux encore, l’ADMEA n’existe que par la seule volonté de ses responsables dont le président et le vice-président Daoudi Noureddine, homme d’affaires qui financent de leur propres fonds les programmes d’activités de leur association. « Nous n’avons encore jamais reçu à ce jour un centime en don ou subvention de qui que ce soit », et pourtant l’ADMEA est très active : un cas d’école pour une organisation auto-financée par la contribution bénévole des responsables.
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Benhamed Mohammadi
07 Novembre 2008
Autodidacte et patriote, le président de l’ADMEA (Association des Marocains expulsés d’Algérie) est aussi un leader associatif. Mohamed El Herrouachi a abattu, depuis 2005 date de création de l’ONG, un travail de sensibilisation et de mobilisation des troupes. Il fait le point avec nos lecteurs quelque 3 années après.
La Gazette du Maroc : Combien de Marocains ont été expulsés arbitrairement d’Algérie en 1975 et dans quelles conditions ?
Mohamed El Herrouachi : 45 000 familles totalisant 350 000 individus qui, aujourd’hui, 33 ans après le drame de l’expulsion arbitraire, atteignent 1 500 000 membres. L’expulsion avait déjà démarré en 1963 à la suite de la guerre des sables, puis le 19 juin 1965 après le coup d’Etat putschiste de Houari Boumédienne. Aussi, en 1968, avec la défaite de l’Egypte en controverse avec l’Algérie, l’expulsion a fait des victimes parmi nos ressortissants. Tout prétexte pour se venger du Maroc était bon à prendre, mais en décembre 1975, ce fut le drame de la «Marche noire» de Boumédienne contre la Marche Verte de Hassan II. Le cynisme du putschiste poussa l’outrecuidance jusqu’à faire coïncider le nombre d’expulsés, au nombre de volontaires participant à la Marche verte.
Pour quels motifs ont-ils fait l’objet de cette mesure contraire aux lois de l’émigration et aux droits de l’homme?
Les dirigeants algériens sont des putschistes qui ne connaissent que le langage de la force. D’où l’instauration d’un Conseil de la Révolution, plus haute instance de commandement, présidée par Boumédienne, comptant 27 membres dont 18 militaires. C’est un Etat bandit qui a bafoué les termes de l’accord bilatéral entre les ministres des Affaires Etrangères de 1963 entre les deux pays, règlementant l’émigration réciproque et droit d’établissement.
Comment se sont déroulées les opérations d’accueil au Maroc ?
Vu le nombre d’expulsés, et quels que soient les moyens dont disposent le Maroc, les besoins avaient dépassé les possibilités. Ce qui a poussé à privilégier un traitement sécuritaire de nos ressortissants accueillis dans leur mère patrie.
Comment s’est opérée l’aide à la réinsertion des Expulsés ?
13 années durant, des familles sont restées dans les camps sous des tentes de fortune. La réinsertion est très difficile. Surtout, quand la majorité des refoulés se sont vus offrir des petits emplois temporaires (chaouchs, gardiennage…) et que les écoliers se moquaient des enfants des expulsés en les narguant avec les “ 600 DH que touche ton papa ! ”. Depuis, le gouvernement les a oubliés. Lorsque le chef de famille décède ou part à la retraite, les décisions judiciaires d’expulsion (une autre ?) sèment le désarroi dans les familles menacées de se retrouver, comme en 1975, à la rue. Se sentant victimes d’une double expulsion, algérienne et marocaine, ces nouveaux “ gitans ” n’ont plus foi en leur pays. Ils deviennent rancuniers et leur cœur est rempli d’indignation et de colère.
Comment expliquez-vous le silence des autorités marocaines face au fait accompli de l’Algérie de feu Boumédienne ?
La plupart des expulsés sont des Rifains et proviennent aussi de L’Oriental et de zones sahariennes, notamment le Tafilalet. qui justifie sa retenue par la nécessité de ne pas insulter l’avenir en entrant en guerre. Mais nous avons trop contenté l’Algérie. Cela suffit. Ils doivent nous rendre des comptes. C’est une question d’honneur et de dignité. Que ce soit clair : notre association est prête à se sacrifier pour le Sahara marocain, mais nous ne baisserons jamais les bras sur le dossier humanitaire pour recouvrer la plénitude de nos droits. Notre force c’est le lobbying exercé par des MRE expulsés qui ont réussi leur réinsertion active en Europe occidentale et en Amérique, et souvent à des postes stratégiques.
Quelle a été la réaction des partis politiques et de la société civile au Maroc et en Algérie ?
En Algérie, le black-out total ne peut s’expliquer que par la dure répression du pouvoir militaro-fasciste, la prédominance étouffante du FLN à l’époque et l’inexistence d’une opinion publique et d’une société civile. Il n’empêche que des voix solidaires se sont élevées, notamment celles de leaders politiques d’opposition dont Hocine Aït Hamed, Ferhat Abbas et Benyoussef Benkhedda. Ils avaient condamné l’expulsion arbitraire des Marocains et la prise du pouvoir par les putschistes. En revanche il est surprenant que la même loi du silence ait pu s’étendre au Maroc. Si les partis dits administratifs comme le gouvernement n’ont pas osé réagir, par contre on s’explique mal le profil bas adopté par les partis de gauche dont les militants étaient exilés à Alger, ce qui leur posait un problème de conscience. Le plus grave, ce sont les ONG des droits de l’homme qui n’ont pas bougé le petit doigt. Pourquoi ? Je voudrais bien le savoir.
Quelles ont été les actions de solidarité organisées avec les MRE expulsés en Algérie, au Maroc et à l’étranger ?
Au Maroc, il n’y a pas de solidarité effective, en raison du fait que le dossier est totalement ignoré. Ce n’est qu’en 2005 que l’on commence à en parler avec l’avènement de l’ADMEA qui a constaté la grande surprise de nos concitoyens en entendant parler du drame subi par leurs frères ce “ décembre noir algérien ”. Il faut saluer aussi la presse indépendante marocaine qui nous a soutenus dans la révélation au grand jour du scandale de l’expulsion arbitraire, et commence à nous accompagner dans la restitution de la vérité historique sur les faits.
Ce crime contre l’humanité a laissé des séquelles vivaces de l’autre côté des frontières car, au moins, 20 000 familles mixtes ont été directement affectées par ces regrettables évènements et 12000 femmes algériennes mariées à des Marocains expulsés ont dû “ brûler ” les frontières pour rejoindre les leurs dans le Royaume.
En Europe, les victimes s’activent pour recouvrer leurs droits spoliés et la solidarité entre toutes les composantes de nos rangs s’est renforcée après le grand succès de la rencontre nationale de Rabat du 20 juillet 2008 à laquelle ont fortement participé aussi tous nos compatriotes vivant dans les pays occidentaux. Dans quelques semaines, une délégation de notre association se rendra aux Etats-Unis d’Amérique pour des rencontres de sensibilisation programmées avec des parlementaires US du Congrès, des responsables des deux partis démocrate et républicain et des responsables de l’ONU.
ADMEA
Une ONG militante de terrain
En dépit de tentatives « télécommandées » pour semer la confusion dans les esprits et la zizanie dans les rangs, notamment en parachutant des associations fantoches s’octroyant la « légitimité représentative » des MRE expulsés d’Algérie, (il en existe au moins deux, à Rabat et Oujda qui n’ont aucune audience), cherchant désespérément à provoquer l’amnésie collective autour du drame de 1975, l’ADMEA (Association des Marocains expulsés d’Algérie) a repoussé toutes les attaques en confortant ses assises régionales par un travail de terrain omniprésent. Mieux encore, au bout de 3 années seulement d’existence, l’ADMEA compte plus 7000 adhérents répartis entre 15 sections régionales auxquelles s’ajoutent deux autres sections en France et en Belgique. Trois objectifs, un dans chaque axe Algérie, Maroc et Etranger, sont prioritaires : défendre les droits des MRE expulsés d’Algérie, plaider les affaires des victimes dans le cadre de leur réinsertion au Maroc et, en dernier lieu, engager les poursuites et démarches internationales contre les bourreaux algériens. « Je suis constamment en déplacement, en contact de terrain avec mes compatriotes », explique El Herrouachi. Mieux encore, l’ADMEA n’existe que par la seule volonté de ses responsables dont le président et le vice-président Daoudi Noureddine, homme d’affaires qui financent de leur propres fonds les programmes d’activités de leur association. « Nous n’avons encore jamais reçu à ce jour un centime en don ou subvention de qui que ce soit », et pourtant l’ADMEA est très active : un cas d’école pour une organisation auto-financée par la contribution bénévole des responsables.
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