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Langue et dyglossie

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admin"SNP1975"

admin
Admin

UN SPÉCIALISTE L'AFFIRME :
"L'Algérien ne maîtrise aucune langue !"

"Les études ayant trait aux langues et cultures populaires en Algérie ont longtemps été frappées d’interdits sous divers prétextes liés aux étapes historiques que notre pays a traversées. Par moments, c’étaient des considérations d’ordre tactique qui étaient invoquées ou des considérations liées à «l’unité nationale menacée» ou la diversion par rapport à la réalisation prioritaire d’un projet socioéconomique.”

C’est ainsi que M. Abderrezak Dourari, professeur des sciences du langage, département traduction, université d’Alger, a identifié le malaise linguistique et identitaire en Algérie, dans l’un de ses ouvrages Les malaises de la société algérienne. Crise de langues et crise d’identité, paru aux éditions Casbah, en 2004. Dans cet entretien, ce chercheur, titulaire d’un doctorat d’Etat en linguistique de l’université de la Sorbonne, revient sur la problématique de l’enseignement des langues étrangères en Algérie, mais surtout touche du doigt le mal à l’origine de la difficulté des Algériens à se familiariser avec les langues. M. Dourari explique comment et pourquoi l’Algérien ne maîtrise aucune langue correctement, malgré ses dispositions linguistiques.
Le Soir d’Algérie : Qu’est-ce que signifie la langue pour celui qui la véhicule et quel est le rapport entre les deux ?
En essayant de répondre à cette question, ce sont d’autres interrogations qui se posent. C’est quoi exactement la langue de l’Algérien ? Ce n’est pas que je ne trouve pas de réponse, mais la situation linguistique en Algérie est caractérisée par un brouillage de repères, notamment depuis la mise en œuvre, début des années 1970, de la politique d’arabisation. Le pouvoir politique a, en effet, voulu imposer à la population un type de “langue officielle”, qui est l’arabe classique, que moi j’appellerai “l’arabe scolaire”. La confusion est telle que la langue officielle est celle imposée par l’Etat et du fait diffusée à l’école.
L’Algérien parle-t-il une langue particulière ?
Si on revient à la langue de l’Algérien. Je dirais que ce sont les langues maternelles. Celles-ci sont partagées en deux variétés : l’arabe algérien, qui est un arabe commun à tous les Algériens et aux pays du Maghreb en général. Son usage remonte au XIIIe siècle. 90% des populations du Maghreb utilisent cette langue, avec ses composants phénicien, arabe et berbère. La deuxième variété est le tamazight, qui, à son tour, est composé de plusieurs sous-variétés, le kabyle, le chaoui, le mozabite et le tergui. Ainsi, l’Algérien naît dans une de ces variétés ou sous-variétés. A un moment de sa vie, à un âge précoce, il est confronté à une ou plusieurs des autres variétés. D’ailleurs, les recherches et les études ont confirmé qu’il n’existe pas en Algérie une zone monolingue. Je résume cela en disant que l’arabe algérien est une langue véhiculaire et les variétés natives sont des langues vernaculaires (dialectales).
A partir de quel moment on peut faire la différence entre ces deux variétés ?
L’Algérien pratique l’arabe véhiculaire à partir de l’école. C’est le moment où il confronte sa langue de naissance à celle de tous les Algériens, la langue officielle. Cependant, il est important de mettre l’accent sur une troisième langue qui est aussi la première langue étrangère en Algérie, le français en l’occurrence. Car même si dans la politique d’arabisation, celle-ci a été largement négligée et délaissée, elle reste une langue présente dans la société et dans la vie de l’enfant dès ses premières années.
Selon vous, à quel degré l’Algérien maîtrise- t-il sa langue ?
L’Algérien maîtrise ses langues maternelles qui sont les langues de l’affection, de l’émotion et de l’expression. Il maîtrise aussi les langues de l’école : l’arabe scolaire et le français. Malheureusement, ces dernières années ont enregistré une grande faillite dans le niveau de maîtrise des langues. Celui-ci a commencé à chuter à partir des années 80. La maîtrise de la langue dépend des méthodes pédagogiques d’enseignement et des manuels scolaires. Or, l’arabe scolaire a régressé considérablement ces dernières années et ce, pour deux raisons. La première est due à l’application des méthodes didactiques, employées dans l’enseignement et qui font croire que la langue enseignée est la langue maternelle, alors que c’est faux. Elle n’est pas celle de tous les Algériens. D’ailleurs, l’arabe était mieux maîtrisé lorsqu’il a été enseigné dans les lycées franco-musulmans. La seconde raison de la régression de la langue scolaire est celle du contenu pédagogique des programmes d’enseignement. En fait, la politique d’arabisation ne visait pas l’enseignement de la langue arabe, ni la diffusion de celle-ci, mais plutôt la diffusion des idées conservatrices, une idéologie. Cette dernière a causé beaucoup de tort à la maîtrise de cette langue. Je vais illustrer mon analyse en disant qu’à force d’aimer une langue, on finit par l’étouffer. Cette politique n’a pas servi la langue arabe, car elle n’a pas séparé la pédagogie de l’idéologie conservatrice.
Que faut-il faire dans cette situation ?
La langue arabe a besoin d’être revalorisée. Elle a besoin d’une véritable réforme sur le plan du contenu et des méthodes d’enseignement afin de la rattacher à la modernité.
C’est l’objectif des réformes entamées par le ministère de l’Education nationale…
De quelles réformes parlez- vous ? La commission Benzaghou pour la réforme du système éducatif a établi des recommandations dont nous ne connaissons pas le sort. Elles n’ont jamais été publiées, pourtant elles font le constat que je vous expose aujourd’hui sur la langue arabe et les langues étrangères en Algérie. Jusqu’à aujourd’hui, le système éducatif refuse d’adapter les nouvelles méthodes d’enseignement. Ce qui se fait actuellement ne reflète pas une vraie réforme. Ce sont des changements techniques qui ne touchent pas le fond du problème. L’autre vérité c’est que le ministère de l’Education n’a pas les moyens humains de sa politique. Pas de chercheurs capables de fournir des programmes d’enseignement qui s’adaptent aux besoins de la société algérienne, dans sa pluralité linguistique.
En finale, l’Algérien ne maîtrise pas sa langue...
Hélas, les étudiants ne maîtrisent aucune langue. Mon expérience dans le département de traduction me confirme cela. Même dans l’école doctorale, les étudiants n’arrivent pas à bien maîtriser les langues étrangères.
Et la langue française ?
Concernant la première langue étrangère, le français en l’occurrence, avec laquelle nous sommes familiarisés, elle a souffert également de la politique de marginalisation. Au lieu de valoriser cet acquis, nos responsables ont essayé de le briser. Pourtant, cette langue est bien un moyen de s’ouvrir à la science et au savoir. Or, cette attitude conservatrice et idéologique a fait qu’on a passé le temps à s’attaquer à tout ce qui ne rentre pas dans cette idéologie. La considérant comme la langue du colonisateur, les conservateurs ont utilisé ce faux argumentaire pour marginaliser le français, une langue utilisée par ailleurs par l’élite comme un instrument de guerre. La preuve est que tous les textes publiés pendant la guerre de Libération sont dans la langue française. Les dirigeants de la révolution algérienne sont tous des francisants. Il faudra également rappeler que le mouvement des oulémas n’a rejoint la révolution qu’en 1956. Reconnaissant que la langue française est celle qui a véhiculé l’idéologie des droits de l’homme, de la liberté et de la démocratie. Les premiers partis nationalistes ont été constitués à partir de l’immigration algérienne en France, formés par des partis politiques de ce pays colonisateur. Il faut préciser qu’il n’existe aucun lien entre la langue française et l’idéologie colonialiste.
Quel est le lien entre l’Algérien et cette langue ?
La langue française, du fait de son lien historique à l’Algérie, reste la langue étrangère la mieux maîtrisée. Sa capacité à véhiculer le savoir lui donne une place privilégiée dans notre société et dans notre école. On doit la considérer comme un atout, un avantage. Mais le contenu conservateur de la politique d’arabisation a fait que cette langue est restée à la marge. Vers la fin des années 1980, le ministère de l’Education nationale a mis en retraite des enseignants de la langue française les plus performants. Aujourd’hui, ce même ministère se plaint du manque d’enseignants et de ce fait il a eu recours à des professeurs dans les différentes langues arabe, anglaise et espagnole pour dispenser les cours de français. C’est une erreur et on comprend pourquoi nos enfants ne maîtrisent plus cette langue. Ajouter à cela les attitudes idéologiques et les méthodes didactiques choisies dans l’enseignement de cette langue qui ont fait qu’elle n’a pas été respectée en tant que langue étrangère.
Quelles sont les dispositions des Algériens dans l’apprentissage des langues ?
Un enfant est fait pour maîtriser plusieurs langues. Les neurologues le disent. Car il a, à un âge très précoce, une plasticité du cerveau qui le dispose à avoir des connaissances linguistiques très larges. Cependant la maîtrise des langues chez les enfants est conditionnée par les compétences des enseignants. Ce qui est aussi bon à savoir, c’est l’importance d’enseigner à l’enfant, dès ses premières années de l’école, sa langue natale. Cela le rassure et le rend plus disposé à s’ouvrir aux autres langues. Si on bâtit la maîtrise des autres langues sur la langue maternelle, tout enfant est capable de maîtriser parfaitement au moins cinq langues, sans confusion. Il est important que l’enfant ne se sente pas agressé dans sa langue et qu’il a le sentiment de se débarrasser de sa langue maternelle. Cependant, il est à préciser que même nos gouvernants ne maîtrisent pas la langue arabe. Alors qu’attendre d’un enfant ?

PARTIE



Dernière édition par admin le Mar 19 Oct - 13:48, édité 1 fois

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2Langue et dyglossie Empty Re: Langue et dyglossie Dim 12 Juil - 15:25

admin"SNP1975"

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Admin

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PARTIE II

Y a-t-il un décalage entre les langues écrites et parlées ?
La situation est dramatique, pour l’arabe, le tamazight et aussi pour les langues étrangères. Fondamentalement la langue est parlée avant d’être écrite. D’ailleurs les tentatives de certains pays de réformer l’écrit ont échoué. La langue n’est jamais pure, c’est comme la race. Toutes les langues sont métissées. Il n’ y a pas d’antagonisme entre le parlé et l’écrit. Parlant de notre pays, il est plus que nécessaire de réformer l’arabe scolaire et le tamazight.
Des écoles de formation en langues constatent que les Algériens ont des difficultés à apprendre les langues et sont très lents…
Ce n’est pas vrai. Les Algériens réagissent selon les besoins. C’est la nécessité de la langue qui décide de son apprentissage, sa fonctionnalité. Ce n’est pas spécial à l’Algérie, dans tous les pays, les langues sont pratiquées selon le degré de leur utilisation et pour aucune autre raison. Aujourd’hui, avec l’ouverture économique, l’Algérie s’est bien rendu compte de la nécessité de s’ouvrir aux langues étrangères, le français, l’anglais, le chinois et autres. C’est un besoin utile et pressant.
Comment y parvenir, dans ce cas ?
Les résolutions de la commission Benzaghou portent toutes les réformes nécessaires. L’urgence est de mener, sans attendre, les véritables réformes. Celles-ci exigent une très forte coopération avec les universités étrangères. Il n’y a pas de raison qu’en Egypte, au Koweït, en Jordanie, au Maroc et en Tunisie, cette coopération est très privilégiée et que nous hésitons encore à le faire. Il faut savoir que c’est le seul moyen pour réhabiliter les langues en Algérie, sinon c’est toute l’élite qui disparaît dans notre pays. Les prémices de cette disparition sont déjà là.
Rosa Mansouri

L'ALGÉRIEN FACE AUX LANGUES ÉTRANGÈRES
"J'apprendrais... si c'est nécessaire"

«Vous voulez apprendre l’anglais international et avoir un certificat ou diplôme de l’université de Cambridge UK ? L’école X vous propose des cours spécialisés, selon méthode audiovisuelle”, “Ecole... propose des formations en langues : anglais, français, espagnol, allemand, cours intensifiés pendant l’été.

Cours du soir disponible...” Ce sont le genre d’annonces qui reviennent toute l’année sur les pages publicitaires des journaux. L’apprentissage des langues étrangères est désormais à la portée de tout un chacun. Les Algériens, très nombreux à s’ouvrir aux langues, trouvent dans ces annonces l’embarras du choix, de la qualité et surtout des prix compétitifs, même si cela reste au-dessus des moyens des larges couches sociales. Beaucoup de personnes sont obligées effectivement de revoir leurs dépenses diverses pour y intégrer ce budget nécessaire à l’acquisition d’un nouveau savoir. Le font-ils par plaisir ou par contrainte ? Amel, 35 ans, est employée dans une multinationale. Depuis une année, elle suit des cours d’anglais dans une école privée de formation, afin d’améliorer la maîtrise de cette langue, qu’elle connaît déjà parfaitement. “Je parle bien, certes, mais je continue à apprendre l’anglais commercial et professionnel.” L’avenir de Amel se joue sur cette formation en langue. Motivée par son travail, cette jeune femme espère convertir ses compétences acquises dans la langue française à celle de la langue de son employeur. Gérer sa carrière, c’est là son objectif principal. Hakim, lui est étudiant en polytechnique. Ayant suivi son cursus scolaire en arabe, il a des difficultés aujourd’hui à l’université de saisir ses cours dispensés en français. La tâche devient de plus en plus difficile pour lui qui vient d’une petite bourgade de l’intérieur du pays. “Prendre des cours de français est la seule solution pour moi pour ne pas perdre mes années à l’université”, dit-il, désolé de constater que finalement les notes brillantes en langues, qu’il avait l’habitude d’obtenir au lycée, ne l’ont pas autant servi pour le reste de ses études. “C’est différent, l’enjeu maintenant est de comprendre les concepts et avec précision”, dit-il. Il est convaincu cependant que cette contrainte d’apprendre le français lui a positivement ouvert d’autres portes vers la littérature.
Les langues pour appuyer les projets de l’avenir
Au niveau des écoles de formation, le constat est aussi le même. L’intérêt pour les langues est intimement lié au besoin de parler une langue quelconque. Travaillant en collaboration avec l’Union des étudiants algériens, Mix Club est une école de formation en langues étrangères. Ses bancs ne désemplissent pas tout au long de l’année universitaire. Si l’anglais est fortement demandé, le français reste l’enseignement fort de cet établissement. En majorité, ce sont des nouveaux bacheliers, qui arrivent à l’université avec un niveau faible dans cette langue, qui s’y inscrivent. “L’anglais est plutôt réservé aux cadres, aux médecins, agents commerciaux et aux universitaires”, nous a confirmé M. Naçouri, directeur de l’école. Selon lui, les autres langues comme l’italien, l’allemand et l’espagnol ne représentent que 1% de la demande en formation. L’école a tenté, par ailleurs, de donner des cours d’arabe, mais l’expérience a échoué. A la question de savoir si les demandes sont fortes, notre interlocuteur fait signaler qu’une seule session est composée de 750 à 1 000 étudiants pour l’anglais et le français, sachant qu’il existe cinq sessions dans l’année. Mais les étudiants vont-ils au bout de cette formation ? Ont-ils la volonté et la persévérance pour apprendre une langue étrangère. Selon Mme Tata, directrice d’une école de formation Universel School, les Algériens sont très lents dans l’apprentissage des langues. Même si les études sociologiques et linguistiques n’expliquent pas ce phénomène, ou du moins confirment les dispositions des Algériens à acquérir toute langue étrangère vu son exercice de plusieurs variétés linguistiques, il n’en demeure pas moins que ce constat est bien réel. “Les Algériens sont très pressés. Ils réagissent en urgence. Lorsqu’un étudiant arrive à l’école, il veut tout apprendre et vite. Ce n’est pas possible, la langue a besoin de pratique et de patience”, dit-elle, en expliquant que la motivation avec laquelle les gens arrivent à l’école, disparaît au bout de quelques séances, sous prétexte qu’ils n’apprennent rien”. “Il est évident qu’on ne peut pas apprendre une langue en deux semaines”, indique-t-elle. L’interlocutrice évoque par ailleurs une autre catégorie d’étudiants. En plus des universitaires et cadres, son école reçoit également des jeunes gens, sans niveau d’instruction élevé. Ces jeunes sont des dragueurs de l’immigration. Visant leurs projets d’immigrer sur une destination précise, ils s’adressent aux écoles de langues pour apprendre la langue du pays projeté. L’Espagne et l’Italie sont les cibles principales. Pour la France, les Algériens estiment, en général, connaître plus ou moins cette langue, du moins la parler, même d’une manière déformée, pourvu que le message soit saisi.
Le Chinois : l’autre langue du commerce
Restant sur la motivation des Algériens pour l’apprentissage des langues, l’exemple du chinois est édifiant. L’aspect commercial de cette langue a suscité un intérêt particulier pour cette langue des Chinois, de plus en plus nombreux à s’implanter sur le sol algérien. Bien qu’il n’existe pas d’école particulière pour enseigner cette langue, même pas à l’université, le dictionnaire suffit largement pour qui l’intérêt est majeur, d’apprendre cette langue. Ni la culture ni la transcription graphique de cette langue n’est partagé entre Algériens et Chinois. Seule la mondialisation les a unis. C’est une question de sous. Linda est licenciée en anglais. Depuis deux ans, elle travaille comme caissière dans des magasins chinois. Elle fait sa découverte de cette langue. Sa passion pour les langues étrangères lui a facilité la tâche. Aujourd’hui, elle parle couramment le chinois, grâce à l’échange qu’elle a avec ses différents employeurs chinois. Munie d’un dictionnaire et d’une volonté tenace, Linda est dévouée à cette langue mystérieuse. “Chaque jour j’apprends de nouveaux mots, c’est très passionnant, d’autant plus que la prononciation est très difficile pour nous. Je fais vraiment des efforts pour ne pas me tromper”, dit-elle. Un mot en ramène un autre et c’est toute une culture qui s’installe. Deux années après, Linda ne parle pas uniquement du commerce, elle s’intéresse à la gastronomie chinoise, aux traditions et aux valeurs sociales de ce pays. L’exemple de Linda, on le trouvera également chez toutes ces jeunes filles recrutées ces dernières années dans des commerces chinois à Alger et ailleurs. L’enseignement de cette langue est au menu de la nouvelle politique adoptée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour la promotion des langues étrangères.
R. M.

Le Soir d'Algerie

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3Langue et dyglossie Empty Langue et dyglossie Sam 7 Nov - 15:24

admin"SNP1975"

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Le Quotidien d’Algérie
par Salim Ahmed-Nacer

La langue est un moyen de communication multifonctionnel ; un outil pour un discours politique, pour une exposition d’une analyse scientifique, aussi pour une expression sentimentale. C’est la matrice dans laquelle se meut notre cognition collective. Elle est le socle stabilisateur du système socioculturel d’une société.
Une personne qui ne peut exprimer et extérioriser son état émotionnel par manque linguistique, ne pourrait se libérer puisqu’elle est prisonnière d’elle-même, le cas de l’algérien. La réputation d’être nerveux ne surgit pas du hasard. L’outil linguistique perfectionniste nous fait défaut, une tare qui nous prive à développer un concept idéel quelconque. Vu le totalitarisme régnant en Algérie, que se soit à la maison, à l’école, là où on va, il y’a un chikour au comportement arbitraire, il est donc impératif que dans une telle atmosphère notre réservoir linguistique se réduise à un minimum vital qui nous assure juste à fonctionner au quotidien pour survivre. Je pourrais même prétendre que cette réduction linguistique est la source principale de nos maux. Et aussi la cause de notre impuissance envers nos souffrances, car il nous échappe de les traiter selon les normes du débat et de la rationalité. Par ceci on est damné à un fonctionnement instinctif et superficiel. On le voit bien, une économie au niveau trabendiste, tous les secteurs manquent de professionnalisme, même l’opposition politique ne fait que râler. Que du superficiel et du bricolage.
De ma part je crois qu’une étude statistique objective sur le choix de la langue par le peuple algérien, mènerait indubitablement vers l’arabe. Quoique génétiquement 75% de la population sont non-arabes (berbères). Les facteurs socioculturels qui conditionnent ce choix sont surtout d’ordre cultuel, c’est le coran qui a arabisé les berbères et non les arabes. Par conséquent, la culture berbéro-musulmane est fondée sur une arabité coranique et non pas arabe. La langue arabe est la seule qui fait vibrer les cordes les plus sensibles qui constituent l’âme algérienne; par contre la langue berbère est notre référentiel identitaire. Voilà les deux langues qui composent notre espace naturel linguistique. Sans intentions haineuses je dirais que la langue française s’est greffée à notre corps linguistique comme un parasite. Pour ceux qui aiment soigner cette langue, je ne leur souhaite que du succès dans leur entreprise; mais là à vouloir l’imposer à tout un peuple dont le besoin n’est point substantiel, c’est du totalitarisme intellectuel vulgaire.
Vous affirmez que la langue française est en déperdition totale, peut-être au niveau international mais pas en Algérie, puisqu’elle est imposée déjà précocement aux cours primaires. Après 1962 tous les moyens étaient bons pour assurer un minimum d’instruction, on devait tout prendre même les cordonniers égyptiens, on était 60 élèves par classe. La situation était dure, au départ des français il y’avait plus de 90% d’analphabètes algériens. Qu’auriez vous fait avec un peuple pareil ? Difficile sans ingénieurs, sans techniciens, sans compétences. D’ailleurs le drame se poursuit jusqu’à nos jours présents, l’incompétence nous rit de tout bord.
Bientôt 50 ans après l’indépendance, une certaine intelligentsia s’est formée et je ne crois pas qu’elle va lâcher le morceau car l’injustice est le germe principal pour féconder une révolution, un changement, du nouveau. Un processus naturel, certains l’appellent évolutionnisme, d’autres le perçoivent comme lois divines. Moi je l’appelle perfectionnisme. Le changement est inéluctable, je ne le dis pas pour chatouiller mes illusions et mes espérances. Il faut être aveugle pour ne pas voire toutes ces anomalies au sein de notre société, ces ingrédients aux odeurs qui présagent l’incontournable.
L’Algérie de demain est à nos portes, embrassons la, aimons la, chérissons la. Il ne faut plus qu’elle saigne, terre martyre, il ne faut plus qu’elle pleure, terre généreuse.

Fraternellement

Un algérien du ghachi

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4Langue et dyglossie Empty Re: Langue et dyglossie Ven 10 Sep - 21:42

admin"SNP1975"

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Presse écrite, radio, télévision, affichage en Algérie : Multiplicité des langues et chocs des langages
par Belkacem AHCENE-DJABALLAH*

S'il y a un phénomène qui a totalement bouleversé le champ culturel en général et linguistique algérien en particulier, à partir des années 90, c'est bien celui lié à l'émergence des outils médiatiques et à l'explosion des contenus.

Auparavant, le champ était clos, dominé et maîtrisé par les appareils politiques, administratifs ou militaires, tous contrôlés de près ou de loin par l'appareil colonial d'abord puis, à l'indépendance, par le FLN, Parti politique unique régnant sur le pays profond depuis… le déclenchement de la guerre de libération nationale (1954) , avec un très court intermède en 1962-1963, jusqu'à la mise à l'écart du seul parti politique encore restant, le Parti communiste algérien et, donc, du multipartisme. L'appropriation rapide et bien souvent frontale, bien souvent en dehors de toute réglementation, des médias par les citoyens (tout particulièrement pour ce qui concerne les Tic : télévision satellitaire, téléphone portable, Internet..), à partir d'octobre 1988, moment fort de rupture politique, a certes bouleversé les comportements mais elle a aussi et surtout transformé les langues usitées par l'intrusion de nouveaux langages.

Aujourd'hui, le poids et l'influence des pouvoirs publics sur un système éducatif qui peine à se trouver ne sont plus aussi évidents que par le passé, le risque est donc grand de voir naître et se développer, sous les coups de boutoir de ces nouveaux langages, une nouvelle langue, ni totalement de l'arabe scolaire ni du français, mais un mélange déformé (adapté ?) des deux avec des mots empruntés au tamazight, bien loin en tout cas de l'habituel arabe dit dialectal (derdja), que l'on connaissait à travers tout le territoire national (avec de petites différences locales ou régionales), compris par la grande majorité de la population.

Une nouvelle langue qui se dit mais qui ne s'écrit pas, qui obéit à ses propres règles grammaticales et qui, parfois, se comprend mal.

C'est ce qui fait d'ailleurs la préoccupation essentielle (pour ne pas dire angoissée) des autorités chargées de suivre l'évolution de la langue arabe dans la société comme l'Académie de la langue arabe et surtout le Conseil supérieur de la langue arabe (CSLA) …. qui, après avoir organisé moult séminaires et colloques centrés sur la langue arabe (28-29 juillet 2008 sur « le rôle des médias audiovisuels dans la diffusion de la langue arabe littéraire » puis en décembre 2009 sur « le travail de proximité dans la promotion de la langue arabe »), a organisé les toutes dernières mi-février 2010, sur « le phénomène de l' « hybridation » (ou métissage ou incorrection) (Tahdjin) de la langue arabe » et, fin mars 2010, sur « l'utilisation de la langue arabe dans la presse écrite ». Un constat désolant et déroutant tant pour les tenants de la langue arabe que pour ceux de la langue tamazigh et de la langue française ! Une absence de maîtrise des langues… face à une production langagière extrêmement riche et bien vivante.

Le paysage médiatique durant la guerre de libération nationale et l'occupation coloniale : moyens, langues et langages

Pour bien comprendre le paysage linguistique et langagier de l'Algérie d'aujourd'hui, il faut remonter le cours de l'Histoire et en démonter les mécanismes éducationnels et communicationnels. Au niveau de l'éducationnel, point n'est besoin de trop revenir sur une non-politique d'éducation des populations indigènes dites « arabes» ou «musulmanes», selon les époques : en 1954, les inspecteurs de français de l'enseignement du premier degré déclaraient dans une motion en date du 5 mars que « l'arabe dialectal n'a de valeur que de patois, que l'arabe dialectal est une langue morte et que l'arabe moderne est une langue étrangère… ce qui ne leur permet pas de constituer une matière obligatoire d'enseignement primaire » (Voir L'Algérie coloniale par les textes, 1830-1962 de Chikh Bouamrane et Mohamed Djidjelli, Editions Anep, Alger 2008). Il est vrai que la cause était entendue depuis bien longtemps ! La politique coloniale était claire : instruire quantitativement le moins possible de personnes et maintenir un niveau d'instruction au niveau de la fin du cycle élémentaire afin de détourner les capacités vers la petite formation professionnelle, productrice de main-d'œuvre. Seules échappèrent à ce système quelques centaines d'individus. Ainsi, en 1954, 18% seulement des enfants musulmans étaient scolarisés et, au niveau de l'enseignement secondaire, sur 31 200 élèves, il n‘y avait que 5 000 d'origine musulmane. On ne décomptait que 507 étudiants musulmans à l'Université d'Alger en 1955 sur plus de 5 000 inscrits … La plupart d'entre eux l'étaient en langue française et quelques dizaines, destinées à fournir de la main-d'œuvre intellectuelle (traducteurs, interprètes, juges religieux…..) avaient fréquenté les lycées franco-mulsumans, et les efforts de l'Association des Oulémas (religieux) algériens peinaient, avec leurs écoles libres, à aboutir (à former exclusivement en arabe) tant les obstacles mis sur sa route par les autorités et les députés coloniaux de l'Assemblée algérienne étaient nombreux. Il est vrai qu'un arrêté du 8 mars 1938 pris par le ministre français de l'Intérieur de l'époque, un certain Camille Chautemps, qualifiait la langue arabe de langue étrangère… en Algérie.

Pour ce qui concerne la presse, jusqu'en 1962, année de l'indépendance du pays, la presse écrite était quasi exclusivement réservée à la population européenne – tous âges et toutes spécialités confondus – installée en Algérie qui avait donc ses propres moyens d'expression et d'information, tous ou presque tous en français. La presse importée de la métropole l'était aussi en français. Les publications en arabe algériennes étaient inexistantes et celles importées d'Egypte et de pays arabes indépendants étaient rarissimes ou alors diffusées sous le manteau. Il est vrai qu'une circulaire de 1934 signée du ministre français de l'Intérieur de l'époque, le même Camille Chautemps, qualifiait les journaux de langue arabe paraissant en Algérie de journaux étrangers soumis au même régime que la presse étrangère. Ils pouvaient ainsi être supprimés ou suspendus par simple décision administrative. Idem pour ce qui concerne la radio qui, à partir d'un certain moment, tout particulièrement durant la lutte de libération nationale – le besoin de se rapprocher des populations indigènes étant apparu évident – les autorités avaient initié des programmes en langue arabe « parlé » et seulement en kabyle (mais pas en berbère, c'est-à-dire dans les autres dialectes). Ici, l'information était écartée et la musique et le théâtre de boulevard monopolisaient les grilles (comme à la télévision qui commençait à émettre dans la région d'Alger. Seuls les sketches et les concerts de musique étaient admis, et comme au cinéma où la cinquantaine de salles exclusivement fréquentées par les indigènes (sur les 316 salles au total) ne programmaient que des films égyptiens et indous d'aventures sur fond de danses et d'intrigues amoureuses. Il y avait, certes quelques titres de presse écrite en arabe, mais ils ne duraient que peu de temps en raison de leur caractère trop élitiste, destinés aux lettrés et en butte, la plupart du temps, aux tracasseries administratives et policières en raison de leur engagement politique. Le tout dernier, celui des Oulémas, El Bassair, un hebdomadaire, fut interdit le 5 avril 1956 (le dernier journal progressiste, Alger-Républicain, en français, un quotidien dans lequel avaient écrit Albert Camus et Kateb Yacine et proche du Parti communiste algérien, avait été interdit en septembre 1955, et ses responsables, journalistes ou gestionnaires comme Henri Alleg étaient emprisonnés ou obligés à rejoindre les maquis).

Durant la guerre de libération, à partir de 1957, s'était développée une radio clandestine nationaliste en arabe, en français et aussi en berbère mais c'était, malgré tout, bien peu de chose face à la déferlante des actions des services psychologiques de l'armée française (Voir Franz Fanon, L'An V de la Révolution algérienne de Franz Fanon, Editions Anep). La presse écrite nationaliste existait certes clandestinement, mais sa diffusion était bien limitée et le grand public musulman s'abreuvait (avec difficultés, car contrôlée et souvent censurée ou saisie par les autorités militaires) surtout dans les publications dites « métropolitaines » importées et réellement ou supposées progressistes (Témoignage Chrétien, l'Humanité, Le Monde, Le Nouvel Observateur, L'Express,…). Tout cela a développé, selon nous, certains comportements sociétaux dans la consommation des produits de la communication, comportements qui perdurèrent après l'indépendance, d'autant que la décolonisation du paysage médiatique, cinéma y compris, ne se termina pas avec l'indépendance politique. Elle ne se termina qu'en 1968 : radiotélévision, fin 1962/ presse écrite, fin 1963/ publicité fin 1963-64/ importation et diffusion du livre et du manuel scolaire et diffusion de la presse nationale et étrangère en 1966 / cinéma en 1969… et boycott du marché par les grandes compagnies jusqu'en 1972:

- La prédominance d'un langage bien plus oral qu'écrit

- Une faveur dominante pour la langue française

- L'attirance pour les médias externes au pays, les radios (puis la télévision à partir des années 80) en particulier pour la plupart et la presse écrite pour les élites.

Le paysage médiatique de 1962 à avril 1990. Moyens, langue officielle : entre modernité déclarée et unanisme linguistique imposé

L'Indépendance venue, l'Algérie allait se retrouver face à une autre bataille, certainement la plus délicate d'entre toutes, car immatérielle et donc insaisissable. Celle de l'adoption et l'acceptation d'une langue commune.

En fait et cela dure encore, « la situation sociolinguistique reste très complexe » (Abderrezak Dourari, in Les malaises de la société algérienne. Crise de langues et crise d'identité. Casbah éditions, Alger 2004) , malgré les décisions politiques, les règlementations contraignantes et un système éducatif favorisant très largement la langue arabe scolaire et une politique menée bien souvent au pas de charge.

L'arabe scolaire est la langue officielle, mais la langue usitée couramment tout particulièrement dans le secteur économique et même dans les administrations reste le français. On se retrouve dans un bilinguisme non stabilisé, dans la mesure où une des deux langues, l'arabe scolaire et le français (avec, derrière chacune d'entre elles, des groupes de pression) vise à supplanter l'autre, avec un arabe algérien (et ses variantes régionales multiples mais heureusement très proches les unes des autres bien que pas totalement semblables ), lui-même confronté au tamazight (« ensemble de variétés berbères différenciées dont l'unité est abstraite ») qui se parle mais ne s'écrit pas encore de manière uniforme et acceptée par la majorité (lettres latines ou lettres arabes … ou en caractères tifinagh). Tout cela dans une atmosphère de « guerre des langues » …. ignorant superbement un terrain qui pratiquait de plus en plus, dans sa vie quotidienne et dans ses rapports avec les autres, un mélange de langues, un « sabir » fait de mots et de tournures en français (déjà assez maltraité par les pied-noirs français durant l'époque coloniale), en arabe dit parlé (dialectal ou derdja), en langue berbère selon la région, mots organisés sur la base de ce qu'avait pu transmettre l'école comme règles grammaticales…. en arabe dite fusha (alors enseignée par des enseignants « importés » du Moyen-Orient) et en français.

L'actuel Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, un parfait trilingue (arabe, français…..et derdja) avait, lui-même, au début de son premier mandat, début 2000, lors d'un discours, laissé entendre qu' « il ne parvenait pas à déterminer quelle langue parlent les Algériens » . Un chercheur s'était montré plus catégorique : il y a des mots qui ne peuvent être compris que par l'Algérien du 21ème siècle (Ex : Ma tixistiche…. « Elle n'existe pas »). Pour illustrer ceci, nous rapportons les propos d'un directeur d'école à la retraite (in El Watan, 31 juillet 2010) : « Dans nos classes, on remarquera chez les élèves actuellement l'emploi abusif de l'arabe dialectal « envahi » de mots français arabisés (machina pour machine, cousina pour cuisine, tomabile pour automobile, el maçon pour le maçon, tiliphoni pour téléphone el trittoir pour le trottoir, boulici pour policier, dodane pour dos d'âne , familia pour famille…) … à l'écrit comme à l'oral. Les fautes grammaticales, de conjugaison et d'orthographe sont aussi à déplorer (…) ».

Le paysage médiatique de l'Algérie né des événements d'octobre 1988… à nos jours

Après les « évènements d'octobre 1988 », une révolte urbaine généralisée des jeunes contre le système politique de Parti politique unique et ses appareils (le FLN et ses organisations au pouvoir depuis l'Indépendance), et moins de deux années après, le multipartisme était adopté avec une Constitution libérale et, en avril 1990, une loi relative à l'Information était promulguée, ouvrant à l'initiative privée tous les champs de l'expression médiatique. Mis à part le champ de l'audiovisuel qui reste encore fermé, les textes d'application traînant en longueur avec pour alibi premier un « état d'urgence » décrété au début des années 90, en raison des menaces terroristes et islamistes (encore que cela reste limité comme affirmation, les Algériens pouvant capter, aisément et en toute liberté, grâce à l'antenne parabolique, près de 2 500 chaînes de télévisons étrangères dont près de 300 en langue arabe), les autres champs : presse écrite, publicité, édition, Internet, ont été totalement bouleversés

- Les moyens : On s'est retrouvé en moins de deux décennies avec près de 500 publications (3,5 millions d'exemplaires/jour ) dont près de 80 quotidiens qui tirent 3 millions d'exemplaires/jour en période de « pointe » comme lors de la Coupe du monde de football, et touchant donc près de 8 millions de lecteurs par jour. A noter, ici, que les 2/3 du tirage global des quotidiens sont en langue arabe (44 titres), la tendance s'étant inversée à partir du début des années 2000, avec l'arrivée sur le marché de la consommation de générations totalement arabisées. Auparavant, les 2/3 du tirage étaient en français. On s'est retrouvé avec un marché publicitaire qui a littéralement explosé (200 millions de dollars et près de 400 agences de publicité dont une dizaine domine le lot et toutes liées aux grandes compagnies internationales comme Dentsu, Publicis, Havas, Mc Cann, EuroRSCG…..) avec l'ouverture économique et l'installation de compagnies étrangères en Algérie, tout particulièrement celles de la téléphonie mobile, de l'agro-alimentaire et de l'automobile. L'affichage (stades, autoroutes, bâtisses) a connu, de ce fait, un « boom » inouï. La téléphonie mobile a, pour sa part, rattrapé un retard en très peu de temps (moins d'une décennie), et, mi- 2010, il y a près de 34 millions d'abonnés pour une population, au 1er janvier 2010, de 35,6 millions d'habitants Bien sûr, le décor est complété par les 3 millions d'internautes dont plus de 2,5 millions sont les personnes fréquentant près de 7 000 cybercafés.

- Le contenu : Globalement, si le contenu de la presse en français reste destiné à un groupe de plus en plus restreint, une certaine élite, surtout économique et culturelle, celui de la presse arabophone se veut populaire, « ratissant » très large, d'où des adaptations aux lecteurs… tout particulièrement chez les supports médiatiques à fort tirage ou audience (ex : les quotidiens arabophones Ech Chourouk Et Yaoumi et El Khabar qui tirent à près de un million d'exemplaires - 1,6 million/jour et 1,2 million/jour pour les deux lors de la dernière Coupe du monde de football dans laquelle l'Algérie était engagée - les quotidiens sportifs, les hebdomadaires people assez nombreux, une vingtaine, mais aussi la radio, tout particulièrement certaines chaînes locales comme Radio Bahdja pour l'Algérois et souvent la télévision, surtout Canal Algérie destiné à la population émigrée en Europe), rejoignant ainsi le contenu de la publicité (radiotélévisée et affichage) dont les slogans et les textes d'accroche utilisent largement des termes arabo-algériens mais écrits en lettres latines, ou alors des termes français mais écrits en langue arabe ou un mélange des deux… compréhensibles seulement par le citoyen algérien (Voir exemples en annexe).

Le cinéma et les feuilletons télévisés s'y mettent à fond, sachant bien que l'audimat et la fréquentation des salles ne peuvent atteindre leur maximum que lorsque les productions sont en arabe dialectal local, pour reprendre une appellation désormais « déposée » utilisée par les voisins marocains confrontés au même problème (idem pour l'Egypte et la Tunisie dans une moindre mesure).

Selon un journaliste (Le Cap magazine n°10 du 31 octobre 2008), c'est « un sous-langage. Ceci, sans parler de la prolifération des sigles et du langage Sms….Une langue de « mutants »… avec un vocabulaire bien pauvre, mélange de très mauvais français et de très mauvais arabe, sans aucun échafaudage grammatical ». Il est vrai que la plupart, sinon la quasi-totalité des écrivants et des créatifs (3 à 4 000 journalistes sur les 5 000 qui exercent à titre permanent) se situent actuellement dans la tranche d'âge des 25-45 ans, tous enfants de la nouvelle école algérienne, celle de l'Ecole fondamentale des années 70 et 80, totalement arabisée, assez conservatrice, faisant peu de place aux langues étrangères et encore moins à la française.

Conclusion

- Une guerre perdue pour le système éducatif algérien qui a tenté, depuis quelques années, de stopper la « descente aux enfers » en réintroduisant la langue française dès les premières années de l'Ecole primaire et en revoyant de fond en comble la formation des enseignants, tout particulièrement par une « mise à niveau » des anciens enseignants alors recrutés en toute hâte pour faire face à une arabisation forcenée de l'Ecole. On va même introduire, à partir de cette année scolaire 2010-2011, une nouvelle matière intitulée « Terminologie » destinée aux classes de terminales scientifiques et techniques… et ce, afin que les lauréats du baccalauréat s'en allant à l'Université puissent enfin bien comprendre ….les matières professées et les termes techniques et scientifiques utilisés, et accéder facilement à la documentation étrangère.

Très certainement, quelques générations perdues, avec toutes les répercussions négatives sur le niveau des autres paliers du secondaire et de l'universitaire.

- Une dérive due, assurément, au départ, à un nationalisme sourcilleux, teinté de conservatisme mais qui, sous les coups de boutoir des avancées mondialisantes des technologies nouvelles de la communication et des nouvelles demandes plus universelles des générations post-88, dans tous les domaines, est en train de reculer.

- Mais aussi une chance pour le pays de se doter, enfin, d'une langue ou de deux nationales modernes, adaptées à la société algérienne nouvelle, ouvertes sur l'universel, qui feront l'unanimité car elles auront puisé dans tous les trésors culturels du pays, tout particulièrement dans l'arabe, le tamazight…. et le français (et d'autres langues étrangères comme l'anglais).

- Sans pour autant rejeter l'une, le français, un riche « butin de guerre » selon l'écrivain Kateb Yacine, bien que trésor assez pesant,

- sans ignorer l'autre, le tamazigh et ses déclinaisons régionales, patrimoine naturel,

- et sans « fétichiser » (pour reprendre une expression de Abdallah Laroui, un sociologue maghrébin) ou sacraliser la première, l'arabe scolaire dit littéral.

En juillet 2010, l'association culturelle la plus conservatrice et la plus francophobe du pays, El Djahidia, dirigée par le grand écrivain « mortellement » anti-francophone Tahar Ouettar ( il vient de décéder le 12 juillet 2010 à l'âge de 74 ans après un long traitement contre un cancer, en France) , avait récompensé un jeune nouvel écrivain , Sami Kacimi, pour son roman… écrit en arabe, bien sûr….mais dont le titre, Tasrih bi-dhayaa', était ……….en français ( Déclaration de perte)….car « cela donne, selon le jury, plus de poids à l'œuvre littéraire comme l'introduction de termes en arabe dialectal dans un roman ».

Une chance ? Faudait-il encore qu'il y ait, assez rapidement, pour ne pas laisser s'amonceler encore plus les déviations, une forte prise de conscience des dangers encourus par un plurilinguisme non maîtrisé à l'école et non « régulé » sur la place publique (ainsi, il n'existe, encore aujourd'hui, aucun texte réglementant la publicité dans les médias), débouchant inévitablement sur des langages qui s'entrechoquent. Il faut aussi une forte volonté politique d'ouverture sur le monde, sur les langues étrangères et sur l'universel et une acceptation, étudiée en commun, de l' « Autre ».

Ce qui n'est pas chose aisée pour l'heure par défaut de communication entre les élites et la masse: « L'arabe littéral parlé en Algérie par les élites politiques est très éloigné de l'arabe dialectal parlé par la masse algérienne : ce sont là deux mondes qui ne communiquent pas entre eux, ce qui permet à la sphère politique de capter pour elle seule les revenus du pouvoir », conclut Dominique Gaurier de l'Université de Nantes, dans une étude parue récemment (El Watan, dimanche 15 août 2010).

Le nouveau nœud de la problématique de l'enseignement des langues en Algérie ? Car, auparavant, dans les années 70 et 80, on accusait l'élite économique de se servir de la langue française et de ne pas communiquer avec les masses, pour lui permettre de capter, pour elle seule, les revenus de la gouvernance économique et industrielle.

ANNEXE (Exemples de slogans publicitaires rédigés en caractères latins. Traduction approximative entre parenthèses)

Meftah Najahi (La clé de mon succès), Prix Tayeh (Bas prix), Maâk ya el Khadra (Avec toi, les Verts), Maâk ya Dzair (Avec toi, l'Algérie), Gosto (Je suis bien), ‘Aich la vie (Vis la vie), ‘Aiche le foot (Vie le foot), Rezki & Rezki (Mon bien et mon bien), Batel (Pas cher), Sahla (Facile) , Hala (Super), Derti Hala (Vous avez été super), Jazair Sakna fi Kalbi (Algérie dans mon cœur) , Crédit Bayti (Un crédit pour mon home) , Inchallah Ya Rabi (Si Dieu le veut), H'na Daymine (Toujours présents), Dima Maakoum (Toujours avec vous) ,Maâk yal Khadra Zidi L'Kedem (Avec toi, les Verts, toujours de l'avant) ,Tem Tem (immédiatement), Ramadhan Kareem (Bon Ramadhan), Ramadhan Karim (Bon Ramadhan)……

*Journaliste indépendant, Professeur associé à l'Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l'Information d'Alger

(Ben Aknoun).

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5Langue et dyglossie Empty Re: Langue et dyglossie Ven 10 Sep - 21:48

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Le discussion amicale qui a eu lieu lors de la soirée organisée par Djazaïr News de dimanche 22 août m’a valu un si copieux retour de courrier directement ou par blogs interposés que je me suis décidé à écrire ce texte pour éclairer mes lecteurs.



J’aime les langues, toutes les langues, les plus lointaines de mon expérience propre comme les plus proches. Je les aime comme un esthète, leur sonorité et les gestes et les mimiques qui les accompagnent, mais aussi comme un simple curieux devant tant d’ingéniosité qu’il a fallu pour les établir sur le long terme et les étaler sur de larges communautés. J’en connais quelques-unes, l’arabe que je parlais dans mon enfance, mais que je n’ai pu lire et écrire que bien plus
tard ; le français que je n’ai parlé qu’après ma première enfance, mais que j’ai écrit et lu avant l’arabe, ma langue maternelle ; l’anglais que je découvre au collège, mais que je n’ai pratiqué que bien plus tard quand les voyages scientifiques m’y obligèrent. Il y a d’autres langues que j’aurais aimé pratiquer comme l’allemand pour entrer dans ce fabuleux XIXe siècle de la philosophie, ou l’italien et l’espagnol pour lire à voix haute les grands récits et poésies que ces deux continents linguistiques ont laissés comme héritage commun. Il y aussi, bien sûr, l’océan infini des autres langues qu’il m’arrive de côtoyer de près et de goûter les sons qui en sortent sans même en comprendre le sens.
Le russe et son roulement marin du «rr» qui porte des syllabes longues comme des vagues ; le chinois et le japonais, que je confonds au grand dam des Chinois et des Japonais ; le hindi si rapide comparé à la lenteur de la gestuelle hindie, mais aussi le wolof saccadé ou le peul à l’inverse doux et glissant comme le sable de sa patrie ; le portugais si proche et si lointain de l’espagnol par le rythme indolent de sa phrase et la basse tonalité de sa musique. Et, que dire des «qaçaïd» d’Aït Menguellet dont le souffle et la force océaniques, comme celles de Ababsa et El Bar Aomar me ramènent à mes mythes originaires ? Je n’en comprends pas les paroles, mais la musicalité du chant devient, ici, elle-même parole. Je pense à Atawalppa Yupanki, à Listz, Chopin, Wagner ou Borodine et les sources et les effets de leurs musiques sur les Indiens d’Amérique, les Hongrois, les Polonais, les Russes ou les Allemands. Dans toutes ces situations que j’ai eu à vivre, je me suis toujours senti admiratif et bien modeste devant cette immense richesse et diversité des sociétés humaines.
Des langues au sens physique du terme qui fabriquent avec de l’air et des sons, des paroles qui signifient les choses les plus communes comme un arbre, une pierre, de l’eau et du feu, mais aussi des réalités bien plus complexes comme les émotions, joie et colère, amour et haine, les croyances, mythes et religions, rêves et poésies, la raison enfin qui tente en vain d’imposer sa rationalité à cette langue sans laquelle pourtant elle ne serait pas. Domestiquer la langue, n’est-ce pas le mythe rationaliste par excellence qui, de Pythagore à la numérisation actuelle, tente régulièrement d’enfermer le mot sous le chiffre, le sens sous le signe afin de mieux gouverner la pensée et de faire des humains des automates ?
Il y a une dizaine d’années, j’avais vu un film qui m’avait singulièrement ému : il s’agissait d’un Grec qui revenait dans son pays natal après plusieurs années d’absence. Il était poète et malade et savait qu’il allait mourir. Parcourant la Grèce de long en large, il écoutait les gens parler et chaque fois qu’il entendait un mot, une phrase que la langue moderne, standardisée par la mondialisation avait rejetés dans l’oubli, il sortait de l’argent de sa sacoche et l’offrait à son interlocuteur. Dans ce voyage linguistique, le premier prix revint à un petit berger de la montagne qui lui avait répondu dans une formule que plus personne n’utilisait.
Et quand, dans ma petite expérience personnelle, je retourne à Skikda, j’avoue que j’écoute moins les récriminations sociales, économiques, politiques et autres que j’entends partout en Algérie, mais suis plus attentif aux mots, aux expressions et à la sonorité de la langue qui les véhiculent. En fait, je découvrais la richesse de ma langue maternelle, celle-là même que j’avais fini par dévaloriser avec mes instituteurs français, mais aussi plus tard avec les professeurs d’arabe eux-mêmes qui la considéraient comme un dialecte appauvri, un patois même, qu’il fallait «éradiquer» et remplacer par la langue épurée des grammairiens.
Il faut dire que la doxa commune en linguistique ici en Algérie comme ailleurs était à la discrimination des «langues populaires» au profit des langues épurées qu’on appelait «classiques» ici, académiques ailleurs. Les travaux des linguistes, y compris des structuralistes modernes comme de Saussure y étaient pour beaucoup. Pour aller vite, le schéma était simple : voilà une langue, modèle, archétype ou prototype, pour parler comme les inventeurs de machines, qui va s’incarner dans plusieurs versions plus ou moins proches de l’original ; ces versions seront déclarées patois, dialectes, dérivés, etc. Il en était ainsi de ma «lehja» de Skikdi qu’on moquait parce qu’elle ne distinguait pas le masculin du féminin, transformait le «t» en «che», bouffait ou allongeait les voyelles quand il ne le fallait pas ; mais il en était ainsi comme du chaouïa, du mozabite ou du kabyle, etc. En bref, le champ linguistique qui m’entourait comprenait deux Langues avec grand L, le français des colonisateurs et l’arabe dans ses deux versions, celui du Coran qu’on apprenait à la zaouïa et le «fasih» au lycée, et plus tard à l’université. Tout autour, sur les marges en quelque sorte, se situaient tous les autres dialectes considérés comme des sous-produits «dévoyés» des premiers.
C’est en lisant Chomsky et sa grammaire générative que je compris l’inversion de l’ordre des réalités linguistiques que cette opération réalisait. Les langues parlées existent par elles-mêmes et l’original autour duquel les grammairiens traditionnels, comme les linguistes modernes les ramenaient comme à leur lieu de naissance, n’était en fait qu’une construction théorique «a posteriori», destinée à organiser, comparer et établir des règles de fonctionnement. En réalité, la langue pure, le modèle donc n’a d’existence que méthodologique.
En lui donnant une valeur ontologique, on mettait le monde à l’envers : les langues réelles, parlées et/ou écrites qui précédaient le modèle épuré et à partir desquelles on avait construit ce modèle devenaient ses applications et ce qui avait été «induit» de l’extrême richesse linguistique d’une communauté devenait par ce «coup d’Etat théorique» cela même dont on déduisait cette extrême richesse. Et comme chez Platon chez qui les «Idées» préexistent au réel qui les incarnera, «l’Idée» de langue précéderait la langue réelle. Si l’affaire n’avait tenu qu’à des discussions de philosophes, je n’aurais pas fatigué le lecteur par ces digressions compliquées ; mais voilà, aujourd’hui, partout ou presque dans le monde, les langues se remettent à faire parler d’elles-mêmes, si j’ose dire. En Amérique du Sud, les nations «indigènes» réclament à la fois le droit à leur terre et à leur langue, comme en Afrique et en Inde, en Europe même avec les Corses, les Basques et les Bretons en France, les Flamands en Belgique et bien sûr chez nous. Retour donc à la situation algérienne.
1- La langue arabe
Parlée par la majorité de la population, elle n’était écrite et lue que par une minorité de «lettrés» : dans sa version coranique par les talebs des zaouïas et des mosquées, c’était et c’est toujours l’arabe liturgique, et dans sa version «moderne» par les professeurs des médersas et plus tard de l’université. Ces derniers tournaient le dos aux «lehjas» parlées par les populations arabophones du pays qu’ils considéraient comme des formes «dégénérées» du modèle de référence. Celui-ci était établi à partir des expériences des autres pays arabes non-berbérophones à l’origine et qui n’ont pas connu de colonisation de peuplement. L’enseignement de la langue se fit alors en ignorant superbement l’expérience linguistique propre à l’Algérie, méprisant sa singularité et son originalité. Au lieu de partir de cette expérience, ils lui tournèrent le dos et comme Jules Ferry en France et ses épigones en Algérie qui se donnèrent pour «mission» de franciser et la France (exit les langues locales comme le basque et le breton) et l’Algérie colonisée, nos «jules-ferristes» locaux se donnèrent pour mission «d’arabiser» leur propre pays qui était déjà arabophone !
La langue enseignée, sans racines locales, devint une langue mécanique, déconnectée de son vivier naturel, soit les langues parlées par les Algériens, et dans lequel elle aurait puisé énergie et vitalité. J’ai comme hypothèse pour expliquer cet acharnement à tourner le dos à la richesse linguistique nationale, la formation de nos arabisants locaux qui les accabla de complexes dans les lieux moyen-orientaux où ils ont évolué qui s’exprimaient dans la haine viscérale de la langue française, et le mépris hautain des dialectes locaux. A tout cela, il faut ajouter l’intense rivalité qui les opposa, l’indépendance venue, à l’autre élite culturellement concurrente, celle des «francisés». Avec les religieux, ils constituaient, alors, les trois petites minorités qui se partageaient le monopole de l’écriture, si nécessaire à l’exercice du pouvoir symbolique. L’écriture d’une langue a souvent été une affaire de domination et son académisation une question d’Etat.
Quoi qu’il en soit, le modèle de langue ainsi édifié devint un artefact lourd et désarticulé que l’on peut mesurer à son usage. Des officiels qui bégaient quand ils discourent «officiellement», cherchant maladroitement des mots et des formules ailleurs, dans d’autres pays quand ils sont tout à leur portée dans la langue de leur mère, de leur quartier, de leur région. Et l’on peut mesurer au temps qu’ils mettent pour trouver ces fameux mots ou formules, les efforts
inutilement dépensés pour discourir dans cette langue de grammairien quand ils peuvent parler simplement dans celle de leur propre expérience linguistique.
Cet exercice, périlleux pour beaucoup, a, selon nous, joué un rôle important dans l’expérience politique de l’Algérie indépendante. Les «responsables», titulaires du droit de parler publiquement, en adoptant cette posture linguistique «décrochée» des langues vernaculaires, se sont en quelque sorte eux-mêmes «décrochés» de ceux qui les écoutent, augmentant ainsi la distance déjà grande qui les séparait des citoyens ordinaires. Un contre-exemple nous est donné ici par le passage en «météore» du président Boudiaf qui a été rapidement adopté par la population, non seulement par les perspectives politiques qu’il lui ouvrait, mais aussi par la langue qu’il utilisait pour les dire : un arabe algérien qui n’avait rien à envier, en termes linguistiques, à l’égyptien, au libanais, à l’irakien ou au syrien.
Mais, c’est dans la culture populaire algérienne, notamment sa poésie (el melhoun) et la chanson, en particulier le chaâbi, que gît comme en concentré le génie linguistique du pays. Ecoutons El Hadj El Anka par exemple, cet homme, originaire de Kabylie, formé à Meknes, bouleverse à son retour mais sans la rejeter, la tradition andalouse, en l’immergeant totalement dans la langue populaire algérienne. Et voilà les Algérois, suivis des autres grandes villes du Nord qui écoutent et apprennent ses chansons et celles des H’cicen et leurs successeurs. Ils venaient de créer «un style», au sens le plus noble du terme, et de la langue et de la musique, formé de matériaux proprement algériens. C’est dans ce gisement ainsi ouvert — plus tard monteront en visibilité d’autres styles alimentés aux richesses musicales et linguistiques des autres régions — que s’est constituée, en parallèle avec la langue mécanique et artificielle des «élites grammairiennes», celle vivante et «naturelle» de l’arabe algérien post-colonial. Le temps est peut-être venu pour qu’une nouvelle académie de la langue arabe s’édifie en absorbant le patrimoine linguistique algérien.
2- Tamazight : réponses à quelques remarques intempestives
Tamazight constitue pour l’Algérie et une grande partie du Maghreb la langue des origines. Grâce aux régions qui ont continué à le parler, il a été préservé comme langue vivante, mais n’a pas eu la chance historique de s’incarner dans une écriture durable (à l’exception du tifinagh). Aujourd’hui, il ne s’agit plus de la reconnaissance de tamazight comme langue nationale, mais de son écriture et de son enseignement. Et cette écriture et son enseignement ne peuvent pas être pensés en dehors des contextes historiques et culturels dans lesquels elle a réussi à survivre. Notamment sa coexistence avec la langue arabe telle qu’elle a existé en Algérie, soit près de quatorze siècles. Durant cette longue période, les deux expériences linguistiques ont naturellement communiqué, chacune empruntant à l’autre des éléments divers relevant à la fois de la sémantique, de la syntaxe et de la phonétique.
L’arabe algérien, par exemple, souvent incompris des Moyen-Orientaux, a pris du berbère des formes syntaxiques qui lui donnent sa singularité comme de préférer la phrase nominale à la phrase verbale, les pluriels irréguliers aux réguliers (en in), etc. Mais c’est surtout dans la phonétique que le mélange est le plus visible au point que souvent les phrases arabes algériennes sont difficilement compréhensibles par une oreille orientale : les voyelles sont souvent supprimées : on dira par exemple «drabtou» pour «darabtou», et le point tonique est le plus souvent sur la dernière syllabe, alors qu’il est sur l’avant-dernière syllabe ailleurs. L’arabe algérien est ainsi moins «chantant» que l’oriental, et l’est encore moins au Maroc.
Les apports en sens inverse sont aussi nombreux, en sémantique notamment où des centaines de mots ont été empruntés et digérés par le berbère : «Oulech», ce fameux mot d’ordre des militants est issu de «ouala chi» et le mot kabyle lui-même vient de qabila.
J’ai pris ces quelques exemples juste pour donner une idée du brassage qui ne pouvait pas ne pas se réaliser durant toute cette période. Aujourd’hui, l’heure est venue à l’écriture de tamazight. Quelqu’un m’a écrit en me disant : «Laisse-moi ma langue et occupe-toi de la tienne.» Que veut-il faire avec «sa» langue, qui n’est d’ailleurs pas la sienne mais celle de tous les Algériens ? Communiquer avec lui-même ou s’ouvrir à tous ses concitoyens, y compris les arabophones ? Surtout que tous les Algériens sont aujourd’hui arabophones, y compris les berbérophones.
C’est dans cette optique que je me suis permis, lors de la soirée organisée par Djazaïr News, de suggérer l’écriture de tamazight dans l’alphabet arabe et son enseignement à tous les Algériens. Rien n’interdit d’ailleurs de faire appel à d’autres écritures comme le tifinagh ou même le latin ; en Inde, le sanskrit n’est accessible qu’aux Brahmanes, tandis qu’en Chine le mandarin s’est identifié à ceux qui ont pu y accéder ; et Homère continue d’être édité en grec ancien que les Grecs d’aujourd’hui ne peuvent lire, et il en est de même pour les œuvres en latin de St-Augustin ou de Cicéron. Pour finir, ce malentendu qui revient très souvent : écrire tamazight en arabe ne signifie absolument pas «l’arabiser».
La Perse, ce pays millénaire où est née l’écriture, n’a pas disparu quand elle a adopté l’alphabet arabe et l’iranien est sa langue, tandis que les maîtres du Califat ottoman qui a duré 5 siècles n’ont pas hésité à adopter l’alphabet arabe pour écrire le turc sans y perdre leur âme ; de même que les pays européens qui ont adopté les uns l’alphabet latin, les autres l’alphabet cyrillique sans pour autant perdre leur identité. La transcription dans les caractères arabes de tamazight permettra à tous les Algériens qui parlent et écrivent en majorité la langue arabe et non à une petite minorité cultivée d’accéder à cette langue. Alors, tamazight sera plus rapidement et plus aisément la langue nationale tant désiré

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6Langue et dyglossie Empty Re: Langue et dyglossie Mar 19 Oct - 13:47

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Le Manifeste ou «quand la bouche crache sur sa propre langue»




«… Un peuple qui n'a pas le droit à sa propre langue, qui ne peut pas la parler, qui est poussé à la traiter comme un cri de singe et à la dévaloriser comme un bégaiement, est un peuple malade pas un peuple muet. Car un peuple qui ne parle pas sa propre langue quand il s'adresse à lui-même, ne pourra pas saisir les objets, faire plier le réel à son désir, nommer, donner une géographie à son histoire, et l'inverse. Et lorsqu'un peuple ne peut pas nommer les choses, il ne peut pas les réinventer, transformer les cycles des saisons en roues, la pesanteur en vapeur. C'est-à-dire quand un être vit chez lui comme un muet, le monde lui est sourd. Car quand un peuple traite sa langue comme un dialecte, il se traite lui-même comme un second personnage dans une histoire qu'il cède à quelqu'un de plus fort. On abdique par la langue et c'est dans la langue que l'identité se réfugie quand elle n'a plus de terre. C'est ainsi : toutes les grandes histoires des petits peuples qui sont devenus grands, ont commencé par la langue : c'est ce qui permet d'avoir le centre du monde dans sa paume, de lever des foules, de redonner confiance et naissance et de s'approprier le cosmos. Même Adam, le Père des fondations, a commencé par nommer les choses avant d'avoir des enfants. Et le jour où, chez nous, la langue de l'Algérien ne sera pas traitée comme un ramassis d'accidents de l'histoire, ou comme une sorte d'amalgame entre l'emprunt et la déformation, le jour où on acceptera cette vérité qu'un peuple sans langue n'est pas muet mais aveugle et que nous ne serons jamais rien sans notre langue, sur notre terre, ce jour là, on viendra enfin au monde, on se réveillera, on commencera par saisir les choses, identifier ce qui nous a longtemps entourés comme un parage inutile. Le jour où les formulaires seront en algérien, les livres, les chants, les JT, les discours de nos politiques et nos affiches et documents, ce jour là, on sera enfin algériens et nous commencerons enfin à bâtir le pays en commençant par l'essentiel : donner nos noms et nos verbes à notre terre.

Bien sûr cela viendra, avec le siècle pas avec les ans : les colonisations ont été dures et les plus violentes ont été celles qui nous ont convaincus que nous n'existons pas sans eux et leurs croyances. C'est notre moyen-âge à nous que ce moment mais il finira par se résorber. Un jour, on parlera algérien en algérien et nous serons enfin guéris de cette sensation de ne pas être chez nous, de vivre une sorte de pays secondaire, de ne pas toucher les objets ni les posséder ni les changer. Nous serons guéris de l'échec et de l'infériorité et du déni de soi. C'est ce qu'ont fait les Arabes, il y a 14 siècles lorsqu'ils se sont réveillés : ils se sont donnés une langue et ils l'ont sacralisée. Et c'est ce qu'ont fait les Romains, avant. Ou les Turcs tout récemment. Une langue c'est quoi en effet ? C'est faux de croire que c'est ce qui relie la bouche à l'oreille ou l'homme à son voisin. La langue c'est ce qui relie une nation à son univers. A l'univers. L'homme a inventé la langue pour ordonner son monde, le peupler, en atténuer la frayeur primitive et se souvenir et donc atténuer la mort par la mémoire. On enlève à l'homme la mémoire, le courage, l'ordre et la force quand on lui dit que sa langue est un dialecte ou une langue «de la rue». On tue la nationalité lorsqu'on la sous-titre.

Cette langue, l'algérien, est pauvre aujourd'hui, faible, détestée ou réduite. On a tué ses poètes, dispersé ses premiers dictionnaires, vidé ses mots et déformé les noms qu'elle a donnés aux villes et aux villages autrefois. Il lui manque le «Pouvoir» et la reconnaissance et, un jour, elle commencera à s'enrichir. C'est une langue pauvre ? Oui : donnez-lui le monde et elle nommera et dénommera ses objets et les êtres un par un. L'Algérie se réveillera donc le jour où elle coupera le lien avec les langues mortes et s'apercevra qu'il n'y a rien de honteux à être soi-même. Les pays de l'Occident ont éteint le Moyen-âge et se sont réveillés au sens de l'histoire le jour où ils ont compris qu'ils peuvent parler leur langue et pas le latin de l'église, et qu'ils peuvent le faire sans détruire l'église, ni les cieux, ni le sacré ni le passé. Ce qui sera détruit, c'est la rente qu'assure toute langue «sacrée» à ceux qui en vivent, ceux qui se réclament de la divinité en disant qu'elle parle leur langue et ceux qui sont payés pour enseigner une langue morte. La fin du latin en Europe n'a pas été facile et s'est faite dans la violence et l'audace. L'Eglise était riche des rentes que lui assurait d'abord sa langue sacrée qui excluait la plèbe et la réduisait à des serfs inaudibles. Qui réduisait la voix à un marmonnement et la mémoire à de la rumeur et la parole à un dialecte. Tout cela nous l'avons, nous le savons, nous le vivons : chez nous, un clergé de la culture «authentique» et de l'idéologie de l'élite, de la «Khassa», vie de parasiter une langue morte en nous imposant la fausse idée que notre langue à nous ne vaut rien et donc, nous aussi et tous nos actes.

Malek Haddad avait donc raison d'être malheureux de vivre entre deux langues, sauf qu'il se trompait d'épouse en accusant sa maîtresse : son butin de guerre était certes le français, ma sa langue d'origine et de réel n'était pas l'arabe classique mais l'algérien. Il l'avait au bout de la langue mais il était aveugle à force d'être sourd.»



par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran

http://www.marocainsdalgerie.net

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