De Ilal Amam à Annahj Addimocrati
Le mouvement marxiste-léniniste marocain (M.M.L.M.) a été fondé en 1970 par des militants issus, en majorité, du Parti de la Libération et du Socialisme (ex-Parti Communiste Marocain) pour ce qui est de “Ilal Amam ” et de l'Union Nationale des Forces Populaires en ce qui concerne l'organisation “ 23 mars ” qui devait connaître une scission en 1971, entraînant la création de l'organisation “ Servir le peuple ”.
La raison d'être du M.M.L.M. était de reprendre les tentatives de construction du parti autonome de la classe ouvrière marocaine. En effet, tenant en compte l'échec du Parti Communiste Marocain à réaliser cette tâche historique, considérant que la révolution culturelle chinoise, tout en dévoilant le dévoiement de la construction du socialisme en URSS et en Europe Orientale par la bureaucratie ouvrait une perspective de construction du socialisme libéré de l'emprise de ce fléau et contribuait au renouveau de la pensée marxiste
sclérosée par des décennies “ d'orthodoxie ” soviétique, le M.M.L.M s'engageait dans la lutte dans un contexte marqué par :
. au plan national, la reprise de l'essor du mouvement des luttes de masse après les années de reflux dues à l'état d'exception et à la paralysie et l'incapacité des forces politiques progressistes à encadrer et à diriger ce mouvement;
. au plan international, la montée des luttes de libération des peuples, en particulier le combat héroïque du peuple vietnamien sous l'égide du parti communiste contre l'impérialisme américain et ses valets ; les grandes luttes des classes ouvrières et de la jeunesse en Europe
Occidentale culminant avec les événements de mai 1968 en France;
. au plan arabe, la défaite des régimes arabes devant l'entité sioniste dans la guerre de juin 1967, l'émergence de la résistance et de la gauche palestiniennes.
L'action du M.M.L.M., en général, et de l'organisation “ Ilal Amam ” en particulier, a été dirigée vers le travail syndical et au sein de la jeunesse scolarisée (lycéens et étudiants) ainsi que l'action associative, surtout à caractère culturel.
Soumis à une répression féroce de la part du régime à cause de ses positions radicales (arrestations de milliers de militants et cadres tout au long des années 70 et des années 80 conduisant à des procès retentissants et à des peines atteignant la prison à vie), la M.M.L.M a pu se reconstruire et se rénover constamment et continuer son combat, et ce pour les raisons principales suivantes :
- le courage politique consistant à prendre des positions avancées et à les défendre contre vents et marées, souvent au prix de grands sacrifices (transformation des procès des militants marxistes-léninistes des années 70 et 80 en procès du pouvoir en place...);
- une culture de combat, de résistance, de droiture et de fidélité, sans dogmatisme, aux principes : ceci aussi bien au milieu des luttes populaires, dans les prisons transformées par les détenus en arènes de combat, que dans la clandestinité et l'exil;
- la conviction profonde que le changement ne peut venir que de la lutte du peuple et que le militant doit, en toute humilité, se mettre au service de cette lutte et combattre toute tentative élitiste de se substituer aux masses populaires ou de dévoyer leur lutte et de la mettre au service d'intérêts partisants. Dans ce cadre, Ilal Amam a forgé le concept d'auto-organisation des masses populaires;
- la quête incessante d'une meilleure connaissance de notre pays, de ses classes sociales, de son histoire, des évolutions du capitalisme, des expériences de construction du socialisme. Et sur cette base, la prise en compte de l'identité et de la spécificité du peuple marocain, en particulier de la question amazighe restée trop longtemps l'apanage des forces rétrogrades, en insistant sur la nécessité de respecter les droits linguistiques et culturels amazighs et en prônant une large autonomie pour les régions ayant une personnalité propre (par exemple le Rif, le Souss,...);
- - la capacité d'autocritique : tout au long de son expérience, ce mouvement, et en particulier l'organisation “ Ilal Amam ”, a été capable de se remettre en question en mettant à nu et en critiquant publiquement ses erreurs :
. son échec momentané à réaliser la tâche de construction du parti du prolétariat dû à diverses causes, dont la concentration des efforts, pendant les années 70 sur la jeunesse scolarisée, l'absence d'un plan d'action pour l'enracinement au sein de cette classe (en particulier sur le plan syndical) et l'intégration de ses militants les plus avancés dans la lutte politique révolutionnaire;
. la sacralisation du travail clandestin (nécessaire pendant les années de répression noire) au point de négliger les possibilités de travail légal et même de le considérer comme suspect;
. le volontarisme parfois sans prise en compte des réalités;
. l'absence d'une démarcation claire entre travail dans les organisations de masse et travail politique;
. l'attitude hostile envers le réformisme et les partis réformistes au point de gommer les différences entre l'ennemi principal (la réaction) et ces forces.
- Parallèlement à cette maturation politique, notre pays a connu, à partir de la fin des années 80, un certain nombre d'évolutions :
. sous la pression des luttes du peuple marocain et de ses militants, en particulier les luttes des prisonniers politiques, de leurs familles et du mouvement des droits humains, et grâce au soutien des forces démocratiques à l'étranger et en tirant profit d'un contexte mondial caractérisé par l'intensification des pressions en faveur du respect des droits humains, des acquis démocratiques qui permettent de développer la lutte démocratique et l'organisation des masses populaires sans subir la même répression féroce qu'auparavant ont été arrachés;
. au même moment, les groupes de militants issus de l'expérience du M.M.L.M. ou ayant sympathisé avec ce mouvement participent activement à la lutte au sein des organisations de masse ou de la société civile, en particulier les syndicats et le mouvement des droits humains, sans que cette lutte s'inscrive dans un plan d'ensemble du changement démocratique, en raison de leur dispersion et de l'absence d'un cadre politique unifiant et organisant leur action.
Pou répondre à ce besoin, ces militants vont tenter de se rassembler au sein d'un cadre politique unique. Mais devant l'échec de cette tentative, des militants de “ Ilal Amam ” vont fonder, en 1995, la Voie Démocratique. Se considérant comme continuation politique et idéologique de l'expérience du M.M.L.M., et en particulier de “ Ilal Amam ” et tout en étant fidèle à sa culture de résistance et de lutte, à son patrimoine de combat, à ses martyrs tombés sous la torture, pendant les grèves de la faim ou dans la lutte au sein du peuple, à ses objectifs de lutte contre le despotisme et l'exploitation et pour la démocratie et le socialisme, la Voie Démocratique regarde résolument vers l'avenir. Son attachement au marxisme ne signifie pas dogmatisme, mais mise en oeuvre vivante d'une méthode d'analyse permettant d'aider à la compréhension des mécanismes et lois du capitalisme et des dynamiques sociales qu'il surdétermine. Il signifie également la prise en compte des leçons des luttes des peuples pour leur émancipation (expériences des mouvements de libération des peuples dominés par l'impérialisme), des acquis de la pensée progressiste mondiale dans le domaine des droits
humains, des droits de la femme, de la défense de l'environnement et de la paix dans le monde, dans les domaines de la solidarité entre les peuples et de l'élaboration de visions, de pratiques et de mécanismes permettant une plus large participation des citoyens à la prise de décisions les concernant.
La Voix Démocratique considère que son rôle est de participer à l'essor de l'organisation de toutes les masses opprimées, et à leur tête la classe ouvrière, et à l'épanouissement des initiatives militantes et autonomes de la société civile.
La Voix Démocratique oeuvre dans deux directions indissociables :
. L'unification des forces attachées au socialisme et leur enracinement dans la classe ouvrière et les masses laborieuses en vue da participer à la construction de l'instrument politique de libération de la classe ouvrière et de tout le peuple marocain.
. L'unification dans le cadre d'un pôle démocratique radical de toutes les forces démocratiques véritables dans le but de lutter avec fermeté contre le makhzen et le capitalisme sauvage et ses répercussions dramatiques sur les conditions de vie de notre peuple.
L’édification politique et organisationnelle de la Voie Démocratique a nécessité la tenue de sept Rencontres Nationales au cours desquelles des militants venus de toutes les régions du pays discutent des orientations politiques, idéologiques et organisationnelles de l'organisation et qui ont permis d'adopter les plateformes politique, idéologique, organisationnelle et le programme d'action de la Voie Démocratique.
Actuellement la Voie Démocratique a des sections dans toutes les villes du pays et aussi dans de nombreux villages. Ses militants sont actifs dans les deux centrales syndicales principales (L'Union Marocaine du Travail et de la Confédération Démocratique du Travail) dans le mouvement des droits humains, en particulier l'Association Marocaine des Droits Humains, dans le mouvement des diplômés chômeurs, dans le mouvement des femmes, dans le mouvement associatif en général.
La septième Rencontre Nationale tenue les 4 et 5 décembre 1999 à Casablanca a couronné ce processus d'édification et constitue un point d'inflexion décisif dans la marche militante et combative de la Voie Démocratique en annonçant l'entrée dans la phase de demande de la reconnaissance par les autorités (dépôt du dossier de constitution juridique auprès des autorités).
La septième Rencontre Nationale estime que les évolutions politiques récentes au Maroc et les mesures qui les ont accompagnées ne touchent pas l’essence et la structure du régime politique existant et le mode de gestion du pouvoir et réaffirme que la voie d’accès au véritable changement passe par la mise en place d’une constitution démocratique, aussi bien au niveau de son élaboration que de son contenu et de son mode d’adoption, se basant sur une séparation des pouvoirs et incarnant la volonté populaire en tant que source de tout pouvoir.
La Voie Démocratique publie un journal (en langue arabe) de même nom.
ANNAHJ
http://elwassouli01.chez-alice.fr/ANNAHJF/HISTOIRE.htm