règne de Pol Pot et de ses Khmers rouges (1975-1979) fut une expérience limite. Il n'y a qu'au Cambodge qu'un communisme se confondit à ce point avec ses pratiques répressives, et que celles-ci prirent la forme du meurtre de masse. On retrouve cependant, comme boursouflées, nombre des caractéristiques décelées dans d'autres communismes, et tout particulièrement en Chine. La guerre populaire maoïste prôna ainsi l' «encerclement des villes par les campagnes», décima tout particulièrement la population des premières, et la Révolution culturelle s'acheva par l'envoi forcé à la campagne d'une quinzaine de millions de jeunes urbains, surtout étudiants.
Au Cambodge, les villes, à commencer par Phnom Penh, la capitale, furent en une semaine rayées de la carte, et près de la moitié de la population du pays (dont de très nombreux réfugiés venus des villages frappés par la guerre de 1970-1975) fut jetée sur les routes, sans aide ni organisation. Ils durent s'intégrer dans des manières de communes populaires, où tout était collectivisé, à l'exception d'une cuillère et d'un bol par personne (il était formellement interdit de faire la cuisine ou de chercher individuellement de quoi manger), et s'échiner dans d'énormes chantiers d'irrigation ou de défrichement, cependant que les récoltes dépérissaient. D'où, rapidement, des pénuries alimentaires permanentes,qui emportèrent sans doute 1 Cambodgien sur 10.
Nombre de victimes
(avril 1975-janvier 1979)
Exécutions, décès en prison: de 500 000 à 1 million. Morts de faim ou de maladie (résultant de l'envoi en zone insalubre sans protection médicamenteuse): de 700 000 à 900 000. Morts pendant la déportation ou par épuisement au travail: de 100 000 à 400 000. Total: 1,3 à 2,3 millions (sur une population d'environ 7,5 millions de personnes en 1975).
Comme sous Mao, les intellectuels (on était fréquemment classé comme tel au Cambodge dès lors qu'on savait lire et écrire couramment!) étaient considérés comme une «catégorie puante», dangereuse par ses prétentions à une expertise par nature apolitique: mais le Timonier de Pékin comprenait qu'il ne pouvait se passer d'eux s'il voulait développer le pays. Au Cambodge, où tout système scolaire digne de ce nom avait disparu, ils étaient tous contraints au travail manuel le plus abrutissant, et souvent sélectionnés pour être assassinés, tout comme l'ensemble des fonctionnaires et des militaires du régime précédent; et pourtant la direction du Parti communiste khmer (PCK) était presque entièrement composée d'anciens étudiants et professeurs...
Ruraux versus urbains
La césure radicale opérée entre «ancien peuple» (les ruraux, tôt contrôlés par les Khmers rouges) et «nouveau peuple» (les vaincus de 1975, essentiellement urbains) rappelle elle-même la distinction maoïste entre «catégories rouges» et «catégories noires». Mais ces dernières, en Chine, représentaient peut-être 1 habitant sur 5. Au Cambodge, c'est environ 1 sur 2. De plus, Mao ne promettait qu'une minorité des «noirs» à la détention ou à la mort; la majorité pouvait être «rééduquée» et utilisée. Pol Pot, lui, plonge la totalité des «nouveaux» dans une atmosphère concentrationnaire: séparation physique totale d'avec les «anciens»; promiscuité et précarité de l'habitat se conjuguant avec un emploi du temps exténuant (travail et réunions politiques absorbent couramment seize heures par jour) pour ne laisser aucun répit à l'individu: discrimination alimentaire systématique (on est sans cesse obsédé par la faim); volonté de briser tout lien familial, ou seulement d'affection, par le retrait des enfants à leurs parents dès 6 ou 7 ans, par la dispersion permanente du foyer entre de multiples «brigades de travail», également par l'interdiction de toute entraide «privée» et même de tout rite funéraire; nouvelles déportations, réitérées parfois à de multiples reprises, déstabilisant un peu plus les «nouveaux», et souvent mortelles pour les plus faibles. Leur fréquent envoi dans des jungles insalubres à défricher, sans la moindre protection contre le paludisme et la dysenterie, alors que leurs organismes étaient affaiblis par l'épuisement et la sous-alimentation, fut source de véritables hécatombes.
Au Cambodge, les villes, à commencer par Phnom Penh, la capitale, furent en une semaine rayées de la carte, et près de la moitié de la population du pays (dont de très nombreux réfugiés venus des villages frappés par la guerre de 1970-1975) fut jetée sur les routes, sans aide ni organisation. Ils durent s'intégrer dans des manières de communes populaires, où tout était collectivisé, à l'exception d'une cuillère et d'un bol par personne (il était formellement interdit de faire la cuisine ou de chercher individuellement de quoi manger), et s'échiner dans d'énormes chantiers d'irrigation ou de défrichement, cependant que les récoltes dépérissaient. D'où, rapidement, des pénuries alimentaires permanentes,qui emportèrent sans doute 1 Cambodgien sur 10.
Nombre de victimes
(avril 1975-janvier 1979)
Exécutions, décès en prison: de 500 000 à 1 million. Morts de faim ou de maladie (résultant de l'envoi en zone insalubre sans protection médicamenteuse): de 700 000 à 900 000. Morts pendant la déportation ou par épuisement au travail: de 100 000 à 400 000. Total: 1,3 à 2,3 millions (sur une population d'environ 7,5 millions de personnes en 1975).
Comme sous Mao, les intellectuels (on était fréquemment classé comme tel au Cambodge dès lors qu'on savait lire et écrire couramment!) étaient considérés comme une «catégorie puante», dangereuse par ses prétentions à une expertise par nature apolitique: mais le Timonier de Pékin comprenait qu'il ne pouvait se passer d'eux s'il voulait développer le pays. Au Cambodge, où tout système scolaire digne de ce nom avait disparu, ils étaient tous contraints au travail manuel le plus abrutissant, et souvent sélectionnés pour être assassinés, tout comme l'ensemble des fonctionnaires et des militaires du régime précédent; et pourtant la direction du Parti communiste khmer (PCK) était presque entièrement composée d'anciens étudiants et professeurs...
Ruraux versus urbains
La césure radicale opérée entre «ancien peuple» (les ruraux, tôt contrôlés par les Khmers rouges) et «nouveau peuple» (les vaincus de 1975, essentiellement urbains) rappelle elle-même la distinction maoïste entre «catégories rouges» et «catégories noires». Mais ces dernières, en Chine, représentaient peut-être 1 habitant sur 5. Au Cambodge, c'est environ 1 sur 2. De plus, Mao ne promettait qu'une minorité des «noirs» à la détention ou à la mort; la majorité pouvait être «rééduquée» et utilisée. Pol Pot, lui, plonge la totalité des «nouveaux» dans une atmosphère concentrationnaire: séparation physique totale d'avec les «anciens»; promiscuité et précarité de l'habitat se conjuguant avec un emploi du temps exténuant (travail et réunions politiques absorbent couramment seize heures par jour) pour ne laisser aucun répit à l'individu: discrimination alimentaire systématique (on est sans cesse obsédé par la faim); volonté de briser tout lien familial, ou seulement d'affection, par le retrait des enfants à leurs parents dès 6 ou 7 ans, par la dispersion permanente du foyer entre de multiples «brigades de travail», également par l'interdiction de toute entraide «privée» et même de tout rite funéraire; nouvelles déportations, réitérées parfois à de multiples reprises, déstabilisant un peu plus les «nouveaux», et souvent mortelles pour les plus faibles. Leur fréquent envoi dans des jungles insalubres à défricher, sans la moindre protection contre le paludisme et la dysenterie, alors que leurs organismes étaient affaiblis par l'épuisement et la sous-alimentation, fut source de véritables hécatombes.