Le dur métier de courtisan
]
Etre le plus intrépide thuriféraire de Bouteflika est l’exercice qui fait fureur aujourd’hui au sein de l’espace public algérien. Car un gros problème est apparu chez les partisans du « troisième mandat » : ils commencent à devenir foule et à se marcher sur les pieds au journal télévisé de vingt heures. Chacun redoute qu’il se fasse déborder par plus malin que lui et par conséquent ne pas figurer, le moment voulu, sur la liste des récompensés. Tout ce beau monde a un cap : le sacre présidentiel, lorsque Bouteflika, « fraîchement réélu » se remémore tel ou tel nom et tende sa main reconnaissante : pleuvront alors les postes de ministres, walis, ambassadeurs, patrons d’une boîte publique, grands commis de l’Etat... De quoi faire tourner la tête. Alors, pour ne par rester en rade et rater ce grand rendez-vous, il faut rivaliser d’imagination. Le gisement inépuisable reste la « réconciliation nationale » et c’est à qui réussira à démontrer, mieux que tout autre, que c’est une des plus « grandes œuvres » de l’histoire de l’Algérie, voire de l’histoire tout court. Certains n’hésiteront pas à préconiser la création d’un ministère de la réconciliation nationale, suggérant qu’ils sont les mieux placés pour être à sa tête. D’autres rivaliseront d’enthousiasme pour plaider la cause de Bouteflika au prix Nobel de la paix 2008. La course est serrée et le président doit rivaliser avec 196 candidats. Mais rien ne refroidit les comités de soutien, parlementaires, dignitaires et écrivains d’un nouveau type, pas même l’avertissement du comité Nobel qu’il ne tiendra aucun compte de « la qualité » des parrains et des campagnes qu’ils mènent en faveur de leur candidat. Lorsqu’il leur arrive de se hasarder sur le terrain du bilan économique et social des dix dernières années, ils adoptent la technique bien rodée des pouvoirs publics : aligner les chiffres des réalisations des infrastructures de base et se garder de faire état de l’aggravation de la misère et des inégalités sociales. C’est productif de citer la liste des barrages, routes, écoles, hôpitaux et stations de dessalement d’eau de mer, mais c’est périlleux d’évoquer l’ampleur du phénomène des harraga, la flambée des prix des biens de consommation courante et la montée en puissance des syndicats autonomes qui disent non à la clochardisation du monde du travail. Les partisans du troisième mandat évitent soigneusement de citer en exemple ces dirigeants étrangers qui se sont confectionnés des constitutions à leur image, particulièrement dans le tiers monde : ils ont une trop mauvaise presse. Avec toute sa puissance, Poutine n’a pas franchi le pas de modifier la Loi fondamentale de son pays, préférant un subterfuge politique pour rester le maître de la Russie. Mais Poutine a cet avantage d’être aimé par son peuple qui reconnaît haut et fort être sorti, grâce à lui, de la précarité sociale et du désespoir de la vie. [/size]
]
Ali Bahmane
Le matin dz
]
Etre le plus intrépide thuriféraire de Bouteflika est l’exercice qui fait fureur aujourd’hui au sein de l’espace public algérien. Car un gros problème est apparu chez les partisans du « troisième mandat » : ils commencent à devenir foule et à se marcher sur les pieds au journal télévisé de vingt heures. Chacun redoute qu’il se fasse déborder par plus malin que lui et par conséquent ne pas figurer, le moment voulu, sur la liste des récompensés. Tout ce beau monde a un cap : le sacre présidentiel, lorsque Bouteflika, « fraîchement réélu » se remémore tel ou tel nom et tende sa main reconnaissante : pleuvront alors les postes de ministres, walis, ambassadeurs, patrons d’une boîte publique, grands commis de l’Etat... De quoi faire tourner la tête. Alors, pour ne par rester en rade et rater ce grand rendez-vous, il faut rivaliser d’imagination. Le gisement inépuisable reste la « réconciliation nationale » et c’est à qui réussira à démontrer, mieux que tout autre, que c’est une des plus « grandes œuvres » de l’histoire de l’Algérie, voire de l’histoire tout court. Certains n’hésiteront pas à préconiser la création d’un ministère de la réconciliation nationale, suggérant qu’ils sont les mieux placés pour être à sa tête. D’autres rivaliseront d’enthousiasme pour plaider la cause de Bouteflika au prix Nobel de la paix 2008. La course est serrée et le président doit rivaliser avec 196 candidats. Mais rien ne refroidit les comités de soutien, parlementaires, dignitaires et écrivains d’un nouveau type, pas même l’avertissement du comité Nobel qu’il ne tiendra aucun compte de « la qualité » des parrains et des campagnes qu’ils mènent en faveur de leur candidat. Lorsqu’il leur arrive de se hasarder sur le terrain du bilan économique et social des dix dernières années, ils adoptent la technique bien rodée des pouvoirs publics : aligner les chiffres des réalisations des infrastructures de base et se garder de faire état de l’aggravation de la misère et des inégalités sociales. C’est productif de citer la liste des barrages, routes, écoles, hôpitaux et stations de dessalement d’eau de mer, mais c’est périlleux d’évoquer l’ampleur du phénomène des harraga, la flambée des prix des biens de consommation courante et la montée en puissance des syndicats autonomes qui disent non à la clochardisation du monde du travail. Les partisans du troisième mandat évitent soigneusement de citer en exemple ces dirigeants étrangers qui se sont confectionnés des constitutions à leur image, particulièrement dans le tiers monde : ils ont une trop mauvaise presse. Avec toute sa puissance, Poutine n’a pas franchi le pas de modifier la Loi fondamentale de son pays, préférant un subterfuge politique pour rester le maître de la Russie. Mais Poutine a cet avantage d’être aimé par son peuple qui reconnaît haut et fort être sorti, grâce à lui, de la précarité sociale et du désespoir de la vie. [/size]
]
Ali Bahmane
Le matin dz