Rhétorique
Derrière ces déclarations ampoulées, il y a une nouveauté explicitement formulée: le “linkage” fait par Alger entre la question et une reprise normale des relations entre les deux pays; l’équation tout aussi claire entre ce premier aspect et l’inclusion de la prétendue RASD dans l’entité maghrébine, puisqu’il est fait expressément état à « tous les peuples ». Voilà, tout cela, on le savait évidemment depuis des lustres ; mais ce n’est pas indifférent que les peuples de la région, précisément, le sachent; ainsi que l’ensemble de la communauté internationale. Quelques jours à peine après Manhasset IV et à cinq semaines du rapport du Secrétaire général de l’ONU devant le Conseil de sécurité, pareille rhétorique n’est pas dénuée d’intérêt en ce qu’elle jette de nouveau une lumière crue sur les positions de conflictualité de l’Algérie.
Tel est bien l’enjeu de cette situation : qui veut la paix ? La détente et la coopération? Et qui s’y oppose objectivement par ses paroles et ses actes ? À cet égard, la question des frontières entre les deux pays est constamment instrumentalisée par l’Algérie dans le cadre de son animosité et de son hostilité à l’endroit du Royaume.
Et le rappel de l’histoire du demi-siècle écoulé témoigne de cette politique.
Dès le lendemain de l’indépendance, le Royaume a remis à l’ordre du jour la question du recouvrement de ses frontières historiques. Ainsi, la déclaration commune des deux gouvernements français et marocain en date du 2 mars 1956 soulignait la volonté de Paris « de respecter et de faire respecter l’intégrité du territoire marocain garantie par les traités internationaux ». La création de l’Organisation commune des Régions sahariennes (OCRS) en août 1956 par la France a conduit immédiatement Rabat à demander officiellement « que soit déterminée la souveraineté qui s’exerce sur ces régions ainsi que leur délimitation ».
Pour faire pièce à ce projet été mis sur pied par Paris, le Maroc réaffirme en de nombreuses circonstances ses légitimes revendications sur des territoires sahariens dont il a été spolié par l’administration française durant la période coloniale en Algérie. Le point d’orgue en sera le discours historique de Mohammed V à M’hamid El Ghizlane, le 25 février 1958: « Nous proclamons solennellement, déclara-t-il alors, que nous poursuivrons notre action pour le retour de notre Sahara dans le cadre du respect de nos droits historiques et conformément à la volonté de ses habitants. »
Tout en reconnaissant le gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) quelques mois plus tard, Rabat assortissait cet acte d’une réserve portant sur ses revendications territoriales non encore réglées avec l’Algérie.
Restitution
Et, le 15 décembre, le Maroc saisissait de nouveau Paris pour souligner que « la fin du régime du protectorat devait avoir pour conséquence la restitution au gouvernement de Sa Majesté de tout le territoire tel qu’il était reconnu sur le plan international à la veille du traité du 30 mars 1912… », et d’ajouter encore que « des modifications de statut politique ou administratif de certains territoires contestés dans cette même région sont opérées à la suite de décisions unilatérales françaises ».
Le 6 juillet 1961, un accord entre le Maroc et le GPRA est finalisé sur le contentieux frontalier maroco-algérien. Rabat y souligne son opposition « par tous les moyens à toute tentative de partage ou d’amputation du territoire algérien ». De son côté, le GPRA « reconnaît que le problème territorial posé par la délimitation imposée arbitrairement par la France entre les deux pays trouvera sa résolution dans des négociations entre le gouvernement du Royaume du Maroc et le gouvernement de l’Algérie indépendante ». Il « réaffirme que les accords qui pourront intervenir à la suite des négociations franco-aglériennes ne sauraient être opposables au Maroc quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines». Et, faisant suite à ces engagements, il est décidé la création d’une commission mixte algéro-marocaine qui « se réunira dans les meilleurs délais pour procéder à l’étude et à la solution de ce problème dans un esprit de fraternité et d’unité maghrébine».
Mais, dès le cessez-le-feu scellé par les accords d’Evian en mars 1962, les premiers incidents interviennent près de postes évacués par les Français (Zegdou, col d’Oussada) ; puis d’autres, début juillet à Tindouf et Saf Saf ; en septembre, des mouvements de troupes et des préparatifs sont observés le long de la route Béchar-Tinfouchi-Tindouf. Le 5 octobre 1963, à l’issue d’une rencontre Guédira-Bouteflika, le ministre algérien déclare : «le peuple algérien n’a pas oublié l’attitude du Maroc lors de la guerre d’Algérie. Chaque Algérien se considère au Maroc chez lui, tout comme chaque Marocain est chez lui en Algérie ».
Mais lors de la même semaine, les incidents se multiplient : des éléments de l’ANP sont proches des localités de Hassi Baïda et Tinjoub, au sud de Ouarzazate ; dix mokhaznis sont tués ; puis ce fut l’attaque de Figuig et Ich. Les FAR réagissent et écrasent les forces algériennes. Ben Bella instrumentalise cette situation sur la base de l’“unité nationale”, confronté qu’il était à une grave crise interne (conflit avec Mohamed Khider, alors responsable du FLN ; révolte et maquis en Kabylie sous l’étendard du FFS de Hocine Aït Ahmed, sédition du colonel Chaâbani dans le Sud).
Derrière ces déclarations ampoulées, il y a une nouveauté explicitement formulée: le “linkage” fait par Alger entre la question et une reprise normale des relations entre les deux pays; l’équation tout aussi claire entre ce premier aspect et l’inclusion de la prétendue RASD dans l’entité maghrébine, puisqu’il est fait expressément état à « tous les peuples ». Voilà, tout cela, on le savait évidemment depuis des lustres ; mais ce n’est pas indifférent que les peuples de la région, précisément, le sachent; ainsi que l’ensemble de la communauté internationale. Quelques jours à peine après Manhasset IV et à cinq semaines du rapport du Secrétaire général de l’ONU devant le Conseil de sécurité, pareille rhétorique n’est pas dénuée d’intérêt en ce qu’elle jette de nouveau une lumière crue sur les positions de conflictualité de l’Algérie.
Tel est bien l’enjeu de cette situation : qui veut la paix ? La détente et la coopération? Et qui s’y oppose objectivement par ses paroles et ses actes ? À cet égard, la question des frontières entre les deux pays est constamment instrumentalisée par l’Algérie dans le cadre de son animosité et de son hostilité à l’endroit du Royaume.
Et le rappel de l’histoire du demi-siècle écoulé témoigne de cette politique.
Dès le lendemain de l’indépendance, le Royaume a remis à l’ordre du jour la question du recouvrement de ses frontières historiques. Ainsi, la déclaration commune des deux gouvernements français et marocain en date du 2 mars 1956 soulignait la volonté de Paris « de respecter et de faire respecter l’intégrité du territoire marocain garantie par les traités internationaux ». La création de l’Organisation commune des Régions sahariennes (OCRS) en août 1956 par la France a conduit immédiatement Rabat à demander officiellement « que soit déterminée la souveraineté qui s’exerce sur ces régions ainsi que leur délimitation ».
Pour faire pièce à ce projet été mis sur pied par Paris, le Maroc réaffirme en de nombreuses circonstances ses légitimes revendications sur des territoires sahariens dont il a été spolié par l’administration française durant la période coloniale en Algérie. Le point d’orgue en sera le discours historique de Mohammed V à M’hamid El Ghizlane, le 25 février 1958: « Nous proclamons solennellement, déclara-t-il alors, que nous poursuivrons notre action pour le retour de notre Sahara dans le cadre du respect de nos droits historiques et conformément à la volonté de ses habitants. »
Tout en reconnaissant le gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) quelques mois plus tard, Rabat assortissait cet acte d’une réserve portant sur ses revendications territoriales non encore réglées avec l’Algérie.
Restitution
Et, le 15 décembre, le Maroc saisissait de nouveau Paris pour souligner que « la fin du régime du protectorat devait avoir pour conséquence la restitution au gouvernement de Sa Majesté de tout le territoire tel qu’il était reconnu sur le plan international à la veille du traité du 30 mars 1912… », et d’ajouter encore que « des modifications de statut politique ou administratif de certains territoires contestés dans cette même région sont opérées à la suite de décisions unilatérales françaises ».
Le 6 juillet 1961, un accord entre le Maroc et le GPRA est finalisé sur le contentieux frontalier maroco-algérien. Rabat y souligne son opposition « par tous les moyens à toute tentative de partage ou d’amputation du territoire algérien ». De son côté, le GPRA « reconnaît que le problème territorial posé par la délimitation imposée arbitrairement par la France entre les deux pays trouvera sa résolution dans des négociations entre le gouvernement du Royaume du Maroc et le gouvernement de l’Algérie indépendante ». Il « réaffirme que les accords qui pourront intervenir à la suite des négociations franco-aglériennes ne sauraient être opposables au Maroc quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines». Et, faisant suite à ces engagements, il est décidé la création d’une commission mixte algéro-marocaine qui « se réunira dans les meilleurs délais pour procéder à l’étude et à la solution de ce problème dans un esprit de fraternité et d’unité maghrébine».
Mais, dès le cessez-le-feu scellé par les accords d’Evian en mars 1962, les premiers incidents interviennent près de postes évacués par les Français (Zegdou, col d’Oussada) ; puis d’autres, début juillet à Tindouf et Saf Saf ; en septembre, des mouvements de troupes et des préparatifs sont observés le long de la route Béchar-Tinfouchi-Tindouf. Le 5 octobre 1963, à l’issue d’une rencontre Guédira-Bouteflika, le ministre algérien déclare : «le peuple algérien n’a pas oublié l’attitude du Maroc lors de la guerre d’Algérie. Chaque Algérien se considère au Maroc chez lui, tout comme chaque Marocain est chez lui en Algérie ».
Mais lors de la même semaine, les incidents se multiplient : des éléments de l’ANP sont proches des localités de Hassi Baïda et Tinjoub, au sud de Ouarzazate ; dix mokhaznis sont tués ; puis ce fut l’attaque de Figuig et Ich. Les FAR réagissent et écrasent les forces algériennes. Ben Bella instrumentalise cette situation sur la base de l’“unité nationale”, confronté qu’il était à une grave crise interne (conflit avec Mohamed Khider, alors responsable du FLN ; révolte et maquis en Kabylie sous l’étendard du FFS de Hocine Aït Ahmed, sédition du colonel Chaâbani dans le Sud).