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admin"SNP1975"

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Said Sadi a voulu instrumentaliser l’histoire dans une vaste opération de diversion

D’entrée de jeu, on ne résiste pas à la tentation de poser la question de savoir pour quelles raisons, le Dr Saïd Sadi a attendu le mois d’avril 2010 pour publier un récit célébrant la mémoire du colonel Amirouche. C’est comme si, tout d’un coup, on feignait de découvrir le rôle et la place de celui qui dirigea la Wilaya III de juillet 1957 jusqu’à sa mort le 29 mars 1959. Le président du RCD, si prompt à s’émouvoir de l’ignorance de tout un peuple de son histoire récente, a pris le risque de laisser se sédimenter l’épaisse couche d’amnésie collective que les responsables algériens qui se sont succédé depuis 1962 ont délibérément ou non laissé s’accumuler, occultant ici les évènements fondateurs de la Révolution (commencée bien avant le 1er Novembre 1954), glorifiant, là, des épiphénomènes qui n’eurent aucun impact décisif sur la marche vers l’indépendance.

S’il s’agit de rendre justice à l’action du colonel Amirouche, le récit de S. Sadi est publié après de nombreux témoignages que lui ont rendus ses compagnons d’armes ou même des historiens soucieux de rétablir des vérités jusqu’alors passablement dérangeantes. Quel est l’objectif visé par S. Sadi, en publiant un récit de 442 pages (annexes comprises) sur le défunt colonel Amirouche ? Même si le récit constitue une sorte d’hagiographie du chef de la Wilaya III (qui n’était pourtant pas exempt de défauts), on peut comprendre que l’auteur ait dû sacrifier à cet exercice pour blanchir les épisodes tumultueux et sanglants de la «Bleuite» que les historiens — y compris ceux que S. Sadi convoque au soutien de sa thèse, tels G. Meynier- (cf. Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Casbah Éditions, 2003, 812 p, p. 430 et Ss) inscrivent au passif personnel de l’ancien chef de la Wilaya III. Sans doute, l’histoire est-elle encore à écrire sur ce chapitre éminemment controversé. En revanche, on comprend moins le procès en sorcellerie instruit contre le colonel Boumediène, accusé, sans l’ombre d’une preuve, de toutes les turpitudes qui jalonnèrent l’histoire convulsive interne de la Révolution algérienne ; on en éprouve même un certain malaise, d’autant plus grand d’ailleurs que le parcours du colonel H. Boumediène n’a jamais croisé celui du colonel Amirouche. Quel est le fil d’Ariane entre l’action menée par la colonel Amirouche, dans les limites de la Wilaya III et les missions dont fut chargé H. Boumediène aux frontières est et ouest. Et comment peut-on mettre au débit du colonel Boumediène quelque action hostile que ce soit à l’endroit du colonel Amirouche, alors qu’il est avéré, sur un plan historique, que le colonel Boumediène n’a obtenu les coudées franches pour organiser l’armée des frontières qu’en janvier 1960, soit neuf mois après la mort du colonel Amirouche.
Les vérités du récit
On en citera deux : l’authenticité du portrait brossé du colonel Amirouche que tout un chacun peut vérifier grâce aux documents publiés et aux nombreux témoignages recueillis sur l’envergure exceptionnelle du personnage. Il y a ensuite l’évocation du Congrès de la Soummam et la réaffirmation du fait que c’est bien la Wilaya III qui a le plus souffert de la guerre coloniale et celle qu’il fallait, aux yeux des services secrets français, réduire à néant l’armée du général Challe et la logistique implacable de A. Boussouf se liguant pour la circonstance. Le colonel Amirouche est un grand héros de la Révolution algérienne. Il s’est battu jusqu’au sacrifice suprême, ne redoutant aucun obstacle, constamment obnubilé par l’illusion d’une possible victoire militaire de l’ALN sur la quatrième puissance du monde, affrontant tous les dangers. C’était un homme exceptionnel de courage et de ténacité. Tous les documents produits par le président du RCD pour étayer son plaidoyer en faveur du colonel Amirouche sont irréfutables. La deuxième vérité est contenue dans le rappel de cet évènement majeur de notre histoire contemporaine que fut le Congrès de la Soummam d’août 1956. C’est sans doute le lieu d’ouvrir une parenthèse qui nous permettra de tordre le coup à une légende qui prospère dangereusement, celle qui veut comparer la Déclaration du 1er Novembre 1954 à la Moubayaâ que reçut l’émir Abdelkader en prenant bien soin d’occulter le Congrès de la Soummam. Si grands qu’aient été les mérites de l’Émir pour rassembler sous sa bannière la cohorte disparate des tribus algériennes et les mobiliser contre l’ennemi colonial, la Moubayaâ ne saurait, en aucun cas, soutenir la comparaison avec le Congrès de la Soummam qui restera à jamais l’acte fondateur de l’État algérien postcolonial, celui qui devait servir d’épure à l’organisation politique, sociale et administrative de l’Algérie indépendante. C’est ainsi devenu le péché mignon de certains courants de s’employer à minorer les faits marquants de notre histoire, dès lors qu’ils prennent naissance dans la Kabylie. Aussi, S. Sadi a-t-il eu raison de rappeler l’importance du Congrès de la Soummam qui ne constituait, par ailleurs, en aucun cas, une abjuration des principes du 1er Novembre 1954, comme l’ont affirmé avec désinvolture et frivolité l’ex-président Ben Bella et le colonel Ali Kafi.
Une complaisance injustifiée à l’égard du colonel Amirouche
J’en donnerai deux illustrations : la «Bleuite» et les qualités d’homme d’État prêtées au colonel Amirouche.
Sur la «Bleuite»
Le propos n’est pas de gloser sur la sincérité du colonel Amirouche à propos des châtiments qu’il a ordonnés à ses hommes de confiance d’infliger aux djounoud suspects de collaboration avec l’ennemi. Il est de rappeler que la Wilaya III a été le théâtre de nombreuses purges qui firent des centaines, voire des milliers de victimes dont beaucoup étaient innocentes. Il ne s’agit pas de savoir si ce phénomène funeste a ou non touché l’ensemble des wilayas. Du reste, il est insolite de voir le démocrate S. Sadi enfourcher ce cheval de bataille, comme si des violations des droits de l’homme (tortures, exécutions sommaires) étaient acceptables ou justifiables du seul fait qu’elles ont été commises à une vaste échelle. En revanche, l’historien peut remettre en perspective des évènements douloureux par rapport aux circonstances et à l’environnement qui prévalaient au moment où ils sont survenus. Le chiffre de 250 à 300 victimes donné par le président du RCD paraît peu vraisemblable ; celui de 6 000 donné par les services algériens et non par le président Boumediène est certainement excessif. G. Meynier, dans l’ouvrage précité et dont S. Sadi fait une utilisation sélective pour les besoins de sa démonstration, situe le nombre de victimes à environ 3 000 (ouvrage précité, p. 430 et Ss.). À la décharge du colonel Amirouche, il y avait à la fois les défaillances de ses propres services de sécurité insuffisamment vigilants (car il existait indéniablement des agents doubles), une volonté de la part de certains de ses hommes de faire barrage à de jeunes étudiants ou lycéens qui pouvaient, grâce à leur niveau intellectuel, leur faire ombrage en accédant à des postes de commandement, et il y avait surtout la détermination froide du colonel Godard, à qui les généraux Massu et Salan avaient donné carte blanche, de désorganiser toute la Kabylie, car elle constituait à ses yeux le bastion de la résistance. Ceci dit, on ne peut que regretter que l’auteur expédie en quelques lignes (p .251et 252) un phénomène extrêmement lourd qui a dû porter un coup fatal au moral des moudjahidine de la Wilaya III.
Sur les qualités d’homme d’État du colonel Amirouche
S. Sadi consacre quelque 77 pages (p. 193- 270) à essayer de convaincre le lecteur que le colonel Amirouche était un homme d’État. Il s’agit là d’une thèse inédite au regard de l’ensemble des écrits disponibles sur le colonel Amirouche. Que ce dernier, comme dit plus haut, ait été un grand chef de guerre, doué du sens de l’organisation (V. pp. 103-121 de l’ouvrage sur le rôle qu’il joua dans la préparation et le succès du Congrès de la Soummam), est peu niable. Que le président du RCD le présente comme un homme d’État, lui qui, d’ordinaire, est si regardant sur cette qualité est pour le moins insolite. On ne sache pas en effet que l’ancien chef de la Wilaya III ait jamais exposé un programme, une idée, encore moins des éléments de doctrine quant à l’organisation et au fonctionnement de l’État algérien. Il n’est pas jusqu’à sa connaissance de l’Islam dont il était un fervent pratiquant qui ne fut superficielle et même fruste. En aucune circonstance, Abane ne l’a sollicité pour prendre une part, fût-elle la plus modeste, à l’élaboration de quelque projet. On connaît aujourd’hui le nom de ceux qui contribuèrent à l’élaboration de la plate-forme de la Soummam et on connaît aussi les militants qu’Abane avait approchés pour affiner ses idées ou son programme. À l’évidence, le colonel Amirouche n’en faisait pas partie. S. Sadi a eu raison, un jour, d’opposer les hommes de pouvoir aux hommes d’État. Il aurait été bien avisé, en la circonstance, de réfléchir aux vertus de la distinction entre chef de guerre et homme d’État.
L’instrumentalisation de l’histoire
Elle ressort clairement de la relation faite par S. Sadi des rapports qu’entretenaient A. Boussouf avec H. Boumediène, des relations entre le GPRA et le colonel Boumediène, enfin de la perception qu’avait le colonel Amirouche du rôle du GPRA, au moment même où s’intensifiait l’effort de guerre colonial sur les wilayas de l’intérieur. 1. Les relations entre A. Boussouf et H. Boumediène Je suis d’autant plus à l’aise pour faire grief à S. Sadi de céder à l’amalgame entre le n° 1 du Malg et le colonel Boumediène que je me suis attiré les foudres de Daho Ould Kablia, président de l’association des anciens du Malg, lorsque j’ai pris soin, arguments à l’appui, d’opposer la personnalité de A. Boussouf à celle de H. Boumediène, notamment leurs conceptions antagoniques de l’édification de l’État postcolonial ( El Watan des 26 et 27 décembre 2007, puis des 3 et 7 janvier 2008). Bien avant Sadi et les déclarations de N. Aït Hamouda, j’avais suggéré l’hypothèse que les services du Malg avaient probablement communiqué aux services français les coordonnées du trajet que devaient accomplir vers Tunis les colonels Amirouche et Si Haouès, comme cela avait dû être également le cas pour le colonel Si M’hamed (5 mai 1959), plus tard pour le valeureux colonel Si Salah (20 juillet 1961). Les Wilayas III et IV étaient autant dans le collimateur de l’armée coloniale que dans celui de la direction du Malg. Une sorte d’union sacrée s’était constituée entre deux pôles que la rationalité politique plaçait aux antipodes mais qui étaient, en réalité, unis dans une commune détermination à rendre gorge aux chefs des Wilayas III et IV. Ceci dit, l’amalgame auquel se livre le Dr Sadi est douteux pour les raisons suivantes : a) Présenter le colonel Boumediène comme une créature d’A. Boussouf, à la seule fin de pouvoir plus facilement lui imputer des crimes commis par d’autres procède de l’instrumentalisation de l’histoire et même d’une certaine forme de révisionnisme. H. Boumediène n’a pas plus été la créature du patron du Malg que des hommes comme le colonel Lotfi à qui l’histoire a rendu l’hommage qu’il mérite. H. Boumediène avait été simplement le collaborateur de Boussouf, tout comme ce dernier fut choisi par l’intrépide Larbi Ben M’hidi pour le seconder à la tête de la Wilaya V. Il est d’autant plus fallacieux de ne retenir des compagnons de Boussouf que la seule personne du colonel Boumediène, qu’à la différence par exemple d’un Krim Belkacem qui anima, jusqu’au dernier moment, le Conseil interministériel de la guerre (CIG) avec Boussouf et Bentobal, le colonel Boumediène s’inscrivait résolument dans une perspective d’émancipation à l’égard du patron du Malg. La place nous manque ici pour expliquer au lecteur algérien que dans toutes les actions de déstabilisation orchestrées par le patron du Malg en direction de la Wilaya III mais aussi de la Wilaya IV, laquelle paya un lourd tribut humain à la Révolution, le colonel Boumediène n’a jamais été associé, si peu que ce soit. Du reste, pressentant depuis longtemps que le colonel Boumediène, qui n’avait ni la raideur ni l’implacabilité d’Abane, nourrissait un autre type d’ambition pour l’Algérie que l’édification d’un État policier, le colonel Boussouf se résolut, in fine, à se constituer ses propres clientèles abritées au sein du Malg ou de sa périphérie et qui n’auront nulle partie liée avec le futur EMG. b) Le lecteur non averti s’imaginera, à la lecture des nombreux passages consacrés par le Dr Sadi au colonel Boussouf, que le personnage n’aurait été qu’un aventurier, ayant organisé une gigantesque association de malfaiteurs dont le but ultime était, une fois éliminés les acteurs majeurs de l’histoire, de s’arroger les dividendes de l’indépendance. Hélas, il n’en est rien et d’une certaine façon, c’est bien là le drame. Tous les griefs que l’on peut articuler à l’encontre de A. Boussouf ne feront pas disparaître ce fait irréfutable qu’il milita très tôt dans le mouvement national et fut l’un des principaux dirigeants du PPA/ MTLD, membre du groupe des 22 et ministre du GPRA. A priori, il était loin de répondre au profil du parrain sanguinaire que l’historiographie universitaire retient pour l’essentiel de lui. En aucun cas, cependant, le Malg ne peut être réduit à la personne d’A. Boussouf et celle de ses fidéicommis. Des militants illustres ont servi au Malg avec la conviction que leur institution n’avait été conçue que pour lutter contre l’armée coloniale et appuyer logistiquement les unités de l’ALN engagées dans le combat libérateur. Des hommes comme Mohamed Lemkami, Ali Tounsi et bien d’autres n’ont pris aucune part dans les dévoiements sinistres que dénonce à juste titre le président du RCD et restent pour l’histoire de valeureux moudjahidine.
2. Les ambiguïtés du colonel Amirouche à l’égard de Abane
On ne sache pas que le colonel Amirouche se soit réellement ému, d’abord de l’élimination politique de Abane au CNRA du Caire (août 1957) dont firent également les frais deux des plus proches compagnons de Abane, B. Benkhedda et S. Dahleb, avant de revenir en grâce quelques années plus tard, et en décembre 1957, de son lâche assassinat par les sbires de Boussouf. Du reste, et il faut le dire pour l’histoire, l’élimination physique de Abane arrangeait les affaires de tous les protagonistes du conflit (K. Belkacem, en tout premier lieu, dont Abane raillait souvent le manque de perspicacité politique) mais aussi, et pour cause, les membres de la délégation extérieure, qui apprirent la mort de Abane avec un soulagement entendu. En réalité, aucune figure marquante (à l’exception du regretté Larbi Ben M’hidi, incarnation de la pureté révolutionnaire, s’il en est, mais disparu en février 1957) ne tolérait Abane, non seulement à cause de sa personnalité écrasante mais aussi du rôle de directeur de conscience qu’il s’était attribué, distribuant sermons et mises en garde aux chefs du FLN/ALN à la moindre erreur. Doué de la prescience des évènements, il avait cherché à imposer son fameux paradigme de la supériorité du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur, de sorte que l’État algérien, devenu indépendant, ne se transformât pas en outil prétorien au service d’une camarilla de comploteurs avérés. Ce faisant, Abane s’aliénait tout le spectre des acteurs de la Révolution : les chefs militaires qui redoutaient d’être dépossédés de leur commandement sur les hommes par des politiques, non directement impliqués dans le théâtre des opérations, et ceux qui étaient appelés à composer les futures institutions chargées d’internationaliser le conflit algérien, et qui virent, là, une opportunité de s’affranchir de la direction intérieure et pourquoi pas de mener une stratégie autonome avec une bonne conscience d’autant plus désarmante qu’il s’agissait également pour eux de réclamer l’indépendance de l’Algérie.
3. La cible principale du colonel Amirouche : le GPRA
Pour le colonel Amirouche, l’interruption de la livraison en armes des wilayas de l’intérieur relève de la responsabilité du GPRA. Le jour où le colonel Amirouche, accompagné du colonel Si Houès, se dirige vers Tunis, l’EMG n’existe pas encore. Il y avait, en vertu d’une décision du Comité d’exécution et de coordination (CCE) prise en avril 1958, deux commandements : un à l’ouest dirigé par le colonel H. Boumediène et un à l’est confié au colonel Saïd Mohammedi. Le colonel Amirouche n’avait pas de grief particulier à l’endroit ni de l’un ni de l’autre, lesquels ne faisaient qu’appliquer les directives du GPRA qui avait succédé au CCE, le 19 septembre 1958. Du reste, si réellement l’armée des frontières n’était qu’un réceptacle d’embusqués en quête de jours meilleurs, on ne comprend pas pour quelles raisons le CNRA avait décidé de relever manu militari le colonel S. Mohammedi de la tête du COM Est. L’incompétence pyramidale, les foucades et les frasques de cet esprit brutal et primaire avaient grandement facilité la tâche de l’armée française dans son entreprise de verrouillage des postes frontaliers avec la Tunisie par lesquels transitaient les armes en provenance des pays frères et amis. La création de l’EMG, postérieure à la mort du colonel Amirouche, procédait de la volonté du CNRA, partagée par le GPRA, de doter l’ALN d’un commandement unifié et dans les circonstances de l’époque, seul le colonel Boumediène possédait l’envergure, le savoir-faire, l’autorité et le charisme pour regrouper les nombreuses unités bigarrées qui stationnaient aux frontières. Ce n’est pas le volontarisme opportuniste ou cynique du colonel Boumediène qui va lui frayer un chemin vers les sommets du commandement de l’ALN, ce sont les circonstances objectives nées du rapport de force militaire (armée française /wilayas de l’intérieur) qui vont le propulser aux avant-postes et lui donner l’occasion de s’ériger en force concurrente du GPRA mais aussi du CIG dans lequel A. Boussouf exerce un rôle prépondérant. Pour le surplus, ces deux institutions — faut-il une nouvelle fois le rappeler pour les jeunes Algériens — étaient affligées d’une légitimité d’autant plus déclinante que l’une et l’autre étaient travaillées par de puissantes forces centrifuges que libèrera complètement la proximité de l’indépendance. Notre propos n’est pas de discuter le réquisitoire du colonel Amirouche contre le GPRA, réquisitoire partagé par les colonels SI Haouès, Hadj Lakhdar (WI) et Si M’hamed (WIV), lors de leur réunion tenue du 6 au 12 décembre 1958 en Kabylie. Il est simplement de rappeler la détermination du colonel Amirouche d’exiger des comptes de la part d’une direction, confortement installée à l’extérieur, et qui avait, dès l’origine, fait son deuil de l’écrasement des combattants de l’intérieur par l’armée française, si ce n’était, là, le vœu secret de nombre de ses membres. À aucun moment, constate lucidement le colonel Amirouche, le GPRA ne s’est préoccupé du sort des wilayas de l’intérieur, ne s’est saisi de la question de l’acheminement des armes (si ce n’est sur le registre de la déploration) et, on ajoutera ici, n’a porté le moindre intérêt aux conflits internes qui s’exacerbaient au sein des commandements respectifs des wilayas (dont la question des purges). Pour le colonel Amirouche, le but monomaniaque du GPRA était que dans le sillage de l’internationalisation réussie du conflit algérien, le général de Gaulle fut dans l’obligation d’entamer des négociations avec les représentants du peuple algérien, lesquels ne pouvaient être que les membres du GPRA ; ces derniers spéculaient, en effet, sur l’isolement et la désorganisation de la résistance intérieure, la détention des historiques au château d’Aulnoy (A. Ben Bella, H. Aït Ahmed, R. Bitat, M. Boudiaf et M. Khider) et le rôle d’appoint dans lequel ils pensaient pouvoir encore cantonner l’armée des frontières après avoir utilisé ses chefs (H. Boumediène, A. Kaïd et A. Menjli) pour éliminer des hommes de courage et de vertu comme le colonel Lamouri. Si, comme le démontre avec force arguments le président du RCD, la cible du colonel Amirouche était bien le GPRA, comment faire reproche à l’EMG d’avoir refusé de passer sous ses fourches caudines au lendemain de la proclamation du cessez-le feu. Là n’est pas la moindre des contradictions du président du RCD, comme nous le verrons plus loin.
4. Le GPRA n’avait plus de légitimité tandis que l’EMG disposait du leadership instrumental
Comment peut-on imaginer un instant qu’une institution complètement délégitimée par le colonel Amirouche et les principaux chefs de wilaya pour son apathie et son indolence devant le massacre des combattants de l’intérieur pouvait encore dicter son autorité à une institution comme l’EMG qui ne procédait pas du GPRA mais du CNRA. Puisque le colonel Boumediène est présenté par le Dr Sadi comme un criminel, c’est le lieu de rappeler à tous les enfants de ce pays, à qui l’histoire n’est pas enseignée, que le patron de l’EMG était un homme de mesure, de tolérance et de longanimité, comme le prouve à satiété son refus obstiné de faire condamner à mort des hommes comme M. Chérif Messadia ou A. Draia qu’il affecta au sud du pays avant de les récupérer à l’indépendance. Soutenir que l’EMG a commis un coup d’État au cours de la crise de l’été 1962 contre le GPRA est une affabulation et une contre-vérité historique fondamentale. Outre le fait que le GPRA ne pouvait se prévaloir d’aucune légitimité (il n’avait négocié puis conclu les Accords d’Évian que pour compte d’autrui, c'est-à-dire pour le compte de l’État algérien), il était en proie à de telles divisions (avant même le coup de force de Ben Khedda contre F. Abbas en 1961 ; preuve, au passage, s’il en était besoin, que la tradition du pronunciamiento n’est pas l’apanage de tel ou tel clan) qu’il ne pouvait commander ni aux hommes ni aux évènements. Une partie de sa direction rallia le groupe de Tlemcen, autour de Ben Bella et de l’EMG, et l’autre le groupe de Tizi-Ouzou, autour de K. Belkacem, H. Aït Ahmed et M. Boudiaf. Quel coup d’État pouvait bien fomenter l’EMG contre une institution fantomatique, éclatée, émiettée sans capitaine et sans cap ? S. Cheikh a remarquablement expliqué dans son brillant ouvrage ( L’Algérie en armes ou le temps des certitudes, OPU, 1980) que l’EMG disposait, à la différence de toutes les autres institutions de la Révolution (CNRA, GPRA, CIG et même les wilayas de l’intérieur) du leadership instrumental et du leadership expressif ; la combinaison de ces deux ayant permis au colonel Boumediène de s’imposer politiquement et idéologiquement, alors que tous les autres regroupements prévalaient la rivalité des ambitions personnelles, le népotisme, le clientélisme, le clanisme, et par conséquent, l’absence totale de tout projet de société, alors que nous étions à quelques encablures seulement de l’indépendance. H. Boumediène était parvenu à transcender - parce qu’il était un véritable homme d’État et un visionnaire -, toutes ces tares congénitales du protonationalisme algérien en donnant une traduction concrète à la fois au combat libérateur et surtout à la construction d’un État soudé, homogène, doté d’institutions pérennes pour pouvoir encadrer une société que les grimaces de l’histoire avaient rendue fragmentée et composite. Au moment où l’EMG affleure sur la scène politique algérienne, la libération du pays par les armes n’est plus qu’une illusion lointaine. Tous les acteurs du conflit se mobilisent dans la perspective de l’indépendance et aucun d’eux ne peut se prévaloir d’une légitimité plus forte que les autres. Si les wilayas de l’intérieur avaient pu vaincre militairement l’armée coloniale, seuls leurs chefs respectifs eussent pu revendiquer la légitimité historique qui leur aurait donné tous les titres à prendre en main le destin de l’Algérie, et si, au demeurant, tel avait été le cas, ni le GPRA ni le CNRA ni même l’EMG n’auraient pu avoir longtemps leur raison d’être, à tout le moins ils seraient restés des organes totalement subordonnés à la direction intérieure et privés d’une quelconque autonomie de décision. L’internationalisation du conflit algérien devait être, dans l’esprit d’Abane, un simple prolongement de la lutte armée. Or, les circonstances du combat anticolonial (c'est-à-dire la supériorité écrasante de l’armée française) ont fait que l’internationalisation du conflit était la seule issue réaliste. Il était normal, dès lors, qu’à mesure qu’on se rapprochait de l’instant fatidique, des conflits de légitimité s’exprimassent et que ce fut le segment du FLN/ALN le plus soudé, le plus cohérent et le plus orienté vers la construction d’un État fort et viable qui l’emportât.
Faire diversion n’est pas lutter contre la culture de l’amnésie, c’est l’entretenir
Si l’entreprise du Dr Sadi s’était limitée à une biographie du colonel Amirouche, tout ce que l’Algérie compte d’opinions impartiales auraient loué cette initiative, surtout que l’auteur a procédé à des recherches approfondies, livré des documents inédits et recueilli de nombreux témoignages (dont celui du regretté Mustapha Laliam) qui sont dignes de foi. Malheureusement, ce récit est surtout l’occasion pour le président du RCD de régler des comptes post mortem avec le président Boumediène qui n’est plus là pour répondre, alors que le témoignage du colonel A. Bencherif paraÎt d’autant plus sujet à caution, que H. Boumediène l’avait écarté du commandement de la Gendarmerie nationale, en 1977. Ceci dit, on ne peut que s’étonner que le président du RCD prenne parti dans les querelles internes au sérail, au sein duquel il pense pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie, après avoir, pourtant, voué aux gémonies l’ensemble des élites dirigeantes issues de deux prétendus coups d’État, celui de 1962 (contre le GPRA) et celui de 1965 (contre A. Ben Bella). La pseudo-réplique du colonel Chadli à l’invite du président Boumediène de se préparer à quitter l’institution militaire est récupérée par S. Sadi pour planter une banderille de plus sur le tombeau de H. Boumediène, comme s’il s’agissait pour lui de voler au secours d’un démocrate patenté, alors que c’est sous le régime de Chadli que S. Sadi a été emprisonné et torturé. Qu’il sache, en tout cas, que le président Boumediène s’apprêtait à renouveler le personnel politique dirigeant et à amorcer une graduelle mais réelle démocratisation du régime, en se gardant, toutefois, de brutaliser le cours de l’histoire. Le président Boumediène est décédé il y a près de 32 ans. Les occasions qui se sont présentées à ses successeurs de faire repartir l’Algérie du bon pied auront été nombreuses mais aucune, semble-t- il, n’a été saisie. Il n’est pas plus acceptable de faire endosser au colonialisme français l’ensemble des errements de l’indépendance que d’attribuer au président Boumediène les causes de l’impasse dans laquelle se serait, selon le Dr Sadi, enferré notre pays. Le réquisitoire contre H. Boumediène aurait été admissible s’il avait émané de personnalités pouvant se prévaloir d’une autorité morale incontestable et d’états de services démontrant leur attachement aux valeurs de la liberté et de la démocratie. Or, il n’en est rien. Quel bilan peuvent présenter aujourd’hui les partis autoproclamés démocratiques, et ce, depuis 1989 ? Ont-ils, par exemple, créé des écoles de formation pour les jeunes citoyens avec au programme l’initiation à l’histoire de l’Algérie, afin de pouvoir prévenir précisément et de lutter contre la culture de l’oubli et la manipulation de l’histoire ? Ont-ils contribué à l’éducation du public ? Ont-ils renouvelé leur personnel dirigeant ? Ontils expliqué à leurs adhérents d’abord, à leurs sympathisants ensuite, les nombreux retournements tactiques qui ont émaillé leurs itinéraires respectifs ? S. Sadi n’a-t-il pas cautionné la candidature de A. Bouteflika à la magistrature suprême en 1999 en lui apportant un soutien sans réserve jusqu’en 2001, prenant alors prétexte des évènements de Kabylie pour se retirer. Ignorait-il, à ce moment-là, le passé qu’il juge aujourd’hui peu glorieux de l’ancien compagnon de H. Boumediène ? Tel parti aujourd’hui dirigé et ceci depuis 1963 par un zaïm, qui plus est, à partir du territoire helvétique, peut-il interpeller les dirigeants politiques actuels à propos de leur exceptionnelle longévité au pouvoir ? Tout cela qui exige beaucoup d’efforts, de patience et une ascèse intellectuelle et morale exigeante, ne peut évidemment se ramener à une vaste opération de diversion consistant pour ses auteurs à exhumer, selon un tempo qu’ils sont les seuls à maîtriser, des évènements douloureux de notre passé. Cette entreprise, parce qu’elle est encombrée d’arrière-pensées, n’a que peu à voir, même si elle sacrifie à quelques vérités, parfois oubliées, avec la réhabilitation de la réalité historique.

A. M.

Par Ali Mebroukine
Professeur d’université
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Dernière édition par admin le Sam 8 Mai - 18:50, édité 1 fois

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Ali Kafi : " Si Amirouche était en vie, il aurait exécuté Saïd Sadi"


Ali Kafi est fâché. L'ancien président du Haut-Conseil d’État (HCE) et colonel de la Wilaya II (le Nord constantinois), s'emporte à son tour contre Saïd Sadi et contre son livre sur le colonel Amirouche intitulé Amirouche : une vie, deux morts, un testament.
Ali Kafi s'exprimait lors d’une rencontre à bâtons rompus avec des journalistes de deux journaux francophones (Liberté, El Watan) et de deux autres arabophones (El Khabar, El Fadjr) tenue jeudi, chez lui au Club-des-Pins (Alger)
“Au vu de la faillite qui a gagné son parti, veut-il peut-être rebondir sur la scène en enfourchant le cheval de la grandiose Révolution qui a libéré le pays. Saïd Sadi n’a pas le droit d’écrire sur l’Histoire. Il est psychiatre et non pas  historien. De plus, n’étant pas un acteur de la Révolution, il est très loin du processus historique de notre Révolution. Il ne l’a pas vécue, donc il ne peut pas s’en imprégner”.
Kafi s'interroge sur le moment choisi pour la parution de ce livre, à savoir la campagne menée par la France par le biais de son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, mais aussi le doute jeté sur le nombre de moudjahidine. “Est-ce qu’il y a coordination ou s’agit-il d’une simple coïncidence ?”, s’est-il interrogé « Je ne réponds pas à Sadi, car il n’est pas historien et il est loin de la marche historique de la Révolution. C’est le timing choisi qui a attiré mon attention. La sortie du livre intervient au cours de cette campagne que mène la France contre les moudjahiddine et ce qu’on appelle communément la famille révolutionnaire. » « Le deuxième point est lié au document criminalisant le colonialisme qui a provoqué une secousse en France. Y a-t-il un rapport ? » « Ou s’agit-il de la faillite de son parti et qu’il veut rebondir en utilisant des figures célèbres et salir la mémoire des honorables hommes ? », a regretté Ali Kafi. Ce sont autant d’interrogations qu’a soulevées Ali Kafi. Avant de juger « irresponsable le fait de douter du patriotisme des révolutionnaires et de jeter l’anathème sur la révolution ». Le colonel de la Wilaya II mis en cause dans le livre de Saïd Sadi a décidé donc de rompre le silence et de livrer sa version des faits. D’emblée, Ali Kafi a rejeté catégoriquement l’idée défendue par Sadi dans son livre qui consiste à dire que « Amirouche a été livré aux Français par Boussouf et Boumediène ».


Pour Kafi, il s’agit là « d’une contrevérité historique ». « Est-il possible que Boussouf pouvait comploter contre deux colonels qui dirigeaient deux Wilayas historiques, pour qu’ils soient éliminés par les Français ? Prétendre cela, voudrait dire que Boussouf collaborait avec les Français et leur donnait des informations... » « Boussouf ne pouvait pas comploter contre Amirouche. C’est une affabulation et un mensonge grotesque », a affirmé A. Kafi. S’agissant de Boumediène, l’ancien colonel de la Wilaya II a affirmé que c’était un personnage complètement effacé. « Pour ce qui est de Boumediène, il était inconnu. Il était complètement à la marge, il évoluait à l’ombre de Boussouf. De ce fait, il ne pouvait pas comploter contre un géant comme Amirouche. Boumediène ne savait pas où a commencé l’histoire », a indiqué Ali Kafi. « En disant cela, je ne défends pas Boumediène d’autant plus que je ne partage rien avec lui. Bien au contraire, nous n’avons jamais été d’accord. Il a réuni autour de lui la clique de la France (les déserteurs de l’armée française, nldr) et le reste tout le monde le connaît », a affirmé A. Kafi. Pour appuyer ses propos, Ali Kafi est revenu sur cet épisode qui a coûté la vie à deux figures de la Révolution. « Ceux qui étaient à Tunis tombaient souvent dans des conflits et des problèmes internes. Et pour pouvoir les régler, ils faisaient appel aux gens de l’intérieur qui n’ont jamais eu de conflit. En 1959, un conflit a éclaté entre le CCE et le GPRA, après la démission de Mohamed Lamine Debaghine de son poste de ministre des Affaires étrangères. Ils convoquent une réunion des colonels à Tunis pour aider à solutionner cette crise. Nos frères de l’extérieur nous ont contactés, le 15 mars 1959, pour se rendre à Tunis et c’est moi qui étais chargé de contacter Amirouche et Si El Haoues étant donné que le contact direct avec eux n’était pas possible. Le télégramme nous ait parvenu du ministère de la Défense par le biais de Mohammedi Saïd. Il est dit dans ce message : ‘’Vous devriez venir en urgence pour débattre des questions concernant la révolution.
Tout ça avant d’enchaîner :  “Si Amirouche était encore en vie, il aurait exécuté son propre fils ainsi que Saïd Sadi”, s’est-il emporté.
“Je ne sais pas pourquoi ils écrivent sur cette période de l’Histoire alors qu’ils ne sont pas concernés. L’Algérie, ce n’est pas la Wilaya III seulement et celle-ci n’est pas leur propriété. Abane, Amirouche et Krim, qui sont les enfants du mouvement national, ne leur appartiennent ni ne partagent les mêmes idées. Il ne faut pas rabaisser la stature de ces grands hommes. Pour moi Amirouche, avec toutes les erreurs commises, restera un des symboles de ce pays”.


Ali Kafi a adressé un vif reproche aux historiens algériens. “Nos historiens sont lâches et des entremetteurs. Ils n’écrivent pas”, s’est-il emporté avant de s’en prendre à l’État qui, dit-il, ne joue pas son rôle et ne défend ni n’écrit l’histoire de la Révolution. “Pourquoi on n’écrit pas notre histoire ? La France a-t-elle peur que l’histoire de l’Algérie soit écrite ? Y aurait-il des Algériens qui seront dérangés par l’écriture de l’histoire ?”, s’est-il interrogé.


“La Bleuite est la plus grande erreur d’Amirouche”


Selon l’ancien président du HCE, Amirouche était tombé dans l’erreur de douter de tout le monde : les médecins, les infirmiers jusqu’à son propre secrétaire, Tahar Amirouchène. Il avait mis en place un comité mobile, présidé par Hacene Mahiouz, chargé de juger les personnes incriminées. Résultat des courses : plus de 1 800 jeunes lettrés avaient été exécutés. D’où tient-il ce chiffre alors que les archives de la Wilaya III n’avaient fait état que de la mort de 350 personnes ? “C’est Amirouche lui-même qui me l’avait donné dans une lettre qu’il m’avait envoyée. Malheureusement, cette lettre comme beaucoup d’archives de la Wilaya II, avaient été brûlées par Attaïlia pendant la guerre”, explique-t-il.
Mais la bleuite avait-elle touché d’autres Wilayas ? Réponse : “On m’avait parlé de 400 à 500 morts dans la Wilaya IV. Il y avait aussi des exécutions dans la Wilaya I. Mais pas une seule personne n’avait été éliminée en Wilaya II.”
Il assure avoir vivement protesté auprès du GPRA pour avoir envoyé des félicitations à un responsable qui “avait commis une telle boucherie”. Pourtant dans sa réponse à Amirouche en date du 23 août 58, Ali Kafi avait écrit : “Nous avons étudié avec soin la lettre en date du 3 août courant et où vous nous appreniez la découverte d’un vaste complot ourdi contre la Wilaya III. Nous tenons à vous féliciter pour la mise hors d’état de nuire de ce complot.” (voir la page 127 des mémoires d’Ali Kafi).
Selon Ali Kafi, la délégation de la Wilaya IV, à laquelle Amirouche a servi de guide, était tombée dans un accrochage au niveau de Palestro. Amirouche a alors fui en abandonnant ses hôtes dont Ouamrane qui a été blessé à la main. “On appelait Amirouche ‘Taxi Ami Salah’”, ironise-t-il. Poursuivant son récit, Ali Kafi affirme : “On s’est retrouvé tous dans une maison à Michelet. Repérant Amirouche isolé dans un coin tout empêtré dans sa kechabia, Abane l’avait sermonné devant tout le monde en le traitant de tous les noms d’oiseaux. Il lui cria à la figure : ‘’J’emmerde celui qui t’a nommé officier” (inaal bouh lisemak dhabet). Mais comment alors avait-on confié la responsabilité des préparatifs et de la sécurisation du Congrès à Amirouche qui, en plus des félicitations des congressistes pour l’impeccable organisation de ce grandiose événement, s’était vu chargé par la suite de la délicate mission d’aller dans la Wilaya I, c’est-à-dire les Aurès, pour mettre fin aux dissensions qui la minaient ? Kafi n’en souffle mot.


Séquestration des ossements d’Amirouche et de Si El-Haouès : 


“Un crime impardonnable”


Sans détours, Ali Kafi a qualifié la séquestration des ossements des colonels Amirouche et Si El-Haouès de “crime impardonnable”. “Cela ne fait pas très longtemps que je suis au courant de cette affaire. Mais je la considère comme un crime impardonnable contre les chouhada”. De son point de vue, Bencherif doit dire ce qu’il sait de cette affaire sans se défausser sur Kasdi Merbah.


L.M


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Bentobal a le devoir de dire la vérité »

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La vieillesse, ce « naufrage », c’est ce mot du général de Gaulle qui vient à l’esprit lorsqu’on entend les élucubrations du premier président de I’Etat algérien sur la chaîne Al Jazeera quant à une prétendue trahison de la révolution par Abane Ramdane.Je rejoins néanmoins le grand écrivain Rachid Boudjedra pour dire : « Cette accusation n’est pas grave parce que tellement ridicule qu’elle démontre que celui qui l’a proférée est un incompétent et un envieux, et que son propos n’a rien à voir avec la liberté d’expression. »

En revanche, le témoignage de Lakhdar Bentobal mérite d’autant plus de retenir l’attention et appelle discussion que cet ancien chef de la Wilaya II s’était opposé en décembre 1957 à l’élimination physique de Abane. Le 20 août 1989, à Larbaâ Nath Irathen, j’avais été approché par une journaliste, Ghania Mouffok, pour une interview sur la mort de ce grand révolutionnaire. C’était l’occasion pour moi de lever le voile sur un mystère honteux pour dire la vérité et balayer les « on-dit » et « non-dits » car le « cas » Abane vérifie l’adage : « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ». De cette interview publiée dans Algérie Actualité n°1246 du 30 août 1989, je reprends ici l’essentiel. Abane, avec qui je travaillais à Tunis à la commission de rédaction d’EI Moudjahid, avait disparu quelques jours avant la fin décembre 1957 et sa mort « au champ d’honneur » sera annoncée en mai 1958. Pour les initiés, ce n’était qu’un « mensonge pieux ». Vers la mi-juin 1958, j’ai été appelé au Caire pour travailler aux côtés du colonel Ouamrane, responsable du département Armement et Ravitaillement général. Quelques jours après avoir rodé mes contacts avec Ouamrane, je lui ai posé la question : « Pourquoi avez-vous tué Abane ? » Interloqué, Ouamrane me dit : « Je te répondrai demain. » Le lendemain matin, arrivant au bureau, il me tendit un document et me dit : « Lis ! » Quarante-cinq ans après, j’ai encore le texte sous les yeux, le voici :

« Procès-verbal
Nous, soussignés colonel Mahmoud Cherif, ancien chef de la wilaya I ; Lakhdar Bentobal, wilaya Il ; Krim Belkacem wilaya III ; Amar Ouamrane, wilaya IV ; Abdelhafid Boussouf, wilaya V. Considérons que Abane Ramdane manifeste un comportement indiscipliné, négatif, qu’il dénigre le CCE (comité...), attitude qui gêne l’activité et l’autorité du CCE dans son action. Que dans ces conditions, si Abane continue dans son comportement malgré les avertissements, il sera emprisonné en Tunisie et si nécessaire au Maroc, au cas où ces mesures seraient insuffisantes, l’exécuter. Lakhdar Bentobal fait des réserves quant à l’exécution disant qu’une condamnation à mort ne peut être prononcée que par un tribunal militaire avec audition de l’intéressé et droit à la défense. Document signé des cinq (en 5 exemplaires, 1 pour chacun). »
Je sais qu’un haut responsable membre du CNRA encore vivant a eu le document des mains de Krim Belkacem et nos témoignages concordent. Des cinq « conjurés », seul Bentobal est en vie, il détient le fameux PV d’enquête. Il a le devoir de le publier. En ce qui concerne les circonstances exactes de la mort de Abane, je rapporte la version que m’a donnée le colonel Mahmoud Cherif, successeur d’Ouamrane comme ministre de l’Armement et Ravitaillement général de septembre 1958 à décembre 1959. Nous allons du Caire à Tunis en voiture pour inspecter les différentes bases de l’armement. Selloum en Egypte, Benghazi et Tripoli en Libye, enfin Tunis. Chemin faisant, la conversation vint sur Abane. Mahmoud Cherif m’apprend que « conformément à la décision des cinq colonels anciens chefs de wilaya, nous avons, Krim et moi, sous prétexte de démarches auprès du roi, entraîné Abane au Maroc pour l’y faire emprisonner par Boussouf. Arrivés par avion à Tanger, nous avons été tous les trois acheminés vers Tétouane et installés dans une des villas discrètes dont disposait Boussouf. » Krim et moi sommes sortis faire un tour en ville. A notre retour, Boussouf nous a déclaré : « Ça y est, Abane est liquidé. » Nous avons protesté mais Boussouf nous a priés de « la fermer » car là il était le maître, nous ne pouvions rien faire. Cette version, c’est celle que Krim a donnée à Mohamed Lebdjaoui et à Courrière. Revenons au témoignage de Si Bentobal donné au quotidien arabophone EI Khabar. Je n’en connais que les propos rapportés avec plus ou moins de fidélité par la presse francophone. Après avoir rendu hommage à l’héroïsme et à la dimension révolutionnaire de Abane, balayant du même coup toute suspicion de « trahison », Bentobal aurait dit : « Comme dictateur, Abane méritait cent fois la mort. » Abane dictateur, c’est une plaisanterie. Pour exercer une dictature - et nous en savons quelque chose depuis 1962 - il faut avoir entre ses mains une force, une armée, une police. Abane n’avait aucune armée, aucune police entre ses mains, il n’avait même pas de garde du corps à Tunis. C’est vrai qu’on a affublé Abane d’une réputation de personnage dur, autoritaire, cassant, sûr de lui, défauts qu’on essayait d’expliquer par ses problèmes de santé (ulcère, goitre...) Comme tout un chacun, Abane avait les défauts de ses qualités, et c’est vrai aussi que cinq années de prison lui ont permis de se cultiver, de se former et de se durcir. Il avait des convictions et les détenait avec fermeté. C’est cela que d’aucuns qualifient d’autoritarisme, de dictature. Quant à l’expression « yistahel el mout miet mara », c’est une phrase passe-partout du langage algérien. A son arrestation en 1950, Abane, un nationaliste, cadre moyen du PPA-MTLD. Cinq années de prison et de lecture ont fait de lui un révolutionnaire et un stratège. A sa sortie de prison, en janvier 1955, il prit contact avec les responsables de sa zone, Krim et Ouamrane. Il aurait légitimement, après cinq années de souffrances, de privations en tous genres, demandé à servir à l’extérieur, à aller au Caire comme certains. Abane choisit de lutter à l’intérieur du pays, et mieux, à Alger, dans la gueule du loup. Beaucoup d’observateurs ont expliqué l’assassinat de Abane par des rivalités entre les dirigeants - ambitions contraires. Pour ma part, dans la mesure où je connaissais le contexte de 1957, je dirais que ces considérations subjectives avaient certes joué un rôle, mais s’y ajoutèrent des divergences de stratégies entre Abane et les anciens chefs de wilaya qui ont conspiré pour l’éliminer. Revenons en arrière, après la grève des huit jours et ce que les colonialistes appellent la Bataille d’Alger. Après l’arrestation et l’assassinat de Larbi Ben M’hidi, les autres membres du CCE (Abane, Krim, Benkhedda et Saâd Dahleb) avaient décidé de sortir à l’extérieur du pays pour réorganiser et assainir les structures du FLN après l’arrestation de quatre dirigeants dans l’avion Rabat-Tunis le 22 octobre 1956, renforcer l’action politique et diplomatique et surtout organiser et garantir l’acheminement des armes pour l’ALN qui jusque-là en était privée. C’était l’occasion de revoir au Caire le CNRA, organisme souverain constitué par le Congrès de la Soummam. Le Comité de coordination et d’exécution (CCE) devait présenter son rapport pour évaluation et débat. Ce rapport présenté par Abane et adopté à l’unanimité du CNRA, publié par la revue Naqd n°12, du printemps-été 1999, mérite d’être enfin connu. En voici quelques extraits : « On a beaucoup parlé et encore plus écrit sur le Congrès du 20 août 1956. Certes, le congrès du 20 août n’a jamais eu la prétention d’être une panacée à tous nos maux, cependant tout homme de bonne foi est obligé de reconnaître que le congrès a été la plus belle victoire remportée sur l’ennemi depuis le 1er Novembre 1954 (...). Mis au courant de la réunion dès le mois de février 1956, les frères de l’extérieur n’ont pu y assister pour des raisons indépendantes de notre volonté. Il en est de même des frères des Aurès-Nemmemcha. Néanmoins, les congressistes décideront de retarder la publication des décisions en attendant de recueillir les vœux et suggestions des frères absents. Un envoyé spécial, passant par Tripoli, a remis les documents du congrès à Ben Bella qui devait les communiquer aux autres frères suite à l’arrestation de quatre dirigeants de l’extérieur dans l’avion Rabat-Tunis qui nous a incités à publier la plateforme de la Soummam dans un numéro spécial d’EI Moudjahid. » Après une semaine de débats, le CNRA adoptera les décisions suivantes : 1 - La désignation à titre honorifique d’Aït Ahmed, Ben Bella, Bitat, Boudiaf et Khider comme membres du CCE. 2 - De porter à neuf les membres du CCE et à cinquante-quatre ceux du CNRA. Par ailleurs, considérant que certaines positions affirmées par le Congrès du 20 août 1956 ont reçu une interprétation équivoque, le CNRA réaffirme : 1- Tous ceux qui participent à la lutte libératrice avec ou sans uniforme sont égaux ; en conséquence, il n’y pas de primauté du politique sur le militaire ni de différence entre l’intérieur et l’extérieur. 2 - Le but de la Révolution algérienne demeure l’institution d’une République algérienne démocratique et sociale qui ne soit pas en contradiction avec les principes fondamentaux de l’Islam. Abane et Dehilès (alias colonel Sadek) se sont abstenus lors du vote sur le principe de l’absence de différence entre l’intérieur et l’extérieur. Comme membre du CCE, Abane reçut dans ses attributions les services de l’information et les relations avec les organisations nationales UGTA, Ugema et UGCA. Les attributions des membres du CCE ont été réparties comme suit :
Relations extérieures : Dr Lamine Debaghine assisté par Ferhat Abbès et Mehri.
Informations, relations avec les organisations nationales : Abane Ramdane.
Les cinq anciens chefs de wilaya s’étaient chargés des problèmes militaires. Installé à Tunis où il présidait la commission de rédaction d’EI Moudjahid, Abane se réunissait chaque fois que nécessaire avec ses collègues du CCE. Il ne cessait de leur rappeler qu’« aucune révolution ne se dirige de l’extérieur ». Ce harcèlement finit par fatiguer les cinq anciens chefs de wilaya. En dehors des structures légales CCE et CNRA, les cinq anciens chefs de wilaya ont formé une conspiration pour décider de l’élimination physique de leur collègue, assurément le plus grand.

Mabrouk Belhocine

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Amirouche :"Voulait secouer ceux qui vivaient dans le confort de ghardimaou et nador"

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Rachid adjaoud, officier de l’aln et secrétaire du colonel amirouche :«il voulait secouer ceux qui vivaient dans le confort de ghardimaou et nador»
Dans votre édition du lundi 3 mai 2010, un large espace a été accordé à M. Benachenhou pour traiter des problèmes de Wilaya III et de son chef, le colonel Amirouche. M. Benachenhou m’a cité dans son écrit à deux reprises. Il a fait référence à des déclarations faites à un journaliste, M. Aït Ouakli Wahib, publié dans le quotidien L’Expression il y a déjà quelques années.


Evidemment, M. Benachenhou a choisi les morceaux de ma déclaration qui lui conviennent le mieux pour étayer ses écrits pour ternir l’image de la Wilaya III. Il se porte même juge et partie pour faire endosser au colonel Amirouche de graves erreurs dans l’affaire de la «Bleuite». Je n’ai pas eu le privilège de connaître ce Monsieur dans les maquis de la Wilaya III, je ne l’ai jamais vu au cours d’une cérémonie au musée d’Ifri, ni à une quelconque cérémonie commémorant l’anniversaire de la mort de Si Amirouche et Si Haouès à djebel Thameur. Je n’ai pas encore compris, un demi-siècle après leur décès, ce que visent M. Benachenhou et ses amis ? Les héros de la Révolution n’ont pas besoin d’éloges, encore moins d’avocats pour les défendre, mais de lucidité et d’honnêteté de la part des vivants. Dans le fond, vous insinuez que dans l’affaire de la «Bleuite», les services français n’avaient eu aucun rôle. Ce serait une pure invention du colonel Amirouche pour se débarrasser de mille huit cent cadres de l’ALN comme l’ont dit avant vous des officiers coloniaux. Pourquoi accordez-vous plus d’importance aux déclarations du capitaine Leger et pas aux archives de la Wilaya III que chacun peut consulter ? Mais il paraît qu’elles ne sont plus disponibles. Qui voulez-vous convaincre que le combat d’Amirouche qui a fédéré les maquis se réduit à la «Bleuite» ? En fait, toute votre démarche vise cet objectif, pourquoi ? Des écrivains et journalistes d’outre-Méditerranée que nous n’avons jamais vus et qui ne nous ont jamais entendus pour écrire l’histoire de la guerre de Libération malgré toute notre disponibilité, continuent d’écrire «debout» et en sens unique, à leur seul avantage et celui de leurs proches. M. Benachenhou, le colonel Amirouche, en se rendant en Tunisie en ce mois de mars 1959 avec son frère Haouès, avait le cœur bien gros. Ce n’est certainement pas pour aller se reposer à «Carthage ou Hammamet» mais pour remuer ceux qui se prélassaient dans le confort à Ghardimaou et Nador. En partant, il a rassemblé ses cadres à Akfadou, il a donné ses conseils et consignes, il a laissé 12 000 hommes entre moudjahidine et moussebline et il nous quitte en pleurant. Le destin a voulu que son itinéraire s’arrêtât à Boussaâda avec Si Haouès, pourquoi donc vous défendez l’indéfendable sur son décès et sur son itinéraire ? Si Amirouche aurait-il survécu en arrivant à Tunis ? M. Benachenhou, pendant que les maquisards de l’intérieur affrontaient les opérations «Jumelles», «Pierres précieuses» et autre «Bleuite», l’armée française montait ses lignes électrifiées de barbelés et de mines, alors qu’une armada de l’ALN se reposait tranquillement derrière les frontières pour préparer «l’avenir». Ce n’est qu’une fois ces barrages achevés que quelques compagnies de djounoud sont envoyées et sacrifiées, car rares sont ceux qui arrivent en Algérie. La ligne «Morice» était pratiquement infranchissable. C’est dur, très dur de parler maintenant de cette partie de notre histoire, mais parlons-en sereinement entre nous comme des grands, sans haine ni passion d’où tout esprit régionaliste sera exclus. Ce débat alors ne profitera qu’à notre peuple. Jeune officier à l’époque du départ de Si Amirouche, j’ai ressenti toute la douleur de cette absence et l’affliction de son décès avec Si Haouès à Boussaâda, nos appels de détresse deviendront encore plus inaudibles après la disparition de ces deux chefs de la Révolution. Je me suis permis à l’époque de l’opération «Jumelles» d’adresser au GPRA une lettre par laquelle je retraçais le désarroi dans lequel se trouvaient les maquis de l’intérieur, cette lettre n’aura pas plus d’échos que nos nombreux appels de détresse précédents (voir livre de Mohamed Harbi Le FLN de 1954-1962pages 108 et 109). En 1962, il ne resta que 4 000 moudjahidine sur les 12 000 laissés par Si Amirouche avant son départ en Tunisie. Les différentes opérations ont consumé 8 000 hommes devant l’indifférence de ceux qui, en 1962, ont pris l’Algérie indépendante dans le sang. Et puisque beaucoup accordent plus d’intérêt à l’affaire de la «Bleuite», l’affaire «Oiseau bleu» montée par Krim Belkacem au début de la Révolution mérite qu’on s’y arrête pour la mémoire. Je voudrais conclure en disant qu’il y a un problème dans le cas de Amirouche : ceux qui l’ont côtoyé l’ont admiré, respecté et pleuré comme le peuple. Ceux qui ont fait le maquis au Maroc ou à Tunis et qui parlent de lui aujourd’hui sont submergés par la haine. Il doit y avoir deux Amirouche.

R. A. (Le Soir d'Algérie

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Reponse de Dr Sadi a Benachenhou sur la mort du colonel Amirouche.

En écrivant un livre sur le colonel Amirouche, je prolonge une conduite que je m’étais fixée de longue date : soumettre au débat les sujets qui, d’une façon ou d’une autre, impactent la vie nationale pour éviter que la rumeur, la manipulation ou les deux ne confisquent de dossiers majeurs dans la construction de l’État démocratique et social annoncé par Novembre et configuré à la Soummam.
C’est ainsi qu’il a fallu introduire la question identitaire et celle des droits de l’homme dans la scène algérienne à l’époque du parti unique avant d’intégrer la condition féminine et la régionalisation dans le programme du RCD. Un peu plus tard, on s’en souvient, j’ai invité à réfléchir sur l’avenir de la presse privée. Aujourd’hui, le temps est venu d’aborder lucidement la place et le rôle de l’histoire dans la vie publique et cela pour deux raisons. D’une façon générale, aucun pays ne peut indéfiniment esquiver ou escamoter son passé sans être rattrapé par la vérité ou pire, voir d’autres acteurs, plus ou moins bien intentionnés, structurer en lieu et place de la collectivité concernée les référents nationaux. Plus immédiatement, la nécessité de débattre de notre passé dans la transparence se justifie par le fait que, si l’on excepte le président Boudiaf qui assumait un début d’alternative, aucun chef d’État n’a proposé un projet soumis à des évaluations et assumé un bilan. Tous les dirigeants qui ont pris le pouvoir, qui par un putsch qui par des fraudes électorales, se sont construit un parcours de sauveur de la nation en assaisonnant notre histoire selon les appétits de leurs clans.
Les élites en question
J’ai choisi l’histoire d’Amirouche parce que le sort qui lui a été réservé est exemplaire des turpitudes algériennes. J’ai pu voir très tôt comment des hommes préparaient en pleine guerre le pouvoir de l’arbitraire et par quels procédés ils avaient volé et violé la conscience nationale en abusant de notre patrimoine mémoriel après l’indépendance. Le cas Amirouche offre l’avantage, si l’on peut dire, de mieux éclairer nos mœurs politiques d’avant et d’après guerre. Quinze jours après la sortie du livre, le succès en librairie ne s’est malheureusement pas accompagné de commentaires à la mesure de ce que nous sommes en droit d’attendre sur une guerre de libération aseptisée et qui, comme toutes les révolutions, eut ses épisodes de grandeur et ses parts d’ombre. Ceux qui se sont manifestés publiquement se répartissent en trois groupes : il y a des anciens maquisards, des intellectuels et des politiques. Passons rapidement sur les premiers dont la crédibilité et la légitimité ne sont pas les plus affirmées dans leur catégorie. Que répondre à quelqu’un qui déclare : «Saïd Sadi étant trop jeune pendant la guerre, il n’avait pas à s’immiscer dans le domaine historique.» ou : «Au lieu d’écrire sur Amirouche, Saïd Sadi aurait dû parler de Krim Belkacem.» On imagine bien que si le livre avait concerné le signataire des accords d’Evian, j’aurais eu droit à une interpellation tout aussi sèche pour avoir commis un écrit sur des hommes «se prélassant dans les palaces de Tunis ou du Caire au lieu de traiter de patriotes qui ont lié leur destin à celui de leur peuple». Ces polémiques n’ont d’intérêt que dans la mesure où elles soulignent la misère politique du régime qui emmagasine certains anciens combattants pour les actionner en cas de nécessité ; cette allégeance étant rétribuée par quelques prêts bancaires «non remboursables» ou d’autres avantages plus ou moins avouables. En disant cela, je souhaiterais convaincre que je ne cherche à accabler personne et que je ne saisis cette opportunité que pour mieux décoder les mécanismes du système algérien. Souvent inaudibles, les voix intellectuelles sont hélas réduites, pour une bonne partie, à la fonction d’indicateurs du sens du vent. Si l’on exclut l’exception notable de Yasmina Khadra, lui aussi sollicité, mais qui eut le mérite de s’interdire de commenter un livre qu’il n’a pas lu, on ne peut que déplorer la sortie de Rachid Boudjedra, pour lequel j’ai une estime sincère, quand il dit : «Saïd Sadi est un politique. Il assène ses vérités.» Outre mes analyses personnelles, j’ai construit mon livre sur des évènements, des témoignages et des documents. Ces éléments peuvent être vrais ou faux mais il n’y a pas beaucoup de place pour l’interprétation dans ce genre de situations. Mais ce qui pose problème dans les affirmations de Boudjedra, c’est cette tendance à soutenir des préjugés politiquement lourds de sens. Quand il avance qu’Abane a été tué par Krim et non Boussouf, il sait que cela est faux ; ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, que le passage à l’acte de Boussouf n’a pas été facilité, voire encouragé par l’animosité que nourrissaient Krim et d’autres responsables envers Abane. Je peux croire pourtant que cette propension à suivre et relayer les modes ne participe pas d’une intention politicienne chez Boudjedra. Il n’en demeure pas moins, et nous le verrons plus loin, que ces complaisances sont récupérées et instrumentalisées. Restent les politiques qui se sont exprimés. J’en retiens deux : un membre de la direction d’un parti de la coalition gouvernementale proclamant sa proximité avec le clan d’Oujda et un ancien ministre qui a appartenu au segment noir du MALG. Le premier affirmant qu’il ne peut y avoir matière à débat puisque «l’histoire a tranché» est dans son rôle. Produit de la cooptation populiste qui propulse un parti créé trois mois auparavant au sommet de toutes les institutions par des méthodes que ne renierait pas le funeste Naegelin, il ne peut qu’espérer voir perdurer une histoire faite de fraudes, d’injustice et de prédation pour surnager politiquement. Si désordonnée et brutale qu’elle soit, la diatribe de l’ancien ministre publiée par le Quotidien d’Oran est paradoxalement plus utile pour l’analyse de l’impasse algérienne. Le titre «Basta » qui coiffait la page était à la fois une signature et un programme. Il ne s’agit surtout pas de tolérer une discussion ou un avis du bas peuple. Non, il faut que l’autre, extérieur à la secte, en l’occurrence Nordine Aït Hamouda, le fils du colonel Amirouche, se taise et se terre. Il n’a pas le droit d’exister et si on lui accorde une visibilité, c’est pour décréter qu’il est dément et, pourquoi pas, en appeler à l’ouverture des cliniques psychiatriques comme aux temps bénis du Goulag, On se surprend, devant tant d’impulsivité, à se demander si c’est le profil de l’individu, à l’évidence caractériel, qui a inspiré l’éructation ou les reliquats d’une formation dans une instance qui a cloîtré l’intelligence avant de la pervertir pour humilier et stériliser le pays. Mais ne faut-il pas être l’un pour servir l’autre avec autant de zèle et de cynisme ? Je ne sais pas, pour ma part, ce que j’aurais fait, une fois devenu adulte, si j’avais été à la place de celui dont on a voulu avilir le père avant de le priver de sépulture.
L’auteur de la fetwa du Quotidien d’Oranordonne et exige de ne plus jamais émettre la moindre critique sur Boumediène et Boussouf avant de remettre sans vergogne sur la table la tambouille du duo Godard-Léger, agrémentée de quelques tonitruants mensonges sur lesquels je reviendrai. Que nous dit Monsieur Mourad Benachenhou ?
1) Basta ;
2) Que celui qui ose s’exprimer après son oukase ne peut être qu’un individu frappé de folie ;
3) Qu’il interdit de parler de Boussouf et de Boumediène ;
4) Que c’est Boussouf qui a sermonné et obligé Amirouche à laisser sortir les étudiants à partir de 1958 ;
5) Que si le colonel de la Wilaya III a été tué c’est parce qu’il a éteint son poste radio sur lequel Boussouf essayait en vain de le contacter ;
6) Que s’il y a eu fuite dans le code ou la transmission, elle ne doit être imputée qu’à deux Kabyles, Krim Belkacem ou Mohamedi Saïd. Qu’importe que le second soit en 1959 opposé au premier puisqu’il était déjà l’obligé du clan d’Oujda qu’il suivra d’ailleurs dans le clan de Tlemcen en 1962.
On est consterné par tant d’aveuglement de la part d’une personne qui a occupé les plus hautes charges dans l’Algérie indépendante et qui fut dans l’antre du pouvoir occulte avant l’indépendance. Si un homme s’autorise autant d’excès à un demi-siècle de distance et, qui plus est, dans une période où les Algériens ont malgré tout réussi à arracher un droit minimum à la parole en dépit de la censure institutionnelle, on ne peut qu’être saisi d’effroi à l’idée d’imaginer ce que des agents comme lui ont pu commettre à l’époque où ils officiaient dans l’impunité et loin de tout regard. En tout cas, il faut avoir de solides raisons pour étaler tant de haine et prendre le risque de s’exposer dans une démonstration aussi aléatoire qu’intempestive.
Qu’en est-il des affirmations de Monsieur Benachenhou ?
Pendant la guerre, le seul centre d’accueil des étudiants algériens était basé à Tunis. Je raconte dans mon livre comment et pourquoi Amirouche, qui n’était que commandant en 1957, c'est-à-dire une année avant les prétendues injonctions de Boussouf, l’a ouvert sur les fonds propres de la Wilaya III. Cela est un fait. S’agissant des messages interceptés, voici ce qui est écrit dans le point numéro 6 du rapport que portait avec lui d’Amirouche en allant à Tunis : «La Wilaya III n’a reçu que deux postes au mois d’août 1958, sans dépanneurs, alors qu’en d’autres wilayas, il existe des régions (la région est une subdivision de la wilaya) qui possèdent des postes émetteurs... cette carence tend à faire croire à une volonté de négliger la Wilaya III, ou à du régionalisme de la part tout au moins des responsables des transmissions.» Retenons donc, pour l’instant, que la Wilaya III ne disposait que de deux postes émetteurs lors du déplacement d’Amirouche. Or, au mois de décembre 1958, un des deux postes a explosé, déchiquetant les techniciens et blessant grièvement le commandant Mohand ou Lhadj et le lieutenant Abdelhafidh Amokrane (toujours vivant) à la suite de la mise en marche d’une batterie piégée par l’ennemi, destinée à éliminer Amirouche qui était à l’époque dans le Nord-Constantinois avec les colonels qu’il y avait convoqués. Nous savons aussi que le deuxième poste était resté à Akfadou puisque c’est sur cet appareil que Krim Belkacem, déjà en désaccord avec Boussouf, avait essayé de contacter Amirouche, parti depuis 3 jours, pour lui demander de changer de route au dernier moment. Monsieur Benachenhou sait pertinemment que le colonel Amirouche n’avait pas de poste émetteur quand il se dirigeait vers Tunis. Les messages captés par l’armée française émanaient des services de Boussouf qui a obligé ses agents à les diffuser à plusieurs reprises malgré leurs réticences. En bon agent du noyau dur du MALG, il doit aussi savoir que le 29 mars, à l’annonce de la mort d’Amirouche et de Haoues, Krim a déclaré à Tunis devant des témoins encore en vie : «C’est un coup de Boussouf et de Boumediene».Prétendre qu’Amirouche a été sermonné après l’opération des services spéciaux français est une contrevérité. Le colonel de la Wilaya III a demandé, dès les premières informations, de l’aide et une commission d’enquête au GPRA qui l’a félicité ; félicitations qu’il a récusées tant que des observateurs extérieurs à sa wilaya ne sont pas venus évaluer la situation. Les documents qui attestent de ces données existent. Nous pouvons reprendre une à une les allégations de Monsieur Benachenhou et les démonter. Mais le plus grave dans ses affirmations tient à cette allusion renvoyant à un postulat inlassablement distillé qui suggère qu’au cas où il ne serait plus possible de nier que le colonel de la Wilaya III a été «donné» à l’armée française, il faut imputer la faute à Krim Belkacem ou Mohamedi Saïd qui avaient été responsables de la Kabylie. Comme si, en la matière, la faille renvoyait à une question organique et non de transmission. La thèse est construite, rodée et appliquée. Dans un hebdomadaire arabophone, un autre ancien maquisard affirme, dans la même semaine, que ce sont deux moudjahidine kabyles, faits prisonniers le 28 mars 1959, qui ont donné leur chef et Haoues, oubliant que l’armada déployée par le général Massu était sur place le 25 mars, soit trois jours avant l’accrochage qui a coûté la vie à Amirouche et au chef de la Wilaya VI. Après «ce scoop», l’ancien patron de la gendarmerie, Ahmed Bencherif, argue que la séquestration des restes des deux colonels avait été décidée par Merbah (un autre Kabyle) et à son insu. La fable a ses cohérences, ses acteurs et ses objectifs. Krim a tué Abane, Mohamedi Saïd ou Krim ont donné Amirouche et Merbah a séquestré Amirouche avant de tuer Krim. Le tout sans que Boussouf ou Boumediène n’aient vu ou entendu quoi que ce soit. Les Kabyles s’entretuent. Il n’y a qu’à le faire savoir et… espérer ou, mieux, faire en sorte que cela continue. Voyez-vous Monsieur Benachenhou, si l’antikabylisme devait faire le bonheur de l’Algérie, notre pays, compte tenu de l’énergie que votre clan a mis à cultiver ce travers, serait au firmament des nations. Faut-il, dès lors, s’étonner, devant tant de perfidie, de voir des désespérés se réfugier dans des aventures sécessionnistes ? En ce sens, l’intervention de Monsieur Benachenhou ne peut être prise pour un témoignage visant à masquer un passé trouble. C’est d’abord et avant tout une manœuvre qui prend l’histoire comme levier pour maintenir l’asservissement de la nation par une oligarchie qui a détourné mémoire et destin algériens.
Monsieur Benachenhou,
Puisque vous assumez aujourd’hui encore les drames qui ont empêché notre peuple de s’accomplir, il est légitime de vous poser les questions qui s’adressent à un inculpé qui plaide coupable.
1er) Vous vous impliquez sans nuance en 2010 dans l’action de Boussouf, qui pouvait avoir l’excuse, si l’on ose dire, de la bonne foi stalinienne au moment où il planifiait et commettait ses exactions. Savez- vous ce que l’assassinat d’Abane a coûté à l’Algérie en termes politique et moral ?
2e) En tant qu’acteur fier du coup de force engagé par l’armée des frontières contre les maquis de l’intérieur et de son coup d’État contre le GPRA, première instance légale de l’Algérie contemporaine, pouvez-vous être sensible au prix humain de cette irruption et à son effet dévastateur pour le futur algérien : plusieurs milliers de morts au lendemain d’une guerre qui a saigné le pays et des affrontements fratricides qui continuent de déchirer la nation à cause de votre «pédagogie» de la conquête du pouvoir par le kalachnikov ?
3e) Votre basta peut-il valoir justification à l’exécution du colonel Chabani qui a laissé des séquelles qui ne veulent pas cicatriser, notamment chez les populations du Sud ?
4e) Qu’avez-vous tiré comme dividendes des assassinats de Krim et de Khider qui avaient le droit de vivre dans un pays qu’ils ont fait renaître et le devoir de contester un pouvoir dont les usurpateurs n’auraient jamais connu d’existence politique sans leur engagement et sacrifice ?
5e) Pouvez-vous nier que vous avez volé et caché pendant 20 ans les restes des colonels Amirouche et Haoues ?
Savez-vous ce que de tels crimes symboliques impriment dans l’âme du citoyen ? Les questions sont celles-là, Monsieur Benachenhou. Toute autre élucubration est vaine. Je pourrais continuer à l’envi la liste des conséquences de vos crimes, je dis bien crimes puisqu’en vous réclamant de ces abus un demi-siècle après leur commission, vous ne pouvez ni invoquer l’ignorance de leurs implications, ni la pression des conjonctures.
Monsieur Benachenhou,
Je n’ai pas écrit un pamphlet, je n’ai pas cherché à polémiquer. Je continuerai à inviter à débattre de tout ce qui peut faire avancer la réflexion et aider à construire la citoyenneté qui est le contraire de votre morgue.Mais sachons positiver : s’il fallait une raison de plus pour écrire ce livre, vous venez de nous la donner. Voyez-vous, Monsieur Benachenhou, la différence entre vous et moi, c’est que je ne fais pas de la politique pour préserver une carrière ; je me suis engagé pour apporter ma pierre à la construction collective d’un destin. Vous l’aurez compris, nous n’avons ni les mêmes valeurs ni les mêmes échelles. Vous investissez l’instant, je parle à l’histoire. Vous avez tué Amirouche et vous m’avez emprisonné et torturé. Vous avez gagné la bataille du pouvoir, nous avons gagné la bataille de la mémoire. Vous ne le savez pas : il n’y a pas d’autorité sans morale.
S. S.
* Président du RCD, député

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Rachid Boudjedra : le régime algérien est un régime prédateur et corrompu



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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Vous sortez un nouveau roman, Les figuiers de Barbarie, dans lequel vous revenez une fois de plus sur la guerre d’Algérie…

Rachid Boudjedra : Contrairement à l’avis général, ce n’est pas mon sujet favori. Sur vingt-et-un romans, je n’ai finalement écrit que trois romans sur la guerre. J’ai fait deux romans de suite sur ce sujet, je crois que c’est bon, je vais arrêter. Dans ces œuvres, j’ai voulu rendre hommage à toutes les victimes de la guerre, mais aussi à ses assassins, comme Krim qui a tué Abane ou d’autres qui en ont tué d’autres. Maintenant, je vais revenir sur l’actualité, mais avec une distanciation.

Sur la polémique à propos du dernier livre de Sadi sur le colonel Amirouche, vous qui êtes impliqué en tant qu’acteur de la Révolution, on a l’impression que vous n’avez pas envie de vous mêler d’histoire…

Rachid Boudjedra : J’interviens sur l’histoire dans mes romans, mais si je ne dis rien à propos des nombreuses polémiques sur l’écriture de l’histoire, c’est simplement qu’on ne me demande pas mon avis. Je partage la thèse de ce livre, oui, je pense que Amirouche a été assassiné. La France l’a assassiné avec la complicité d’hommes de l’ALN. Mais Saïd Sadi est un politique, il assène des affirmations, nous, nous ne sommes pas des historiens ou des hommes politiques, nous sommes des auteurs qui aimons les ambiguïtés de l’histoire. Quand les historiens ou les hommes politiques se dénoncent l’un l’autre, quand Sadi écrit, il a une vision. Moi, je n’ai pas tout ça mais j’ai une idée sur Amirouche. Il a peut-être tué 2000 hommes comme on dit, mais il en a sauvé 20 000. J’en connais personnellement qui ont été évacués par Amirouche. D’une façon générale, ce qui est respectable chez cet homme, c’est qu’il n’apportait pas de grande valeur aux humains, mais aussi à lui-même, il n’accordait aucune espèce d’importance à sa propre vie. Reste que si la mort de Abane n’est pas un secret d’Etat, même Bentobbal a expliqué comment ils l’ont tué, pour Amirouche, il y a plusieurs hypothèses.

D’une façon générale, on vous reproche une critique assez molle du régime, peut-être à cause de votre passé de militant ?

Rachid Boudjedra : Je n’ai pas milité avec Bouteflika ni avec aucun des ministres actuels. Mon silence, c’est simplement du mépris. Comme disent les Chinois, la meilleure façon d’afficher son mépris, c’est le silence.

Le silence aide pourtant le régime à falsifier l’histoire et à étrangler le présent…

Rachid Boudjedra : Je le méprise. Mais si on me demande mon avis, et je l’ai donné à plusieurs reprises dans mes romans, le régime algérien est un régime prédateur et corrompu. Maintenant m’abaisser à les critiquer. Je ne sais pas, nous sommes des artistes, ce n’est pas vraiment notre rôle.

Une révolution qui mange ses meilleurs enfants, c’est du domaine de la psychologie ou de la sociologie ?

Rachid Boudjedra : C’est plutôt de la psychanalyse, ces gens-là sont malades. Ce sont des psychopathes. Même l’assassinat de Abane par Krim. Krim était un révolutionnaire, il a pris le maquis en 1947, tout seul, et à ce titre, il est irréprochable. Mais il y a aussi des facteurs subjectifs dans l’histoire, Abane traitait Krim de « aghioul » (âne) et ne l’appelait jamais par son nom. Les historiens ne font pas souvent cas des facteurs humains dans l’histoire, à part Ibn Khaldoun qui a ouvert les portes de l’intime dans les conflits. Les assassins peuvent être aussi victimes, Krim donne l’ordre d’étrangler Abane, il a lui-même fini de la même façon.

Dans votre dernier livre, vous revenez sur cette mode révisionniste. Il y aurait des facteurs humains explicables, le colonialisme est condamnable, mais pas les êtres humains…

Rachid Boudjedra : Oui, justement, dans ce romain, le narrateur Rachid, qui n’est autre que moi, voyage avec Omar, un moudjahid d’une grande bravoure. Avec le temps, Omar est devenu vieux et fatigué, il commence à fléchir. C’est une histoire vraie, son père était un commissaire divisionnaire à Batna, il a travaillé pour l’armée française et son frère a fini OAS. Omar les a quittés naturellement en leur tournant le dos, pour embrasser la Révolution. Avec le temps, c’est-à-dire aujourd’hui, Omar se met à penser à son père et à son frère comme des victimes. Tout le roman est dans cette ambiguïté, cet affreux doute, là où le système, le régime ou l’écriture de l’histoire ont fait que les choses se sont ramollies. Omar trouve des circonstances atténuantes à l’engagement aux côtés des Français de son père et de son frère. Pendant tout le roman, je dis à Omar qu’il a fait le bon choix, la Révolution, et que les autres ont fait le mauvais, qu’il n’y a donc pas lieu de regretter. Que s’est-il passé ? La débâcle nationale ? C’est psychologique, beaucoup d’authentiques résistants se mettent à douter, comme si ce pays pour lequel au fond on a fait tout ça ne le mérite pas.


Chawki Amari
El watan week-end

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Manipulations, anathème, Parti pris sur la guerre de libération : Les mises en garde

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Si le livre de Saïd Sadi sur la mort des deux colonels historiques, Amirouche et Si El Haouès, n’a pas manqué de déclencher une vive polémique politico-historique, il reste qu’il n’en pose pas moins, par ailleurs, la délicate problématique de la frontière éthique et déontologique qui sépare le sujet de l’histoire de la chose politique. Jusque-là très largement « squatté » par des acteurs politiques, le débat ô combien sensible autour d’une des phases les plus déterminantes de la guerre de Libération nationale, en ce que cette période a connu de tensions et de crises majeures, mérite d’être relayé, sinon pris en charge par des historiens dont c’est la profession sacerdotale même. L’entrée en scène de Ali Kafi, colonel de la Wilaya II historique, relance de plus belle la controverse sur un des points de l’histoire où notamment le politique le dispute outrageusement aux faits historiques. Ali Kafi, lors de l’entretien qu’il a accordé à quelques titres de la presse nationale, dans un moment de « colère », a critiqué les historiens en termes virulents, leur reprochant de n’avoir pas trop fait pour faire jaillir la vérité historique.

Le jugement est trop dur, d’autant plus que l’historien, en Algérie, rencontre d’insurmontables obstacles, souvent politiques, qui se dressent devant lui. Joint par téléphone, Mohamed Harbi, historien de renom, a affirmé : « Nous assistons à une fréquentation instrumentale de l’histoire. » Pour lui, elle « doit participer à la construction et à l’affermissement de la nation et non le contraire ». Commentant l’épineuse question liée à l’assassinat de Amirouche soulevée par Saïd Sadi, il soutient : « En aucun cas, le livre ne met en évidence le contexte dans lequel s’est déroulé l’assassinat de Amirouche et de Si El Haouès. » Et d’affirmer que « les éléments avancés ne sont pas démontrables ». M. Harbi déplore l’embrigadement des archives. « De toute manière, les archives sont réellement fermées. Si on disposait d’archives – celles des gouvernements successifs et du Comité de coordination et de l’exécution (CCE) – le débat serait tout autre. »

Le risque de retourner à 1959
Selon Daho Djerbal, maître de conférences à l’université d’Alger, les obstacles qui se dressent devant l’écriture de l’histoire « se situent au niveau des sources écrites et des archives diverses ». Pour étayer son propos, il a énuméré toutes les difficultés que rencontre l’historien : « Il y a les sources de l’armée française, conservées dans les Services historiques de l’armée de terre à Vincennes (SHAT). Il y a des documents concernant la Bleuite, des rapports d’officiers des services du 2e et du 5e Bureau et des états-majors de régions. En tout cas, tous les tenants et les aboutissants des opérations d’intoxication menées par l’armée et le pouvoir colonial durant la guerre de Libération. Ces archives ne sont pas encore accessibles. » « Il y a également des documents pris par l’armée française sur les officiers ou djounoud de l’ALN ou encore les minutes des écoutes d’émissions de radio de l’ALN captées et décodées par l’armée française qui pourraient nous informer sur les conditions dans lesquelles les positions de Amirouche et Si El Haouès auraient pu être localisées. Ces documents aussi ne sont pas accessibles. D’autres documents détenus par les anciens officiers du MALG ou ceux de la Wilaya III ou d’autres Wilayas ne sont pas accessibles au public », a-t-il indiqué. Ce dernier met en cause aussi l’inaccessibilité aux archives nationales. « L’accès aux archives nationales algériennes est soumis à réserve systématique. Tout se passe comme s’il s’agissait d’un bien privé de l’Etat, alors qu’il relève du domaine public national. Les archives de l’ALN comme celles de l’EMG, des deux COM de l’Est et de l’Ouest sont au niveau du ministère de la Défense nationale. Personne ne sait, à ce jour, quel sort leur est réservé », a-t-il regretté.
Daho Djerbal, un historien dont l’engagement est connu et reconnu, ne s’est pas interdit de nous livrer son appréciation sur la contribution du livre de Saïd Sadi à l’écriture ou à la réécriture de l’histoire de la guerre d’indépendance. « Il ne faut pas oublier de mentionner que le livre de Saïd Sadi n’est pas nouveau en la matière. Ces dernières années, il y a plusieurs auteurs qui ont écrit sur la Wilaya III historique ou sur Amirouche en se basant sur des témoignages et divers documents. D’autres sont à paraître. Là aussi, comme sur d’autres problèmes sensibles, il faut consulter l’ensemble des sources et témoignages, et procéder à des recoupements avant d’arriver à avancer une quelconque hypothèse », a-t-il analysé avant d’asséner : « Toute vérité en histoire n’est que provisoire dans l’attente de nouvelles sources venant la confirmer ou l’infirmer. » Ainsi a-t-il considéré, comme pour loger tout le monde à la même enseigne (rectitude d’historien ?), qu’il est « facile de spéculer sur tel ou tel évènement, mais jusque-là les intervenants de part et d’autre n’ont pas exhibé les documents authentifiés pouvant accréditer leurs propos ».
D. Djerbal met en garde, sans rire, contre « le risque d’être encore une fois victimes de nos sources et nous inscrire contre notre gré dans le prolongement de l’entreprise d’intoxication qui avait commencé en 1958 et 1959 avec l’affaire de la Bleuite. Si l’on n’authentifie pas les documents entre les mains de telle ou telle personne et si l’on ne fait pas les recoupements indispensables, on risque de se retrouver devant une situation identique à celle de 1959 et d’ouvrir la voie à de nouvelles purges, représailles ou règlements de comptes », a-t-il averti. « A ce jour, aucune recension n’a été faite des officiers et djounouds victimes des purges internes ou de luttes intestines non seulement dans la Wilaya III mais dans l’ensemble des Wilayas du pays », témoigne-t-il. Se disant attaché au respect scrupuleux des champs de compétence du politique et de l’histoire, Daho Djerbal plaide pour une séparation nette des deux domaines. « Il faut, me semble-t-il, séparer le débat politique du travail de l’historien. Ce dernier n’a pas à prendre parti dans des disputes dont les tenants et les aboutissants échappent au plus grand nombre. On interpelle çà et là les historiens en les traitant même de lâches, mais il faut savoir que certains d’entre eux sont interdits de parole, éloignés des procédures d’examination et de sélection universitaires, ou leurs travaux soumis à la censure durant des années. Beaucoup font leur travail d’historien, publient quand ils le peuvent dans leur propre pays ou à l’étranger, forment des générations de jeunes historiens ou contribuent à l’édition de mémoires de beaucoup de militants et cadres du mouvement national dans l’anonymat le plus total ». Pour M. Djerbal, « il faut savoir faire la part entre le bon grain et l’ivraie ». De quoi convaincre Ali Kafi.

L’autocensure des années de plomb sévit encore
En plus de « l’inaccessibilité et la non-communicabilité des archives en Algérie qui dorment d’un sommeil paisible dans les rayonnages des centres d’archives publics » et ce, malgré la législation en vigueur, Mohamed El Korso, chercheur à l’Institut d’histoire, a évoqué, lui, un des obstacles majeurs à l’écriture de l’histoire. L’autocensure. « Il y a l’autocensure héritée des années de plomb que le chercheur traîne malgré lui. Elle est liée à un ensemble d’études dominantes qui font dans l’apologie et d’un discours politico-historique qui balise les espaces permis. Autrement dit, les espaces à ne pas dépasser sous peine d’être l’objet d’une critique à la limite de l’invective. Elle devient un obstacle majeur. » « L’archive reste une arme à double tranchant qui nécessite un traitement critique surtout quand elle émane du 5e Bureau. » Il a souligné, par ailleurs, que « le silence assourdissant des témoins qui, quand il livrent leurs témoignages, le font de manière sélective préférant une nationalité étrangère à la nationalité algérienne ». La polémique provoquée par le livre de Sadi pourra un tant soit peu combler cette faille ? « Toute polémique est, en soit, positive parce qu’elle nous pose des questions. Le danger, c’est l’instrumentalisation directe ou indirecte, volontaire ou involontaire du produit historique », a averti M. El Korso.

Par Hacen Ouali
El Watan 11/05/2010

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SAÏD SADI RÉPOND AU COLONEL DE LA WILAYA II : «Ali Kafi ment»

Jebdegh-damrar idda-d wedrar (j’ai tiré sur la corde et c’est toute la montagne qui est ébranlée.) Les semaines passent et se ressemblent : les diversions et les déchaînements de haine alternent avec des mises en scène historiques de plus en plus grotesques qui meublent la périphérie du livre. L’histoire de la guerre d’Algérie est décidément un butin trop précieux pour être restitué au peuple.
Les pesanteurs du milieu
Diluant ses ardeurs, M. Mebroukine continue à passer par pertes et profits le coup humain, politique et historique des coups d’État de Boumediène qui a engagé l’Algérie dans le règne des putschs, de la censure et des fraudes électorales. Le propre de la pensée totalitaire c’est de nier toute donnée, tout évènement, tout acte qui ne participe pas à la célébration du maître. Lorsque l’on a évacué du débat les milliards de dollars déposés à la Chase Manhattan Bank via Messaoud Zeggar, lorsque l’on s’interdit de parler des milliers de morts des Wilayas III et IV en 1962 qui essayaient de se mettre sur la route de l’armée des frontières de Boumediène pour prémunir l’Algérie des conséquences, toujours terribles, de l’inauguration de la conquête du pouvoir par la force dans une jeune nation, lorsque l’on occulte les exécutions de Chabani, les assassinats de Krim, de Khider et de tant d’autres, lorsque l’on oublie de dire que le système éducatif a été livré à l’obscurantisme parce que l’école ne fait pas de putsch mais provoque les bombes à retardement, on peut poser le postulat que la période de 1965-1977, soit 12 longues années pendant lesquelles tous les rêves étaient encore possibles, «n’étant qu’une période d’expérimentation», elle doit être analysée sur les plans politique, social et économique avec condescendance sinon complaisance. D’un point de vue doctrinal, Boumediène, qui a concentré tous les pouvoirs, ne saurait être tenu pour responsable d’un bilan objectivement négatif car il n’a fait que prolonger «le nationalisme populiste dont il n’a été que le continuateur », nous explique M. Mebroukine. Et nous qui pensions que les grands hommes d’État sont ceux qui savent arrêter les dérives pour imprimer à l’Histoire les rythmes et les objectifs politiques qui la sortent des marécages où l’ont fourvoyée d’autres. Autant être clair, je ne connais pas M. Mebroukine et je ne sais pas ce qui lui a valu d’être emprisonné. Du reste, son nom importe peu. «L’intérêt» de son intervention c’est de révéler cette réflexion hémiplégique propre aux intellectuels organiques du parti unique qui néantise tout ce qui peut apporter un éclairage autonome non conforme aux dogmes officiels. M. Mebroukine, qui fut, entre autres, conseiller de la présidence, impute à l’opposition démocratique la régression civique et politique du pays. Il ne sait pas qu’un état d’urgence paralyse toute manifestation publique, il ignore superbement les fraudes électorales qui sont le premier et le plus grave des détournements et feint de ne pas connaître les ravages de la censure des médias lourds. Rien que pour les six derniers mois, le RCD a organisé au mois d’octobre 2009, une université d’été pendant deux jours rassemblant 617 participants avec les animateurs venant de 6 pays. Au mois de novembre suivant, nous avons rassemblé 700 jeunes issus des quatre coins d’Algérie pour débattre de la situation de la jeunesse. Le 6 mars dernier, le Rassemblement a initié une journée d’étude qui a regroupé 850 femmes autour du statut personnel dans les pays de l’Afrique du Nord avec des personnalités algériennes, tunisiennes et marocaines. (Il faut espérer au passage que ce volume d’activité rassure Monsieur Kafi qui semblait s’inquiéter de la situation du RCD.) Au même moment et dans le même site, se tenait une réunion du comité central d’un parti satellite du pouvoir composé d’une quarantaine de membres. Radios et télévision ont consacré leur journal de 20 heures à ce groupuscule et passé sous silence toutes les activités du RCD. On ne croit pas savoir que M. Mebroukine, revendiquant apparemment une certaine présence intellectuelle, se soit ému de ce que les ambassades algériennes aient refusé de délivrer des visas aux invités du RCD. Nous ne l’avons pas, non plus, entendu exprimer une opinion, un commentaire et encore moins une condamnation lorsque le maire de la capitale, menant une bande de délinquants, attaqua le siège national du RCD lors de l’élection présidentielle, etc. Les abus, les agressions, les fraudes dont est victime l’opposition seraient pour M. Mebroukine des vues de l’esprit. Oui je le redis comme je l’ai écrit dans mon livre, ce qui pose problème avec certains intellectuels algériens c’est moins leur démission que leur vassalisation.
La symbolique de l’État dévoyée
Pour M. Ali Kafi, l’analyse de l’impasse algérienne renvoie à une interprétation politique rigoureusement inverse de celle de M. Mebroukine. Le drame de l’Algérie serait dû à un Boumediène, à l’engagement patriotique tardif et quelque peu suspect, qui a trahi Boussouf son tuteur, dont M. Kafi nous dit qu’il était son relais attitré à l’intérieur. L’ancien patron du MALG serait en quelque sorte un géant de l’histoire auquel Boumediène n’a pas laissé le temps de finir le travail. Je ne m’attarde pas sur les égarements de M. Kafi qui ergote sur un «Amirouche tremblant de peur dans sa djellaba» et qui n’hésite même pas à convoquer Abane qu’il qualifia naguère de «traître à la nation» pour les besoins de son attaque. Tout en dévoilant les mœurs politiques du milieu, M. Kafi nous délivre sa pensée profonde quand il déclare que «si “Amirouche était vivant, il égorgerait son fils et Saïd Sadi”». Cette sous-traitance posthume n’est rien d’autre qu’un appel au meurtre. Le vernis du responsable qui clame n’avoir jamais attenté à la vie d’un homme pendant la guerre est mis à mal par ses pulsions intimes. M. Kafi, implicitement soutenu par des historiens, me somme d’arrêter de m’occuper de l’histoire politique de mon pays au motif que je suis psychiatre et non historien. S’il pouvait prendre un peu de distance par rapport à ses propos et aux torrents d’indignité inspirés ou directement déversés par le segment noir du MALG depuis la sortie de mon livre, il comprendrait que pour approcher l’histoire de notre pays il vaut mieux être un peu psychiatre, tant sont complexes et dangereux l’affolement et la fureur qui se sont emparés du sérail depuis deux semaines. Je n’insiste pas, non plus, sur les procès en sorcellerie instruits par tous ceux qui se croient obligés d’hypertrophier leur patriotisme en temps de paix pour faire oublier leur retrait ou leur fuite à un moment ou un autre des périodes décisives de la vie nationale. Les patriotes sonores ont en général plusieurs nationalités, autant de comptes en banque et de choses à cacher ou à se faire pardonner. Les citoyens qui daignent commenter ou émettre un avis dans leur pays sur une guerre de libération confisquée, falsifiée, et honteusement exploitée à des fins bassement matérielles sont effectivement leurs ennemis. Ce qui est vraiment inquiétant dans les ruades de M. Ali Kafi, c’est cette effronterie à contester des faits indubitables. Reprenons point par point ses allégations :
La réunion interwilayas de décembre 1958 en Wilaya II
M. Kafi assure qu’il n’y avait que trois chefs de wilaya (Amirouche, Bougara et Hadj Lakhdar) à cette rencontre. Il soutient que le colonel Haouès n’a pas participé et alla même jusqu’à insinuer, dans des passages de son livre, que Lotfi a boycotté le rendez-vous, suggérant que le colonel de la Wilaya V se serait associé avec lui pour refuser de répondre à l’invitation d’Amirouche. Je publie dans mon livre en page 432 un document signé par les quatre responsables, dont le colonel Haouès, adressé au GPRA à la fin de la rencontre pour dénoncer l’escapade de M. Kafi. Ou Ali Kafi est trahi par sa mémoire, où il remet volontairement en cause un document détenu par le GPRA pour les besoins de sa propagande. Par ailleurs, le colonel Lotfi, qu’Ali Kafi n’avait jamais rencontré jusque-là, avait envoyé un message d’excuses dans lequel il dit ne pouvoir rejoindre ses pairs, étant en mission à l’étranger. Ce qui, du reste, s’avéra être vrai par la suite. Le colonel Lotfi, officier à la rigueur morale exemplaire, était déjà en difficulté avec les états-majors est et ouest dont il sera une victime indirecte quelques mois plus tard après l’exécution d’un de ses officiers au Maroc, le capitaine Zoubir. Quand un homme nie des faits aussi clairement établis, on devine toutes les libertés qu’il s’autorise avec la vérité historique, surtout lorsqu’il s’agit d’évènements non consignés par écrit. Toujours à propos de la réunion interwilayas, M. Kafi, se posant en chevalier du pacifisme, invoque la Bleuite pour expliquer son refus de participer à la réunion de ses «collègues égorgeurs». L’argument ne saurait être recevable.
Un mois auparavant, en novembre 1958, le colonel Amirouche s’était rendu en Wilaya II pour une réunion avec Ali Kafi au cours de laquelle ils ont discuté des modalités de la réorganisation de la lutte, d’entraide et de communication entre les wilayas. Par ailleurs et comme d’autres régions, la Wilaya II a exécuté des hommes, qu’à tort ou à raison, elle suspectait de compromission. Les procès-verbaux de cette rencontre existent, à moins qu’il s’agisse, là encore, de faux documents, dont certains sont publiés par Ali Kafi lui-même. En vérité, et il suffit de lire les comptes rendus de séance et le rapport du colonel Amirouche, pour découvrir que la réunion de décembre 1958 avait des objectifs bien précis. Il s’agissait de faire une évaluation générale des combats sur le terrain, d’interpeller un gouvernement qui, abandonnant les maquis, se laissait dangereusement déborder par le MALG et les responsables des troupes des frontières, à l’époque solidaires, et déjà engagés dans les spéculations d’après-guerre. Il fallait aussi demander à ce que les liaisons radio entre les wilayas ne soient plus sous tutelle exclusive de Tunis. Toutes choses dont ne voulait pas entendre parler Boussouf. Mais, aujourd’hui que M. Kafi avoue être son représentant privilégié, on comprend mieux son absence et son scoop peut aider à mieux décoder un certain nombre d’évènements.
De la gestion des transmissions :
M. Kafi déclare que Boussouf l’avait désigné comme responsable exclusif des transmissions vers l’intérieur. Au passage, on peut se poser la question de savoir pourquoi un colonel d’une wilaya devrait centraliser à son niveau les communications radio. Si cela devait être établi, nous tiendrions là, d’un point de vue historique, une vraie information, quand bien même aucun dirigeant algérien n’a fait état, à ce jour, de cette délégation. Mais le propre du système Boussouf n’est-il pas de faire et de défaire les organigrammes de façon souterraine ? Cependant, ici encore, la révélation de M. Ali Kafi est prise en défaut par la réalité. Quand il dit qu’il a été chargé de contacter Amirouche pour l’informer de la réunion des colonels qui devait se tenir en avril 1959, il affabule. Faute de le renvoyer à mon livre qu’il avoue n’avoir pas lu et qu’il conseille de ne pas lire, je l’avise, malgré tout, que j’y ai publié le message du COM (Commandement opérationnel militaire) envoyé le 19 janvier 1959 à 9h30 à la Wilaya I (Aurès Namemchas) titré : «Message ultra secret» et se terminant par cette recommandation : «prière envoyer même message au colonel Amirouche. Ne sommes pas en liaison radio avec lui.» Contrairement à ce qu’avance Kafi, ce n’est pas lui qui a été chargé de contacter Amirouche mais bien Hadj Lakhdar, responsable de la Wilaya I. Je pose dans mon livre deux questions : - Pourquoi passer par la Wilaya I pour contacter Amirouche alors que la Wilaya III disposait encore d’un poste radio sur les deux qui lui avaient été octroyés en août 1958 ? - Pourquoi les services de Boussouf pouvaient-ils toucher les Wilayas I et II mais pas les Wilayas III et IV ? Compte tenu de la redoutable performance des services d’écoute de l’armée française, il est évident qu’à chaque fois que l’on augmente le temps d’émission ou que l’on multiplie les relais, il y a plus de risque que l’ennemi capte un message. Le seul envoi ayant transité par la Wilaya II concerne celui qui a été adressé au groupe des dissidents de Kabylie en octobre 1959 quand ils ont été sommés de se mettre sous les ordres de Mohand ou Lhadj, promu colonel de la Wilaya III après la mort d’Amirouche. Or, à l’époque Ali Kafi se trouvait à l’extérieur où il restera jusqu’à l’indépendance.
Emission et acheminement de documents :
M. Kafi nie le fait que Krim Belkacem ait envoyé un message radio sur l’Akfadou à Tahar Amirouchene — dont il dit qu’il était menacé par Amirouche — pour avertir le colonel de la Wilaya III des fuites qui suintaient des services du MALG quant à la fiabilité des codes utilisés et à la multiplication du nombre d’émissions. Il explique que «Krim Belkacem, qui était dans le maquis depuis 1947, savait très bien qu’un tel message pouvait tomber entre les mains de l’ennemi». A croire M. Kafi, le FLN/ALN ne transmettait aucun message et aucun document à l’intérieur du pays. Même lorsqu’il s’agit d’une information vitale comme celle de demander à un colonel de changer de chemin. Les acteurs qui ont reçu et essayé de faire parvenir le message de Krim Belkacem à Amirouche sont vivants. Enfin, il faudrait que M. Kafi nous explique comment a-t-il transmis, lui, la foultitude de correspondances qu’il a publiées dans son livre ? Non seulement les documents circulaient mais Amirouche avait fait de l’écrit, en dépit de tous les risques, une exigence. Et c’est bien ce qui gêne ses détracteurs aujourd’hui. Dans la plupart des cas, on peut trouver des traces écrites des analyses et des décisions du colonel de la Wilaya III. Sur ces fameux messages utilisés pour guider Amirouche, nous en sommes, depuis la sortie du livre, à quatre versions. Le ministre des Moudjahidine, faisant parler un ancien maquisard à Bou Saâda, nous informe que l’ennemi a capté les messages émis par Amirouche. M. Benachenhou nous donne deux lectures ; l’une contredisant l’autre. Enfin, il y a la dernière annonce de M. Kafi qui, confond sa wilaya et la wilaya des Aurès qui a reçu la convocation adressée à Amirouche. La libération de la parole finira bien par imposer la vérité. Quant à dire que Tahar Amirouchène, qui était en parfaite symbiose avec son colonel, était menacé, cela relève autant du ragot que de l’intrigue. J’ai consacré un développement à la densité de cette relation qui liait les deux hommes et à la confiance qui l’a soudée. Il appartient aux maquisards encore en vie de témoigner sur ce que tous ont vu et vécu comme une relation exceptionnelle. Même si M. Kafi n’aime pas lire, je lui conseille de prendre connaissance de l’hommage publié par la Wilaya III après la mort d’Amirouche. Il fut rédigé par Tahar Amirouchène et arrache aujourd’hui encore des larmes à ceux qui se souviennent de lui.
Documents produits dans le livre :
M. Kafi a décidé que je n’ai pas pris la précaution d’en vérifier l’authenticité. Parmi ces documents, certains sont inédits et d’autres ont été déjà publiés par des historiens que M. Kafi connaît très bien. Pourquoi une pièce seraitelle suspecte dès lors que c’est moi qui la porte à la connaissance du public ? Bernard Kouchner serait-il incapable de manipuler ses amis ou ses proches ? Ces documents sont toujours disponibles, il est facile à M. Kafi et à tous les Algériens, soucieux de soustraire notre histoire aux manipulations, d’en vérifier la véracité.
Congrès de la Soummam :
M. Kafi conteste la nature et la portée de cet évènement historique. Il en déduit même que c’est à partir de là que la Révolution algérienne a entamé sa régression ! C’est une opinion. Mais quand M. Kafi dit n’avoir jamais déclaré qu’il était congressiste, il devrait se relire un peu plus souvent. Dans son livre autobiographique, il écrit le contraire. Pour expliquer son renvoi du congrès au troisième jour par Zighout Youcef, il affirme avoir été missionné pour réceptionner un largage d’armes par un avion venant de Tunisie. Aucun membre du congrès, et plus tard aucun membre du GPRA, aucun membre du CNRA ou de l’état-major n’a entendu parler de cette mystérieuse mission. Je donne dans mon livre l’avis d’experts sur les parachutages d’armes dans les guerres révolutionnaires. Tous sont d’accord pour dire que l’on ne recourt pas au parachutage dans les régions limitrophes des pays pourvoyeurs en armement. Or, nous sommes en août 1956 et la ligne Morice ne sera édifiée que bien après. Si la délégation extérieure du FLN avait des armes à faire parvenir au Nord-constantinois à cette époque, la meilleure manière eût été de les acheminer par voie terrestre. La question reste entière. Il faudra que M. Kafi trouve un autre argument pour justifier la décision de Zighout. Autant de contrevérités assumées de manière aussi effrontée donnent la mesure de la violence, des complots et autres crimes qui ont marqué la vie souterraine de la guerre et de l’urgente nécessité de se pencher sur notre histoire et dont nous devons parler, non pas pour juger X ou Y, mais pour doter notre pays d’instances où le débat transparent et le consensus permettent d’organiser loyalement la représentation populaire pour traiter les problèmes de nos concitoyens. L’entêtement à assumer avec une invraisemblable outrecuidance la désinformation un demi-siècle après la guerre montre bien que c’est la confiscation de l’histoire qui est la mamelle de la rente. Comme beaucoup d’acteurs avant lui, M. Kafi a omis ou trituré des vérités dérangeantes et il est même allé jusqu’à diffamer des martyrs. Depuis, il a occupé les fonctions de chef d’État, cette charge lui interdit de recourir au mensonge, surtout quand il s’agit de la mémoire de la nation. Il n’en demeure pas moins qu’il faut reconnaître à M. Kafi une chose : il est, pour l’instant, le seul responsable algérien à avoir admis et condamné la séquestration des restes d’Amirouche et de Haouès, même si l’on est en droit d’émettre quelques doutes quand il affirme n’avoir découvert ce crime que ces derniers temps. Le fils du colonel Amirouche n’a pas cessé de dénoncer cette séquestration et de demander des explications. Il a envoyé des correspondances à toutes les institutions avec copie à l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) dont M. Kafi fut secrétaire général. Nordine Aït Hamouda a même été arrêté en 1983 pour cela aussi. Pour l’essentiel, ce qui a motivé l’écriture de ce livre c’est cette séquestration, sacrilège national ; dont ne veut toujours pas entendre parler le segment noir du MALG qui, en bon élève du KGB, s’évertue, jusqu’à en être ridicule, à éviter de répondre à la seule question posée. Qui a séquestré les ossements des deux héros ? Pourquoi cette forfaiture a-t-elle été commise ? Qu’en pensent les dirigeants actuels ? Pour l’instant, les camarades» n’ont toujours pas entendu parler du dossier. Ils ne peuvent donc pas répondre. Même tardive, la sortie d’Ali Kafi est, de mon point de vue, symboliquement importante. Il me tenait à cœur de le dire.
L’irruption des historiens
Viennent de paraître les commentaires de 3 historiens sur le livre. Je note qu’aucun d’entre eux n’a émis une remarque sur son contenu. Deux d’entre eux ont cependant relayé la litanie des jugements qui disqualifie l’homme politique dans le traitement de faits historiques en invoquant à leur tour les risques de manipulations. La proximité de la sortie de M. Kafi et ces interventions interpellent. La colère feinte de l’ancien président du HCE contre les historiens cache mal la similitude de l’argumentation. Il s’en est même trouvé un qui a repris mot pour mot l’invective de l’ancien responsable de la Wilaya II quand il dit que les manipulations de la France risquent d’avoir pesé sur la construction du livre comme elles ont induit en erreur Amirouche. Je pose une question innocente : qui du politique ou de l’historien a inspiré l’argument de l’autre ? Ces historiens ont cependant raison sur une chose : il est temps que les universitaires s’émancipent de leurs coteries politiques. Il est aussi temps que l’écriture de l’Histoire algérienne soit libérée des hégémonies idéologiques ou intellectuelles qui la mutilent aujourd’hui encore. J’ai rapporté dans mon livre quelques dérapages éthiques qui attestent que les tentatives de manipulations ne sont pas toujours là où on le croit. Est-il inutile de rappeler que pas un universitaire, historien ou autre, n’a abordé, ni sur le plan éthique ni d’un point de vue scientifique, la question de la séquestration. Cela aussi, c’est de l’Histoire. Des politiques marocains ont parlé de Hassan II, des Tunisiens ont abordé le cas de Bourguiba, Alain Peyrefitte, qui fut ministre de De Gaulle, a produit une remarquable biographie de son président. Pour une raison qui m’échappe et qui vient d’être appuyée par des historiens, opportunément interpellés par M. Kafi, je serais en situation de contravention morale en écrivant sur Amirouche. Est-ce le martyr, l’auteur ou la thématique qui dérange ? Est-il déraisonnable de penser que cela peut être les trois ?
Le MALG sort de l’ombre
On annonce enfin la réaction du MALG. Une commission est même mise en place ! Le montage risque d’être délicat. Les interventions chaotiques de M. Benachenhou seraient donc une production poétique indépendante de son cercle originel. Ceux qui croyaient que le segment noir du MALG pouvait lâcher sa proie, après la dernière «contribution» où M. Benachenhou essaya de relativiser la brutalité de ses premières déclarations, ont seront pour leurs frais. Les incohérences dans lesquelles il se débat et la violence inouïe avec laquelle il répond à M. Rachid Adjaoud, que j’ai vu pleurer à l’évocation des turbulences de la Bleuite, montrent comment une secte peut pousser à l’outrance sinon l’outrage un des siens quand elle est acculée à subir la lumière. Ecrire qu’«Amirouche est un être hors du commun» et déclarer le lendemain que c’est «un criminel de guerre» illustre à quel point les barbouzes veillent à ce que le débat soit étouffé et comment les parrains rattrapent un des leurs quand il se laisse gagner par le remords. Il faut que les inspirateurs de cette diatribe soient bien affolés et qu’ils se sentent menacés dans leurs intérêts vitaux pour perdre le minimum de retenu qui sied à toute expression publique. L’explosion de fureur publiée dans le Soir d’Algérie le 10 mai a le mérite de démontrer, au cas où il y aurait encore un doute, qui a donné et séquestré Amirouche et Haouès. Les médecins appellent cela un diagnostic post mortem. Pourquoi et comment le pays est étranglé par une minorité de prédateurs depuis l’indépendance ? Même éloignés du pouvoir formel, ils gardent les liens et surtout imbibent l’État de leurs mœurs, véritables toxines qui conditionnent le fonctionnement des grands rouages institutionnels. Boussouf seul ne pouvait pas détourner les dynamiques de Novembre et de la Soummam. Boumediène seul n’avait ni la légitimité ni le crédit pour s’opposer au GPRA. C’est la synergie des deux qui a fait que le pire s’est imposé au destin d’un pays qui aurait pu être la Californie de la Méditerranée occidentale. On a déjà dit, à juste titre, qu’en politique, pour le meilleur comme pour le pire d’ailleurs, un plus un font plus de deux. Le responsable de l’armée des frontières a fini par avoir raison de son protecteur, le patron du MALG. Les deux sont aujourd’hui morts. La nécessité de poursuivre coûte que coûte la lecture de notre histoire s’impose, non pas pour accabler les deux hommes, mais pour empêcher leurs clones de perpétuer une pratique politique qui risque de désintégrer la nation.
Et maintenant…
Il se dit que ces activistes des ténèbres, noyautant les institutions, veulent entretenir l’invective pour enrayer le débat et permettre à leur tuteur officiel d’intervenir encore une fois pour décréter que la discussion, «otage des extrémismes », doit s’arrêter. La manœuvre a été déjà testée sur le dossier du terrorisme. On sait ce qu’il en a coûté au pays. À toujours occulter la vérité, à refuser à la justice de suivre son cours, on a fait de l’Algérie un volcan. J’ai veillé à ce que mon livre traite des évènements qui ont entouré la mort et la séquestration des colonels Amirouche et Haouès sans complaisance ni colère parce que le silence qui entoure ces deux événements est politiquement et symboliquement symptomatique du naufrage de la nation. Il est vital que les enfants d’Algérie se saisissent de cette opportunité pour ne plus laisser les détrousseurs de mémoire, qui sont aussi les semeurs de haine, ruiner leur passé et miner leur avenir. Dans ce déchaînement de panique, de violence et de mensonges, un homme m’a adressé un message public m’invitant à continuer d’écrire ce que je crois être utile pour mon pays. C’est suffisamment rare pour être relevé et salué. Qu’il sache que pour moi une voix exprimant une conscience libre est plus audible que les vacarmes de la meute. Pour l’instant, on observe qu’un livre a suffi à ébranler la citadelle. On découvre que le système politique, avec ses prébendes, ses normes et ses méthodes, n’est pas réductible à la sphère du régime. Les réactions enregistrées jusque-là me rappellent étrangement l’hystérie qui a suivi avril 1980 quand certains demandaient nos têtes au motif que nous avions attenté à la Charte nationale pendant que d’autres, idéologiquement aux antipodes des premiers, en appelaient au châtiment suprême car nous avions «brûlé le drapeau et le Coran». Notre histoire bégaie. Essayons de la faire parler. Librement.
Saïd Sadi
Président du RCD et député

le soir d'algerie

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Un débat pour en finir avec tous les débats ?

par Mourad Benachenhou
Au cours de ces dix dernières années, les biographies de Amirouche écrites par des auteurs algériens n'ont, certes, pas été aussi abondantes que l'on aurait souhaité, au vu de l'importance de ce personnage dans l'histoire de la Guerre de Libération nationale. Mais, il en a eu suffisamment pour que le lecteur curieux puisse assouvir sa soif de connaissance de la vie et de la mort de cet homme d'exception, et de ce grand héros de la Guerre de Libération.

Des témoins directs de l'histoire de La Wilaya III historique

Il faut mentionner pour mémoire les historiens professionnels, qui ont consacré quelques pages, plus ou moins profuses, dans leurs écrits à Amirouche, comme Mohammed Harbi, le regretté Mahfoud Kaddache, Khalfa Mammeri, et sans doute bien d'autres dont la liste est trop longue pour qu'on puisse citer tous leurs noms, et les mémoires des hommes politiques, comme Ferhat Abbas et Ali Kafi. Plusieurs compagnons de combat de ce colonel commandant la Wilaya III historique, et qui, donc, l'ont côtoyé et ont partagé avec les fatigues, les tensions, les dangers, les frayeurs, les actes d'héroïsme et les trahisons propres aux guerres, quelle qu'on soit la forme, ont mis par écrit leurs souvenirs et les ont soumis à la critique de leurs lecteurs. Parmi eux, on voudrait mentionner plus particulièrement deux partisans inconditionnels de Amirouche, remplissant les conditions d'origine régionale qui les mettent au dessus des critiques de biais antagonistes à la Kabylie et à sa culture, et attachés à Amirouche par ce sentiment naturel de loyauté que le subordonné ressent envers son chef, en particulier s'il dégage le charisme propre aux leaders exceptionnels.

Ces auteurs sont :

- Attoumi Djoudi qui a écrit les deux ouvrages suivants, édités par Ryma, maison d'édition de Tizi Ouzou :

«Le Colonel Amirouche entre légende et histoire» (2004)

«Le Colonel Amirouche à la croisée des chemins» (2007) , deux ouvrages sortis sans la discrétion et restés plus ou moins inconnus du grand public en dépit de leur qualité à la fois littéraire et de documents historiques frappés de sincérité, de franchise et d'esprit critique, et

- Hamou Amirouche, dont le livre intitulé : «Akfadou, Un An avec le Colonel Amirouche»(Casbah Editions, 2009), a reçu sur tout le territoire algérien un accueil digne de la qualité de son auteur et de la grandeur de son héros. L'auteur ne cache ni son attachement à Amirouche, ni l'admiration qu'il lui porte, et se montre particulièrement critique à l'égard de l'évolution politique depuis l'Indépendance.

Un innocent assassiné est une victime de trop

Ces deux auteurs ne font rien pour cacher leur loyauté et leur admiration sans limites à l'égard du Colonel, traitent avec précaution et doigté, sans récuser les éventuelles accusations de dérives staliniennes, du drame de la Bleuïte, qui constitue une défaite pour tout le peuple algérien et une tache dans l'histoire de sa lutte de libération, même si ses victimes, que ce soient les hommes qui ont torturé, jugé, condamné à mort et exécuter des innocents, dont le nombre importe peu, car un innocent assassiné est une victime de trop, ou ces victimes qui avaient abandonné leurs foyers et leurs vies normales pour combattre le colonialisme, provenaient d'une seule région de notre pays.

Ces anciens compagnons de Amirouche mentionnent également les soupçons de trahison qui auraient entouré les conditions de la mort au combat du Colonel. On sait, maintenant que ces soupçons n'ont aucun fondement.

Des auteurs engagés, des ouvrages au-dessus de toute polémique

Pourquoi leurs ouvrages n'ont soulevé aucune tempête médiatique ou le déchaînement de haine et de violence verbale qui a été déclenché par le plus récent essai biographique sur Amirouche. Ce n'est ni le contenu intrinsèque des ouvrages en cause, ni l'indépendance des auteurs vis-à-vis du pouvoir politique qui pourrait expliquer la différence immense en termes de qualité et d'intensité des réactions. C'est simplement parce que ces deux auteurs n'avaient d'autres objectifs que de partager avec les lecteurs avides de connaître l'histoire de notre pays, leur expérience personnelle de collaborateurs du Colonel Amirouche. Dans leurs interviews accordées à la presse locale ou nationale, ils se sont limités à expliquer les motifs qui les ont poussés à écrire leurs livres et se sont présentés comme témoins privilégiés, mais modestes, d'une page glorieuse de notre histoire. Et, pourtant, la vie de Amirouche, les évènements qui ont marqué son passage à la tête de la Wilaya III historique, ne sont pas entièrement dénués de toute possibilité de polémique.
L'instrumentation politique de l'histoire provoque la tempête

Comment se fait-il que l'histoire du même personnage, avec ses qualités et ses défauts, ses instants d'intuition géniale, et ses erreurs mortelles, ait soulevé une tempête ; lorsqu'elle a été contée par un chef de parti ? Les causes déclenchantes de la tempête ne se trouvent donc ni dans les faits et gestes du héros en cause, ni dans ses errements humains, ni dans son origine régionale, mais dans les termes et les thèmes du débat sur sa vie suscités par l'instrumentation politique qui en a été délibérément faite par cet auteur engagé dans une lutte pour le pouvoir, lutte où tous les coups sont permis, et où le contenu et les détails de la biographie spécifique jouent un rôle limité; il s'agissait moins d'écrire un livre sur Amirouche que de provoquer une crise politique en prétextant de divergences portant non sur sa vie , mais sur la place de la région en cause dans la guerre de libération nationale comme dans l'Algérie indépendante.

L'écriture de l'histoire sert toujours un objectif

Pour ne pas sortir de l'objectivité, fondement d'un débat serein, il n'est pas question de reprocher à cet auteur d'instrumenter l'Histoire ; Hélas ! L'Histoire, avec un grand H est une utopie vainement tentée. Tout écrit historique cache des motivations qui n'ont souvent rien à voir avec une reconstitution authentique, même partielle, du passé. Il s'agit de prouver une théorie, de défendre une thèse, de conforter des intérêts matériels, intellectuels, ou politiques, par l'appel à des évènements historiques choisis sur la base des critères dictés par les objectifs avoués, exprimés, ou secrets qui ont suscité l'effort de reconstitution du passé.

Donc, une Histoire qui raconte, seulement pour le plaisir de raconter, le passé n'existe que dans les déclarations de principes ou les ouvrages de méthodologie historique. Derrière tout récit historique, il y a des intentions cachées et des objectifs secrets, conscients ou inconscients.

On ne peut donc reprocher à cet auteur d'avoir instrumenté une page essentielle de notre histoire nationale. Quel est l'historien d'ici ou d'ailleurs qui ne tente pas de manipuler son public et de lui faire adopter sa propre vision du monde et des choses, et de le conduire avec habileté à la conclusion qui, en fait, sous-tend tout son écrit?

Le personnage historique choisi : un simple paravent ?

Le problème n'est même pas dans le choix du personnage traité. L'auteur aurait même pu choisir de se pencher sur la vie de ceux qu'il voue à l'abomination dans les hypothèses de base de sa théorie politique : Abdellatif Boussouf et Houari Boumédiene; il serait arrivé exactement au même résultat en termes d'instrumentation.

Amirouche a été choisi comme thème de base de son écrit parce que c'est plus productif politiquement d'utiliser un héros local pour construire son instrument de lutte politique que des héros nationaux, même présentés sous la forme caricaturale en cohérence avec les théorèmes fondamentaux de sa géométrie politique.

En partant de la biographie de ces deux grands hommes de l'histoire contemporaine de l'Algérie, on aurait retrouvé tous les thèmes récurrents dans l'ouvrage consacré à Amirouche, thèmes trop connus car répétés jusqu'au dégoût par tous ceux qui se piquent d'activer dans l'opposition.

Pour qu'il n'y ait pas de malentendu quant au présent développement, le personnage de Amirouche a été choisi par convenance, non parce qu'il permettait de mieux asseoir la thèse centrale de l'ouvrage, à savoir que le plus digne de gouverner le pays n'est ni celui que l'on pense, ni le groupe sur lequel il s'appuie, mais celui qui écrit et le groupe qui est derrière lui. Quel est ce groupe ? Dieu seul le sait, et même la région supposée être la source de toutes les attentions pourrait ne pas être celle dont les intérêts sont en fait pris à cœur.
Le problème central : les termes et les thèmes du débat

Le problème, en fait, réside dans les termes comme dans les thèmes du débat qu'un auteur est obligé d'accepter avec ses lecteurs, qu'ils soient parmi ses partisans ou ses détracteurs. Par définition, le livre est une marchandise publique. On ne peut pas à la fois publier un livre et exiger qu'il reste secret, qu'il ne soit pas vendu ou, une fois mis sur le marché, qu'il ne fasse pas l'objet de jugements, que ces jugements soient fondés ou infondés. Un livre est un produit de consommation courante, qui sert à satisfaire les besoins d'information, de distraction, de culture, de positionnement social ou politique, etc. Comme tout produit de consommation courante, certains aiment son goût, et d'autres ne le supportent pas.

Des règles de débat qui empêchent le débat

Or, l'auteur pose au débat, ordonné ou non, sur son ouvrage un certain nombre de règles qui vont à l'encontre même des règles normalement acceptées dans ce genre de débat.

Son livre n'est pas un programme politique, et tous ses lecteurs ne sont pas des adhérents de son parti. Il aurait pu en réserver la diffusion exclusive à ses partisans en leur interdisant d'en partager le contenu avec les personnes étrangères au mouvement politique qu'il dirige.

Dès lors qu'il n'a pas pris cette voie, qu'il avait out pouvoir de prendre, il ne peut pas exiger du grand public le type d'adhésion aveugle et discipliné de ceux qui acceptent son leadership, car membres de son parti.

En fait, ses réactions aux critiques qui ont été adressées à son ouvrage, prouvent, par leur violence et leur caractère acerbe, qu'il refuse tout autre type de jugement que l'approbation béate et admiratrice de la moindre de ses affirmations.

Toute personne qui, à tort ou à raison, peu importe, s'aviserait de réfuter telle ou telle de ses affirmations, est exclue de son parti, car quiconque lit son livre serait, par définition, membre de son parti qu'il ait choisi de l'être ou pas. C'est là une vision totalitaire du public des lecteurs qui se retrouve dans toutes les interventions publiques que cet auteur a faite pour défendre ses vues et attaquer ses critiques.

Les termes du débat: tous les dires de l'auteur sont vrais par définition

Pour lui les termes du débat sont clairs : quiconque lit son livre doit accepter chacun de ses mots, chacune de ses phrases, chacun des faits reportés, chacune des affirmations proclamée comme au-dessus de toute critique. Le débat, suivant ces termes, doit se résumer à répéter mot pour mot ce qu'il écrit.

Toute personne qui oserait violer ce terme de base qui lui est imposé, ne peut être que manipulé par des forces occultes, mais dont, paradoxalement, tout le monde connait les tenants et les aboutissants, ou membre de ces forces pour le compte desquelles il agit, comme agent stipendié, ou plus prosaïquement mercenaire.

Aucun contradicteur n'est, au vu de l'auteur, un simple homme, libre de toutes attaches politiques ou partisanes, qui donnerait son point de vue de manière neutre. Un lecteur qui refuse de prendre comme argent comptant l'écrit en cause est étiqueté comme membre d'une vaste cabale, d'une camorra qui ne dit pas son nom, d'un complot ourdi depuis longtemps et dont les membres secrets ou publics étendent leurs tentacules même au fond des cerveaux de certains, leur dictant ce qu'ils doivent dire et faire à tout instant de leur vie.
On n'aime pas le livre, donc on hait le groupe ethnique de l'auteur !

De plus, quiconque qui oserait faire preuve d'esprit critique à l'égard de ce livre, serait animé par des sentiments de haine envers les membres de la région en cause.

Ainsi, par exemple, les méta moralistes qui ont prouvé que les impératifs catégoriques qui, selon Kant, doivent servir de guides aux règles morales, ne sont d'aucune utilité dans la vie morale de tous les jours, seraient, en fait, des philosophes pleins de haine pour la race germanique, et les critiques qu'ils adresseraient aux théories morales de ce philosophe allemand seraient beaucoup plus l'expression de cette haine que simplement des conclusions tirées de l'analyse des conséquences pratiques de ces impératifs. A suivre cette dialectique de la pente glissante, toute personne qui n'aimerait pas Sartre est anti-français; quiconque préfère lire Albert Camus plutôt que Mohammed Dib serait un partisan du colonialisme et haïrait les Tlemceniens. Ceux qui trouveraient à redire aux romans de George Orwell, l'ex-gendarme colonial devenu épicier, mais auteur génial, pourraient se classer parmi les ennemis jurés de la Grande-Bretagne ; etc. etc.

On pourrait croire qu'il s'agit là d'une simple caricature des termes du débat imposés par l'auteur. Mais, que l'on ne s'y méprenne pas ; tel est hélas ! la triste réalité.

Les thèmes du débat : préfixés dans leur liste comme leur contenu

Quand aux thèmes du débat; il y en a trois :

1) Amirouche est un héros pur et parfait, beaucoup plus proche d'un prophète ou d'un saint que d'un homme de guerre. Tout ce qu'il dit ne peut donner lieu à revue ou correction, tout ce qu'il a accompli est parfait et il n'y a rien à y redire de quelque angle qu'on l'examine ; son comportement se conforme toujours aux nécessités des circonstances ; c'était l'ami des pauvres, des intellectuels, des prisonniers étrangers ; sans lui, l'appui de la classe politique d'une grande puissance n'aurait jamais été acquis à la cause algérienne. Etc.

2) Il y a des méchants et leurs noms sont connus ; ils étaient tellement jaloux de lui et le craignaient tellement qu'ils auraient comploté sa mort avec les ennemis qu'ils combattaient. C'est un peu l'histoire inversée de Lénine, conduit dans un train blindé par les autorités allemandes pour qu'il lance la révolution ayant permis la sortie de la Russie de l'alliance avec les puissances européennes de l'Ouest, pendant la Première Guerre mondiale ! Comme l'ennemi ne pouvait pas le convaincre de le transporter par avion jusqu'en Tunisie pour qu'il «secoue » les « lâches » qui se prélassaient loin des combats, et qu'il «dissolve le GPRA et l'Etat-major,» il se serait entendu avec ces responsables pour qu'il les débarrasse de cet homme encombrant, dont les objectifs étaient, suivant la thématique proposée, divergeant des objectifs du leadership de la Guerre de Libération nationale.

Apparemment, aussi absurde que puisse apparaître ce scénario, l'auteur veut à tout prix qu'on s'y tienne. Quiconque le rejette ne pourrait qu'avoir été complice dans la mort de Amirouche ;

3) Amirouche, bien que reconnu chef suprême, incontesté de la Wilaya III, pensant à tout et décidant de tout, se trouve brusquement totalement innocenté de toute participation à la Bleuïte ; il n'aurait fait que suivre le mouvement, tout en le critiquant. Bref, un groupe de quatre hommes était à la fois avocats, procureurs, témoins, juges, jurys, tortionnaires et bourreaux, aurait été créé sur la propre initiative de ses membres, Amirouche aurait ignoré totalement ce qu'ils faisaient et les meurtres qu'ils étaient en train de perpétrer en se couvrant de son autorité. Là aussi, quiconque ne croirait pas à cette version du thème de la Bleuïte serait un complice du pouvoir en place, aurait contribué à organiser la mort de Amirouche, et serait digne d'être traduit devant un tribunal. Sortir des versions de ces trois thèmes ; tels qu'exposés dans l'ouvrage en cause constituerait un acte de rupture des règles de débat imposées par l'auteur et justifierait ses foudres jupitériennes.

Ce qu'on reproche aux uns et aux autres, c'est le refus de respecter ces règles de jeu. L'auteur a provoqué le débat ; c'est donc son débat, et, suivant cette logique, il est normal qu'il impose ses règles à un jeu qu'il a conçu et dont il veut maîtriser chacune de ses phases, chacun de ses mouvements. Mais cette façon d'organiser les échanges de vue constitue un monologue, qu'on impose en semant la terreur par le lancement d'accusations tous azimuts contre ceux qui refusent ce type de débat à sens unique. Le caractère outrancier des attaques lancées contre tous les contestataires, tous les critiques ne s'expliquent pas autrement, car il n'est pas question de mettre en cause la rationalité ou l'équilibre mental de l'auteur. Va-t-il réussir à imposer envers et contre tous sa version des faits, rien n'est moins sûr, car, que cet auteur le veuille ou non, Amirouche reste ce qu'il est : un homme appartenant à l'histoire d'une Nation, et non d'une région. En fait, Amirouche a été peut-être enterré deux fois, mais il a été déterré trois fois, la dernière fois pour servir d'arme de guerre politique dans une période sensible de l'Histoire actuelle de notre pays.

En conclusion

1) L'auteur a fixé des termes et des thèmes au débat sur Amirouche pour mettre une fois pour toutes fin à tout débat sur cet homme appartenant à l'histoire de l'Algérie ;

2) Ce n'est plus de manipulation que l'on doit parler, mais de kidnapping de l'histoire que cet auteur veut perpétrer au profit d'une cause confuse, mais néanmoins dangereuse ;

3) Ce kidnapping s'effectue par des pratiques contraires à l'esprit que reflètent le nom choisi pour son organisation politique, où figure les termes de culture, mot dont l'étymologie vient d'un verbe latin, signifiant honorer (coleo) ; et de démocratie, dont le fondement est la libre discussion entre citoyens égaux de tous les problèmes de la cité ;

4) Ce n'est pas en déterrant une troisième fois des héros nationaux pour en faire des armes de guerre politique qu'on les honore ;

5) Ce n'est pas en manipulant les termes et les thèmes du débat que l'on fait avancer la démocratie et qu'on donne des leçons de civisme aux Algériennes et Algériens ;

6) Criminaliser l'écriture de l'histoire qui ne correspond pas à ses propres vues sur elles, n'est pas non plus une preuve de culture et de démocratie, ce n'est pas un crime que de refuser de donner une dimension surhumaine et divine à un homme, si héroïque a-t-il été !

7) Qu'est-ce donc que les Algériennes et les Algériens ont à gagner à appuyer une démarche et une campagne politique qui reproduit le schéma de pouvoir en place depuis 1962, mais pour le compte d'un homme et d'un groupe différents ;

8) On pensait que le grand problème politique du pays était un changement de système politique ; ce qui est proposé dans la démarche c'est de garder le même système, mais au profit d'autres :

9) Cela ne s'appelle pas alternance au pouvoir, mais alternance au pillage du pays, du moins suivant la terminologie et l'analyse employées par des opposants d'intérêts, non une opposition de principes !



QUOTIDIEN D'ORAN DU 13/05/2010
PAR MOURAD BENACHENHOU

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LE REGARD DE MOHAMED BENCHICOU
De quel côté sommes-nous ?

Il est toujours terrible, pour les esprits éclairés, ce moment soudain et impitoyable où ils découvrent ce que le bon peuple savait déjà : le pouvoir algérien est corrompu, le pouvoir algérien est incompétent, le pouvoir algérien est amoral. On le devinait déjà devant ce regain du terrorisme et l'irrésistible déclin national, signes d'une insoutenable inaptitude des dirigeants à gérer un pays trop grand pour eux.
Le déluge Khalifa, incroyable procès où l'on assiste aux aveux crapuleux des gouvernants sur leurs inimaginables concussions avec l'argent sale, achève d'emporter les dernières illusions sur leur rectitude. L'Algérie est entre les mains d'un système lubrique et décadent qui gouverne par le mensonge et la prévarication. Il ne suffit pourtant plus de le dire. D'abord parce que la basse vénalité du régime n'est un secret que pour une espèce de braves chérubins, elle-même en voie de disparition : il y a bien longtemps que la société algérienne s'est rangée à la fatalité d'être gouvernée par le stupre, l'imposture et l'escobarderie. Ensuite parce que tout cela, le cynisme, l'amoralité, la fourberie des puissants, bref tout ce qui fait le système algérien, mettra du temps à disparaître et, en tout cas, ne s'éliminera pas sous l'énoncé indigné des vices et la dénonciation enragée des fausses vertus. Non, la vraie question est en nous. De quel côté sommes-nous, aujourd'hui que se décompose le système ? Du côté d'une certaine lucidité populaire, c'est-à-dire du côté, ingrat, anonyme, incertain mais sacré d'une société qui attend son heure ? Ou du côté des ors d'un Palais en quête constante de supplétifs pour ses guerres infanticides et de courtisans pour ses propagandes mensongères ? Supporterons-nous le regard condescendant que poserait une société étouffée sur ses intellectuels et ses opposants mangeant la soupe froide des parrains ? Sans doute n'est-il jamais facile de regarder la réalité en face tant il est vrai que la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil, pour reprendre René Char. On peut aussi répliquer que la question ne se pose avec une telle gravité ou, du moins, pas pour tous. Pourtant si, à voir au moins trois conjurations hypocrites avec le pouvoir qui s'élaborent sous nos yeux : celle de clercs zélés, exubérants à l'idée de voir extrader Khalifa et silencieux sur l'impunité de requins ; celle des porte-voix du mensonge sur le péril terroriste ; celle de ces partis d'opposition qui frétillent à l'idée de participer à des législatives dont ils savent qu'elles donneront un vernis démocratique au régime, dont ils savent qu'elles seront truquées et dont ils n'ignorent pas qu'elles seront boudées.
Nous les avons trahis
Commençons par le procès de Blida. Dans quelques jours, la juge Brahimi va condamner des pères de famille à de lourdes peines de prison pour avoir empoché la petite monnaie de Moumen Khalifa. J'en connais la plupart, pour les avoir rencontrés en prison et je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée émue et solidaire pour leurs familles dont l'infortune est de n'avoir pas été du bon côté du manche. Car, et on l'a bien entendu de la bouche d'avocats émérites comme Bourayou, Brahimi ou Mokrane Aït- Larbi, les vrais escogriffes, ceux qui sont accusés d'avoir profité de leurs positions au sein de l'Etat pour puiser dans les coffres, ceux-là vont échapper à cette justice rendue au nom du peuple mais qui, dans les faits, ne fait que se rendre à la pègre en col blanc. Je ne voudrais pas refaire, ici le procès de Khalifa. Il est assez accablant pour ceux qui ont cru s'en servir et dont les noms s'affichent pitoyablement dans les prétoires. Je note seulement que certains d'entre eux, Tayeb Belaïz, Khalida Toumi ou Ahmed Ouyahia, se plaisaient à justifier mon incarcération en juin 2004 par le “devoir d'une justice au-dessus de tous” au moment même où ils avaient une main sur le cœur et l'autre sur le portefeuille de Khalifa. Non, il ne s'agit pas de refaire le procès de Khalifa, mais juste de rappeler que, en dépit de précautions infinies, nous venons de vivre le premier procès public du système politique algérien depuis 1962 et que cela exigeait de nos élites intellectuelles et politiques qu'elles en fassent le sujet de ripostes et d'analyses salvatrices et fécondes. Dame, il n'est quand même pas fréquent qu'un régime corrompu soit à la barre ! Et la société attendait de nous que nous soyons les accusateurs d'un népotisme pris, enfin, la main dans le sac. Et un sac-poubelle noir de surcroît ! Là était notre rôle, accabler un régime de truands, le forcer à son propre désaveu, en arracher les premiers signes de vulnérabilité. A la place de cela, qu'avons-nous eu ? Des silences incompréhensibles, comme pour signifier que cette affaire roturière n'était pas digne de l'intérêt des élites. On sait pourtant, depuis Jean-Paul Sartre, que l'intellectuel est avant tout quelqu'un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas. Mais on a eu pire que le silence : ces tirades réjouies de nos éditorialistes sur l'arrestation de Moumen Khalifa, ces sarabandes autour du totem, ces fausses «informations de première main”, distillées par les mêmes honorables correspondants, sur une “imminente extradition” du milliardaire. Et puis, pour finir, et pour ceux qui auront su patienter, ces explications savantes sur le “rôle obscur” de Londres dans sa non-extradition. Dans une sordide connivence entre un corrompu, le pouvoir politique et un corrupteur, Moumen Khalifa, des âmes éclairées ont cru plus subtil de se ranger du côté du corrompu. Par patriotisme, par surenchère jésuitique ou, allez savoir, par science du racolage. On s'évite ainsi d'accabler un régime dont c'était le premier procès public. Mais on passe surtout à côté d'un épisode extraordinaire de cette mafia politico-financière si décriée et dont un des visages apparaissait enfin, une affaire d'Etat sur laquelle il était de notre devoir de nous arrêter. Inonder de quolibets le corrupteur, c'est sans doute soulageant. Faire preuve de la même rage nationaliste pour enquêter sur les vrais receleurs, c'eût été encore mieux. Ne serait-ce que pour donner raison à Noam Chmsky pour qui les intellectuels ont besoin de justifier leur existence. Et puis, ce qui ne gâche rien, à faire notre métier, on passerait de prédicateur à journaliste. On découvrirait par exemple des noms illustres parmi les pensionnaires du Hollyday Inn de la place de la République à Paris (métro République) hébergés avec l'argent de Khalifa. Ou que, escroc rimant avec crocs, nos dirigeants en ont de bien grands. On ne se grandit pas à défendre le corrompu en oubliant qu'il n'est victime que de sa propre corruption ! Tout dire ou se taire. “Pourquoi la Grande-Bretagne n’a-t-elle pas procédé à l’arrestation provisoire de Khalifa comme le prévoit pourtant l’article 8 du traité signé avec l'Algérie ?” s’est demandé, avec force indignation, le porte-parole de l'Association algérienne de lutte contre la corruption, qui est pourtant un esprit avisé. Mais alors comment pouvait-il, en militant anticorruption, s'abandonner à un réquisitoire sélectif et se dispenser de la seconde moitié de la question : pourquoi l'Algérie n’a-t-elle pas procédé à l’arrestation provisoire des personnalités citées en audience comme le prévoit sa propre loi, comme le dicte sa propre justice, comme l'y oblige la morale ? Je sais que chacun a ses raisons de dissimuler une partie de la vérité ou même de prendre partie pour les hommes du régime. Mais ceci n'est pas une bataille de polémistes, c'est une injustice majeure : ces pères de famille que la juge Brahimi va condamner à de lourdes peines de prison à la place des notables dont vous taisez les noms, ces hommes que vous réduisez à de la chair à canon dans une bataille mafieuse, ces hommes je les ai côtoyés. Leurs enfants ressemblent aux nôtres, et les larmes de leurs mères sont aussi amères que celles de nos mères. Et dans cette affaire, nous aurons été nombreux à les avoir trahis.
Les complices du silence officiel
Ah, si le péril terroriste était aussi amusant qu'il ne l'est dans la bouche de Yazid Zerhouni. Nous serions sans doute aussi nombreux à mourir, mais de rire. Hélas pour nous, et même en reconnaissant au ministre de l'Intérieur les louables efforts qu'il déploie pour être digne de sa réputation de gaffeur, “GSPC, Al-Qaïda ou Kaddour ben Ali”, ce n’est pas pareil. Il y a une mutation terroriste indéniable en Algérie depuis la création d'Al-Qaïda Maghreb. La puissance de feu n'est plus la même, les cibles sont différentes, l'audace plus incontestable, la stratégie plus déterminée. Cette réalité que le ministre Yazid Zerhouni est chargé de cacher aux Algériens est aujourd'hui l'un des soucis majeurs des décideurs militaires. La preuve qu'Alger est en danger est que le dispositif policier dans la capitale va être renforcée en 2007 par 5 000 hommes supplémentaires et peut-être même plus. L'autre indice alarmant est la reprise, après l'attentat de Takhoukht contre une patrouille de la brigade de gendarmerie, des bombardements par l'ANP des massifs forestiers pouvant abriter des terroristes, une riposte abandonnée depuis bien longtemps par nos militaires. Le rôle de tout régime politique est de minimiser l'ampleur d'une tragédie qui pourrait menacer son pouvoir et mesurer son incompétence. C'est ce qu'entreprend de faire, avec un bonheur aléatoire, le ministre Zerhouni. Pour lui, les derniers attentats spectaculaires sont le fait de “groupes terroristes qui cherchent à faire un acte de portée publicitaire”. N'épiloguons pas sur la légèreté des propos dans un contexte aussi dramatique où il est quand même question de morts parmi les forces de sécurité. Le ministre a beaucoup à gagner à cacher sur la gravité de la situation, à commencer par la responsabilité de la politique de “réconciliation nationale” dans le regain du terrorisme : elle l'a alimenté en hommes et en argent. Mais alors si le rôle du pouvoir est de dissimuler, de nuancer, de tromper, quel doit être le nôtre, journalistes ou, pour les plus érudits d'entre nous, intellectuels ? Je n'en vois qu'un seul : se démarquer du pouvoir et dire la vérité aux Algériens, non pour les inquiéter mais pour les aider à affronter la situation. Se démarquer du pouvoir ou, tout au moins, se refuser à en être le porte-voix, comme ce fut le cas pour certains d'entre nous dans l'affaire Khalifa. C'est la posture assez risquée que choisissent ceux qui, parmi les observateurs et parmi nos confrères, s'en prennent à Al Jazeera pour ses reportages fréquents sur les attentats terroristes en Algérie. La chaîne quatarie est accusée rien moins, par un commentateur, que de vouloir régler des comptes “avec l’Algérie, son peuple et ses dirigeants” ! J'ignore si ces accusations reposent sur autre chose que des récriminations classiques, mais je crains fort que tout ce qu'on reproche à Al Jazeera c'est de ne pas se faire complice du silence officiel sur l'activité d'Al-Qaïda en Algérie. C'est à dire de faire son travail d'information. Car enfin, s'il y a des reportages répétés sur Al- Qaïda Maghreb c'est parce que l'évènement le dicte et que nos confrères quataris ont fait le choix de s'y coller. Abdou B. a raison de signaler que “cette chaîne est une des plus performantes en matière d’information, avec beaucoup de talent et de professionnalisme”. Ce qui prouve bien qu'on n'est pas tous obligés de rire des boutades de Yazid Zerhouni. Et que ce n'est pas Al Jazeera qu'il faut éradiquer, mais le terrorisme d'Al-Qaïda. Je voulais terminer sur la prochaine supercherie électorale du 17 mai prochain, mais le compteur m'indique que j'ai débordé sur l'espace qui m'est imparti. Ce sera pour la semaine prochaine.
M. B.

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Abdelhamid Benachenhou, né le 7 décembre 1907 et décédé le 31 août 1976 à Tlemcen,est le pére de Mohamed benachenhou, fut un historien algérien.

Biographie [modifier]
Abdelhamid Benachenhou vit le jour dans une maison modeste du quartier de Qoran Esseghir de l’ancienne médina de Tlemcen (ancienne capitale du Maghreb central dans l’Ouest de l’Algérie) dans une famille durement touchée par l’oppression coloniale, et dont les terres avaient été expropriées au profit de colons ou de l’urbanisation ; cette famille s’était convertie à l’artisanat et au commerce et malgré la dureté des temps sut préserver ses traditions, sa fierté et son attachement aux valeurs musulmanes.

Le père d’Abdelhamid, Si Bouziane, avait choisi le métier de cordonnier qu’il exerçait dans une petite échoppe près de la maison familiale. Lors de l’exode de 1911, la famille décide de partir pour le Maroc, mais elle est obligée de rebrousser chemin à Maghnia.

Le petit Abdelhamid fait cette randonnée, qui était alors une grande aventure, à dos d’âne et il l’évoquait souvent avec fierté car, pour lui, cet exode était un acte de résistance au système colonial triomphant. À l’âge de 8 ans, après moult délibérations au sein de la famille, qui tenait à se préserver de tout contact culturel avec l’occupant, Abdelhamid fut envoyé à l’école Dessieux, réservée aux enfants «d’indigènes».

Il en sort à 15 ans avec le certificat d’études primaires et est obligé de trouver un travail. Il est recruté comme télégraphiste et envoyé dans un petit village de la région d’Aïn Témouchent. Mais il ne reste pas longtemps dans cet emploi.

Il avait un goût insatiable pour la lecture et voulait continuer ses études. Comme ni la fortune de ses parents ni la politique du colonisateur ne lui permettaient de poursuivre son ambition, il décida de tenter sa chance au Maroc et de s’inscrire à l’université El-Qaraouyine à Fès. Désargenté, il dut faire les deux cent quatre-vingt kilomètres du voyage à pied, avec d’autres compagnons qui avaient le même objectif. Ils eurent à braver non seulement les risques d’une route peu sûre, mais également les dangers de la traversée de la plaine aride de Guercif.

Ayant acquis par ses lectures une bonne connaissance de l’arabe, il réussit à s’inscrire à la célèbre université et à survivre avec la maigre aide matérielle qu’elle offrait aux étudiants venant d’autres pays musulmans. Finalement, après cinq années, il réussit à avoir sa ijaza’, ou licence d’enseignement.

Il occupe un poste administratif dans un village du Moyen-Atlas marocain où il apprend le tamazight ; il fait des économies et achète pour sa famille une maisonnette dans le quartier d’El-Kalaa à Tlemcen, que l’administration coloniale avait loti au profit des Algériens «lettrés», mais dont jouirent essentiellement les Kouroughlis pendant les premiers temps, suivant la pratique coloniale de «diviser pour régner».

Bien que balloté pendant plusieurs années entre de petits villages perdus dans les montagnes marocaines, Abdelhamid n’en continua pas moins à s’éduquer ; il fit des recherches historiques sur la dynastie almoravide et publia, dès 1935, dans la revue scientifique Hesperis, des articles sur les monuments laissés par celle-ci au Maroc.

Affecté à Rabat dans l’administration chérifienne en 1940, il en profita pour parachever ses études supérieures à l’institut d’études marocaines qui était un centre d’études universitaires mis en place par l’administration du protectorat français.

Dès la fin de ses études doctorales, il se mit à enseigner dans cet institut le droit administratif marocain ainsi que l’arabe moderne. Parfaitement bilingue, il se lança, dès la fin des années 1940 dans la rédaction d’ouvrages en arabe comme en français portant aussi bien sur l’histoire que sur le droit et se fit un nom parmi la nouvelle classe intellectuelle marocaine qui commençait à émerger.

Bien qu’enraciné dans la haute société marocaine, il n’en oubliait pas pour autant l’Algérie et les mouvements politiques qui la traversaient. Il fut l’un des premiers membres de l’association des ulémas et écrivit de nombreuses contributions dans El-Bassaïr, la publication de cette association, sous un nom de plume malheureusement oublié.

Il était en contact avec le PPA-MTLD, dans lequel nombre de membres directs ou par alliance de sa famille militaient. Ils avaient même fait l’objet de poursuites judiciaires et d’emprisonnement pour de longues périodes. Il entretenait également de bonnes relations avec l’UDMA et reçut chez lui Ferhat Abbas, lors d’une tournée que celui-ci effectuait au Maroc en 1948.

En 1947, avec l’aide financière d’un riche Algérien originaire de Taher, Si Mohammed Khattab, un homme d’un grande générosité qui employait sur ses fermes de la plaine du Gharb des métayers d’origine algérienne, Abdelhamid créa la fédération des Algériens musulmans du Maroc, officiellement à but «culturel et social», mais qui était en fait une organisation politique destinée à sensibiliser les Algériens aux thèmes nationalistes et à les organiser pour d’éventuelles actions collectives.

L’administration coloniale ne fut pas dupe et fit toutes sortes de tentatives pour casser cette association et créer la division parmi ses membres. Un certain Boniface, contrôleur civil (l’équivalent de l’administrateur des communes mixtes en Algérie) trouva finalement la faille dans un Algérien d’Oudjda, où résidait la plus importante communauté algérienne, et lui fit créer une association parallèle. Cet Algérien, agent de l’administration coloniale, finit par être assassiné par un fidaï marocain.

La fédération, bien introduite auprès de l’administration marocaine, joua un rôle essentiel dans l’implantation du Front de libération nationale (FLN) au Maroc. Abdelhamid fut également un acteur important dans la lutte du Maroc pour son indépendance ; ami et conseiller de plusieurs personnalités politiques nationalistes marocaines, il contribua à l’armement de l’armée de libération marocaine en faisant détourner de l’armement des mokhaznia, ou supplétifs, au profit de l’armée de libération marocaine.

En reconnaissance de ses services, Abdelhamid fut nommé, dès l’indépendance du Maroc, directeur des affaires générales au ministère de l’Intérieur, en charge des problèmes de sécurité, puis secrétaire général de ce ministère ; le roi Hassan II lui proposa le poste de ministre de l’Intérieur à condition qu’il prenne la nationalité marocaine, ce qu'il refusa.

Abdelhamid fut également extrêmement actif dans la guerre de libération nationale ; son domicile à Rabat, 3 bis rue Alfarabi, servit d’asile et de lieu de repos à des dizaines de moujahidine et moujahidate venus de différentes wilayas, et abrita des réunions du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).

Plus que cela, il organisa la désertion de soldats algériens en caserne au Maroc et établit un réseau de collecte de fonds au profit du FLN. De plus, au péril de sa vie et de celle de sa famille, accompagné de son épouse, il effectua en Algérie, au profit du CCE comme du GPRA, des missions de liaison, muni d’un faux passeport portant un nom de juif marocain ; l’une de ses missions les plus dangereuses se déroula à Alger en mars 1957, alors que la fameuse bataille y faisait rage ; il rencontra à cette occasion, dans des conditions dignes d’un roman d’espionnage, Abdelmalek Temmam, alors dirigeant syndicaliste de l’UGTA naissante.

Ses hautes fonctions dans l’administration marocaine lui permirent de rendre d’immenses services au CCE comme au GPRA, sous toutes formes, de la facilitation des contacts politiques aux entrées de troupes et d’armement, en passant par la fourniture de vrais faux papiers d’identité.

Cette activité sur plusieurs fronts n’empêcha pas Abdelhamid de continuer à publier en arabe et en français. Il a écrit près de 35 ouvrages dont les titres donnent une idée de l’ampleur de sa culture et de ses intérêts intellectuels :

Al Bayan Al Muthrib, ou exposé sur le droit administratif marocain
Ousoul Al Sahiounia,
Akhir Hukkam Gharnata,
Le Régime des terres au Maghreb,
Léon l’Africain,
Juba II,
Du mandat ou Procuration,
Maghreb, histoire et société, l’Islam.
Contes et récit du Maroc,
Goethe et l’islam,
L’État algérien en 1830,
La Dynastie almoravide et son art.
Même la douloureuse maladie qui devait finalement l’emporter n’arrête pas sa plume ; sur son lit de mort, il achève une histoire en arabe, non publiée, de la ville de Tlemcen.

Ses ouvrages continuent à être cités ; Marguerite Yourcenar (1903-1987) avait trouvé un certain intérêt dans nombre de ses livres qui ornaient sa bibliothèque personnelle dans sa maison du Maine (États-Unis).

Après l'indépendance [modifier]
Rentré en 1964 en Algérie, il prend la direction du Journal officiel, et continue ses activités d’enseignement à l’école nationale d’administration ; il fait des conférences publiques en arabe et en français, contribue fréquemment à la revue El-Djeïch, au quotidien arabe Ecchaâb, et anime des émissions à la radio.

Homme de grande culture islamique et auteur d’un ouvrage en français sur l’islam, il est nommé membre du haut conseil islamique, où il prône une religion ouverte sur la modernité et les méthodes scientifiques ; il propose une interprétation du Coran fidèle à l’esprit, et proche de la lettre, en particulier dans le domaine économique.

Homme d’une grande tolérance, il se lie d’amitié avec le cardinal Tessier et est souvent l’hôte du cardinal Duval ; il donne des conférences dans le séminaire catholique et pratique avec simplicité et sincérité le dialogue des religions et des civilisations avant que cela ne devienne une mode ; il a même été conseiller juridique auprès du tribunal rabbinique de Rabat.

Bien que bon musulman, il n’en était pas moins versé dans le complexe droit civil rabbinique, dont la connaissance pour un musulman n’était, à son avis, ni interdit ni touché de tabou ! Il est emporté en 1976 par une douloureuse maladie..

Sa contribution au renouveau de l’Algérie dans les domaines culturels, sociaux et politique a été reconnue par l’attribution de son nom à un Institut de Technologie de l'Education (formation de professeurs de Collèges) à Oran.

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Dernière édition par admin le Sam 15 Mai - 17:15, édité 1 fois

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Ne touche pas a ma glorieuse wilaya III historique


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""Si nous venons à mourir défendez nos mémoires""
Didouche mourad

Les crimes commis contre des moudjahidine par les responsables de la Wilaya III sont des crimes de guerre pires que les crimes de l'armée coloniale, et auraient fait passer leurs perpétrateurs en justice dans un État de droit, quels qu'aient été, par ailleurs, les exploits guerriers de ces criminels de guerre. Ils auraient été, dans un État normal, jugés et condamnés à la prison à vie." Dixit Benachenhou qui juge ainsi Le colonel Amirouche et ses compagnons dans les colonnes du Soir d'Algérie. Inutile d'aller loin. La messe est dite. Mourad Benachenhou a eu enfin le mérite de dire haut ce que le clan d'Oujda a délibéré bas sur le cas du Colonel Amirouche lors de la réception de sa dépouille en 1963. Sa dégueulade à l'adresse du secrétaire du Colonel de la wilaya III, M. Adjaoud, sonne comme une réponse franche à ceux qui cherchent le pourquoi de la séquestration, dans les locaux de la gendarmerie et durant vingt ans, de la dépouille du vaillant combattant. En enjambant quelques numéros du Soir d'Algérie à reculons, Benachenhou louait pourtant le charisme de Si Amirouche et centrait son attaque sur l'enfant qui a commis le sacrilège de jeter la pierre sur la surface jusque là lisse du lac sacré de l'Histoire. Seulement la berceuse n'a pas produit d'effets et Si Mourad s'en rend compte, craque et lâche la bête. Ainsi, Le colonel Amirouche passe, à ses yeux, du grade de révolutionnaire craint et irréprochable au statut de criminel de guerre passible de la peine à perpétuité. Chef d'inculpation retenu dans l'arrêt de renvoi du procureur Benachenhou ? – Crimes de guerre pire que les crimes coloniaux et intelligence avec le bureau du Capitaine Leger.(sic)
En dehors du caractère comi-tragique des affabulations de son auteur, la teneur de l'article renseigne amplement du degré d'animosité que nourrit le clan d'Oujda envers la Kabylie et fournit des éléments intéressants qui étayent la thèse de la liquidation du Colonel Amirouche avec la complicité de certains.
Les accusations graves de Benachenhou ne sont pas un coup de tonnerre brusque dans un ciel d'été. C'est l'expression d'une vision bien ancrée chez le clan dont il assure la fonction de porte parole.
Benachenhou n'est pas à sa première salve. Il a déjà soutenu dans les colonnes du Quotidien d'Oran que "Abane Ramdane a utilisé des méthodes de dénigrement pour justifier l’élimination de la scène politique d’un homme sans lequel, il n’aurait été autre qu’un simple fonctionnaire communal, c’est-à-dire, Messali El Hadj… ". Et que " l’analyse militaire de Abane allait dans le sens des intérêts de l’ennemi qui ne tarda guère à saisir l’initiative ".
Ces tirs à bout portant sur tous les symboles de la wilaya III qui avait pris sur elle la fourniture des autres wilayas en hommes et en vivres au déclenchement de la révolution, n'est pas un acte isolé et irréfléchi. Les hommes de la trempe de Benachenhou, habitués aux actions concertées et aux méthodes maffieuses, ne risquent aucun faux pas sans l'aval du conseil de famille. Sur ce point, Boussouf a laissé des habitudes et, surtout, un clan.
Benachenhou peut dégueuler à son aise son venin, l'Etat de droit est absent. C'est lui-même qui le souligne. Et c'est pas moi qui le contredis.
Mais une question reste posée : Les anciens moudjahidines de la wilaya III, directement visés, Vont-ils se taire ou préparer une réponse consistante pour taire à jamais les chacals qui jappent dans nos champs ?

Moussa Tertag


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Depuis plusieurs semaines, la mort des colonels martyrs Amirouche et El Haouès survenue, le 28 mars 1959, à Djebel Thameur, occupe une large place dans les colonnes de la presse nationale.

Je me sens en devoir, vis-à-vis de ma conscience et à l’égard de mes compagnons d’armes, ceux qui sont morts et ceux qui sont encore en vie, de livrer la présente contribution qui n’est destinée ni à amplifier ou à exacerber cette polémique ni à alimenter un quelconque ressentiment. Elle se veut simplement le témoignage sur une brève séquence de l’Histoire de notre lutte armée, livré par quelqu’un qui a vécu de très près cet événement tragique. Au préalable, je souhaite préciser que le commando de l’ALN qui opérait dans la région de Djebel Thameur, évoqué par Mourad Benachenhou dans une contribution publiée le 3 mai 2010 dans le Soir d’Algérie, est venu de la Wilaya IV et non de la Wilaya III. Appelé commando Djamal, c’est une katiba (compagnie) d’élite au parcours prestigieux et célèbre. J’ajoute que je n’en ai pris le commandement qu’au mois de juin 1959. Au moment des faits, en mars 1959, le commando était dirigé par Si Larbi (Abdou Larbi). Si Larbi se trouvait à Djebel Thameur, avec les deux colonels, au retour d’une mission au PC de la Wilaya VI. Lors de l’accrochage qui a coûté la vie aux deux glorieux martyrs, Si Larbi fut blessé et emprisonné. Il est toujours en vie et habite Cherchell.
Le 28 mars 1959, notre commando était basé à Sfissifa, une montagne située en face de Djebel Thameur, à une étape de marche. A cet endroit, nous pouvions voir la noria d’avions qui bombardaient Djebel Thameur, mais nous ignorions que l’objectif de cet intense pilonnage était le détachement de nos deux colonels. Quatre ou cinq jours avant, nous étions deux katibas, le commando Djamal et une katiba de la zone 3 Wilaya VI à Djebel Thameur. Nous n’y avions laissé personne. Mais quelle était donc la mission du commando Djamal en Wilaya VI, loin de la Wilaya IV et de l’Ouarsenis, son point d’attache ? Un bref rappel historique s’impose. Il faut revenir au mois de décembre 1958 et à la réunion historique des colonels de wilaya qui s’est tenue, entre le 6 et le 12 de ce mois, à Ouled Askeur (Wilaya II, près de Taher ). C’est la première fois depuis le Congrès de la Soummam, que les chefs de wilaya se rencontraient. En cette période cruciale où la lutte armée connaissait une situation difficile, les chefs de wilaya ont senti la nécessité de faire le point, de définir une approche commune et de prendre des décisions en parfaire symbiose quant aux moyens à mettre en œuvre pour pérenniser la lutte et atteindre les objectifs du 1er Novembre 1954.
Quatre colonels sont présents : Hadj Lakhdar, pour la Wilaya I, Amirouche de la Wilaya III, Bougara pour la wilaya IV et El Haouès de la Wilaya VI. Le colonel, chef de la Wilaya V, n’a pu venir. Le colonel Ali Kafi, chef de la Wilaya II, a décliné l’invitation, mais sa Wilaya est représentée par l’officier Lamine Khane. J’ai eu l’occasion d’évoquer avec mon ami et mon frère, le colonel Salah Boubnider, les raisons de cette absence. Avec Si Salah, que Dieu ait son âme, qui a dirigé la Wilaya II, de mars 1959 à l’Indépendance, nous parlions souvent de notre combat dans nos Wilayas respectives, de nos expériences, des réactions, par exemple, que nous avions adoptées pour riposter à telle manœuvre de l’ennemi. Nous avons découvert de nombreuses similitudes.
Cette réunion se tient dans un contexte pénible qu’il est utile de rappeler. Les Wilayas et les maquis subissaient de très fortes pressions de l’armée française, particulièrement en ce second semestre 1958. Le démantèlement des organisations urbaines du FLN à Alger et dans pratiquement toutes les grandes villes du pays a permis aux forces adverses de procéder à un allégement de leurs effectifs engagés dans les centres urbains et de redéployer l’essentiel de leur dispositif sur les maquis. L’ALN manquait d’armes, de munitions. Certes, elle disposait d’un réservoir humain inépuisable, constitué de jeunes de toutes conditions sociales, qui aspiraient à rejoindre l’ALN et voulaient participer à la lutte. Mais le manque d’armes constituait un gros handicap qui empêchait leur recrutement. Il faut se remémorer que l’essentiel de l’armement qui parvenait à l’intérieur, à partir de la frontière Ouest, au début, et de celle de l’Est par la suite, était convoyé par nos « dawriate » ou compagnies composées de jeunes recrues.
Ces valeureux éléments, de jeunes citadins, de jeunes paysans, partaient à pied, jusqu’à Figuig au Maroc ou en Tunisie, les mains nues, encadrés seulement par un ou deux anciens maquisards armés. Ils faisaient le chemin de retour portant, en général, deux armes chacun. Si, jusqu’à fin 1957, ces « dawriate » ne subissaient pas de grosses pertes, il en fut autrement en 1958. Interceptées à l’aller ou lors de leur retour, beaucoup parmi elles ont été décimées ; quelques rescapés seulement avaient la chance d’arriver à leur Wilaya d’origine. Ce sont des milliers de jeunes qui ont laissé leur vie sur cette route de la mort. Il s’agissait surtout de jeunes qui partaient des Wilayas III et IV, éloignées de frontières Est et Ouest. Faisant le constat de cette hécatombe, le colonel Bougara ordonna l’arrêt de l’envoi des « dawriate » en ce qui concerne la Wilaya IV, dès l’automne 1958. A partir cette date, l’unique source pour s’armer était la récupération d’armes prises aux troupes françaises au cours de nos actions.
En milieu rural, la situation qui prévalait était caractérisée par la répression inhumaine, féroce qui s’abattait sur les populations rurales. Nombreuses sont celles qui étaient déplacées et parquées dans des centres dits de regroupement. Elles faisaient généralement office de boucliers humains pour les camps militaires. Le quotidien des populations regroupées était fait de misère et de brimades. A juste titre, les responsables des wilayas éprouvaient de l’amertume et du ressentiment envers la direction nationale du FLN, le CCE, et plus tard le GPRA. Ils lui reprochaient de n’avoir pas fait l’effort suffisant et à temps pour faire parvenir aux Wilayas les armes et les munitions avant que les frontières ne soient électrifiées et fortifiées et ne deviennent quasi étanches.
Il faut se souvenir que la direction nationale, le CCE, a quitté définitivement l’Algérie après l’assassinat de Larbi Ben M’hidi par les paras, à Alger, en février 1957. Les membres du CCE, en vie à ce moment, se scindèrent en deux groupes : Krim Belkacem et Youcef Benkhedda partirent pour la Tunisie par les maquis. Abane Ramdane et Saâd Dahlab transitèrent par la Wilaya IV et la Wilaya V, et rejoignirent le Maroc. Les contacts Wilayas-direction nationale du FLN devinrent difficiles, puis moins fréquents de sorte qu’un sentiment d’abandon s’installe chez les chefs des wilayas. Ce sentiment allait s’accentuer sous le poids des lourdes responsabilités assumées seules par les Wilayas. Il a fini par se transformer en défiance à la fin de la guerre.
Voilà le contexte dans lequel s’est tenue la réunion des colonels en décembre 1958. Tels sont les motifs qui ont poussé les colonels à se concerter. Les décisions qu’ils ont prises lors de leur conclave ne sont pas connues dans leur totalité. Ont-ils convenu d’instaurer une coordination, une sorte de Commandement unique, assumé à tour de rôle par chacun des colonels ? Ont-ils décidé de dépêcher le colonel Amirouche à Tunis pour porter à la connaissance de la direction nationale la réalité de la situation qui prévalait à l’intérieur du pays ? Nous ne le savons pas. Mais ces sujets furent bel et bien évoqués, semble-t-il. Par contre, il est établi que les colonels ont réellement décidé et mis en exécution une aide à apporter aux Wilayas I et VI qui en ont exprimé la demande, aide à laquelle ont répondu favorablement les autres Wilayas par esprit de solidarité militante et de fraternité combattante...

S’agissant de la Wilaya I, I’aide consistait à l’assister à rétablir l’ordre, mis en danger par ceux qu’on appelait les mouchaouichine (perturbateurs) qui contestaient l’autorité de la Wilaya. Ces désordres étaient alimentés par des oppositions tribales et des considérations de leadership. Mustapha Benboulaïd, grâce à son aura, a pu fusionner, sous la bannière ALN-FLN, toutes les énergies des gens des Aurès et des Nememchas. Ce Géant disparu (le 22 mars 1956), ses successeurs n’ont pu consolider son œuvre et rencontrèrent beaucoup de difficultés. Quant à la Wilaya VI, l’aide consistait à l’assister dans son action contre les maquis MNA qui se sont implantés sur son territoire. Les partisans du MNA ou se réclamant comme tels sont issus de l’armée du « général » autoproclamé Bellounis, après l’implosion de cette armée fantoche en juillet 1958.
Qui était Bellounis ? Militant du PPA et du MTLD, il décide de rester fidèle à Messali Hadj lors de la crise du MTLD. Dès 1955, il crée un maquis dans la vallée de la Soummam. Refoulé par l’ALN, il part en direction du Sud et rejoint un autre chef messaliste, Cheikh Ziane, qui est à la tête de 300 hommes environ dans la région de Ouled Djellal. A la mort de Ziane (décédé de façon mystérieuse), Bellounis en prend le commandement. Après l’affaire de Melouza, il prend contact avec l’armée française, pactise avec elle pour lutter contre l’ALN-FLN. L’armée française l’équipe, lui permet de recruter, entraîne son armée qui comptera 3500 hommes. Mais, Bellounis est un personnage complexe, incontrôlable. Il nourrît même le rêve de devenir le chef de l’Algérie indépendante. Il multiplie les exactions contre les populations, se crée un fief et un PC à la sinistre réputation, Haouch Ennaas. Ne lui faisant pas confiance, l’armée française provoque l’implosion de son « armée ». Il est tué par les siens en juillet 1958. La grande partie de son « armée » rejoint les casernes françaises. Une partie de ses hommes se réfugie dans les montagnes de Djelfa et de ses environs. Ils se réclament du MNA. Leur cible c’est l’ALN. L’armée française leur assure une parfaite immunité.
La Wilaya VI, la plus récente, ne pouvait combattre sur deux fronts : contre l’armée coloniale et contre les bandes messalistes. Elle avait donc besoin d’assistance. L’aide que les colonels des Wilayas avaient décidé d’apporter aux Wilayas I et VI consistait en l’envoi d’unités provenant des autres Wilayas. Nul ne conteste que la Wilaya IV a fait le plus gros effort et a dispensé aux Wilayas sœurs l’assistance la plus conséquente. Elle a mis à la disposition de la Wilaya I deux katibas : le commando Ali Khodja de la Zone 1 et le commando Si M’hamed de la Zone 2. La Wilaya VI allait accueillir une katiba : le commando Djamal de la Zone 3. Ces trois commandos étaient des katibas aguerries, bien armées, les meilleures unités de la Wilaya IV.
Début février 1959, notre commando quitte l’Ouarsenis et rejoint sa nouvelle zone d’affectation en Wilaya VI. Vers la fin du même mois, il est en Zone 1, au Djebel Had Essahari – non loin de Hassi Bahbah – où il a son premier accrochage avec un groupe d’ex-bellounistes. Quelques jours plus tard, à Ouadjh El Battan, en Zone 2, toujours en Wilaya VI, le commando a un grand accrochage, même terrible. C’était le 3 mars 1959. Nous étions en compagnie d’une katiba de la Zone 3, Wilaya VI, dirigée par l’aspirant Zorzi. Nous avons enregistré au total 23 morts et blessés. La katiba de Zorzi, plus exposée que notre commando et qui a repoussé plus d’assauts de l’ennemi qui voulait percer nos lignes, a eu plus de pertes que notre commando qui a enregistré 4 morts et autant de blessés.
Après plusieurs haltes dans différents « marakiz », nous sommes à Djebel Thameur, vers la mi-mars 1959. C’est la Zone 3 de la Wilaya VI dont une katiba nous accompagnait. Le commandement des katibas est assumé par un militaire, le lieutenant H’souni Ramdhane. Le 28 mars 1959, nous sommes depuis quelques jours à Sfissifa, à environ 3 heures de marche de Djebel Thameur. Le matin, vers 8h, nous apercevons des convois de camions qui roulent en direction de Djebel Thameur. Nous n’étions pas sûrs de leur destination. Vers 11h, c’est une noria d’avions qui bombardent Djebel Thameur, ce qui a dissipé notre doute quant à la destination des camions aperçus plus tôt dans la matinée. Ils se dirigeaient donc vers Djebel Thameur. Un autre convoi, sûrement des renforts, a pris la même destination, vers 14h-14h30. Les avions continuaient de piquer sur leur cible. Nous n’entendions pas les déflagrations, mais nous apercevions au loin, à l’aide de jumelles, le gros nuage de poussière soulevé par la course des camions que nous ne pouvions pas, cependant, compter.
Cette opération nous intriguait. Nous avions quitté Djebel Thameur depuis quatre ou cinq jours. Nous n’avions laissé personne derrière nous. En fin de journée, nous avons envoyé une patrouille sur les lieux. Nous attendions avec impatience son retour prévu dans la soirée du 29 mars 1959, les déplacements ne pouvant se faire que de nuit. Vers 18h, ce jour-là, un flash d’information est annoncé à la station radio que nous écoutions sur un transistor. C’était le général Challe, commandant en chef de l’armée française en Algérie, qui parlait. Il annonçait la mort à Djebel Thameur des colonels Amirouche et Si El Haouès survenue le 28 mars 1959. Il félicitait les unités ayant participé à l’opération. Ce fut un choc terrible pour tous les djounoud et un moment de grand dépit. Nous aurions aimé être avec nos chefs à Djebel Thameur et nous ne doutions pas que l’issue du combat aurait été tout autre. Deux katibas occupant la crête, positionnées convenablement, disposant de tranchées construites par l’ALN, bénéficiant d’abris naturels, véritables grottes, protégées par d’imposants rochers, auraient pu tenir toute la journée et se replier la nuit tombée.
Le 30 mars 1959, à Ouadjh El Battan, nous avons réussi, notre commando et la katiba de Zorzi, à contenir les assauts de l’infanterie, supporter d’intenses bombardements et le pilonnage des batteries de canons. Dès la tombée de nuit, nous avions pu décrocher, transportant nos blessés. Après une longue marche, qui a duré toute la nuit, nous avons rejoint notre merkez à Meni’a. Djebel Thameur offre d’ailleurs une meilleure topographie que Ouadjh El Battan. De retour à notre merkez, Sfissifa, la patrouille envoyée sur les lieux à Djebel Thameur nous décrit le champ de bataille : des corps calcinés, d’autres disloqués gisaient au pied de grandes falaises.
Il s’agissait, sans aucun doute, de corps de djounoud qui avaient épuisé leurs munitions et que les troupes françaises avaient précipités dans le vide du haut des falaises. La patrouille avait découvert la carcasse d’un avion abattu par les nôtres, un T6. Le petit détachement des deux colonels avait résisté de longues heures. Il ne pouvait s’en sortir, le combat étant trop inégal. Voilà de grands chefs de l’ALN qui furent surpris par une armée ennemie nombreuse, alors qu’ils n’avaient qu’une petite escorte qui les accompagnait. Comme tous les autres chefs, ils refusaient de mobiliser de grands moyens pour leur protection personnelle. Cette attitude était aussi celle de Didouche, Benboulaïd, Zighout, Bougara, Lotfi, Salah, Bounaama. Ils étaient modestes, humbles, égaux avec leurs djounoud face au danger, à la mort.
Au bout de quelques jours, nous avions pu rassembler des informations et compter nos morts. Les moudjahidine qui furent la cible de l’opération ennemie, à Djebel Thameur, étaient au nombre d’une trentaine. Un groupe de dix à onze éléments était sur place avant l’arrivée des deux colonels et leurs accompagnateurs. Ce groupe disposait d’une mitrailleuse MG 42, de fabrication allemande. Accompagnait Amirouche et Si El Haouès, le groupe du commandant Amor Driss, doté d’un fusil-mitrailleur de type FM BAR. Une dizaine d’autres éléments, officiers et djounoud, constituait l’escorte des deux colonels. Succombèrent lors du combat, en plus de Amirouche et Si El Haouès, le commandant Larbi Baarir, le lieutenant Mohamed Benslimane et tous les autres moudjahidine, hormis trois. Furent faits prisonniers : le commandant Amor Driss, déjà blessé en Wilaya III ; blessé une seconde fois, il n’a pu effectuer l’escalade jusqu’à la crête de la montagne de Djebel Thameur. L’armée française l’a transféré à Djelfa où il fut torturé avant d’être liquidé.
Egalement fait prisonnier, le sous-lieutenant Larbi Abdou, blessé deux fois et qui est encore en vie. L’aspirant Kouider a disparu ; il se serait rendu à l’ennemi et c’est lui qui a révélé la présence des colonels à l’armée française. Son sort reste inconnu. Ce sont là les informations recueillies dans les premiers jours qui ont suivi la mort des deux chefs de Wilayas ainsi que des officiers supérieurs et du reste des moudjahidine qui se trouvaient sur place. Ces informations ont été complétées, depuis, par le témoignage des cadres et officiers de la Wilaya VI ainsi que par le récit de Larbi Abdou. Il est aujourd’hui établi que le groupe venait de Djebel Mimouna. De là, rejoindre Djebel Thameur nécessite deux étapes à effectuer de nuit. Sur ordre de Si El Haouès, le groupe a décidé d’effectuer le trajet en une seule étape. Au lever du jour, il n’avait pas achevé son ascension du Djebel Thameur et se retrouva donc à découvert. Il aurait pu être repéré par l’armée française qui a déclenché immédiatement une opération.
L’armée ennemie avait acquis de l’expérience et disposait de moyens qui lui permettaient de monter une opération en très peu de temps. C’est une première hypothèse. Seconde hypothèse : l’opération visait en fait notre commando et la katiba de la Zone 3, l’armée française pensant que nous étions encore à Djebel Thameur. Lorsque nous y étions, nous avions envisagé d’attaquer la garnison de Aïn El Melh et récupérer son armement. Pour ce faire, nous avions envoyé deux éclaireurs en civil pour la reconnaissance des lieux. Arrivés au petit village, ils s’attablèrent à l’unique café où ils ont vite été repérés par deux harkis. Nos djounoud n’hésitèrent pas à les abattre avant qu’ils n’alertent la garnison, récupérèrent leurs armes et se replièrent. Cette action a pu conduire l’armée française à suspecter la présence d’une unité ALN à Djebel Thameur qui est la montagne la plus proche de Aïn El Melh. Enfin, troisième hypothèse, il s’agit d’une opération ordinaire de ratissage déclenchée par l’armée française comme elle en a l’habitude et qui lui permit, par pur hasard, de tomber sur nos deux colonels et les officiers qui les accompagnaient.

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Suite et fin.

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Nous apprîmes aussi que les deux colonels, accompagnés par Amor Driss et son groupe, se dirigeraient vers Djebel Boukhil et qu’ils regagneraient, après plusieurs étapes, Oued Souf d’où ils franchiraient la frontière pour passer en Tunisie. Ils auraient choisi cet itinéraire parce qu’ils le considéraient comme étant moins dangereux que le chemin qui passe par le Nord.

Amor Driss les accompagnait car il connaissait mieux que tout autre le vaste territoire de la Wilaya VI. Ont-ils été mandatés, lors de la réunion d’Ouled Askeur (décembre 1958), à l’effet de se rendre en Tunisie pour y rencontrer la direction politique, exposer la situation sur le front intérieur et communiquer les décisions arrêtées ? Ou répondaient-ils à une convocation pour assister à une réunion en Tunisie ?
Après ce terrible événement, le commando Djamal et la katiba qui l’accompagnait continuèrent de traquer les partisans du MNA. La tactique que nous avons adoptée consistait, dès qu’ils étaient signalés, à progresser de nuit vers leur position, de les encercler et de donner l’assaut à l’aurore. A la fin de l’opération, nous déplacions les nomades qui campaient avec eux, contraints ou consentants, et nous les renvoyions vers le Nord sous bonne escorte. Nous avons pu ainsi, après plusieurs mois et nombre d’actions, nettoyer les maquis et refouler les dissidents bellounistes au-delà du djebel Boukhil, limite naturelle de l’Atlas saharien. Les bellounistes ne constituaient plus un danger. Ceux qui échappaient à nos coups se réfugièrent dans le Grand-Sud. Le mouvement MNA allait se manifester dès la conclusion du cessez-le-feu entre le GPRA et le gouvernement français.
La Wilaya VI a su gérer et anéantir les velléités du MNA dans son dessein de se voir reconnaître une représentativité. Avec le sentiment du devoir accompli, le commando quitte la Wilaya VI, fin juillet 1959, et entame le chemin du retour en Wilaya IV. C’était l’été, les nuits sont courtes et les journées longues. La vigilance était de règle, pour ne pas être repéré et se faire accrocher par l’ennemi. Nous avons traversé la Zone 1, puis la Zone 2 de la Wilaya IV pour arriver à l’Ouarsenis, en Zone 3 où le conseil de wilaya avait établi son PC.

Le grand périple qui nous a mené de la Wilaya VI jusqu’à notre point d’attache en wilaya IV, nous a permis de nous rendre compte des irréparables préjudices, violences et des ignobles méfaits que les forces françaises ont fait subir aux populations. Nous avons vu l’ampleur des destructions indescriptibles commises par ces mêmes forces et des dévastations qu’elles ont fait subir à la nature et aux dechras, à la faveur de la fameuse offensive lancée au printemps 1959 par de Gaulle et le général Challe avec l’aide de l’OTAN. Au PC, je rencontre les commandants Si Salah (Rabah Zaâmoum) et Si Mohamed (Djillali Bounaâma). Si M’hamed Bougara avait disparu, le 5 mai 1959. Le conseil de la Wilaya IV ne comptait que deux membres. Je rends compte de notre mission aux responsables de la Wilaya. Je dois remettre un rapport écrit.
Au moment de nous quitter, Si Mohamed m’ordonne de sillonner toute la zone afin que les populations voient le commando. Il fallait démentir et contrer la propagande fourbe et mensongère de l’ennemi qui avait répandu des tracts en notre absence, prétendant que le commando avait été anéanti et n’existait plus. Le 14 février 1960, je quitte définitivement le commando Djamal pour une autre mission. J’ai eu la chance et le grand privilège d’avoir appartenu à cette prestigieuse katiba, dès sa constitution en janvier 1957.
Que les lecteurs veuillent bien m’excuser d’avoir parlé du commando Djamal, alors que ma contribution concernait mon témoignage sur les circonstances de la mort de Amirouche, Si El Haoues et de leurs compagnons. Je voulais rendre hommage à ces martyrs et évoquer la poignée d’hommes encore en vie. Ils ont combattu, versé leur sang dans l’Ouarsenis, le Dahra, le Zaccar, le Titteri, les Hauts-Plateaux, les monts de l’Atlas saharien.

Les commandos de la Wilaya IV

Le commando, compagnie de 110 à 120 hommes, constituait non seulement une katiba dont la mission première était l’action militaire contre les unités françaises, mais c’était aussi une école de formation politique et militaire. Pour reconstituer son effectif, le groupe commando accueillait les meilleurs éléments des autres unités. Du commando sortaient des chefs de katiba et des chefs militaires de Régions. Très mobile, le commando se déplaçait à travers le territoire d’une zone, à la recherche d’objectifs et de cibles.
Le nom donné au commando était celui de son premier chef, mort au combat. Ali Khodja a donné son nom au commando de la Zone 1 dont il a été le premier chef et qui s’appelait alors commando Palestro (Lakhdaria). Ali Khodja est tombé au champ d’honneur, en octobre 1956, à Bordj El Kiffan, lors dune visite à des blessés soignés dans l’hôpital aménagé à l’intérieur de la ferme de la famille Benmerabet. Le commando Si Mohamed porte le nom de son premier chef. Il évoluait en Zone 2. Ses points d’attache étaient Chréa, Mongorno, Tamesguida, Bouharb, Bousemam, etc… Si Mohamed tomba au champ d’honneur, en juin 1957, à Tiberkent, près de Hamdania, située entre la Chiffa et Médéa.
Le commando Djamal (Zone 3) a pris le nom de guerre d’un jeune lycéen de Médéa, nommé Lyes Immam. Lyes venait du commando Ali Khodja. Athlète accompli, il était champion du 1500 m et était qualifié pour les jeux Olympiques de Melbourne de 1956. Il a choisi le maquis, plutôt que Melbourne. Il tomba au champ d’honneur, en octobre 1957, à Beni Merhba, wilaya de Aïn Defla, lors d’une embuscade que le commando a tendu à un convoi de parachutistes.

L’offensive 1959… plan de Gaulle-Challe

Offensive lancée au printemps 1959 par de Gaulle et le général Challe avec l’aide de l’OTAN. Une force de 56 000 hommes, très mobile, avait été alors engagée par l’armée française dont l’objectif était la destruction des bastions de l’ALN et l’anéantissement des katibas qui en constituaient les unités combattantes. Un vaste ratissage, entamé à l’ouest, en Wilaya V, progressait, tel un rouleau compresseur, de l’ouest vers l’est, touchant tour à tour les Wilayas V, IV, III, II et I. Ce furent les opérations Etincelle, Couronne, Jumelles, Liège et Pierres précieuses.
Dans le plan qui porte son nom, Challe, général d’aviation, a intégré l’armée de l’air comme partie au combat. Elle ne devait plus se cantonner dans une mission d’appui à l’armée de terre. D’où l’utilisation de grands moyens aériens dans chaque opération. A chaque fois, les forces ennemies procédaient à des bombardements massifs par des avions en nombre impressionnant. Les hélicoptères, déployés en grand nombre pour assurer un transport rapide des troupes, étaient équipés, pour la première fois, de mitrailleuses.
Le plan Challe comportait aussi le quadrillage des maquis. L’armée implantait aux points stratégiques des postes de surveillance, les camps fortifiés où les populations déplacées étaient regroupées. Leurs habitations étaient brûlées et détruites systématiquement. Les zones interdites étaient étendues.

La réunion des colonels de décembre 1958

La réunion historique des colonels de Wilaya s’est tenue, entre le 6 et le 12 décembre 1958, à Ouled Askeur (wilaya II, près de Taher). C’est la première fois depuis le Congrès de la Soummam, que les chefs de Wilaya se rencontraient. En cette période cruciale où la lutte armée connaissait une situation difficile, les chefs de Wilaya ont senti la nécessité de faire le point, de définir une approche commune et de prendre des décisions en parfaire symbiose quant aux moyens à mettre en œuvre pour pérenniser la lutte et atteindre les objectifs du 1er Novembre 1954. Quatre colonels sont présents :

Hadj Lakhdar, pour la Wilaya I,
Amirouche, pour la Wilaya III,
Bougara, pour la Wilaya IV
El Haouès, pour la Wilaya VI.
Le colonel, chef de la Wilaya V, n’a pu venir.
Le colonel Ali Kafi, chef de la Wilaya II, a décliné l’invitation, mais sa Wilaya était représentée par l’officier Lamine Khane.


Par Omar Ramdane (El Watan).

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NORDINE AÏT HAMOUDA PARLE DE LA POLÉMIQUE SUSCITÉE PAR LE LIVRE DE SAÏD SADI
La colère du fils d’Amirouche
Par Nordine Aït Hamouda (*)

Je me suis interdit d’intervenir jusque-là dans le flot ininterrompu d’invectives auquel s’est abonné notamment M. Benachenhou depuis la sortie du livre de Saïd Sadi : Amirouche : une vie, deux morts, un testament. Trois évènements mûrement réfléchis m’ont amené à reconsidérer ma position dans cette tornade :
- le recadrage puis la similitude des attaques de M. Benachenhou et de A. Mebroukine ;
- la réaction réservée à ma dénonciation de l’inflation des martyrs et moudjahidine ;
- le traitement fait par un quotidien national du blocage de la première tranche d’un projet du PNUD destiné à la wilaya de Tizi-Ouzou par le ministère des AE.
On peut s’en étonner mais la sortie de M. Kafi n’a joué que marginalement dans ma décision. La brutalité, la mauvaise foi des premières interventions étaient telles que je m’étais résigné à suivre la proposition de certains membres de ma famille s’apprêtant à déposer plainte pour diffamation contre deux aboyeurs qui croyaient avoir trouvé l’arme fatale en s’abritant derrière les valeurs démocratiques que nous avions défendues de tout temps pour essayer de nous les retourner. En découvrant M. Benachenhou et A. Mabroukine détourner les termes de tolérance, de liberté dans les débats et même d’alternance au pouvoir s’il vous plaît, je me revoyais devant le juge de la cour de sûreté de l’État qui nous condamnait pour avoir «attenté à l’État de droit et à la démocratie». Ayant pratiqué la justice algérienne de près, je ne me faisais pas de grandes illusions sur l’issue de la démarche, sans compter les prescriptions qui protégeaient certains individus. Mais face à la grossièreté des attaques, je me suis dit que d’amener un Benachenhou dans un palais de justice serait le plus beau cadeau que l’on pouvait rendre aux dizaines de milliers de citoyens qui suivaient, indignés, cette explosion de haine de la part d’individus convaincus d’être intouchables.
Le slogan comme argument
Au départ, nous avions un Mebroukine, dont on vient d’apprendre qu’il fut condamné il n’y a pas si longtemps par le tribunal militaire d’Oran pour intelligence avec l’ennemi et un bavard coléreux, aigri après son éviction du pouvoir, qui sont montés au créneau mais en rangs dispersés. Le premier, actionné pour faire diversion sur la séquestration des restes d’Amirouche et Haouès afin de relifter Boumediène, prenait même soin de se démarquer de l’autre agent, «malgache», patriote multinational. Il alla même jusqu’à confirmer le fait que les deux colonels avaient été donnés à l’armée française. Les deux intervenants étaient prêts à s’étriper pour sauver le fonds de commerce de leur niche respective. L’auteur leur a répondu, les invitant à débattre du livre, quitte à trouver d’autres occasions pour traiter du bilan de Boumediène, de la tolérance, de l’alternance du pouvoir et de toutes autres vertus démocratiques bafouées et que seules les deux pupilles du parti unique avaient défendues contre une opposition responsable de tous les maux. Les choses en seraient restées là que je me serais toujours tenu en retrait. Puis comme beaucoup de lecteurs du Soir d’Algérie, j’ai été frappé par l’évolution des arguments des deux mercenaires dans leurs dernières sorties. De coqs que tout opposait, ils étaient brusquement devenus des siamois soudés par un combat contre un homme qui avait écrit un livre pour le sortir dans un moment de «grande fragilité nationale» et pour assouvir une ambition visant à imposer une hégémonie politique dont ils allaient nous libérer, comme devait le faire Boumediène juste avant sa mort ! Ce n’est plus ce qu’a écrit Saïd Sadi sur Amirouche qui fait débat mais ce qu’il a derrière la tête et le moment choisi pour sortir son livre… La question n’est pas de débattre avec ces deux automates mais de savoir pourquoi ils ont tant changé d’angles d’attaques et ce qui les a rapprochés au point de se confondre. J’apprends que les deux plumitifs ont été récupérés par un ancien colonel des services, Bouda, habitué d’«analyses» récurrentes, expliquant que l’hégémonie sécuritaire est une donnée intangible et qu’il suffit de diaboliser une opposition «génétiquement incapable de participer à des compétions loyales et régulières» pour garantir le marketing du statu quo. D’où le copié-collé des deux dernières salves. Faisons plaisir à M. Mabroukine : non, Boumediène n’a pas fait de coups d’Etat, non, ce n’est pas lui qui a fait couler le sang des Algériens en 1962 mais les wilayas de l’intérieur prises de folie qui se battaient entre elles ; non son idole n’a pas fait exécuter le colonel Chabani alors que, frappé de dysenterie, il ne pouvait même pas se tenir debout quand il fut traîné au poteau ; non, Krim Belkacem n’a pas été assassiné à Francfort, il s’est étranglé avec sa cravate en faisant sa toilette ; non, Boumediène n’a pas tué Khider à Madrid ; non, il n’a pas donné l’ordre à des aviateurs soviétiques de bombarder des populations civiles à El Afroun en 1967 ; non il n’avait pas des millions de dollars à son nom à la Chaise Manhattan Bank et non il n’avait pas, non plus, fait déposer, par Messaoud Zegagh, des milliards de dollars prélevés sur le Trésor public. Oui la gestion socialiste des entreprises et la mise en œuvre bureaucratique de la Révolution agraire sont des réussites politiques, économiques et sociales ; oui notre école est un modèle de performance. Oui, c’est l’opposition démocratique qui a ruiné le pays ; non il n’y a pas de fraudes électorales, non ses parrains ne détournent pas les moyens de l’État pour les campagnes électorales, non il n’y a pas de censure, non il n’y pas de corruption systémique, non il n’y a pas eu d’assassinats de dizaines de jeunes en Kabylie en 2001 par la gendarmerie… Une fois ceci posé, il peut toujours pousser plus loin le cynisme et dire, comme son complice, que ce sont les autres qui délimitent le débat. Qu’a-t-il bien pu commettre comme acte d’espionnage pour accepter d’être aussi ridicule ? Je ne m’aventurerai pas à suivre M. Benachenhou dans son vomi sur le livre de Saïd Sadi : il a dit toutes les choses et leurs contraires : «Amirouche est un homme d’exception, c’est un criminel de guerre». Après nous avoir ordonné de nous taire, il saluait l’initiative qui a permis d’écrive un livre qui a «dû demander beaucoup de temps ». Mais voilà que notre vigile quotidien avertit dans sa dernière (?) livraison que le moment de la publication est choisi pour porter un coup fatal au pays dans une période de grande fragilité, sans nous dire d’ailleurs d’où vient et qui est à l’origine de cette situation. Faute de critiquer l’ouvrage dans sa substance, Monsieur Benachenhou, qui répond à des questions que personne n’a posées, se rabat sur les desseins antipatriotiques que vise un opposant, a priori suspect, qui a choisi de raconter la vie d’Amirouche «un héros local» pour en tirer des bénéfices régionalistes. Et là on retrouve le fiel qui affleure toujours quels que soient les efforts faits pour voiler sa haine ; pour Monsieur Benachenhou le Kabyle, Amirouche ou un autre, ne saurait être qu’un individu qui, dans le meilleur des cas, doit être toléré à la marge de la nation. Deux régiments, sept bataillons, deux escadrons et trois batteries déployés par le général Massu sur la route des colonels trois jours avant leur arrivée à Djebel Thameur seraient une «opération de routine », les témoins vivants encore qui attestent avoir averti Boussouf que ses messages adressés à Amirouche étaient captés par l’armée française sont des affabulateurs et le P-V faisant état des objectifs que devait défendre Amirouche à Tunis (armée des frontières et MALG) sont des faux et la séquestration des restes des deux colonels, véritable aveu posthume, ne doit pas être abordée.
La haine comme raison d’être
Mon propos n’est donc pas de défendre un livre qui, malgré toutes sortes d’obstructions, est déjà un best seller et répond à une grande soif des Algériens de découvrir leur passé. Ce qui m’a décidé à intervenir c’est ce que Monsieur Benachenhou a clairement déversé autour de l’ouvrage et que d’autres ont prolongé ou insinué. Il voudra bien, en conséquence, m’excuser de déroger à son «basta» qui me sommait de me taire car son aveuglement a eu le mérite de montrer que la haine à laquelle se nourrissent lui et ses semblables est beaucoup plus dangereuse que tout ce que nous avions pu imaginer. Je prends donc le risque d’être égorgé par un agent de M. Kafi ou d’être étranglé par M. Benachenhou lui-même. J’espère qu’en ce qui concerne ce dernier, il fera preuve de la même lucidité que celle qui l’a visité au dernier moment quand il prit à la gorge sa secrétaire au temps de sa toute-puissance. Peut-être aurai-je alors plus de chance que Krim et Abane qui n’ont pas survécu à leurs étrangleurs, dont M. Benachenhou, devenu démocrate et même, confesse-t-il, partisan du changement de régime, nous interdit de parler. Il voudra bien m’excuser aussi d’aborder des questions que lui et ses acolytes ont décidé de rayer de l’ordre du jour du débat national. Pourquoi M. Benachenhou n’a-t-il pas interpellé M. Ould Kablia, ministre en poste, qui est en train d’écrire dans un quotidien une série d’articles sur le colonel Lotfi dont, d’ailleurs, il trahit la mémoire, car le valeureux responsable de la Wilaya V était un adversaire résolu de ses maîtres qui attendaient la fin de la guerre pour se battre ? Mais quand on assume une félonie comme l’emprisonnement des restes de deux martyrs, pourquoi épargner l’honneur de Lotfi ?
Cela c’est du régionalisme, Monsieur Benachenhou. Lotfi, qui fut victime de vos tuteurs, ceux qui ont détourné le combat libérateur pour recoloniser l’Algérie indépendante, n’était pas des vôtres. Il est venu se battre au pays, sans avoir pris le temps de préparer sa rentrée, ce qui lui fut fatal. Il fallait que le climat soit particulièrement irrespirable et sa révolte bien grande pour préférer se jeter dans la gueule du loup plutôt que de rester auprès de Boumediène et de Boussouf. Non, Monsieur Benachenhou, le colonel Lotfi ne vous ressemblait pas et c’est tout à son honneur. Vous et vos complices n’avez pas le droit de le condamner à mort une deuxième fois en souillant sa mémoire par la confiscation, le détournement et la pollution de son combat. Malgré tous vos moyens, les Algériens cherchent et trouvent la vérité. Il a suffi que M. Ould Kablia cite Lotfi à Tlemcen, dans une conférence, pour que la majorité de l’assistance quitte la salle, écœurée par tant de manipulations. Ces citoyens qui ne sont pas issus de la même région que moi sont mes frères et pas les vôtres. Vous ne l’avez pas encore compris, le patriotisme n’est pas une question d’acte de naissance. C’est d’abord une affaire de conviction, de dignité et de cœur. Non, Monsieur Benachenhou, ce n’est pas en souillant le sacrifice de Lotfi pour l’opposer à Amirouche que vous allez racheter votre trahison. Vous ne rendez service ni au chahid Lotfi, ni à votre région d’origine, ni à l’Algérie. Mais est-ce là votre souci ? Ne cherchez-vous pas à focaliser, une fois de plus, les frustrations et la colère nées de l’échec de votre secte sur la Kabylie pour y susciter des réactions épidermiques et retarder l’examen de votre bilan et l’avènement d’une alternative démocratique nationale ? Quant à vous lamenter sur le sort des jeunes victimes de la Bleuite, vous manquez d’honneur et de dignité. Qui vous a entendu vous indigner sur les crimes commis au Maroc, ciblant notamment les cadres envoyés par la Fédération de France du FLN ? L’exécution du capitaine Zoubir était-elle une urgence nationale ? Là-bas, il y avait pourtant le temps et les prisons pour instruire les dossiers des suspects. Qui vous a entendu parler des crimes de masse en 1962 ? Qui vous a entendu élever la voix pendant un demisiècle de torture et d’assassinats commis en TEMPS DE PAIX ? À ce jour, vous le sensible, vous niez la séquestration des restes d’Amirouche et Haouès, c'est-àdire que vous les assumez. Monsieur Benachenhou, des amis qui connaissent votre caractère, vos tourments et votre passif avec le dossier Chadwick m’ont conseillé de ne pas vous répondre. Ils m’expliquaient, à juste titre, que la polémique que vous entretenez autour de ce livre vise à créer une confusion et des diversions pour lasser les citoyens et les éloigner de tout ce qui peut établir un climat propice à la libération d’une histoire transformée en fonds de commerce. Ces amis ont probablement raison sur vos intentions. Ils ont tort quand ils pensent que dans un pays comme le nôtre, le silence ou le mépris sont une bonne réponse à des escrocs de votre acabit. Nous avons une devise au RCD : à chaque mensonge, il faut répondre par dix vérités. Je ne cherche pas à vous convaincre mais à vous combattre. Je sais que vous allez, une fois de plus, vous fendre d’une déjection de dix points qui reprendront les thématiques qui vous hantent pour imposer un bavardage qui n’a rien à voir avec un livre que vous prenez comme prétexte pour vos gémonies. J’ai découvert la table des matières de votre opuscule : elle vaut tous les discours. Vous invitez à récupérer notre histoire et redonner sa place à Messali Hadj. Eh bien ! Je vais vous aider : Le régionaliste qui vous écrit est votre ennemi, je dis bien ennemi et non adversaire. Lui et sa famille ont une et une seule nationalité et ses enfants ont été scolarisés en Algérie. Comme de nombreux fils de martyrs perdus à l’indépendance, le régionaliste qui vous parle a cherché les restes de son père pendant 24 ans avant de découvrir que vous les aviez séquestrés. Il ne vous a pas entendu demander pardon ni même admettre la réalité de ce crime. Mais c’est vrai que lorsque l’on appartient à la «tribu élue», on n’a pas à se justifier devant des «régionalistes» qui menacent l’unité nationale que seule la secte d’Oujda a préservée. Ces «régionalistes» n’ont que le droit de mourir pour vous libérer du colonialisme avant de disparaître, dans tous les sens du terme, après l’indépendance. Où étiez-vous, vous le chevalier du changement et que faisiez- vous pendant ces si longues et terribles années où il était interdit de prononcer le nom de certains martyrs ou d’opposants, quand bien même fussent-ils des patriotes de la première heure ? Vous ne voulez pas le comprendre, nous avons inscrit à l’ordre du jour tous les dossiers que vous avez, cachés ou maquillés. Vous avez raison de vous inquiéter.
Magie algérienne
En ce qui concerne Ali Kafi, je serai bref. Miracle, c’est celui qui avoue n’avoir pas lu le livre qui en a abordé le contenu. En niant que le colonel Haouès a participé à la réunion interwilayas, il s’est trompé mais le sujet figure bien dans l’ouvrage. Pareil pour le Congrès de la Soummam : quand il dit qu’il n’a jamais prétendu être congressiste, il ment, mais cela aussi a été traité par Saïd Sadi. Il faut aussi lui reconnaître deux choses contradictoires : la première, c’est d’être le premier colonel d’une wilaya historique à avoir appelé à égorger le fils d’un de ses collègues, la seconde c’est d’être le seul à avoir clairement condamné les séquestrations d’Amirouche et de Haouès.
Constante nationale
Mais à la décharge, de ces trois activistes, ils ne sont pas les seuls à être abonnés à l’antikabylisme, une des constantes nationales du régime algérien. Jusqu’à présent, personne n’a seulement pensé à relever le fait que si un ministre en poste écrit sur un colonel de la guerre de libération, un responsable de l’opposition racontant un «héros local» du même grade devrait bénéficier d’un traitement équivalent. Mais voilà, dans un cas, il s’agit d’un membre de la tribu élue, dans un autre, il s’agit d’un Kabyle. Cette différence de perception venant de la part de nos intellectuels, historiens ou autres, m’inquiète plus que tous les vomis de M. Benachenhou. Ce n’est pas la première fois que cette ségrégation apparaît. Il y a quelques mois de cela, j’avais dénoncé à l’Assemblée nationale les manipulations éhontées multipliant chaque jour le nombre des martyrs et des moudjahidine qui déshonorent la nation et vident les caisses de l’État. La levée de boucliers des rentiers fut instantanée. Une semaine plus tard, M. Mohamed Harbi, intervenant à Constantine, confirma et déplora la même supercherie. Il n’y eut aucun observateur pour contester ou commenter son propos. Il est vrai que, là aussi, le premier à ouvrir la boîte de Pandore était un Kabyle. Je conclus par ce qui me semble le plus grave car ne participant pas d’un conflit où il y aurait des enjeux politiques directs. Les élus de l’APW de Tizi-Ouzou dénoncent un blocage criminel d’un projet de plusieurs millions de dollars concernant le traitement des ordures ménagères, financé par le gouvernement québécois après des années de démarches et d’études en collaboration avec la Wilaya, le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme et le PNUD. Ce blocage est d’autant plus scandaleux que le PNUD est intervenu en Algérie dans plusieurs initiatives, y compris quand il s’agit d’institutions comme celles de la sécurité nationale. Un journal s’emparant du dossier écrit que les protestations des élus de Tizi-Ouzou, venant après le livre de Saïd Sadi, parlant de sectarisme et d’ostracisme, risquent «de réveiller les vieux démons de la division». Le chapeau, particulièrement tendancieux, présente les élus locaux comme des excités cherchant de mauvaises querelles à l’Etat pour 500 000 dollars alors qu’il a débloqué d’immenses financements pour l’environnement dans la wilaya. Il n’y a pas eu de financements et le projet porte sur plusieurs millions de dollars mais le pire, dans cette désinformation, vient de ce que le journaliste «oublie» de dire que Saïd Sadi a répondu aux accusations de régionalisme venant d’un pouvoir tribal et fait porter les risques «des vieux démons» aux victimes d’un apartheid qui ne se contente plus de faire fuir l’investissement de Kabylie mais d’empêcher ses élus de mettre leur dévouement au service des citoyens qui les ont élus. La demande de mise au point faite par le président d’APW a été refusée. Il y a des titres où la mentalité d’ El Moudjahid mettra encore beaucoup de temps avant de disparaître. Cet article, assumé par la rédaction, d’apparence anodine, est plus pernicieux que les vulgarités de Benachenhou. Il ne sort pas du cœur du pouvoir mais il en reproduit la culture : il y aurait des régionalistes génétiques en Kabylie et des patriotes définitifs, dont l’étalon serait Benachenhou, chargé de les débusquer. L’agression est occultée, la réaction est stigmatisée.
Espoir ténu
La situation est grave. De petites lâchetés ont construit des modèles et des habitudes politiques qui mènent directement l’Algérie dans l’abîme. La furie qui a entouré le livre de Saïd Sadi est un mauvais signe sur l’état de la nation. Pourtant, je ne veux pas terminer sur une vision trop noire. J’ai vu sur le bureau de Saïd Sadi des messages venant de citoyens de toutes les wilayas, y compris de Tlemcen, lui affirmant leur solidarité fraternelle. Et pour dire que nous devons croire à l’impossible, je ne veux pas terminer sans signaler que dans cette tempête qui soulève le tabou des tabous : l’antikabylisme, c’est un journal dont aucun actionnaire n’est originaire de Kabylie, qui assume loyalement le débat.
N. A. H.,
(*) secrétaire national du RCD, député

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Un Respponsable des Transmissions du M A L G répond à Said Sadi

À la lecture de certains passages du livre de M. Saïd Sadi et des commentaires qu’il a suscités auprès de quelques lecteurs dont des compagnons d’armes, je me suis surpris par la tentation combien forte de porter à mon tour, permettez l’expression, mon grain de sel. Non que je sois propulsé par quelque plaisir de me joindre au débat autour d’un sujet qui a soulevé autant de polémiques, d’invectives, d’opinions contradictoires, notamment sur le parcours du chahid Amirouche, mais principalement pour d’autres raisons que j’estime plus objectives.
La première est motivée par le respect que l’on doit à l’auteur de l’ouvrage pour avoir effectué des recherches, prospecté, et livré au lecteur des témoignages, souvent de première main et cela quelles que soient ses convictions personnelles, que tout le monde, bien sûr, y compris moi ne partage pas en totalité. L’essentiel est que Sadi ait écrit et exprimé son avis. À notre tour d’intervenir pour éventuellement rectifier, démentir, ou confirmer les faits livrés par le récit. À ce titre, que M. Sadi me permette d’apporter quelques témoignages personnels, en ma qualité d’ex-responsable au sein du Commandement des Transmissions, donc d’acteurs autour de certains faits se rapportant au sujet. En premier lieu, je tiens à exprimer ma plus vive réprobation sur les conditions dans lesquelles les dépouilles du colonel Amirouche et de son compagnon Si El Haouès ont été traitées avec autant de désinvolture. Ma perplexité est d’autant plus vive que je ne trouve aucune motivation rationnelle justifiant cette décision de séquestration qui découlerait plutôt d’un geste morbide, que d’une attitude que la raison pourrait saisir, je dirais même déchiffrer et cela quel que soit le motif politique ou autre qui le justifierait. Ceci étant, il reste qu’en revanche, il faille démontrer, comme on le prétend, que Boussouf ou Boumediène soient directement impliqués dans cette relégation de mauvais aloi. Oh ! que M. Sadi ne m’en veuille pas outre mesure, je ne fais partie d'aucun noyau dur du MALG, ni suis membre d’un quelconque cabinet noir. Je suis membre d’une association civile où je siège avec mes compagnons d’armes, au gré du hasard de l’Histoire, sans tirer aucun profit, encore moins une quelconque prébende autre que le rappel de certains souvenirs communs. Ces compagnons me connaissent parfaitement bien pour quelqu’un qui s’exprime au grand jour au prix bien souvent de risques que j'assume et que j’assumerai toujours. Pour les besoins de la manifestation de la vérité, ou pour la défense des droits légitimes. Je n’en attends rien d’autre. En revanche, je me garde autant que faire se peut de verser dans l’amalgame ; à Dieu ce qui appartient à Dieu et à César... Pour revenir aux deux responsables précédemment cités, j’informerais de la façon la plus fraternelle M. Sadi que d'une part, Boussouf, a cette époque, c'est-à-dire depuis 1962, n’était ni de près, ni de loin mêlé aux affaires politiques du pays. Et je l’affirme avec conviction qu’il n’avait rien à voir avec le transfert des cendres des deux martyrs ni encore moins de leur tribulation d’un caveau à un autre. À partir du dernier congrès de Tripoli, Si Boussouf avait compris que l’heure de son départ a sonné. Il s’est retiré, sans crier gare, je dirais aussi sans tambour ni trompette. J’ajouterais que son tempérament aigre-doux et son penchant instinctif pour la raillerie à l’égard des choses de la vie ont dû le conduire à observer avec une bonne dose de philosophie le grand spectacle qui se déroulait en Algérie depuis l’indépendance, teinté d’agitations burlesques où le vaudeville se le disputait aux quelques pincées de folklore. Il devait, désarçonné devant le chamboulement qui déployait à ciel ouvert, clamer avec le poète français du Moyen-Âge : Mais où sont les neiges d’antan ? Quant à Si Boumediène, j’ai cru ouïdire à cette époque qu’il projetait de donner un éclat particulier au transfert des cendres des deux héros devant reposer au cimetière El-Alia, accompagné d’une cérémonie officielle digne du rang, du courage et de l'exemple que les deux martyrs ont administrés sur le champ de bataille. Cette hypothèse que j’avance, encore une fois par ouï-dire, reste à confirmer. Cependant, il me semble qu’il existe à présent quelques témoins vivants de cette péripétie bien plus triste que nécrologique, lesquels témoins pourraient apporter quelque éclairage nécessaire à la manifestation de la vérité. Les autres raisons que j’invoquerais pour justifier ma contribution sont les suivantes :
1. Les services spéciaux ainsi que ceux des Transmissions ont été créés à partir de juin 1956 par la Wilaya 5 et sur ses fonds propres pour les besoins de la Wilaya. Ils n’étaient pas à l'origine destinés à l’ensemble du territoire. Du reste, Si Boussouf, qui était responsable de la Wilaya de l’Ouest, n'avait ni les prérogatives ni l'autorité hiérarchique le qualifiant pour ce faire. Ce n’est qu’une fois cette arme éprouvée sur le terrain et s'imposant en tant qu'instrument de guerre nécessaire, voire vitale pour les besoins de la coordination qu’il fut décidé, en accord avec Si Boudiaf chargé de la coordination, que les autres wilayas en soient dotées. Le témoignage du colonel Amirouche qui insistait sur la nécessité de disposer d'un équipement complet avec une structure de dépannage est suffisamment éloquent quant à la contribution du service des Transmissions en tant que moyen de la plus haute importance. Il reste que pour ce qui est attribué au colonel Amirouche quant à ses appréciations sur la dotation de la Wilaya III qu'il estime insuffisantes, des questions se posent. Le chef de la Wilaya III aurait déclaré : «C'est une question qui nous tient à cœur car cette carence tend à faire croire à une volonté de négliger la Wilaya III ou à du régionalisme de la part tout au moins des responsables des Transmissions...» (Amirouche, page 126, paragraphe 4). Il m'est difficile de croire que le colonel Amirouche ait pu avancer une telle déclaration tant tout le monde sait que la formation de dépanneurs exige du temps et de l'expérience. Cependant, j’affirme en tant que responsable du service et j’atteste que hormis la Wilaya V, génitrice des services spéciaux et des Transmissions et qui disposait de quelques embryons aux frontières pour les besoins de la formation et de relais pour les autres régions du pays, seule la Wilaya III, à l'exclusion de toutes les autres, était dotée d'une structure de dépannage conduite par le jeune Omar, au niveau de la station affectée à cette dernière (la Wilaya III) et dirigée par les deux chefs de station, les jeunes Ladjali Mohammed Lahbib et Aït Hammi Tayeb. Cette affectation préférentielle est du reste largement méritée en ce sens que la Wilaya, outre qu’elle avait souffert péniblement des opérations militaires ennemies, devait être en contact avec Krim Belkacem, son ex-responsable, et donc devait bénéficier d’un statut préférentiel largement mérité. L’aura et la considération dont bénéficiait le chahid Amirouche étaient tellement partagées, que son nom fut donné à la 7e promotion de l’Est, hommage que le chef de la Wilaya III avait largement mérité. J’ai eu l'honneur de présider à la formation de ces jeunes opérateurs qui, au moment de leur affectation, avaient à peine l’âge de I'adolescence. J’ai aujourd'hui les larmes aux yeux quand je vois ces gamins ouvrant les yeux sur le monde qui les entoure, ne percevant que le sacrifice qui les attend en tant que prix pour la liberté et la dignité et quelquefois l’incompréhension de la part de certains responsables de Wilaya qui ne voyait comme moyens de combat que le fusil. Quant aux autres armes modernes telles que les télécommunications ou le renseignement, elles n’avaient pas à leurs yeux la même priorité. Aussi, j’aurais souhaité que Si Sadi manifestât quelque sensibilité à l’endroit de ces héros sans visage, qui, à peine sortis de l’école et du foyer natal, se sont lancés dans un combat tout à la fois cruel et inégal comme je m’attendais à ce qu’il (Sadi) évite par une sorte d'amalgame fait de clins d’œil, pouvant susciter dans l’esprit de certains revanchards l'achèvement dans une deuxième mort non seulement d’Amirouche, mais des centaines d'autres, dont I’héroïsme sur le champ de bataille n’a d’égal que la pureté de leur âme.
2. Vous voyez M. Sadi que les combattants de l’ombre n’ont fait qu’obéir aux ordres de la Révolution. Ils ont rejoint la Révolution pour prendre le fusil. On leur a demandé, compte tenu des circonstances de la guerre et peut-être de leur niveau relativement élevé, de mettre leur intelligence au service de la Révolution. Ils I’ont fait sans discussion, ni murmure, obéissant à leur conscience, emportant avec eux et le fusil et l’émetteur. Que peut-on leur reprocher, si Boussouf et Boumediène se trouvaient là au moment du rendez-vous pour le sacrifice. Et en supposant même que pour des raisons qui vous importent et que je m’interdis de discuter, ces deux responsables soient condamnables, Aït Hammi qui est mort au moment où il allait transmettre son message, fait-il partie du noyau dur ou du cabinet noir ?
3. Enfin, j’aurais beaucoup de choses à dire au sujet de ce que j’ai observé avec ces hommes, j’allais dire des imberbes qui se sont lancés à l’assaut de Goliath. Eux, des David, souvent pieds nus et ventre vide et bien souvent malaimés par un entourage porté hélas souvent sur ce qui est perceptible dans l'immédiat et qui voyait l’émetteur comme une charge supplémentaire dont l’efficacité n’apparaissait pas à l’évidence. À mon sens, ils constituent la quintessence de notre composante humaine parce qu’ils étaient tout simplement animés d’un rêve. Un rêve, et là je suis d’accord avec vous, réalisé à moitié.
Lire le témoignage d’un des officiers de l’ALN, en l’occurrence le frère Debah, paru dans El Watan le 18/8/2008
* Officier de l’ALN, responsable national de la formation des opérateurs radio, durant la guerre de Libération, commandant de la base nationale Didouche- Mourad.

par Abdelkrim Hassani

Le Soir d'Algerie

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Djoudi Attoumi. « Les héros aussi sont des hommes... »

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Djoudi Attoumi. Ancien officier de l’aln en Kabylie 1956-1962 : « Les héros aussi sont des hommes... »
« Il vous appartient à vous, acteurs de la Révolution algérienne, de vous impliquer directement dans l’écriture de l’histoire. Si vous ne le faites pas, d’autres le feront à votre place. Alors, ne vous plaignez pas s’ils la détournent et la déforment ».
Mao Tse Toung à Djamila Bouhired


De quelle vie doit-on parler ? De celle du jeune doué promis à de brillantes études commerciales ? Du résistant ? Du moudjahid qui, à un âge où ses semblables ont d’autres projets, en s’employant à croquer la vie à belles dents, s’est résolu à entrer dans la bataille sans se poser de questions ? Du cadre gestionnaire ou de l’élu ? De l’écrivain qui parle de ses blessures à travers un conte plein de bruit et de fureur ? Comment toutes ces vies peuvent-elles tenir en un seul homme ? Djoudi Attoumi est un ancien officier de l’aln en Kabylie, de 1956 à 1962. Homme courtois à l’exquise sensibilité, il a bien voulu nous ouvrir son cœur. Personnage rassurant, à son contact et de sa malice bienveillante, on écoute ses aventures humaines édifiantes. Celle de ces humbles qui ont marqué leur époque sans le crier sur tous les toits. Observateur impassible sans cesse pétillant et prolixe, il passe en revue les principales escales de sa vie.
De sa naissance à Aït Oughlis en 1938, de son père Makhlouf employé à la rsta, de ses études commerciales à l’école Begué d’Alger, de son engagement, Djoudi nous parle avec beaucoup de sincérité. « A l’école, au cours d’une leçon d’histoire évoquant la bataille de la Macta, l’enseignant français nous avait appris que celle-ci avait été gagnée par l’Emir Abdelkader. J’ai applaudi des deux mains. Il m’a fait un signe de la main pour accéder à l’estrade et là il me gifla violemment. J’en ai gardé une image ineffaçable. A 15 ans, j’avais assisté à une réunion au foyer civique dont les travaux venaient d’être achevés, et où Moulay Merbah et Mezghena, dirigeants du ppa/mtld, avaient pris la parole. Nous étions déjà dans l’ambiance de la guerre. J’étais content, tout le monde commentait en cachette le grand événement. Enfant, j’étais marqué par une déchiruren, celle des massacres du 8 Mai 1945.

Engagé très jeune

« Le 1er novembre 1954, j’étais à Sidi Aïch. Le lendemain, je lisais dans le journal, en grosses manchettes, les attentats commis. Mon cousin était plongé dans la lecture. Je lui ai arraché le journal et je me suis exclamé : Enfin, le grand jour est arrivé ! J’avais 16 ans. J’ai rencontré quelques mois après à Sidi Aïch un groupe de moudjahidine. C’était la première fois et j’étais très impressionné, j’avais auparavant contacté cheikh Amar Chabane, le premier commissaire politique et Amar Boudiab. J’étais élève à l’école de commerce et je savais taper à la machine. Je me suis proposé de rejoindre l’organisation et étais disposé à commettre un attentat sur Bebert Roland un ‘‘territorial’’ condamné par l’aln, mais on m’avait dit d’attendre.
En mai 1956, je rencontre les chefs militaires Hamiti Hamou, Melikchi, Harani Mokrane et Djouadi Abdelhamid que je connaissais déjà. Un beau jour, je reçois un message verbal pour me dire qu’on avait besoin de moi en urgence. J’étais à Alger et j’ai rejoint le village où le commissaire politique m’a fait savoir qu’on avait besoin de moi au pc de la Wilaya III ; installé à Mezouara au piémont de l’Akfadou, j’ai présenté mes adieux à la famille. Mon grand-père m’a suivi jusqu’au seuil de la maison. Il m’a interpellé :‘‘Meurs en homme. Ne te fais pas prendre. Je ne veux pas que les soldats te ramènent au bout d’une corde comme une brebis. Il y va de l’honneur de la famille et de la tribu !’’ Je ne vous parle pas des effets fascinants lorsque je suis rentré au pc de la wilaya où j’ai trouvé Tahar Amirouchène, Salhi Hocine, anciens greffiers et Hadi Ouguergouz. Ça a été quelque chose d’unique.
On ne m’avait pas mis à l’épreuve. C’était exceptionnel. J’étais surtout impressionné par Tahar Amirouchène qui deviendra par la suite le bras droit de Amirouche. Il tenait le pc d’une main de fer. La première tâche : taper le procès-verbal du Congrès et de la Charte de la Soummam. On avait une ronéo. Il fallait confectionner plusieurs exemplaires et les distribuer. Un jour, j’ai senti une certaine fébrilité au sein de l’équipe, que se passe-t-il ? J’ai compris que quelque chose d’important allait arriver. C’était le commandant Amirouche : grand, droit, svelte, souriant, vivace.
C’est l’image que j’ai gardée de lui. Il nous a salués. C’était à l’occasion de son retour des Aurès en novembre 1956. Amirouche aimait lancer des boutades avec les djounoud, mais gardait une certaine distance avec les officiers, notamment Tahar qu’il préparait pour être son adjoint. » Djoudi aborde de front la mémoire des années de feu en égrenant les faits sans fard ni exagération, en étant attentif à l’essentiel. « Amirouche m’appelle pour me confier une mission. Acheminer un sac de jute rempli de 100 millions que je dois transporter jusque dans les Bibans, au village Moka, pour être ensuite dirigé vers les Aurès. »

Pas de mémoire sélective

Le cce avait chargé Amirouche de rétablir les choses dans cette région après la mort de Ben Boulaïd. « Le sac était volumineux avec des liasses de billets de 50 F. De nuit, j’ai traversé la plaine de Sidi Yahia à Semaouon où je me suis mêlé aux ramasseurs d’olives pour ne pas éveiller les soupçons. De là, j’ai joint Ighil Oumced, puis Taselamt, la zaouïa Boudaoud au douar Ighrem. Les choses sérieuses commençaient lorsqu’il s’est agi de traverser la route nationale, les rails et la Soummam en crue. On était au début de décembre et toujours accompagné par un agent de liaison. Pour traverser l’oued, j’ai mis le sac sur ma tête, le ceinturon et le pistolet dans une main, l’autre tenant la corde. L’eau m’arrivait au thorax et parfois je perdais pied. On a continué jusqu’à Ouizrane, la forêt de Boni puis Moka où j’ai terminé ma mission.
En décembre 1956, Amirouche avait pris le chemin de Tunisie. J’étais au pc sous les ordres du capitaine Oudek Arab. J’y ai découvert des héros comme le lieutenant Gharbi Salah, Salem Titouh, et Mira Abderrahmane qui revenait du Sahara où il pourchassait les messalistes. Au retour de Amirouche en mars 1957, j’ai réintégré le pc de wilaya dans l’Akfadou. Deux mois auparavant, on avait bombardé la région, le pc s’est retranché dans cette zone, après un bref passage dans le village d’Aït Ouabane. Dans le pc, il y avait Smaïl Amyoud, ancien medersien, Aïssani Mohamed Saïd, licencié en lettres françaises et élève du professeur Mandouze blessé et capturé lors de la mort d’Amirouche.
Amirouche, faisant référence à la bleuite, profondément affecté, avait déclaré comme a dit Staline, ‘‘s’il y a un traître parmi 100 communistes, il faut tuer les 100 communistes afin que le traître disparaisse avec et sauver ainsi la Révolution’’. Cette attitude tranchante le rattrapera plus tard et hantera bien des esprits. Parmi le groupe, il y avait le Dr Ahmed Benabid, médecin chef de la Wilaya III, son cousin Me Youcef, avocat dans les années 1940, vice-président de l’assemblée et qui avait écrit une lettre au général de Gaulle, expliquant son ralliement à la Révolution en 1958. Pour vous dire, Amirouche ne restait pas 2 ou 3 jours au pc, il était constamment sur le terrain.
Il y avait aussi parmi nous Ferhani Abdenour, Rachid Adjaoud, le pasteur Lester Griffith qui a été convaincu par Amirouche de la justesse de la cause qu’il est allé propager en Amérique. Ce qui explique peut-être les sympathies américaines pour la Révolution, notamment la famille Kennedy. Dans le pc, il y avait un émetteur radio, l’Algérie libre, émission animée par Abdelhafid Amokrane et Smaïl Amyoud et un service de presse qui publiait un bulletin intitulé : ‘‘Renaissance algérienne’’. Le pc était une véritable ruche. Y ont fait un passage, le colonel Si El Haouès et son adjoint Amor Driss, surnommé par les Français ‘‘Les yeux de panthère’’. Il a été capturé lors de la mort d’Amirouche et achevé à l’hôpital de Djelfa.

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Suite
Un triste épisode

En 1958, au pc de Wilaya, nous avions fait prisonniers le lieutenant Dubos avec 17 de ses soldats enlevés à M’sila. Il y a eu une tentative d’échange par l’intermédiaire du comité international de la Croix-Rouge, mais sans résultat car la France refusait de reconnaître à l’aln la qualité de belligérant. Puis, il y a eu la guerre psychologique, le capitaine Léger et la fameuse bleuite. Le 2 août 1958, Amirouche a réuni tous les officiers de la Wilaya III pour leur tenir ce langage : ‘‘Il vous appartient de décider de la conduite à tenir parce que je ne veux pas être considéré demain comme un criminel de guerre devant l’histoire. Il faut prendre une décision ensemble’’. Un vent de panique a soufflé sur nos têtes et chacun soupçonnait son voisin.
La Révolution était réellement en danger. Sans doute des dépassements ont été commis. On a reproché à Amirouche d’avoir liquidé des étudiants et des lycéens et des intellectuels alors que j’ai publié la liste des lycéens et étudiants de Tizi Ouzou (55), de Béjaïa (36), en ajoutant les 20 lycéens du lycée Albertini de Sétif. Aucun n’a été tué dans la bleuite. Il y avait 10 jeunes qui avaient fui l’ortf en 1958 pour rejoindre l’aln. Ils ont été aussi arrêtés. Il n’y a que deux qui ont survécu, Youcef Sahraoui, directeur photo et Mohamed Ould Moussa, technicien... En ce qui concerne le chiffre, il ne dépasse pas 400. Sur le corps d’Amirouche, on a retrouvé une liste de 540 éléments impliqués dans la bleuite. Il faut retrancher une centaine, libérés en septembre 1958 lors de la proclamation du gpra et une autre centaine qu’il avait laissée dans la région de Beni Ksila et que Mira avait libérés. Ce qui est sûrn, c’est que c’est un bien triste épisode. Je me rappelle que quelques semaines auparavant, Amirouche avait fait une déclaration tout aussi tonitruante. ‘‘Si le ministre de la Guerre et le chef d’état- major ne sont pas parmi nous dans le maquis, nous refuserons d’exécuter leurs ordres’’ ».
Puis, Djoudi s’éloigne du temps présent pour se remémorer les dures épreuves subies à son corps défendant : « Je m’interrogeais à quoi pouvaient penser les malheureuses victimes au moment de leur exécution. Ce sont des gens qui sont venus pour la plupart spontanément combattre pour l’indépendance de leur pays, se sacrifier pour leur idéal et mourir pour la bonne cause, mais sous les balles des soldats français. Malheureusement, ils finirent égorgés ou exécutés de la main de leurs frères... Quelle ingratitude, quelle folie que de voir son propre camarade, compagnon de tant de souffrances, subir des supplices et être exécuté de la main-même d’un autre camarade ! Il est des moments où l’homme devient pire qu’un animal, plus sauvage que le loup et plus avide de sang qu’un fauve. Quand la nouvelle de la mort de Amirouche nous est parvenue, on n’y a pas cru, mais toutes les radios l’ont confirmée. Nous étions très touchés.
Cependant, nous savions que la Wilaya III était entre de bonnes mains avec Mohand Oul Hadj qui assurait l’intérim et qui avait, avec Mira, désavoué publiquement l’action du chef. Je suis muté en Zone IV dont j’étais le secrétaire. J’ai eu à côtoyer le capitaine Ali Benour, le lieutenant Ould El Hadj, Krim Rabah à Sid Ali Bounab. J’y suis resté jusqu’au début de l’année 1960 puis muté en Haute-Kabylie pendant quelques mois et c’est là que j’ai rencontré le colonel Salah qui revenait de la visite controversée au général de Gaulle. » Cette visite avait suscité moult interrogations et propos suspicieux. « Je crois qu’il faut placer les choses dans leur contexte. L’affaire Si Salah est l’aboutisssement des frictions entre les maquis et l’extérieur. Il avait écrit en février 1960 à Ferhat Abbas pour dénoncer le laxisme des chefs de l’extérieur qui n’envoyaient ni armes ni munitions. Il a fait part des souffrances du peuple et des combattants en s’excusant de piétiner la hiérarchie en s’adressant directement au président du gpra. Il a écrit une lettre presque identique au commandant Mustapha Benoui, commandant par intérim de la Wilaya I et le lieutenant Abdeslam de la IV. J’ai apprécié en lui un révolutionnaire de la première heure, compétent, cultivé. Nous considérons qu’il n’a pas trahi. J’étais en juillet 1961 officier de permanence dans le secteur de M’chedallah et le 20 de ce mois, alors que nous attendions le colonel Salah Zamoum avec le lieutenant Aouchiche Boudjema chef de la Zone II, Gharbi, chef de la région I et Ahmed Ouchrarak, vers 21h, nous avions entendu une intense fusillade. Le lendemain, nous apprenions que Si Salah et ses compagnons étaient tombés dans une embuscade tendue par le capitaine Gaston. Seul Ouchrarak y a survécu ».
Son impression sur le livre de Sadi consacré à Amirouche ? « L’écriture de l’histoire ne doit pas être le fait exclusif des acteurs, des moudjahidine. Tout Algérien peut apporter sa contribution pour donner un éclairage sur cette glorieuse guerre. Quant aux réactions, certaines sont dures en accusant Amirouche de crimes de guerre. Ce qui est très grave, on est sorti du débat politique pour entrer dans des accusations graves et infondées de nos héros tombés au champ d’honneur. Tous les maquisards qui ont vécu la guerre de libération ont manifesté et continueront à manifester pour exprimer leur réprobation devant de telles attitudes. Nous ne nous tairons pas face aux imposteurs de tous bords.... »
Parcours :
Djoudi Attoumi est né en 1938 à Aït Oughlis (Sidi Aïch). Après le primaire à l’école de Tighzert, il rejoint Alger en octobre 1952 pour des études commerciales. Militant du MTLD dès 1953, il rejoint les maquis en 1956 et est affecté directement au PC de la Wilaya III. Il assuma plusieurs responsabilités au sein de l’ALN et du FLN. En 1961, il fut promu officier par le colonel Mohand Oul Hadj et affecté dans la Vallée de la Soummam, dévastée par l’opération « Jumelles ». Il accomplit son devoir jusqu’à la fin de la guerre. Après l’indépendance, il sera démobilisé à sa demande le 5 août 1962 et assurera les fonctions de directeur des hôpitaux du 1er septembre 1962 jusqu’en 1985, date à laquelle il fut élu à l’APW de Béjaïa dont il assura la présidence jusqu’en 1990. Djoudi Attoumi est licencié en droit et diplômé de l’école commerciale de la santé publique de Rennes. Auteur de Le colonel Amirouche entre légende et histoire (2004) le colonel Amirouche (2005). Avoir 20 ans dans les maquis (2007) Chroniques des années de guerre en Wilaya III (2009). Tous les ouvrages sont édités à Rym éditions El Flaye. Récits de guerre sortira cet été. « Seul l’Institut de recherche en histoire de la guerre de libération d’El Biar m’a apporté son concours ». Djoudi est marié et père de 4 enfants.


Par Hamid Tahri
el watan

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L’Histoire, la panse et la folie


Je suis avocat et citoyen. Le premier aurait pu trouver matière à une belle plaidoirie si le débat devait avoir lieu dans un tribunal, le second est désespéré devant tout ce que révèlent comme menace sur le pays les attaques qui ont suivi un livre qui invitait à une lecture non officielle de notre histoire. Comment rester serein et si possible constructif dans un environnement hystérique ? Difficile quand les protagonistes décident de ne pas parler de ce qui a motivé l’ouvrage : la séquestration des restes de deux héros de la guerre de Libération nationale.
Les contradictions, les dissimulations de preuves et les procès d’intention pour cause d’origine régionale de l’auteur signent une stratégie de diversion qui n’invite pas, c’est le moins qu’on puisse dire, à échanger. La démarche pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Mais comme laisser le lynchage se perpétrer dans l’indifférence constitue un encouragement pour un pouvoir repu aux abus, j’ai fini par me hasarder dans ce non-débat en m’interrogeant sur les intentions de leurs auteurs et en osant, non pas les mettre face à leurs incohérences, mais en leur rappelant leur parcours et responsabilités dans le drame algérien ; car après tout, c’est bien autour de cela que tourne cette levée de boucliers. Au risque de paraître vouloir alimenter la polémique, j’ai choisi d’adopter, moi aussi, un style direct car je sais que pour l’instant il est vain d’en appeler à la raison. Le livre de Saïd Sadi a eu l’avantage de lever les lièvres. La réaction des planqués des frontières ou de leurs complices, qui sont dans leur rôle, n’est pas intéressante en elle-même, Ali Kafi n’ayant même pas lu le livre est même allé jusqu’à désigner à l’assassinat Saïd Sadi et Nordine Aït Hamouda, le fils du colonel Amirouche. C’est dire que les atavismes ont la vie dure chez nos chefs ! Les répliques des élites asservies constituent, par contre, un danger pour l’Histoire et la cohésion nationale : c’est le segment soft du segment hard malgache. La toute récente intervention de M. Mebroukine est une véritable offre de service ; le seul reproche qu’il adressa à M. Ali Kafi est son ingratitude envers Boumediène qui en avait fait un ambassadeur. C’est dire que la seule préoccupation de M. Mebroukine est promotionnelle. Une ambassade n’est pas destinée à représenter la nation mais à calmer des appétits. A charge pour celui qui en bénéficie de comprendre et d’appliquer la loi du milieu : tu as mangé, il faut te taire : on ne parle pas la bouche pleine. Nous avons tous compris que Saïd Sadi a pris l’exemple du colonel Amirouche, trahi pendant la guerre et séquestré après, pour susciter le véritable débat, longtemps occulté, sur la genèse du pouvoir en Algérie et, dans la foulée, éclairer le rôle des forces des frontières qui engrangent actuellement les dividendes d’une guerre qu’ils n’ont jamais livrée ! Le sujet est celui-là. Il n’est pas interdit d’en parler sauf à vouloir maintenir coûte que coûte le même système. Il n’y aurait que deux raisons pour justifier une telle option : soit on a un intérêt évident pour reproduire et faire durer les choses, soit la formule est efficace. Regardons de près ce qui nous arrive depuis plusieurs décennies. Le rappel, j’en conviens risque d’être fastidieux, mais ce n’est pas parce que les fautes sont anciennes qu’il faut s’en accommoder ou qu’elles en deviennent moins dangereuses.
- La corruption est érigée en institution ; elle est légalement protégée puisque les détournements de milliers de milliards relèvent de la simple correctionnelle et le maximum de la peine encourue est 10 ans.
- Les terres agricoles de l’Algérois, de l’est et de l’ouest sont loties et bétonnées au point où le ministre du Commerce nous annonce l’importation du citron pour le Ramadhan.
- Notre jeunesse garde les murs pendant que des Chinois posent notre carrelage et nos pavés.
- Avec plus de 200 milliards de réserves de changes, nous avons 30% de chômeurs. Certains diplômés des hautes études n’ont pas encore leur première attestation de travail à l’âge de 40 ans.
- Fait unique dans l’histoire du monde pédagogique, nous allons avoir une promotion de mini-bacheliers qui ne franchiront pas le seuil de la première année de l’université et le ministre reste indéboulonnable.
- L’autoroute Est-Ouest et la pêche sont livrées en quartiers entiers aux corrupteurs et aux corrompus.
- Les chefs-lieux de wilaya sont infestés de bidonvilles dont les occupants sont intégrés dans les statistiques de l’emploi.
- Selon le défunt fondateur de l’Institut national de l’agronomie, l’Algérie n’est plus un pays agricole avec l’avancée du désert et du béton ; la Mitidja s’est mise à la production de la fraise.
- Nous importons plus de 90% de notre facture alimentaire et nous nous enorgueillissons d’une équipe nationale entièrement importée après avoir insulté les binationaux.
- Sonatrach, l’unique mamelle d’une économie mono-productive, est livrée à la rapine.
- Une justice rongée par l’incompétence et la corruption qui ne trouve que les lampistes, les journalistes et les guerriers de la liberté à incarcérer.
- Pis encore, pour la gouvernance, nous avons des exorcistes adeptes de la roqia au gouvernement.
- Sur la scène internationale, nous apparaissons alternativement comme des clowns diplomatiques ou, dans le meilleur des cas, en tant que supplétifs des services de renseignement occidentaux.
En vérité, mon intervention pourrait s’arrêter là. Qui nous a menés à cette situation, comment et pourquoi ? D’où l’intérêt de trouver un temps pour jeter un regard sur notre histoire. La liste des désastres peut être rallongée à l’infini. Pour moins que cela, c’est tout le gouvernement qui mettrait la clé sous le paillasson. Sous d’autres cieux, un Premier ministre s’est suicidé avec panache pour quelques milliers de francs empruntés sans intérêt. C’est dire qu’ailleurs l’honneur et le respect de soi ne sont pas de vains mots, surtout lorsque l’on prétend à la représentation populaire. Mais à qui parlons-nous ? Actionnés avant d’être synchronisés, MM. Mebroukine et Benachenhou ont ouvert le feu avec une indigence intellectuelle qui ne les a toujours pas amenés à un minimum de retenue. Nous avons mal à notre Algérie. Le chanteur kabyle Aït Menguellet a résumé en quelques mots les compromissions et les trahisons en temps de guerre et en temps de paix : wara yghelten tagara? (qui va engranger à la fin ?). Le même poète a fini sa chanson, excusez- moi d’emprunter à votre registre, en tirant la chasse. Le ridicule ne tue pas, il assassine : Abane, Krim, Khider et Boudiaf en live sur une télévision d’Etat. Aucun de ceux-là n’a eu les faveurs de votre rétroviseur, si vous en avez un. Vous avez fixé les règles qui régissent le pouvoir et vous voulez imposer votre logique à l’opposition. On ne parle que de ce qui vous agrée. Oui mais le pouvoir en Algérie est construit sur le crime : physique, symbolique, économique… Nous n’avons que le choix de débattre de notre pays pendant qu’il est encore temps pour sauver quelques débris. Il faut être aveugle politiquement ou fou ou les deux pour continuer à hurler, en espérant brouiller les pistes. Il n’y a plus de pistes. Vous avez bouché tous les chemins. Je ne viens pas à la rescousse de Saïd Sadi, il en a vu d’autres ; et vos agitations, esquivant le débat, ne constituent de toute façon en rien des réponses aux sujets qu’il traite. L’Histoire retiendra la pertinence et la prémonition des idées qu’il a souvent engagées dans le désertique champ politique national. Sans trop y croire, je vous invite quand même à vous demander ce que l’Histoire retiendra de vous.
Maître Mezil Saïd,
avocat agréé à la Cour suprême,
barreau de Tizi-Ouzou
Le soir d'Algérie.

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Contribution La jeunesse s’invite dans le débat sur l’histoire

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MM. Mabroukine et Benachenhou, nous allons vous consacrer quelques lignes sans revenir toutefois sur les inepties et contre-vérités que vous ne cessez de publier. Comment un universitaire et un ancien ministre peuvent-ils s’ériger en censeurs d’une histoire que tout un peuple cherche désespérément à connaître ? Nous laissons à votre appréciation deux hypothèses : s’agit-il simplement d’une volonté de vous faire un nom ?

Ou, plus grave et compte tenu de certains antécédents fâcheux, exécutezvous une instruction pour service rendu (ou à rendre) ? Sinon pourquoi vouloir à tout prix étouffer ou faire diversion sur un débat que tout le monde attend ? Qui peut, décemment, aller à l’encontre de l’écriture de l’histoire de son propre pays, si ce n’est quelqu’un que la vérité dérange et dont l’implication dans des faits inavouables pourrait être prouvée ? Une chose est sûre : si nous, jeunes, devions choisir entre Nordine Aït Hamouda et vous (et vos acolytes), ce serait chose facile et vous en connaissez la raison. Si par hasard vous ne la devinez pas, nous vous invitons à vous rendre dans n’importe quel quartier populaire (vous et Nordine Aït Hamouda) et vous verrez qui, de vous trois, en sortira indemne ! Revenons simplement sur trois éléments concernant Boumediène avant de passer à ses héritiers : En premier lieu, à qui voulez-vous faire croire que Boumediène n’était pas au courant de la séquestration des ossements d’Amirouche et de Si El Haouès ? D’autre part, vous écrivez à la une du journal Ennahar qu’en 1976, l’avoir bancaire de Boumediène s’élevait à 690 DA mais vous ne parlez pas des comptes en banque qu’il détenait au sein de la Chase Manhattan Bank ! Et, cerise sur le gâteau, vous dites que «le colonel Boumediène n’avait pour obsession que l’unité du pays». Jugez-en par vous-même ! Cliquez sur [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] m/video/x645sb_boumediene- insulte-les-kabyleset- l_news, vous le verrez et entendrez dire : «Les Kabyles sont racistes et séparatistes»… Belle leçon en matière d’incitation à l’unité nationale ! Nous reviendrons par ailleurs sur cette question de régionalisme. Maintenant, passons aux choses sérieuses. Ce que vous lirez à présent est destiné à vos promoteurs. Comme à votre habitude, vous excluez, de fait, la frange la plus importante de la population, à savoir la jeunesse, d’un débat vital et qui engage directement son avenir et celui de la nation. Le débat sur l’histoire de notre glorieuse Révolution, suscité par la parution d’un livre, nous intéresse au plus haut point. Non contents d’avoir pourri notre formation scolaire, vous voulez nous priver de la vérité historique. Nous voulons connaître notre histoire, celle des hommes de Novembre, et non celle que vous avez tenté de nous infliger jusqu’à présent et dont nous vivons les conséquences désastreuses au quotidien. Car les «acteurs» d’hier sont ceux d’aujourd’hui ! En suivant une intervention du commandant Azzedine sur la chaîne Histoire, on pouvait l’entendre dire que «le premier coup d’Etat de Boumediène a été vendu à Ben Bella par Bouteflika». Boumediène, n’ayant aucune légitimité pour prendre le pouvoir, a mandaté Bouteflika pour recruter «un historique». Le second coup d’Etat s’est produit en 1965 et, pour finir, le troisième fut perpétré le 12 novembre 2008 dans le plus pur style du groupe d’Oujda. On ne change pas une équipe qui gagne… même lorsque c’est l’Algérie qui perd. Comment osez-vous encore parler ! Il est capital pour nous, insistons là-dessus, de connaître enfin notre histoire même si cela constitue le dernier de vos souhaits, et que nous savons que cela ne viendra jamais de vous. Non seulement vous ne nous l’avez pas enseignée, mais vous l’avez falsifiée. Nous sommes jeunes, nous voulons la vérité et pour cela nous posons directement les questions suivantes (nous vous demandons des noms s’il vous plaît) :
Qui a tué Abane Ramdane ?
Qui a tué le colonel Lotfi ?
Qui a tué Khemisti ?
Qui a tué Chabani ?
Qui a tué Krim ?
Qui a tué Khider ?
Qui a tué Saïd Abid ?
Qui a tué Medeghri ?
Qui a tué Boudiaf ?
Nous voulons également connaître les motivations qui ont présidé à chacune de ces exécutions. Nous ne posons plus la question en ce qui concerne les colonels Si El Haouès et Amirouche. Vous prétextez une légitimité historique pour justifier votre prise de pouvoir ainsi que sa confiscation à ce jour. Or, vous n’auriez pas dû brandir cet argument car, pour la plupart d’entre vous, vous étiez «résidents» en Tunisie, au Maroc et au Mali. Vous avez déserté les maquis de l’intérieur et laissé les vrais maquisards se faire exterminer par l’armée française. Pour ce qui est des «historiques» qui ont eu la chance d’échapper à ce massacre, vous vous êtes, vous-mêmes, chargés de leur sort. Vous avez volé, fraudé, assassiné, et cela continue. Nombre de vos ministres, pour ne citer que ceux-là, occupent, encore à ce jour, les «une» des journaux pour des affaires de corruption, sans que cela vous émeuve. Vous cooptez des individus corrompus, médiocres et corvéables à merci. Dès que vous détectez une compétence loyale et honnête, elle devient votre cible privilégiée. Vous avez confisqué le destin de tout un peuple. Aujourd’hui, il y a péril en la demeure Algérie et c’est le seul résultat que l’on doit à votre politique. Notre pays n’a jamais atteint un tel état de délabrement malgré un potentiel énergétique (vous maîtrisez bien le dossier, forcément) et humain que le monde entier nous envie. Vous ne vous contentez plus de piller les richesses nationales. Vous tentez de vous accaparer les financements internationaux que des élus honnêtes se sont chargés de mobiliser pour promouvoir des projets concernant la santé publique. Sachez-le enfin, vous ne pouvez plus user de régionalisme pour cacher votre catastrophe. Vous avez coopté 13 ministres de la même région et vous vous permettez d’accuser de vrais patriotes de régionalisme. Encore une diversion. Nous sommes comme l’équipe nationale de football, nous parlons l’arabe, l’amazigh, le français et d’autres langues encore. Nous savons que vous comptez sur la Coupe du Monde pour atténuer le débat en cours. Nous suivrons notre équipe car pour nous, il s’agit véritablement d’un symbole national ; alors que pour vous, ce n’est qu’un moyen pour rester au pouvoir. Pis, vous manipulez une équipe dont vous aviez insulté les joueurs (car binationaux) il n’y a pas si longtemps. Mais cette manifestation importante pour notre pays ne nous fera pas oublier de revenir à notre histoire et de marteler jusqu’à la victoire le retour de l’Algérie à ses enfants. Vous avez réussi l’exploit de transformer un paradis en un enfer. Un pays où 70 % de la population a moins de 30 ans est encore dirigé par des octogénaires ! Comment pouvez- vous savoir ce que nous pensons, ce que nous voulons ? Malheureusement et à cause de vous, certains d’entre nous prennent le risque de mourir en mer plutôt que de vivre avec vous. Au lieu de nous focaliser sur la construction de notre pays, vous nous contraignez à redoubler d’efforts pour survivre et vous combattre. Nous sommes qualifiés et honnêtes. Et nous avons deux facteurs qui jouent pour nous : l’évolution de la planète vers les concepts inéluctables de modernité et de démocratie ainsi que… le temps. Vous avez fait de l’Algérie une République bananière avec ses courtisans et une présidence à vie. Nous saluons les opposants qui osent vous défier au quotidien. Nous les soutiendrons et reprendrons le flambeau. Nous avancerons et grandirons envers et contre vous. Vous étiez, hier, les ennemis de nos parents. Vous êtes les nôtres aujourd’hui. Comment, dans ces conditions, en vouloir à certains d’entre nous d’être tentés par des aventures sécessionnistes sans lendemain ? Nous ne connaissons pas un seul des jeunes Algériens qui se trouvent à l’étranger qui ne souhaite pas, d’une manière ou d’une autre, participer au développement de son pays. Parmi eux, nombreux sont ceux qui occupent des fonctions importantes et qui ont des compétences particulières. Ils posent, cependant, la même et unique condition : Pas avec vous ! Nous appelons tous les jeunes Algériens, toutes tendances confondues, y compris ceux que vous tentez de pervertir par l’argent et le mensonge à nous rejoindre pour constituer un front de la jeunesse, dans le but de permettre aux jeunes de s’épanouir dans leur pays. Même les plus grandes puissances nomment des ministres de 40 ans à peine. Vous avez tout fermé, à commencer par les médias lourds, mais vous êtes vacillants : un livre a suffi pour semer la panique chez vous. Notre pays reviendra à ses enfants. Vous avez la culture du coup d’État et de l’assassinat, nous voulons construire un État de droit. Lorsque les jeunes Algériens sauront que la réalisation de cet objectif est pour plus tôt que vous ne le pensez, que nous sommes sincères, capables et déterminés, votre heure aura sonné. Et personne ne vous regrettera.
Merci à Saïd Sadi, à Nordine Aït Hamouda, à tous ceux qui ont témoigné et à ceux qui témoigneront, car leurs contributions sont d’une grande importance pour nous et pour le pays que nous voulons sauver.
Signataires :
Alger : Mazari Massiva, Oumedjkane Sonia, Ouchiha Nabila, Kerkouche Sofiane, Bechker Nassim, Yahiaoui Abderezak, Sadi Ameziane.
Batna : Merchiche Moussa, Mordjane Smaïl.
Béchar : Aïssaoui Aïda.
Béjaïa : Mehaba Samia, Abache Wahiba, Boudraâ Reda, Deboub Mouloud.
Bouira : Boutata Azedine, Hellal Takfarinas.
Boumerdès : Mezir Ahcène.
Chlef : Ben Bouali Youcef, Moussaoui Karim, Ben Tayeb Omar, Dahmani Madani.
Djelfa : Mahdi Amel, Sadat Hakim.
Ghardaïa : Hadjadj Nacer Eddine.
Mascara : Hebla Houria.
Sidi-Bel-Abbès : Hamida Abdelkader.
Skikda : Ghermired Bilal.
Tizi-Ouzou : Bachir Zahia, Maakni Hamid, Djebrani Ahmed, Tansaout Kaci.
Émigration : Ouachek Karim.
Le soir d'Algérie.

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Actualités : SAID SADI RÉPOND À OULD KABLIA
«EN FINIR AVEC LE MAL(G)»




La montagne a accouché d’une souris. Une commission ad hoc mise en place, la consultation des archives du MALG, autant dire la mémoire de l’Etat, pour arriver à la conclusion que Boussouf n’avait aucun problème avec Amirouche, Krim Belkacem et Abane Ramdane et que ce dernier est monté au ciel par les voies du Seigneur. Beaucoup s’en doutaient, ce n’est pas en 2010 que les artisans du pouvoir des ténèbres allaient en arriver à changer de pratique et de culture.


Les salves du premier spadassin envoyé au front avaient donné le ton : on ne discute pas d’histoire : chasse gardée. Le procédé a été testé mille fois dans tous les systèmes totalitaires. Sur le fond, on ne répond pas à l’adversaire. On qualifie à sa convenance, c'est-à-dire que l’on diabolise ses propos et positions, une fois le postulat faussé, le raisonnement peut suivre. Le président de l’association du MALG engageant son bureau dit ne pas chercher «la polémique avec l’auteur et encore moins à l’amener à se déjuger, car ils pensent bien que son opinion est définitivement arrêtée et de longues date». Voilà l’estampille MALG. Je me revois 25 ans en arrière face au juge d’instruction de la Cour de Sûreté de l’Etat qui me disait : «Vous avez signé un tract dans lequel vous revendiquez un Etat démocratique et social. Cela suppose le renversement du régime. Par quels moyens comptez-vous y parvenir ?» On le voit, les mœurs sont toujours les mêmes. A en croire le bureau du MALG, cela fait quarante ans que je récolte témoignages après témoignages, documents après documents pour sortir un livre en 2010 en sachant, dès le départ, ce qui allait advenir de notre pays. On découvrira dans d’autres évènements comment le MALG traite comme complot toute initiative échappant à son contrôle. Les violences des attaques et les incohérences des interventions de M. Benachenhou ayant provoqué une indignation à peu près générale, il fallait engager le reste des divisions : le bureau du MALG étant la vitrine light du service opérationnel.
En finir avec le MAL(G)
Auparavant, le bureau du MALG avait envoyé en éclaireurs quelques associés dont il suffit de rappeler les dires pour en apprécier le sérieux. L’un explique que l’une des raisons qui ont pu amener le général Massu à masser ses troupes trois jours avant le passage des colonels Amirouche et Haouès dans le Hodna pouvait être l’attentat commis par deux maquisards qui avaient éliminé un harki les ayant repérés. Le second nous informe que Boumediène n’était pas au courant de la séquestration des restes des deux martyrs… mais qu’il avait entendu dire qu’il s’apprêtait à leur organiser des «funérailles nationales grandioses» ! Sur les faits, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Pour nos tuteurs, le régime qui sévit depuis 1957 est l’expression démocratique du peuple algérien et tout ce qui contesterait ce dogme relèverait d’esprits malfaisants, régionalistes qui veulent saper le moral d’une nation harmonieuse, prospère et apaisée. Pourtant la sortie de M. Ould Kablia ne manque pas d’intérêt, non pas dans ce qu’il apporte d’un point de vue événementiel, mais dans ce que son approche permet de découvrir. M. Ould Kablia nous avertit : le bureau du MALG n’est pas un parti, un lobby et encore moins une secte avant d’ajouter que pendant la guerre, son service avait orienté son potentiel exclusivement vers la nuisance de l’ennemi. Fort bien. Il n’en demeure pas moins qu’il nous apprend que cet organe, présenté comme une instance technique du renseignement mis au service du pouvoir politique, disposait «de plus de 2 000 cadres» alors que «ceux qui faisaient tourner les autres secteurs ministériels » comptaient à peine «quelques dizaines» ! A la chute de Salazar, les Portugais découvrent qu’un citoyen sur cinq était, d’une façon ou d’une autre, instrumentalisé par la police politique, la PIDE. C’est précisément ce détournement et ce gâchis que dénonçait Amirouche dans son rapport quand il rappelle : «Désirons que jeunes envoyés par les wilayas soient orientés sur plusieurs branches… Nous envoyons des jeunes à l’Extérieur pour les faire profiter et les préparer à des tâches qui serviront mieux l’Algérie de demain. Or, nous apprenons que la plupart sont dirigés vers les transmissions. Nous aimerions qu’à l’avenir ces jeunes soient orientés vers d’autres branches…» Plus près de nous, il est pour le moins surprenant qu’une association d’anciens combattants désireux de finir leurs jours dans la sérénité fasse financer ses membres sur le fonds spécial en les faisant bénéficier du salaire de cadres de la nation. Enfin, et ce n’est pas le moindre des abus, une association qui dispose de documents confidentiels alors qu’ils devraient relever de la discrétion de l’Etat pose à la fois un problème de souveraineté et d’éthique. En principe, une association demande à l’Etat de pouvoir consulter des archives ; chez nous, il y a comme une inversion d’autorité, y compris quand il s’agit d’une «contribution forte à l’endroit des lecteurs et des historiens qui, à la faveur de sa lecture, pourront se faire leur propre opinion sur des faits et des évènements qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets». Depuis quand une association occupée par d’inoffensifs patriarches, a-t-elle le droit de détenir des secrets d’Etat et en vertu de quel statut est-elle fondée à choisir le moment de leur divulgation ? Nous le verrons tout au long de cette intervention, le statut, les prérogatives et la culture d’origine du MALG ont pesé et continuent de peser sur la mémoire et le destin de la nation. Considérons donc que c’est par le fait d’un simple hasard que MM. Benachenhou et Ould Kablia ont fait le tour du gouvernement depuis l’indépendance et que c’est du fait du même hasard que Nordine Aït Hamouda et moi-même, pour ne parler que des deux dernières cibles du MALG, avons passé notre temps à faire le tour d’Algérie des prisons. Les historiens, les acteurs nationaux non connectés à la secte, les observateurs étrangers qui ont unanimement noté, et pour ce qui est des Algériens, déploré quand ils ne l’ont pas carrément condamné, la pieuvre tchékiste du MALG, sont des plaisantins ou des ennemis de la patrie.
Le MALG et l’arrivée d’Amirouche à Tunis
Reprenons maintenant les remarques de l’article du bureau du MALG. Je fais l’économie de la réponse qui consiste à défaire la grosse ficelle m’accusant de confondre les jeunes enrôlés dans cette structure et qui furent souvent les premières victimes d’un appareil qui en a détruit plus d’un quand il ne les a pas carrément éliminés. La formule est restée célèbre au Maroc. «On lui a offert un voyage au Caire», disait-on des jeunes cadres qui avaient le malheur de poser une question ou de donner l’impression de ne pas être suffisamment dociles. En ce qui concerne la tragédie algérienne, nous parlons bien du segment noir qui a détourné Novembre et la Soummam et qui, dans une large mesure, continue de bloquer toute évolution citoyenne du pays. M. Ould Kablia nous avoue, et cela est une information capitale, que pour lui et ses responsables, la réunion interwilayas de décembre 1958, convoquée par le colonel Amirouche était (et reste toujours) perçue comme une menace majeure. Pour qui ? Le GPRA qui venait d’être installé trois mois auparavant ? Le COM ? Une partie du gouvernement ? Relisons M. Ould Kablia. «Cependant l’ordre du jour qui ne mentionnait que des sujets traditionnels et habituels… laisse penser que les vraies questions à débattre étaient vraiment occultées. Nous pouvons avancer sans risque de nous tromper que les liens qui commençaient à se distendre entre l’intérieur et l’extérieur, les critiques non dissimulées allant dans le sens d’une rupture de confiance, illustrée par la réunion interwilayas… tout cela indiquait qu’il ne pouvait s’agir que d’une réunion de mise au point d’une autre dimension où la confrontation n’était pas à exclure. » Au cas où il y aurait un doute, M. Ould Kablia nous rappelle que «la défection de dernière minute d’Ali Kafi à cette réunion qui se tenait sur son territoire, sur ordre supérieur certainement, a rompu l’unanimité souhaitée». De son point de vue, c’est ce qui aurait amené les factieux à modérer leurs récriminations et à transformer leur «motion de défiance en motion de soutien». En clair, Amirouche avait mobilisé ses compagnons de l’intérieur, non pas pour proposer des accommodements, des réorganisations et une orientation qui devait recanaliser les énergies du gouvernement sur la guerre que les maquis supportaient de plus en plus difficilement, mais reproduire une réplique d’un complot dont le gouvernement venait juste d’échapper après la fronde des officiers chaouis, fronde sur laquelle il reste d’ailleurs beaucoup à dire quant au rôle joué par Boussouf, autant dans sa genèse que dans son traitement. L’accès aux archives tunisiennes et égyptiennes serait, de ce point de vue, particulièrement édifiant. J’ai pu établir, auprès de nombreux témoins, que le colonel Amirouche avait en commun avec Abane cette propension à ne jamais étouffer une opinion ou réprimer une remarque ou une contestation y compris en présence de celui qu’elle pouvait impliquer. J’ai rapporté comment l’altercation qu’il avait eue avec Kafi au Congrès de la Soummam ne l’avait pas empêché de lui rendre visite par la suite pour étudier ensemble les voies et moyens pour une meilleure coordination de leurs actions. L’interprétation de l’initiative d’Amirouche faite par M. Ould Kablia, partagée par d’autres (dans son style M. Benachenhou dit la même chose) nous aide à comprendre comment et pourquoi ce «travers» a coûté la vie au père de la Soummam et au colonel de la Wilaya III. La transparence et le débat ouvert sont les manifestations d’une culture incompatible avec l’opacité et la violence qui ont présidé à la naissance et au fonctionnement du MALG et de ses déclinaisons d’après-guerre. Or, cette interprétation quelque peu paranoïaque – qui deviendra la constante du pouvoir sous-terrain algérien – prêtant, sans le moindre doute, au colonel de la Wilaya III des intentions aussi belliqueuses ne se retrouve nulle part ailleurs. Ni Ferhat Abbas, pourtant très peu enclin à faire des concessions aux colonels, ni les acteurs ayant rencontré plus tard Krim Belkacem, ni Ben Khedda, ni Saâd Dahlab qui a écrit tout ce qu’il avait vu à Tunis, et il était souvent aux premières loges, n’ont fait état du risque imminent que représenterait l’arrivée d’Amirouche à Tunis en 1959. J’ai commencé par dire que si l’intervention de M. Ould Kablia n’apportait rien de nouveau en termes factuels, elle dévoile un esprit avec ses attitudes et ses décisions qui sont d’authentiques révélations. Comment avoir l’outrecuidance de dire que Boussouf n’avait aucun problème avec Abane, Krim ou Amirouche (la citation des trois dirigeants tous originaires de Kabylie est en soi une indication) et affirmer en tant que légataire du MALG que la réunion convoquée par le chef de la Wilaya III était un complot menant inévitablement à la confrontation entre l’intérieur et l’extérieur. Je pense avoir démontré, grâce aux témoignages et aux documents retrouvés, que les chefs de l’intérieur (excepté Kafi) avaient comme intention de demander au GPRA de mieux rationaliser son action diplomatique, sa communication, ses services sociaux mais aussi de s’émanciper d’un MALG tentaculaire et inefficace et, surtout, d’exiger que les troupes stationnées aux frontières fassent plus d’efforts pour rentrer se battre sur le terrain. La question de la nature et de l’importance de l’armée de l’Algérie indépendante devant être reportée à plus tard. Jusqu’à plus ample informé, il n’y a que le département de Boussouf qui a vécu cette demande d’adaptation comme une menace.
Le mystère des transmissions
Pour ce qui est des transmissions, les savantes envolées du bureau du MALG n’empêchent pas l’apparition de lourdes distorsions qui confirment l’hypothèse de la trahison. M. Ould Kablia nous donne une cinquième version, venant contredire celle du ministre des Anciens moudjahidine, les deux de M. Benachenhou et enfin celle de M. Kafi. Pour le bureau du MALG, la Wilaya III disposait du même nombre de radios que toutes les autres wilayas. Ce n’est pas ce que dit le rapport de doléances de cette wilaya que portait sur lui Amirouche quand il se rendait à Tunis. Il y dénonce en termes très virulents la livraison de deux postes en août 1958. «Pourquoi la Wilaya 3 n’a reçu que deux postes et si tardivement… cette carence tend à faire croire à une volonté de négliger la Wilaya 3 ou à du régionalisme de la part tout au moins des responsables des transmissions.» Notons au passage la légèreté, voire un certain mépris, avec lesquels est traité un document adopté après un conseil de wilaya extraordinaire, 48 ans après l’indépendance. «Sa lecture laisse à penser que le colonel Amirouche n’a pas participé à sa rédaction parce que le document reprenait un certain nombre de considérations générales et que les points les plus importants de son contenu ne cadraient pas avec la réalité vécue en dehors de la Wilaya III…», nous assure M. Ould Kablia. On vient de voir que la Wilaya III était plutôt bien informée sur le détournement réservé par le MALG aux étudiants envoyés pour formation à l’étranger. On découvrira plus loin dans d’autres situations que l’information détenue par Amirouche sur l’intérieur et les frontières était souvent de première main. Suivons M. Ould Kablia dans son récit. Lui affirme que la Wilaya III n’avait pas de radio en 1959, ce qu’infirment les témoins encore vivants activant au PC de wilaya. Mais convenons avec lui que le poste pouvait avoir été éteint et que donc pour l’extérieur Amirouche ne pouvait être contacté. Devant le déficit des transmissions, le colonel de la Wilaya III avait multiplié les boîtes aux lettres à Alger, Bougie, Sétif, Tizi-Ouzou, Akbou, El-Kseur et même en France pour recevoir et émettre des messages par télégrammes ou voie postale. Les agents de liaison de la Wilaya III encore en vie estiment que c’est par une de ces voies que le message de Krim demandant à Amirouche de changer de route a été acheminé. Le bureau du MALG, qui a fait une profusion de citations plus ou moins ésotériques de nombreux auteurs français, «oublie» de rapporter la seule information qui vaille : la goniométrie française a capté les messages du FLN annonçant les évolutions du déplacement du colonel Amirouche. Pourquoi ou plus exactement pour qui émettre lorsque l’on considère que le destinataire ne peut pas recevoir ? Ce que disent les auteurs français est confirmé par les agents du centre d’écoute du MALG basé à Oujda. Non seulement ils ont reçu l’ordre d’émettre mais lorsqu’ils ont alerté sur les risques de voir leurs messages interceptés, ils ont été sommés de continuer. S’agissant de la concentration des troupes déployées par le général Massu, M. Ould Kablia nous apprend que tantôt il s’agit d’une opération de routine tantôt elle «avait été décidée par le général Massu suite à des renseignements parvenus à celui-ci (comment ?) indiquant le passage par le Hodna du colonel Amirouche». M. Ould Kablia pose une vraie question, c’est même la seule question qui s’impose mais le fait de la reformuler par le bureau du MALG ne lui enlève en rien sa pertinence. La libération des liaisons radio entre les wilayas demandée par Amirouche dépendrait de la seule volonté des PC de wilaya, selon le bureau du MALG. Tous les spécialistes disent que sans un minimum de formation et d’assistance de la part de ceux qui détiennent la confection des codes et l’initiation à l’établissement de nouvelles liaisons, il est impossible d’improviser dans un domaine aussi sensible. Le fait est qu’aucune station de l’intérieur n’a été en mesure de disposer d’un opérateur capable de mettre en liaison deux wilayas. La volonté de centraliser toutes les communications des chefs de l’intérieur apparaît très clairement à travers l’interprétation que fait aujourd’hui encore le bureau du MALG de la réunion interwilayas de décembre 1958. Quant à dire que si le général Massu avait su de manière certaine qu’Amirouche se trouvait dans les parages, il se serait déplacé lui-même, cela reste un argument spécieux. En octobre 1958, l’opération Brumaire, ciblant particulièrement le colonel Amirouche et son PC, avait mobilisé une dizaine de généraux, une cinquantaine de colonels et près de 10 000 hommes dans l’Akfadou. J’ai longuement consulté les archives de l’époque et ni mes recherches ni les témoins que j’ai consultés ne m’ont permis d’établir que le général Massu avait personnellement participé à cette intervention. Une relative évolution apparaît cependant dans l’analyse de la Bleuite. C’est la première fois depuis l’indépendance que des éléments du MALG se démarquent des thèses de l’armée française qui présentait cette opération comme la conséquence d’un homme sanguinaire décidé à éradiquer les intellectuels. On admet enfin que c’est une des actions de l’occupant parmi d’autres et on convient qu’elle avait concerné l’ensemble des wilayas. On peut au passage se demander quel fut l’apport d’un service de renseignement comptant 2000 cadres dans une intervention de l’ennemi éventée par l’intérieur qui avait demandé, en vain, de l’aide à l’extérieur dès le premier jour. Cet effort de lucidité mérite d’être signalé. On ne le retrouve pas dans les autres approches.
Défaillances stratégiques
Au-delà de la volonté d’imprimer à l’Histoire une trajectoire qui occulte les vues et positions des autres parties, la lecture faite du rapport sur lequel devait s’appuyer Amirouche à Tunis au nom de ses collègues de l’intérieur dévoile une volonté de renforcer et de protéger des positions en référence avec des situations actuelles. Commentant le point qui demande «une offensive contre la ligne Morice pour attirer les forces ennemies et soulager la pression sur l’intérieur, l’offensive doit surtout permettre le passage de matériel et de munitions», le bureau du MALG écrit : «Cette pétition de principe laisse croire que la Wilaya III ignorait ce qui se passait au niveau des frontières.» Avant de citer des actions menées pour franchir le barrage. Les responsables de l’intérieur reprochaient aux dirigeants extérieurs la mauvaise évaluation des effets de l’édification de ces lignes qui ont été renforcées à plusieurs reprises. En l’occurrence le renseignement, si renseignement il y avait, fut pour le moins défaillant. Mais là où le bureau du MALG manipule les faits, c’est quand il cite des officiers qui ont effectivement pu traverser les lignes ennemies en donnant ces initiatives comme étant toutes des décisions programmées par le COM. La plupart des traversées, à commencer par celles de Lotfi et de Bencherif, furent plus le fait de la volonté des concernés que l’exécution d’une instruction supérieure. Je me suis rendu à l’endroit où est tombé le colonel Lotfi. Surpris avec ses hommes, il se trouvait en plein jour dans un secteur sans abri ni liaison. Le bureau du MALG sait mieux que quiconque que le colonel de la Wilaya V en rupture avec l’état-major ouest est surtout rentré parce qu’il était outré par la violence et les dérives du binôme Boussouf-Boumediène, notamment depuis l’exécution du capitaine Zoubir qui dépendait de lui. La narration faite de la tragique fin de la compagnie Hidouche qui devait rejoindre la Wilaya III est à la fois indécente et mensongère. Le bureau du MALG nous explique que cette compagnie a été exterminée par une attaque combinant des forces aériennes et terrestres françaises parce qu’elle n’avait pas pu traverser la Seybousse en crue ! Nous sommes au mois de juin 1959. Nous connaissons tous la furie de nos oueds en plein été. Une crue dépasse rarement une journée. La réalité est affreusement simple. Cet officier comme ses hommes, lassés de macérer dans les casernements des frontières, décida de rentrer. Une fois la frontière passée, ils ne trouvèrent pas d’agents de liaison pour les orienter. Ne connaissant pas la région, ils tournèrent en rond jusqu’à se retrouver au bord de la piste d’atterrissage de l’aéroport de Bône (Annaba) où ils furent exterminés. Un des miraculés de cette boucherie habite la vallée de la Soummam. Il peut raconter le calvaire de la compagnie Hidouche. Voici ce qu’écrivait Amirouche sur les improvisations qui caractérisaient les rares groupes qu’on laissait revenir : «Demandons que les katibas soient bien entraînées pour éviter pertes en hommes et matériel en cours de route : nous ne comprenons pas pourquoi les compagnies qui viennent de l’Extérieur pour acheminer des armes sont retenues deux, trois et même quatre mois. Le fait serait acceptable si pendant ce délai, les compagnies recevaient instruction militaire… Cette négligence se traduit dans le fait que des armes sont remises à des djounoud qui ne savent même pas les démonter. Ainsi, beaucoup de ces djounoud sont morts et leurs armes sont récupérées par l’ennemi…» Comme on peut le constater, les conditions dans lesquelles sont prévus les franchissements de la frontière algéro-tunisienne sont on ne peut plus connues en Wilaya III. Mais le plus notable est ce qu’ont rapporté les djounoud qui ont eu la chance de parvenir à destination ou qui ont rejoint la Kabylie après avoir repris le chemin vers la France d’où ils étaient venus. La volonté de garder le maximum de soldats aux frontières ne fait aucun doute. Ce qui a amené Amirouche à contacter directement les cadres qu’il connaissait en Tunisie pour leur demander de rentrer «même si on les en empêchait.» Djoudi Attoumi écrit : « Pour la Wilaya III seulement, il y eut une vingtaine de compagnies qui avaient pris le chemin de la Tunisie.
Seules cinq ou six d’entre elles étaient revenues, après avoir affronté la ligne Morice… d’autres wilayas avaient envoyé autant de compagnies, sinon plus ; ce qui fait qu’il y eut une concentration des troupes le long des frontières qui, au lieu de rentrer dans les maquis, étaient restées sur place pour une raison ou pour une autre… La Wilaya II comptait à elle seule 4200 combattants bloqués le long de la frontière tunisienne. Ce fut la naissance de l’armée des frontières. » En quoi la proposition d’une offensive généralisée contre un barrage électrifié serait-elle a priori disqualifiée ? Pourquoi la constitution de grosses unités serait-elle par principe évacuée du débat ? Dien Bien Phu fut un désastre français. L’attaque fut menée par une concentration de troupes qui sont venues à bout de l’armée française. En 1959, l’adhésion des masses algériennes n’avait rien à envier au soutien que la paysannerie indochinoise apportait au Parti communiste vietnamien. Il ne s’agit pas de spéculer aujourd’hui sur les actions qui auraient pu et dû être engagées en 1958-59 mais de comprendre que les oppositions entre les dirigeants de l’extérieur ont grevé le potentiel de la direction du FLN, dont une partie était déjà obnubilée par l’après-guerre.
La patrie otage de la tribu
Ces oppositions avaient pris plusieurs formes. Il n’est pas besoin d’insister sur la candeur feinte de M. Ould Kablia quand relance la rengaine du duo Krim- Mohamedi Saïd qui aurait disposé de toute latitude pour gérer la situation politico-militaire de l’intérieur alors que :
- Premièrement, toutes les transmissions étaient maîtrisées par le MALG ;
- Deuxièmement, Mohamedi Saïd était déjà pris en charge depuis longtemps par «les envoyés spéciaux» du MALG, pour reprendre l’expression d’un ancien de l’armée des frontières, afin de le soustraire à Krim avant de le lui opposer ; manipulation qui, naturellement, n’évacue en rien la responsabilité des concernés.
Laisser entendre que si quelque indélicatesse a été commise dans l’élimination d’Amirouche ne peut relever que des deux anciens responsables de la Wilaya III est du réchauffé ; M. Benachenhou étant déjà passé par là. Mais ces insinuations faisant des assassinats de certains responsables pendant ou après la guerre une conséquence d’un atavisme kabyle, pour commodes et répandues qu’elles soient ne sont pas le plus important dans nos préoccupations actuelles. Aujourd’hui, il s’agit de nous interroger sur le fait de savoir si ces manœuvres récurrentes et qui existent toujours ont servi la guerre de Libération et, plus tard, le développement de notre pays. La question mérite d’être posée car, outre qu’elle permettrait de remettre un certain nombre de choses en ordre dans notre histoire, elle aurait l’avantage appréciable d’éclairer la scène politique aujourd‘hui. Au printemps 2008, les citoyens de Chlef, excédés par des promesses différées depuis le seisme de 1980, manifestent leur désespoir par des émeutes au cours desquelles des milliers de jeunes s’en prennent, comme c’est souvent le cas en pareilles circonstances, à tout ce qui représente l’Etat. Des centaines d’entre eux sont interpellés et incarcérés dans des conditions inhumaines. La structure du RCD local dénonce la violence de la répression et les violations de loi qui ont marqué toutes les procédures. Le wali, dont il faut rappeler qu’il appartient à ce que Nordine Aït Hamouda appelle la «tribu élue» n’a rien trouvé de mieux que d’avertir les familles et les citoyens qu’ils devaient se méfier d’un parti régionaliste, ennemi de la nation. Continuant leur travail, les militants de notre parti organisent la solidarité avec les parents des jeunes détenus, constituent un collectif d’avocats et en appellent à nos parlementaires pour suivre l’évolution des poursuites engagées contre une centaine de jeunes. Le soutien des députés du RCD donne de l’espoir et une dynamique citoyenne se développe à Chlef. Les jeunes emprisonnés étaient revendiqués par la cité comme les porte-parole de tous. Dépassé, le wali, disqualifié par une gestion des plus contestables, en appela au gouvernement qui dépêcha à Chlef un de ses membres. Nous sommes le 2 mai 2008. Le ministre, trouvant un climat particulièrement tendu, déclara devant tous les cadres de la Wilaya qu’ils ne devaient pas laisser revenir à Chlef des gens qui n’ont rien à y faire. Ces «gens» étaient des députés de la nation qui avaient le malheur d’être élus démocratiquement. Le ministre en question s’appelle Daho Ould Kablia. La radio locale, encouragée par ce sectarisme, embraie sur l’aubaine et déversa son fiel sur les Kabyles. Pour bien montrer que le MALG imprègne et soumet toujours la vie institutionnelle, il faut rappeler la destitution illégale du maire de Bériane qui avait refusé de déserter le RCD pour rejoindre un parti de la coalition gouvernementale. Le blocage du projet du PNUD — institution représentée à Alger et qui active normalement dans notre pays — destiné à assainir l’environnement à Tizi- Ouzou, représente l‘une des discriminations administratives les plus insupportables de l’Algérie indépendante. Pour l’instant, le ministère des Affaires étrangères se contente d’ignorer son méfait. On remarquera que les trois abus commis à Chlef, Bériane et Tizi- Ouzou relèvent de responsables appartenant tous au même clan. C’est dire que la culture du MALG est ancienne, dévastatrice et qu’elle continue de l’être. Il n’est pas interdit d’aimer sa région. Cela peut même être un premier éveil à l’intérêt de la collectivité. Il y a problème quand cette attention est conditionnée par la haine des autres. Ces archaïsmes sont le principal handicap du développement du pays. La gestion des affaires de l’Etat par l’opacité et la relation clanique témoigne de la fragilité de la conscience nationale. L’affaire remonte à loin. J’ai essayé d’apporter dans mon livre des éléments de réflexion sur les ressorts et les motifs qui ont amené la direction extérieure du FLN à tant de déchirements en pleine guerre. Pourquoi la responsabilité politique n’a pas prévalu au moment où la patrie devait être préservée des affrontements qui ont psychologiquement et politiquement mené l’Algérie à une implosion qui veut qu’aujourd’hui encore un responsable ne se sente en sécurité que s’il s’entoure de ses proches, indépendamment de toute considération idéologique. Ce manque d’adhésion à un dénominateur commun a permis à l’axe franco-égyptien de peser sur des esprits peu convaincus par la valeur de leur algérianité, pressés de s’exiler dans une identité plus valorisante. En s’ouvrant aux services spéciaux égyptiens sur les dangers que représentaient les Kabyles pour la nation arabe, Ben Bella ne faisait pas que jouer pour éliminer des adversaires politiques. Il était sincère. En disant que la Révolution algérienne ne dépendait ni du Caire ni de Moscou ni de Londres, Abane projetait un destin algérien qui dérangeait autant les Français que les Egyptiens. L’aide de Bourguiba, acquis à l’émancipation du sous-continent nord-africain, ne pouvait suffire devant la convergence objective des intérêts géostratégiques du Caire et de Paris. Proche de Nacer et bien connu des Français qui l’avaient testé comme soldat et détenu, Ben Bella représentait un bon compromis pour les deux puissances contre une entité algérienne forte et autonome. L’antikabylisme est moins préoccupant dans ce qu’il occasionne comme dommage à une région que dans ce qu’il révèle comme refus ou perte de confiance dans la construction d’un destin national solidaire et démocratique. La question de la femme et celle de l’antikabylisme sont les deux voyants dont il faut surveiller les évolutions sur le tableau de bord politique de la nation. Tant que l’on esquive ces deux tabous, l’Algérie vivra dans la mutilation civique et l’incertitude nationale. La perte de la citoyenneté sera compensée par la misogynie et le régionalisme étouffant la régionalisation ouvrira la porte à d’autres tutelles qui déposséderont notre peuple de sa souveraineté.
L’Histoire et la morale
M. Ould Kablia me reconnaît le droit de ne pas avoir d’atomes crochus avec Boumediène mais il m’invite à ne pas mêler Boussouf aux turpitudes algériennes, ce dernier ayant quitté volontairement le pouvoir à la veille de l’indépendance dès lors «qu’il a vu les inclinations des nouvelles alliances à s’orienter vers un pouvoir autoritaire d’exclusion et de déni des principes ». Un autre intervenant du sérail me proposait un deal rigoureusement inverse : pour lui, il fallait doper Boumediène et enfoncer Boussouf. A titre personnel, je n’ai jamais confondu les genres. Je n’ai aucun problème ni avec Boussouf ni avec Boumediène ni, d’ailleurs, avec M. Ould Kablia. Mais je ne suis pas partie prenante de ce bazar historique où chacun fait son marché selon ses appétits et ses humeurs. La chose est historiquement établie: Boumediène est une création du patron du MALG. Le fait que le colonel de l’armée des frontières se soit fait les dents sur son tuteur est un classique dans les pouvoirs nés dans l’opacité et la violence. Boussouf avait une conception policière du pouvoir, Boumediène était partisan de l’arbitraire militaire. Au final, nous avons eu les deux. Le grand perdant est le citoyen, c'est-à-dire l’Algérie. On l’observe aujourd’hui même. Une certaine tendance se dessine en faveur de la conception policière dans la gestion de la cité algérienne. Y a-t-il pour autant plus de liberté, de progrès ou de justice dans notre pays ? Au fond, le maquillage importe peu. Par définition, l’abus ignore la loi. Les amateurs et bénéficiaires de l’autoritarisme qui peuvent se disputer les avantages du pouvoir ne voudront jamais faire de la citoyenneté l’arbitre de la vie publique. M. Ould Kablia, qui donne l’impression de vouloir valoriser une certaine aristocratie policière au détriment de la plèbe militaire, partage avec ses frères ennemis la même conception du pouvoir. Il intervient sur un livre qui commence par interpeller la nation sur une indignité politique et une faute morale commises en son nom. Il n’a pas soufflé mot sur la séquestration des ossements de deux héros de la guerre, crime symbolique qui hantera longtemps nos consciences. L’histoire de l’Algérie fut, comme celle de tant de révolutions, dure, violente et quelquefois injuste. Je ne serai pas avec les analystes plus ou moins «parfumés » qui jugent, décrètent et condamnent avec d’autant plus d’arrogance qu’ils sont loin du pays et qu’ils s’occupent à élaborer des mises en scène pour complaire à leur galerie d’accueil ; je serai toujours avec celles et ceux qui ne veulent pas que des erreurs ou des fautes commises pendant la guerre où rien ne se déroula comme prévu et rien ne se termina comme souhaité, se reproduisent en temps de paix. Pour cela, la vérité est un impératif.
Saïd Sadi


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La réponse de Dahou Ould Kablia à Said Sadi
r Le Soir d'Algérie.
Le livre du Dr Saïd Sadi intitulé Amirouche : une vie, deux morts, un testament, paru dernièrement, a suscité, plus peut-être que beaucoup d’autres livres traitant de la lutte de Libération nationale, débats et polémiques auxquels ont participé jusqu’à présent, acteurs, témoins, analystes politiques ou historiens. Les débats ont moins porté sur la personne ou le parcours du colonel Amirouche, difficilement contestable, que sur le sens que l’auteur donne à certains de ses actes ou de ses paroles ainsi que les supputations sur ses relations avec ses pairs de l’intérieur et ses responsables de l’extérieur pour arriver à des accusations graves, impossibles à étayer, contre ceux qu’il désigne comme étant les responsables indirects ou directs de sa mort, qu’il nomme Boussouf et Boumediène.
Ce livre a donc interpellé les membres du Bureau de l’Association des anciens du MALG, acteurs historiques accusés outrageusement, tant en la personne de leur ex-responsable, le colonel Abdelhafidh Boussouf, que de la structure qu’il dirigeait et à laquelle ils appartenait, dans une affaire qui ne les concernait nullement. En l’étudiant, ils ont relevé de nombreuses entorses à la vérité. Ils ne cherchent pas la polémique avec l’auteur et encore moins à l’amener à se déjuger, car ils pensent bien que son opinion est définitivement arrêtée et de longue date. Le portrait du colonel Amirouche qu’il présente, lui servant, à leurs yeux, de ligne directrice pour un procès politique bien ciblé bien que totalement décalé. Le Bureau du MALG, qui a préparé cette intervention, en attend une contribution forte à l’endroit des lecteurs et des historiens, qui à la faveur de sa lecture, pourront se faire leur propre opinion sur des faits et des événements qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets. C’est à ce titre qu’ils se proposent d’apporter des clarifications, des critiques ou des démentis, selon le cas, à des arguments, analyses, jugements, écrits rapportés et autres témoignages largement énoncés tout au long de l’ouvrage.
Parmi ceux-ci :
l’environnement politique général prévalant en Wilaya III ;
la réunion projetée à Tunis et les raisons qui la fondaient ;
l’épineux problème des communications radio ;
la préparation du déplacement du colonel Amirouche ;
le registre des doléances du Conseil de wilaya ;
le déplacement qui lui coûtera la vie : la réalité historique et les supputations de l’auteur quant aux interférences qui auraient influé sur cet épisode ;
enfin une conclusion pour présenter une image du MALG plus conforme à la réalité.
I/ L’environnement politique : En cette deuxième moitié de l’année 58, plusieurs événements majeurs ont marqué l’histoire de la lutte de libération en général avec leurs incidences sur la Wilaya III.
En premier lieu : la formation du GPRA, le 19 septembre 1958, avec la désignation du colonel Krim Belkacem, premier chef de la Wilaya III en qualité de ministre des Forces armées et du colonel Mohammedi Saïd deuxième colonel de la même wilaya, en qualité de chef de l’état-major Est, qui assurait, il faut le rappeler, la tutelle sur les trois Wilayas de l’Est I, II, et III, autant dire que la Wilaya III bénéficiait, de ce fait, d’un soutien politique et moral de poids.
En second lieu : le «Complot» Lamouri où ce colonel de la Wilaya I ainsi que les colonels Nouaoura et Aouacheria et quelques-uns des officiers de leur entourage a tenté de destituer le GPRA naissant à la mi-novembre 1958 pour des raisons subjectives et partisanes sur lesquelles il est superflu de revenir, l’essentiel ayant été dit de longue date.
En troisième lieu : la situation matérielle de la Wilaya III, au regard du manque d’équipement matériel, armement, munitions et ce, suite à l’achèvement, à cette période, d’une ligne défensive électrifiée, minée et supérieurement protégée, la ligne Morice qui empêchait pratiquement tout acheminement d’hommes et de matériel vers l’intérieur.
En quatrième lieu : il s’agit évidemment de l’engagement militaire de l’armée ennemie qui menait une action brutale et soutenue contre la Wilaya III qu’elle considérait comme un bastion stratégique important, qu’il fallait réduire par tous les moyens.
Toutes les actions multiformes menées par les responsables de cette armée visaient principalement le colonel Amirouche, moteur de la résistance. L’échec militaire devenant patent, il a été fait recours, pour la première fois depuis le déclenchement de Novembre 1954, à un plan diabolique de déstabilisation par l’intoxication et la désinformation semant le doute dans les rangs de la Wilaya III. Ce plan était ce qui a été baptisé la «Bleuite». Celle-ci a réussi au-delà de toute espérance. Le colonel Amirouche tout comme n’importe quel autre responsable conscient du poids de ses responsabilités pour la protection et le sauvetage de son œuvre, n’a pas échappé à la manœuvre. Dès qu’il en prit connaissance à l’été 1958, sa réponse a été rapide, vigoureuse, totale et brutale. Il en assume la responsabilité dans sa lettre du 3 août 1958 adressée à tous les chefs des wilayas de l’intérieur et au C.C.E. Le malheur est que ceux qui ont pris en charge la mission d’y faire face, forts des instructions du chef, ont traqué avec le plus grand zèle et la plus grande barbarie les cibles qui leur ont été indiquées dans cette même lettre-circulaire, à savoir les «intellectuels, les lycéens issus de la grève des étudiants, les déserteurs de l’armée française, les personnes venant de Tunisie, du Maroc ou d’autres régions». Cette traque a duré des mois et s’est traduite par une hécatombe au sujet de laquelle il serait malséant de dresser des statistiques. Pour illustrer le zèle des exécutants de cette sinistre besogne, nous nous permettons de rapporter le témoignage d’un ex-officier de la Wilaya III M. A. M. qui, au lendemain de l’indépendance, a posé la question suivante à l’un des bourreaux de la wilaya, A. M. «Comment as-tu été capable de torturer et tuer autant de moudjahidine» ? «Si je ne l’avais pas fait, Si Amirouche m’aurait tué» ! me répondit-il : (sans commentaire). Toujours dans le chapitre de l’environnement politique, la réunion interwilayas initiée par le colonel Amirouche, du 6 au 12 décembre 1958 et groupant autour de lui les chefs des Wilayas IV, VI et I respectivement Si M’hamed, Si El Haouès et Hadj Lakhdar qui partageaient des préoccupations identiques aux siennes en ce qui concerne le tarissement du soutien extérieur, considéré, à tort ou à raison, comme un lâchage, avait pour but avoué d’unifier les rangs des chefs de l’intérieur, coordonner les actions à mener contre l’ennemi – continuer la chasse aux traîtres, tout en se présentant aux yeux du GPRA et de l’état-major comme un front uni et solidaire dont les avis et suggestions devraient être entendus. La défection de dernière minute du colonel Ali Kafi à cette réunion, qui se tenait sur son territoire, sur ordre supérieur certainement, a rompu l’unanimité souhaitée et infléchi la position des chefs de wilaya vers une attitude plus modérée en les amenant à se limiter aux seules questions militaires et organisationnelles internes, comme en témoigneront les différents P.V. de cette réunion adressés au GPRA dès le 1er janvier de l’année 1959. Bien plus à l’issue de cette réunion et en lieu et place d’une motion de défiance, c’est une motion de confiance et de soutien qui a été adressée le 1er janvier 1959 «au gouvernement de la jeune république», (cf. copie annexée au livre).
La réunion projetée à Tunis et les raisons qui la fondaient
L’ordre du jour relatif à cette réunion a été inscrit dans le message de convocation adressé aux colonels concernés. Il est signé du chef du COM Est Mohamed Saïd et vise les trois Wilayas la I, la II et la III, placées sous sa tutelle. Nous n’avons pas connaissance qu’un télégramme de même nature ait été transmis aux Wilayas IV, V, VI et si cela a été fait, il ne pouvait émaner que du COM Ouest. Le fait que le chef de la Wilaya VI, Si El Haouès, a décidé de s’y rendre malgré le désistement du chef de la Wilaya IV, Si M’hamed qui a reporté son départ, en raison des opérations du Plan Challe «Couronne et Etincelles» qui se déroulaient sur son territoire, depuis décembre 1958, confirme bien la réalité et l’importance de ce rendez-vous. Cependant, le projet d’ordre du jour qui ne mentionnait que des sujets traditionnels et habituels : situation militaire, politique, économique, financière, etc. sans perspective d’un examen de vision future important quant à l’organisation et la stratégie à mettre en œuvre dans la nouvelle phase de la lutte, laisse penser que les vraies questions à débattre étaient volontairement occultées. Nous pouvons avancer sans risque de nous tromper que les liens qui commençaient à se distendre entre l’intérieur et l’extérieur, les critiques non dissimulées, allant dans le sens d’une rupture de confiance, illustrée par la réunion interwilayas sus-évoquée, ainsi que la dramatique question de la Bleuite qui continuait à s’étendre et à décimer des cadres de niveau de plus en plus élevé, en Wilaya IV. Enfin la dissidence interne qui s’éternisait en W.I si bien qu’elle menaçait cette wilaya d’implosion. Tout cela indiquait qu’il ne pouvait s’agir que d’une réunion de mise au point d’une autre dimension où la confrontation n’était pas à exclure.
L’épineux problème des communications radio
Les débats ont également porté sur cette fameuse convocation à la réunion «de Tunis». Le Dr Sadi en présente une copie annexée à son livre. Le colonel Kafi parle d’un autre message qui lui est parvenu pour sa transmission au colonel Amirouche, ce que lui conteste le premier cité. Au MALG nous vous apportons la preuve qu’il y en avait trois, comme en témoigne le message signé de la main de Amirouche et ainsi libellé :
Exp. Sagh Thani Si Amirouch
Aux armées le 1er mars 1959
Destinataire : C.O.M. Tunis
Reçu 1er message date du 25 janvier en Nord Constantinois - remis 16 février
Reçu 2e message 39-70 le 18-2 par Wilaya I.
Reçu 3e message n° 47-77 - le 27-2 par Wilaya I.
Vers 20 avril, serons parmi vous.
Ce message, dont la copie est jointe en annexe, signé le 1er mars, a été envoyé par porteur au P.C. de la Wilaya I pour sa transmission à partir de la station locale, à COM. Tunis. Il n’est arrivé à ce P.C. que le 30 mars soit le lendemain du décès des deux colonels Si Amirouche et Si El Haouès. Le chef de station de la Wilaya I, Saïd Ben Abdellah, n’a pas jugé utile de lui donner suite comme il l’affirme dans ses mémoires. Une pause s’avère maintenant nécessaire pour expliciter la situation des équipements radio à travers les différentes wilayas à cette époque. Dès la mi-57 après la réception par le colonel Boussouf d’un quota de postes radio, de grande qualité ANGRC/9, toutes les wilayas ont été dotées de deux appareils servis par deux opérateurs chacun. C’est ainsi que la Wilaya III disposait de deux appareils et de quatre opérateurs dont les noms suivent : Belkhodja Nourredine, Aït Hami Tayeb, Laâredj Abdelmadjid et Amar «Dépanneur». Un des deux postes est tombé rapidement en panne et les quatre opérateurs ont été affectés à la station en fonction. Les choses ont marché normalement jusqu’à cette date fatidique du 9 décembre 1958 où l’explosion de la batterie nouvellement installée, après sa récupération opérée quelque temps auparavant sur le théâtre des opérations, a provoqué outre la destruction du poste radio, la mort des trois opérateurs cités en premier et des blessures plus ou moins graves au commandant Mohand Ou L’hadj et Abdelhafidh Amokrane, présents sur les lieux. Cet attentat criminel visait sûrement le colonel Amirouche qui, par chance, se trouvait ce jour-là hors de sa wilaya (réunion du Nord-constantinois). Après la destruction de cet appareil, le Commandement de la Wilaya III s’est trouvé privé de tout moyen radio et avait recours aux services des Wilayas I et II. Sur le plan régional à l’exception de la Wilaya III démunie, la Wilaya VI disposait d’une station dans sa région sud et la Wilaya IV, sous la pression des opérations Challe, avait réduit, sur ordre du colonel Si M’hamed, sa radio au silence total. Dans un paragraphe suivant, nous parlerons des mesures prises par les services du MALG pour remédier en faveur de la Wilaya III à cet important déficit.
Les préparatifs du déplacement
Avant que le colonel Amirouche ne prenne son départ vers la frontière, le Dr Sadi nous retrace les décisions organisationnelles prises par lui pour la direction de la wilaya durant son absence ainsi que ses dernières recommandations. Amirouche avait notamment chargé une commission spéciale afin de préparer un mémorandum de doléances à exposer à la réunion projetée en avril à Tunis. Ce mémorandum daté du 2 mars 1959, annexé à l’ouvrage du Dr Sadi, comprenait trente et un points. Sa lecture laisse à penser que le colonel Amirouche n’a pas participé à sa rédaction, parce que le document reprenait un certain nombre de considérations générales et que les points les plus importants de son contenu ne cadraient pas avec la réalité vécue en dehors de la Wilaya III ou bien que la solution avait été apportée auparavant.
Nous analysons quelques-uns de ces points
Point n° 3 : «Demandons offensive coordonnée et efficace de la ligne Morice pour attirer des forces ennemies en masse et soulager la pression sur l’intérieur, l’offensive doit surtout permettre le passage de matériel et de munitions. » Cette pétition de principe laisse croire que la Wilaya III ignorait ce qui se passait au niveau des frontières. En effet, après la réunion du 2e CNRA au Caire en août 1957, l’accent avait été mis sur l’effort de guerre et sur instruction du responsable des forces armées, au sein du CCE, une action d’envergure avait été projetée et mise en œuvre tout au long du premier semestre 1958. Sous la conduite du colonel Mohammedi Saïd, dix-sept grandes opérations de franchissement en masse du barrage ont été opérées. Ces actions étaient si violentes qu’elles ont provoqué les mesures de représailles que l’on connaît, avec l’agression de l’aviation française contre la ville tunisienne de Sakiet Sidi Youcef le 8 février. Ces actions ont provoqué des dégâts importants au niveau du barrage et des accrochages dantesques ont eu lieu, dont la bataille de Souk Ahras du 29 avril au 3 mai 1958 qui a opposé un millier de combattants de l’ALN, dont deux compagnies destinées à la Wilaya III à côté du bataillon de Mohamed Lakhdar Sirine. Les renforts pré-installés sur le barrage dès le début de l’année ont mobilisé trois divisions la 2e à Annaba, la 11e à Souk Ahras et la 7e à Tébessa, soit plus de 40 000 hommes auxquels il y a lieu d’ajouter les moyens blindés, aériens et l’artillerie lourde.
Ces accrochages ont causé des pertes considérables à l’ennemi compte tenu de l’armement moderne des combattants de l’ALN, mais aussi des pertes tout aussi considérables du côté ami, soit plus d’un millier de chouhada en six mois. Malgré ces demi-succès, les actions de harcèlement et les tentatives de franchissement n’ont jamais cessé.
Point n° 5 : «Réclamons rentrée des cadres et djounoud vivant à l’extérieur.» Cette question sera reprise lors de la réunion des dix colonels et du CNRA des mois de septembre et décembre de l’année suivante. Elle se concrétisera par le retour en Algérie du colonel Lotfi : W.V et pas moins de sept commandants : Abderrahmane Oumira : W. III ; Ali Souai : W. I ; Ahmed Bencherif : W. IV ; Ali Redjai : W. I ; tombé au champ d’honneur sur le barrage ; Faradj : W. V ; tombé au champ d’honneur en même temps que Lotfi ; le commandant Benyzar, tombé également au champ d’honneur sur le barrage et enfin le commandant Tahar Z’biri : W. I.
Point n° 6 : «Voulons répartition des postes, matériel et personnel des transmissions équitable.» Les services du MALG n’ont pas attendu cette requête, qui ne leur est jamais parvenue d’ailleurs, pour décider et organiser des envois de postes-radio et des opérateurs aux wilayas qui en étaient dépourvues. C’est ainsi que dès que la station-radio de la Wilaya III a été mise hors d’état de fonctionner, dans les conditions que l’on sait, deux envois ont été programmés quelques semaines après : trois postes-radio et six opérateurs, Khentache Abdelouahab, Aïssaoui Rachid, Chebira Amor, Drici Abdelaziz, Maâzouz Mohamed-Salah et Rezzoug Abdelouahab ont été adjoints au lieutenant Hidouche en partance pour la Wilaya III à la tête d’une compagnie. Après mille et une péripéties, le barrage a été traversé et à leur arrivée aux portes de Bône, précisément à Sidi Salem, la Seybouse en crue n’a pas permis leur avancée. Repérés dans la matinée, dans une orangeraie peu couverte, ils ont été pris à partie par l’aviation ennemie ce qui se traduira par la mort, le 24 juin 1959, de 47 djounoud dont les six opérateurs et la capture du reste des combattants blessés. Avant leur mort, les opérateurs avaient jeté leurs postes dans la rivière d’où ils seront retirés, quelques jours plus tard, par les hommes grenouilles de l’armée française. La deuxième opération destinée à la Wilaya III a été engagée à partir de la frontière ouest, au nord de Béchar. Deux opérateurs, Harouni Bouziane et Ladjali Mohamed, munis d’un poste-radio, ont pris la route vers la mi-avril en direction de la Wilaya III. Plus d’un mois plus tard, ils arriveront au PC de la Wilaya IV d’où ils attendront leur acheminement vers le lieu de leur affectation. Ils arriveront finalement à bon port juste avant le déclenchement de l’opération «Jumelles» et resteront silencieux, pendant toute la période de l’opération, pour éviter toute interception.
Point n° 16 : «Manquons cruellement matériel et munitions.» La réponse à ce point à été évoquée au point n° 3. Les membres du Conseil de Wilaya font abstraction des barrages électrifiés dont ils sous-estimaient l’efficacité. Les choses allaient beaucoup mieux avant la réalisation de cette ligne fortifiée. Les compagnies d’acheminement se dirigeaient régulièrement de la base de l’est vers la Wilaya III, notamment la célèbre compagnie de «Slimane l’assaut». Un bataillon a également quitté la Wilaya I à la mi-57 transportant plus de trois cents armes à la Wilaya III, ce qui réfute toute idée de discrimination ou d’ostracisme.
Point n° 17 : «Proposition d’installation d’une radio nationale à l’intérieur. » Proposition insensée compte tenu de l’équipement complexe, lourd et non maniable exigé, ce qui le rend vulnérable dès sa mise en route.
Point n° 23 : «Il est nécessaire de dépasser le stade de la guerilla et de passer le plus vite possible au stade de la guerre par la formation de grosses unités de type régiment ou division pour affronter avec de meilleurs résultats l’ennemi.» Proposition tout aussi insensée. La mise en œuvre du Plan Challe avec de très gros moyens, au contraire, a poussé l’ALN au pragmatisme par l’éclatement des katibas et des sections en unités de plus en plus petites.
Point n° 26 : «Aimerions que relations radio soient directes entre wilayas afin de régler problèmes urgents.» Rien n’interdisait les relations interwilayas si ce n’est l’intérêt sécuritaire. En effet, un code de chiffrement ne pouvait concerner que deux intervenants, la Wilaya et le Centre des transmissions national. Un code commun à plusieurs wilayas peut constituer un danger potentiel important en cas de sa récupération par l’ennemi à l’insu des autres parties utilisantes. En conclusion, ces quelques points du mémorandum, considérés sensibles et analysés objectivement, soulignent le caractère imparfait de la connaissance de la situation nouvelle créée par l’évolution de la guerre avec la nouvelle stratégie des grandes opérations «Challe», adossée à un système défensif aux frontières quasiment hermétiques. C’est cette méconnaissance et le manque de communication qui ont alimenté les rancœurs et accru les malentendus entre intérieur et extérieur. Les dirigeants extérieurs ne sont pas, non plus, exempts de tout reproche. Des solutions techniques appropriées pouvaient être envisagées par les commandants des frontières, dont le ravitaillement en armes, la formation et l’envoi de troupes vers l’intérieur constituaient la mission exclusive.
Le déplacement fatal
Pour son déplacement vers la frontière, le colonel Amirouche n’avait, comme à son habitude, soufflé mot sur le choix de son itinéraire. Sa légendaire prudence et son extrême vigilance faisaient qu’il était impossible pour l’ennemi de le localiser par les voies classiques y compris celles du maillage de plus en plus serré des réseaux d’informateurs locaux dont il avait perfectionné, en liaison avec les S. A. S., le modus operandi. La question de l’indiscrétion des messages radio est à exclure totalement puisque ni lui ni son compagnon ne disposaient de ce moyen et les stations principales en disposant étaient à l’arrêt volontaire ou forcé. L’allusion ici au rôle de Boussouf et de Boumediène, que l’auteur cherche à impliquer avec une énergie décuplée, ne peut résister à la critique. La vérité est que l’ennemi savait que des responsables de haut niveau, c'est-à-dire des chefs de wilaya, devaient se rendre à Tunis pour une réunion dans une période de temps qui se comptait en semaines ou en mois, mais la question des itinéraires restait toujours une inconnue. Il est utile de rappeler qu’en ce début d’année 1959, l’état-major de la 10e Région militaire avait mis en œuvre depuis la fin de l’année 1958 un vaste plan «d’éradication de la rébellion» selon les propos du général de Gaulle, que le général Challe lui-même devait encadrer et piloter. Partant de l’Oranie à l’ouest, de vastes opérations de ratissage avaient été menées et se concentraient en ce premier trimestre 1959 sur l’Ouarsenis et le Titteri. Des troupes nombreuses et suréquipées étaient à l’affût de la moindre information pour intervenir en n’importe quel point du territoire ciblé. Les opérations de recherche étaient donc nombreuses et les accrochages fréquents. C’est ce qui s’est passé dans la région de Bou Saâda où, d’approche en approche, ces troupes sont tombées tout à fait par hasard sur l’équipée des deux colonels sur le djebel Thamer, ce qui est confirmé par de nombreux cadres de l’ALN ayant vécu l’événement et consigné leur témoignage y compris dans le débat en cours. Beaucoup de rumeurs ont été propagées pour affirmer que l’encerclement en question fait suite à des aveux de djounoud arrêtés aux abords du djebel Thameur ou celui du djebel Zemra et ce suite à des opérations de routine d’unités du secteur. Cette éventualité est à écarter puisque le commandant de la 20e Division d’Infanterie, le général Roy, souligne dans son «rapport détaillé sur l’opération Amirouche», que la sous-zone Sud dont il avait le commandement s’étalait sur 30 000 km2 et qu’une série d’opérations y a été envisagée en «fonction de synthèses de renseignements établies par les 2e Bureau des secteurs de Djelfa et de Bou Saâda». Ce rapport du général Roy a été annexé par le Dr Sadi à son livre, pour bien montrer que le renforcement et la concentration de troupes dans cette sous-zone avaient été décidés par le général Massu suite à des renseignements parvenus à celui-ci (comment ?) indiquant le passage par le Hodna du colonel Amirouche. Malheureusement pour le Dr Sadi, ce rapport ne peut lui être d’aucun secours, parce que profane sur les questions militaires. Il en fait donc une très mauvaise lecture. Premièrement, la liste des unités composant la 20e DI citée dans le rapport n’indique en rien le renforcement. Bien au contraire, par rapport à la composition classique de la 20e DI telle qu’elle figure dans les organigrammes des 16 divisions existant en Algérie et présentée dans le livre de François Porteu de la Morandière Histoire de la Guerre d’Algérie page 364, la 20e DI installée à Médéa le 5 février 1957 comptait un nombre d’unités plus important à cette date, puisqu’il lui manque trois régiments importants qui ont été déplacés : le 2e RI, le 6e RI et le 19e Régiment de chasseurs. Le régiment parachutiste dont il est fait mention, comme unité de renfort, n’est que le 6e RPIMA qui préexistait dans l’organigramme. La seule unité nouvelle engagée dans l’action est le 2e Régiment étranger de cavalerie (Légionnaires) qui a été affecté aux réserves générales et opérait avec celles-ci dans le nord-ouest de la zone Sud, c'est-à-dire sur le territoire de la Wilaya IV. De plus le rapport, pourtant demandé par le Premier ministre français, n’indique nullement que l’objectif visé dans ces opérations, celle du djebel Zemra comme celle du djebel Thameur éloignées quand même de 80 km l’une de l’autre, concernait personnellement le colonel Amirouche. D’autres versions officielles existent, dont celle contenue dans le livre La Guerre en Algérie de l’historien militaire Georges Fleury que le Dr Sadi a dû lire puisqu’il le cite dans la bibliographie de son ouvrage. Georges Fleury rapporte que l’identité des hauts responsables n’a été déterminée qu’à l’issue de la bataille, ce qui a fait arriver en grande vitesse, ajoute-t-il, tout le gratin des «généraux étoilés». Il est facile d’en conclure que si les deux colonels avaient été localisés avant l’assaut, les mêmes «généraux étoilés », dont Massu, se seraient trouvés sur place à portée de fusil du théâtre des combats. Alors pourquoi ces accusations récurrentes contre Boumediène et Boussouf ? Nous pouvons comprendre que le démocrate Saïd Sadi n’a pas, d’atomes crochus avec Boumediène parce qu’il ne partage absolument pas, et c’est son droit, les idées et la conception de l’exercice du pouvoir tel que pratiqué par celui-ci durant de très longues années. Ce n’est pas le cas de Boussouf qui a volontairement quitté l’arène politique à la veille de l’Indépendance quand il a vu l’inclination des nouvelles alliances à s’orienter vers un pouvoir autoritaire d’exclusion et de déni des principes, dont il s’est nourri avec des militants de la trempe de Ben M’hidi durant leurs dures années de militantisme clandestin. Ces principes d’intégrité morale, de don de soi, de patriotisme sans concession, il les a appliqués à la lettre durant l’exercice de ses responsabilités durant la Révolution. Oui il a été dur et rigoureux avec ses pairs lorsque les circonstances l’exigeaient, mais il a agi, il a construit, il a laissé un bilan. De tout ce bilan : liaisons, transmissions, radio, logistique de meneur d’hommes, pourvoyeur d’armes, formateur dans les disciplines militaires basiques et dans les disciplines spécialisées, ambitieux pour la Révolution autant que pour ses cadres qu’il voulait élever au plus haut niveau de leurs possibilités et il y est arrivé puisqu’il a laissé à l’Algérie indépendante des centaines de cadres intégrés, engagés, immédiatement utilisables. On oublie donc tout ce bilan pour s’accrocher au Boussouf responsable des services de renseignement de la Révolution. Il faut pénétrer dans le secret de ces services pour constater que ce n’est pas du tout l’image qu’en donnent leurs détracteurs. Les services de renseignement de Boussouf étaient orientés exclusivement vers l’ennemi dont il fallait connaître les intentions et les moyens d’action que ce soit dans le domaine militaire prioritaire, politique, économique, ou diplomatique. Ces informations, Boussouf les mettait au service de la Révolution et au service de la lutte. Si les cadres qui ont travaillé avec lui, et ils sont plus de deux mille comparativement aux quelques dizaines de cadres qui faisaient tourner les autres secteurs ministériels, lui témoignent aujourd’hui respect et reconnaissance c’est encore et à cause de son bilan qui est aussi le leur. Boussouf n’avait aucun problème avec Abane, Krim ou Amirouche. Leurs chemins se sont très peu croisés. Arrivera un moment où toutes ces questions seront éclaircies. Par ailleurs, Boussouf n’a joué aucun rôle dans ce qui s’est passé après l’indépendance, et les tenants du pouvoir en place lui vouaient une inimitié incompréhensible. Ses «hommes», si souvent montrés du doigt, ont, grâce à la compétence acquise, occupé effectivement des postes importants dans les rouages de l’Etat naissant, dans le secteur minoritaire de l’armée, dans ceux de l’administration et de la diplomatie, mais les analystes éclairés, et le Dr Sadi doit en faire partie, savent que ni eux ni les autres cadres à la tête de rouages stratégiques de l’État ne constituaient le pouvoir, propriété exclusive de la tête de la pyramide. Aujourd’hui les membres de l’Association du MALG, membres à part entière de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), ne sont pas un parti ou un lobby politique et encore moins une secte. Il s’agit tout simplement d’une Amicale d’anciens compagnons issus de toutes les parties du territoire national dont une grande partie de la région que certains veulent singulariser à tout prix et leur ambition a été et demeure d’apporter les témoignages de ce qu’ils savent sur la lutte de libération tout en renforçant les liens de fraternité qui devraient prévaloir partout et toujours pour la préservation de l’image sacrée de la grande Révolution.
P./le bureau du MALG
D. O. K

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À propos du colonel MOHAMED LAMOURI, chef historique de la wilaya I : Salah Goudjil répond à Daho Ould Kablia.

L’Association des anciens cadres du MALG vient de publier, dans les colonnes de la presse nationale, un commentaire circonstancié consacré au livre que le Dr Saïd Sadi a récemment rédigé pour évoquer la mémoire du colonel Amirouche, chef disparu de la Wilaya III.
Ce commentaire, signé par le président de l’Association des anciens cadres du MALG, M. Dahou Ould Kablia, comporte une malheureuse digression qui porte atteinte à la mémoire du colonel Mohamed Lamouri, et à celle de ses compagnons de lutte emprisonnés et jugés avec lui, lors de ce qui est désigné, par euphémisme, «Complot des colonels». Certes, les auteurs du commentaire ont-ils été prévenants en mettant entre guillemets la polémique inattendue soulevée par le livre du Dr Saïd Saâdi et l’épisode, improprement, appelé « Complot des colonels ».Certes, ces mêmes auteurs ont-ils justifié la chose par leur souci d’éclairer l’opinion publique sur le climat interne auquel était confronté le GPRA à l’époque de la mort du colonel Amirouche. La tonalité par laquelle le commentaire évoque la personnalité du colonel Mohamed Lamouri et ses compagnons reste, cependant, empreinte de désinvolture. Peut-on se permettre ce ton de désinvolture en évoquant le souvenir de valeureux et héroïques combattants de l’ALN ? Le jugement désinvolte qui transparaît de la citation de cet épisode douloureux de l’histoire nationale dans le commentaire sus-indiqué nécessite, incontestablement, une mise au point. Une mise au point qui porte, d’abord, sur la méthode. De toute évidence, le président de l’Association des anciens cadres du MALG et ses compagnons s’appuient, pour se livrer à ce jugement péremptoire, sur la seule version léguée par le GPRA dans ses archives. Il est normal que le GPRA porte un jugement sans nuances sur des protagonistes qu’il a, impitoyablement, combattus et qu’il sait chargés de légitimité historique et de charisme militaire. Il eut été souhaitable que l’évocation de cet épisode, près d’un demi-siècle après les faits, comporte le recul nécessaire et plutôt que de délivrer un jugement désinvolte, s’efforce de revisiter l’Histoire avec un regard serein , débarrassé des accusations sentencieuses et reposant sur des sources contradictoires, notamment des documents authentiques détenus par d’autres structures que le GPRA ainsi que les témoignages irréfragables des protagonistes encore en vie de cet épisode. Il aurait été facile, dans ces circonstances, de constater qu’il n’y eu rien de «subjectif» ou de «partisan» dans les doléances des martyrs imprudemment évoqués avec un ton de légèreté. Exiger, en effet, que la réunion du CNRA se déroule aux frontières, au milieu des combattants de l’ALN et non dans la capitale égyptienne, c’est une doléance partisane ? Demander, en effet, des éclaircissements sur la mort de Abane Ramdane, c’est une doléance subjective ? Une mise au point qui porte, ensuite, sur des considérations d’ordre moral. Sans douter de la bonne foi de M. Dahou Ould Kablia et de ses compagnons, il faut tirer prétexte de leur incorrection, ou à tout le moins de leur erreur, pour rétablir la vérité sur cet épisode important de l’histoire de la guerre de Libération nationale. Il faut bien mettre en évidence, d’une part, que les protagonistes de ce supposé complot étaient des figures emblématiques de l’ALN. Jugez-en car il ne s’est agi pas moins que des colonels Mohamed Lamouri et Ahmed Nouaouria, chefs successifs de la Wilaya I, du colonel Mohamed Aouachria chef de la Base de l’Est et du commandant Mustapha Lakhal, figure légendaire du commando Ali-Khodja. Leur combat, d’autre part, jusqu’aux conditions tragiques de leur mort sur le sol tunisien, loin de renvoyer à un vulgaire complot, témoigne, au contraire, d’une profonde détresse vécue comme une déchirure probablement, par de prestigieux chefs de guerre excédés par le comportement des membres des organes dirigeants de la Révolution. Il suffit de savoir, pour se convaincre de la probité exceptionnelle du colonel Mohamed Lamouri, que celui-ci , avec une grande dignité, a préféré mourir des mains de ses compagnons que d’accepter la protection que lui offrait le président Bourguiba dès lors qu’il fut convaincu qu’il s’agissait d’une liquidation d’un contradicteur, pas celle d’un comploteur. S’il est normal que les versions contradictoires sur cet épisode puissent exister, il n’est pas tolérable, cependant, que, par une évocation tronquée, ces valeureux officiers de l’ALN jugés et condamnés par le GPRA dans des conditions sujettes à caution soient cités et traités comme d’obscurs mokhaznis ou de sinistres supplétifs. Il faut rendre hommage au président Chadli Bendjedid, à cet égard, lui le premier chef de l’Etat a avoir rétabli dans leur honneur ces officiers défunts en procédant à l’inhumation posthume de leurs dépouilles au cimetière d’El Alia, dans le carré des martyrs. L’auteur de ces lignes qui est le compagnon de combat et de détention du colonel Mohamed Lamouri après avoir été son ami de jeunesse estime venu le temps de libérer sa mémoire par un témoignage exhaustif sur cet épisode douloureux de l’histoire de la guerre de Libération nationale. Un témoignage dédié au personnage attachant et émouvant du colonel Mohamed Lamouri qui sera publié incessamment et dont l’auteur s’acquitte comme d’un «devoir de mémoire». Il faut souhaiter que l’Association des anciens cadres du MALG, à la lecture de ce témoignage, ait à cœur, alors, de rectifier le jugement partial qu’elle porte sur l’évènement et ses acteurs.

Salah Goudjil.
(Témoignage publié au quotidien Le Soir d’Algérie).
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Le Soir d’Algérie, 5 juin 2010

Quel regard porte la veuve du défunt président Houari Boumediène sur le débat et la polémique qui ont fait suite à la publication du livre Amirouche : une vie, deux morts, un testament de Saïd Sadi ? Comment réagit-elle aux déclarations des uns et des autres sur l’écriture de l’Histoire ? Ce sont les questions que nous avons posées à Anissa Boumediène, présente dans les salons de l’Unesco, lors de la réception donnée par la délégation algérienne fêtant la consécration de Rabah Madjer, en tant qu’ambassadeur de bonne volonté de cette institution.
L’exercice n’a pas été très facile, tant il nous a paru que l’ancienne première dame était loin du tumulte actuel inhérent à l’écriture de notre histoire et que, manifestement, elle n’a pas lu l’ouvrage ayant enclenché le débat. Elle avouera d’ailleurs elle-même, d’entrée de jeu, qu’elle vit ici, en France, et qu’elle n’a pas suivi ce débat. Toutefois, avec beaucoup d’amabilité mais aussi beaucoup de colère, elle a répondu à quelques questions de notre journal.

De notre bureau de Paris, Le Soir d’Algérie, 5 juin 2010
Khadidja Baba-Ahmed.

Le Soir d’Algérie : Que pensez-vous du débat actuel sur l’écriture de l’Histoire et particulièrement sur le rôle controversé de votre défunt mari durant la guerre et lors de l’exercice de ses fonctions en tant que président ?
Anissa Boumediène : Je trouve que ce qui a été dit à propos de Boumediène est scandaleux parce que tout ceci montre que ces personnes n’ont jamais pris connaissance par elles-mêmes des archives de la République algérienne, ce que moi, j’ai fait.
Sauf qu’il n’est pas donné à tout le monde d’accéder à ces archives…
Alors qu’on se taise et que l’on ne dise pas des idioties et des choses très graves sur des gens qui ne sont plus là et qui ne peuvent même pas rétablir la vérité et se défendre. Le président Boumediène disait toujours que l’histoire de l’Algérie doit être écrite à la lumière des documents d’archives et il savait très bien ce que cela voulait dire. J’émets d’ailleurs le vœu que ces archives soient accessibles aux chercheurs algériens. Lorsque j’ai eu à écrire, il y a quelques années dans le Soir d’Algériesur le bilan de Boumediène, que je considère comme tout à fait satisfaisant, je m’étais appuyée sur les rapports de la Banque mondiale, du FMI et d’un certain nombre d’organismes internationaux. Je trouve qu’écrire sur l’Histoire est d’une grande responsabilité et qu’il ne faut pas, comme malheureusement on le voit trop souvent dans notre pays, écrire sans prendre connaissance des documents d’archives.
Mais en l’occurrence, et pour ce qui a provoqué le débat, l’auteur du livre, Saïd Sadi, s’est appuyé sur des documents et mieux encore sur des acteurs encore vivants de la révolution. Le fils de Amirouche a d’ailleurs corroboré le contenu de l’ouvrage.
Le fils de Amirouche, je le regrette, n’était pas du tout vivant au moment des événements qui se sont passés. Il ne fait que véhiculer et répéter ce qu’ont dit certains et c’est bien regrettable parce que ce sont là des jeunes qui sont induits en erreur. Moi j’ai eu les archives de la Révolution algérienne. La réunion des Dix qui a regroupé les principaux chefs militaires de la guerre (référence à la tenue à Tunis en août et septembre 1959 des principaux chefs militaires de la révolution, dont Boumediène) qui a duré trois mois et qui a été la réunion la plus importante de la Révolution algérienne, parce qu’elle a mis cette révolution sur les rails et que beaucoup de vérités y ont été dites, eh bien, à son propos même des écrivains comme Mohamed Harbi ont malheureusement consacré qu’une ligne ! Pour illustrer mon propos sur les mémoires, un jour, quelqu’un qui a participé aux accords d’Evian a écrit ses mémoires et y dit, entre autres, «moi au cours de la réunion du CNRA, j’ai dit, j’ai dit et j’ai encore dit …» Lorsque j’ai eu à comparer ses propos avec les archives de la réunion du CNRA qui a précédé la signature des accords d’Evian, j’ai vu qu’en réalité tout ce qu’il a prétendu avoir dit n’en était rien et j’avais alors souligné ce fait dans un article paru alors dans Algérie Actualité.
A la suite de la publication du livre de Saïd Sadi, Ali Kafi, par exemple, dénie à Sadi d’écrire sur l’Histoire déclarant, entre autres, que l’auteur, parce qu’il est psychiatre et pas historien, «n’a pas le droit d’écrire sur l’Histoire». Que pensez-vous de cette déclaration ?
C’est une parole juste. Au moins que ceux qui veulent écrire sur l’Histoire, le fassent à la lumière des documents d’archives. J’ajouterai qu’il faut connaître à fond le français pour lire tous les documents.
K. B.-A.

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Lettre au Dr Saïd Saadi
par Mohammed-Brahim Farouk*

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Passionné par l'histoire de la guerre de libération nationale, je me fais un devoir de lire tout livre-témoignage sur cette période.

Votre livre «Amirouche, une vie, deux morts, un testament», au vu du tapage médiatique et de la polémique qui ont précédé sa parution, a aiguisé ma curiosité et suscité un intérêt particulier, m'amenant à le lire deux fois.

Après ces deux lectures, je suis envahi pas un sentiment où se mêlent déception et colère. Déception de voir l'homme politique que vous êtes prendre le dessus sur l'historien que vous auriez voulu être. Colère de voir que la biographie d'un héros national sert de trame à une analyse politique partisane. La même méthode que ceux que vous condamnez pour leur manipulation de l'histoire.

Enfin en lisant votre livre, je ne comprends pas l'utilité de l'intrusion dans le récit d'éléments autobiographiques: votre bravoure d'écolier de 11 ans lançant à la face de votre instituteur «non Amirouche n'est pas mort!», votre emprisonnement à Lambèze, votre voyage à Tunis dans le cadre de la Ligue des droits de l'homme, ou encore votre invitation par le parti démocrate américain à Boston, qui révèle le sénateur Obama et j'en passe ! Est-ce une propension à vous mettre en avant?

Votre livre est à l'opposé de ce que vous préconisez: «une lecture apaisée de l'histoire».

Dès l'avant-propos, le décor est planté. Diatribes contre le régime par des phrases assassines (Boumedienne et makhzen, le tandem Boussouf- Boumedienne …) et des accusations graves (les armées Française et Algérienne ont fait preuve de remarquable complémentarité…). Même le héros du tiers-monde, Mehdi Benbarka n'est épargné (p.19).

Sous votre obnubilation à faire du Colonel Amirouche, héros national, un mythe en le présentant comme «un chevalier preux, sans peur et sans reproche», vous n'hésitez pas à lui attribuer l'engagement du président Kennedy au côté du peuple algérien (p. 28), c'est occulter le travail titanesque fait par Aït-Ahmed, Yazid et Chanderli qui, dès 1956, réussissent à inscrire la question algérienne à l'ONU, et les contacts, dès cette année, avec les sénateurs américains dont le jeune J.F. Kennedy. Ce dernier exprime hautement l'opinion américaine: «L'Algérie a cessé d'être un problème français» et déposé devant le Sénat une résolution demandant «l'intervention du gouvernement américain en faveur de l'indépendance de l'Algérie». Ce soutien cependant n'engageait pas l'Algérie à se désolidariser du peuple cubain - Ce qui aurait été un reniement des principes même de la révolution algérienne-c'est ce que vous ne prenez pas en considération en condamnant le voyage de Benbella à Cuba en 1963.

Ceci dit, permettez M. Saadi, à un simple citoyen, qui n'est ni un homme politique ni un historien, de faire quelques commentaires sur votre livre.

1- Le Colonel Amirouche est un des plus illustres héros de la guerre de libération, aussi n'a-t-il nullement besoin pour être valorisé de dévaloriser d'autres acteurs de cette période, surtout lorsqu'ils ont été parmi les premiers maquisards. A. Ramdane disait « que dès que l'on s'engageait dans la révolution, on était des morts en sursis». Ces premiers maquisards n'étaient pas certains de survivre jusqu'à l'indépendance.

-Le Colonel Si Nacer - de son vrai nom Mohammedi Saïd - dont les parcours, avant la révolution et après l'indépendance, sont condamnables, n'en est pas moins l'un des tout premiers maquisards de la Kabylie, et l'un des premiers colonels de l'ALN, bien sûr comme tout un chacun avec ses faiblesses et ses moments d'héroïsme. Ses 130 kg, comme vous vous plaisez à le souligner dans le but de le ridiculiser, ne l'ont pas empêché d'organiser, selon les conditions d'une révolution balbutiante, la Kabylie.

- Le Colonel Ali Kafi, avec qui vous pouvez ne pas partager la même analyse politique, voire la même idéologie(et c'est votre droit), a droit à un procès d'intention en règle. Mais ne mérite nullement, tout d'abord simplement en tant qu'homme, puis en tant que l'un des premiers maquisards, l'insulte de « condottière » (chefs mercenaires au 13ème et 14ème siècles en Italie, à la solde de différents Etats).

-Le Colonel Lotfi, malgré les qualificatifs élogieux que vous lui attribuez (vous vous octroyez le rôle de juge), vous mentionnez qu'il dirigeait la Wilaya V à partir du Maroc. Il est nécessaire de rappeler pour la vérité historique que le Colonel Lotfi , de son vrai nom Boudghene Ben Ali, est né à Tlemcen en 1934, il rejoint les rangs de l'ALN en octobre 1955. Devient capitaine de la zone 8, et commandant membre du PC de la Wilaya V. En 1958, est promu Colonel commandant la Wilaya V. L'unique fois où il quitte sa Wilaya, c'est pour assister à la réunion du CNRA à Tripoli pendant l'hiver 1959-1960. Il tombera au champ d'honneur le 28 Mars 1960 au sud de Béchar.

L'âge des colonels de l'ALN, semblant avoir un intérêt pour vous, je vous signale que le colonel Lotfi a été promu colonel à 24 ans et est mort à 26 ans.

2- Ferhat Abbas, le premier président du GPRA dédiait son livre «Autopsie d'une guerre» à «la mémoire de Abane Ramdane, et à celle de tous les Algériens exécutés injustement par leurs propres frères ». Les exécutions injustes ont été légion pendant la guerre: officiers de l'ALN et djounoud (lors de la bleuite), des civils lors d'expéditions punitives (Mellouza ou Dagen).

Selon tous les témoignages, si la responsabilité de Amirouche n'est nullement engagée à Mellouza, elle est par contre pleine et entière à Dragen, appelée « la nuit rouge de la Soummam» et la «bleuite», même si dans votre livre vous tentez de l'atténuer.

Ecoutons le témoignage rapporté par F. Abbas (Autopsie d'une guerre): «Au lendemain de cette nuit, un vieux Kabyle en fit le reproche à Amirouche; «Nous avons le droit de châtier les traîtres», répondit Amirouche, Dieu est avec nous». Et le vieillard de répliquer: « Si tu continues dans cette voie, il ne restera en Algérie que toi et Dieu».

Lors d'une rencontre avec Amirouche (qui n'était pas encore colonel), F. Abbas lui demandera des précisions sur les conditions du massacre; les explications fournies sont jugées par F. Abbas comme «raisonnements spéciaux» et il ajoutera: «J'ai jugé Amirouche comme un combattant courageux, actif, mais psychologiquement sans nuance». Pour ce qui est de «complot de la bleuite» lors duquel des officiers de l'ALN et des centaines de jeunes ayant abandonné les bancs des lycées et des universités pour rejoindre le maquis, furent sauvagement torturés et exécutés sommairement, les arguments que vous utilisez dans votre livre ne peuvent aucunement atténuer la responsabilité du colonel Amirouche.

Mettre cela sur le zèle de son adjoint, le commandant Mahyouz, qui a fait ses classes dans les rangs des SS de l'Allemagne nazie, n'est pas recevable comme argument. Vous-même, vous soulignez que Amirouche était respecté et obéi par ses hommes.

Expliquer que la Wilaya IV a été atteinte dans une moindre mesure n'est pas un argument sérieux, d'autant plus que c'est Amirouche qui a suggéré «la purge», comme vous le soulignez.

Un crime de cette ampleur, qui s'apparente à un crime de guerre, ne peut être blanchi par des supposées félicitations du GPRA, dont vous ne présentez aucune preuve d'archives. Enfin vous «jouez» sur le nombre des victimes, ce qui est purement scandaleux ! comme si le nombre de «seulement» 400 victimes pouvait en atténuer l'atrocité.

Le journal «El Watan» rapporte, dans une de ses éditions de Mai 2010, que le colonel Youcef Khatib justifie ces crimes «par l'intérêt de la révolution» , argument irrecevable au regard du droit à la vie. Même si l'on s'accorde à dire qu'aucune révolution n'est propre.

Allez expliquez cela aux familles qui ont eu l'honneur et le bonheur de voir leurs enfants répondre à l'appel de la patrie et qui apprennent qu'ils ont été assassinés par leurs frères.

F. Abbas dira que «Amirouche et son adjoint Mahyouz étaient trop simples pour déjouer le piège». Il rapportera des paroles: «il y a quelque chose qui ne va pas, il est impensable que des hommes que j'ai bien connus, que j'ai formés, qui se sont battus à mes côtés et dont le patriotisme est au-dessus de tout soupçon, soient devenus des traîtres». Selon les déclarations de Abbas et de Krim, on est loin de prétendues félicitations du GPRA.

3- Tous les acteurs et témoins de la guerre de libération reconnaissent l'organisation exemplaire de la Willaya III. Cependant, il faut nuancer. Chaque Willaya s'organise en fonction du terrain (la Kabylie montagneuse, l'Oranie faite de plaines) et de ses capacités humaines et matérielles.

La tolérance de Amirouche que vous soulignez quant au respect du jeûne du Ramadhan, des prières, etc., n'est simplement que le reflet du caractère tolérant de cette époque où les Algériens vivaient leur religion dans le cadre de la laïcité, avant que notre pays ne soit le théâtre de bigoterie sous-entendue par l'Islamisme. De même, la mixité était de règle dans toutes les Wilayate. Cela m'a été confirmé par des maquisardes de la première heure de la Wilaya V : feu Mme Benyahia Zohra, ancienne anesthésiste au CHU d'Oran et Mme Yekhou Saléha toujours vivante.

4- Le colonel Amirouche n'a pas été assassiné mais est mort en héros, debout, les armes à la main devant une armada que vous décriviez avec précision. Le même destin que le colonel si Mohammed ou encore celui du colonel Lotfi. Je reprends les paroles de Abanne Ramdane, sus citées: «Quand on s'engage dans la révolution, on est des morts en sursis».

Vous insistez sur le caractère suspect de cette mort en dehors de la Kabylie (affirmation pleine de sous-entendus) pour avancer votre certitude, le colonel Amirouche a été donné aux Français par Boussouf et Boumedienne, grave accusation sans aucune preuve matérielle, sinon un témoignage rapportant que Krim aurait demandé à Amirouche de changer d'itinéraire, sans aucune explication. Ce témoignage serait crédible car il recouperait un autre que vous rapportez: à l'EMG, un message français aurait été capté informant du déplacement de Amirouche. De là à affirmer qu'il aurait été donné par ses frères d'armes est un pas qu'aucun historien ne franchira par manque d'archives.

D'autres témoignages rapportés par d'autres acteurs réfutent la thèse du complot. Les historiens un jour trancheront sur la base d'archives. En sous-tendant cette question par votre haine viscérale du régime de Boumedienne, le long de votre livre, vous ne rendez pas service à la vérité.

5- La séquestration des ossements des colonels Amirouche et si Haoues est condamnable et moralement inacceptable. Cependant, les acteurs de cette période n'étant plus de ce monde, tout ce qui pourra être dit sur les raisons (si toutefois, raisons il y a) ne peut être que spéculation.

6- A Oran, pendant la guerre, nos mères n'ont pas chanté pour nous les louanges de Amirouche. Nos sœurs et cousines n'ont pas composé de poèmes à la gloire de Amirouche. Les instituteurs dans les écoles ne nous ont pas annoncé la mort de Amirouche. Mais je me souviens des mines tristes et défaites des Oranaises et Oranais, apprenant la mort de Amirouche par «L'Echo d'Oran». Amirouche, au même titre que Zabana ou le colonel Lotfi, est un illustre héros national pour les Oranais.

L'impression qui se dégage de votre livre est que la Kabylie le revendique pour elle-même. Je vous reproche de l'avoir «ghettoïsé» dans la Kabylie. A plusieurs reprises, vous le qualifiez de « jeune chef Kabyle » ou de « chef kabyle » plutôt que de responsable de la Wilaya III. Vous rapportez souvent ses propos en tamazight, comme si cela était nécessaire à la clarté du récit. Pour souligner l'efficacité de Amirouche, vous comparez le PC de la Wilaya III à un mini-gouvernement, pour finir carrément de comparer la Kabylie à un «mini-état». Comparaison lourde de sens pouvant inciter certains aventuriers à suggérer que le colonel Amirouche pourrait être le précurseur des idées défendues par le MAK ( mouvement pour l'autonomie de la Kabylie), lui qui est mort héroïquement pour une Algérie indépendante et unie.

Ce sont les six commentaires que je souhaiterai faire après lecture de votre livre. Ce livre ne vous aide pas à jouer le rôle de rassembleur des forces démocratiques auquel vous aspirez. Car dans ce livre vous assenez brutalement des vérités, vos vérités qui vous semblent absolues, ne souffrant ni démenti ni contradiction. Tous ceux qui vous ont amené la contradiction, vous les avez voués aux gémonies, souvent en usant de l'insulte : Monsieur Benachenhou, le colonel Ali Kafi, l'écrivain Rachid Boujedra, etc. Au passage, vous vous en prenez aux intellectuels (complices du régime), les communistes (leur «soutien critique» à Boumedienne), même le grand historien Mohammed Harbi n'échappe pas à votre esprit vindicatif. Je cite: «la difficulté des intellectuels algériens à préserver leur autonomie quand ils ont été acteurs de la guerre» (p. 341).

Je suis d'accord avec vous «que les hommes de conviction survivent rarement aux révolutions», et vous citez Che Guevara.

A la différence de la biographie de Amirouche que vous présentez, quand on lit celle du « Che » où l'on visionne le film qui lui a été consacré, on découvre un héros hors du commun, auteur d'actes héroïques, doué du sens de l'organisation, mais aussi un homme avec ses faiblesses et ses erreurs humaines. Dr Saâdi, ne faites pas de Amirouche un mythe. La génération actuelle vivant dans un monde globalisé et à l'heure des NTIC ne croit pas aux mythes, mais aux héros en chair et en os.

Le colonel Amirouche, quelles que soient ses erreurs de jugement, restera pour chaque Algérienne et chaque Algérien un héros national de l'épopée de la révolution. D'ailleurs d'est en ouest, du nord au sud, dans chaque ville, chaque village, un édifice public, une place ou un boulevard porte son nom.

Dr Saâdi, restez l'homme politique, défenseur d'une Algérie républicaine, démocratique, moderne, ouverte à l'universalité et laissez aux historiens le soin d'écrire l'histoire, dont c'est la mission. L'histoire pour être objective ne peut être écrite sur la base d'archives, comme le déclare à «El Watan» le sociologue et historien D.Djerbal.

*Professeur de chirurgie et cancérologie CHU Oran

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Sadek Sellam Historien de l’islam contemporain.


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L’affaire Si Salah, vécue par le commandant Lakhdar Bouregaa


In  [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]




Les raisons de l’échec des négociations secrètes qui aboutirent à la rencontre du 10 juin 1960 entre de Gaulle et la délégation de la Wilaya 4, conduite par le colonel Si Salah, restaient insuffisamment connues. Les révélations contenues dans les mémoires que publie récemment en arabe le commandant Lakhdar Bouréga comblent une partie de ces lacunes. Les témoignages de cet acteur de l’ « affaire de l’Élysée » renseignent également sur le vécu de l’ALN et retracent les parcours des grandes figures de la Wilaya 4. To this day, the motives of the failure of the secret negotiations which lead to the meeting of June 10, 1960 between de Gaulle and wilaya 4’s delegation leaded by colonel Si Salah remained inuficiently. Part of the lacune are filled by the revelations of commandant Lakhdar Bouréga’s memoirs, recently published in arabic. The testimony of this actor of the Élysée affair also informs us about life in the ALN and shares with us the journey of wilaya 4’s great figures.




Lakhdar Bourèga, l’ancien chef de la katiba (compagnie) Zoubiria, a vécu à l’intérieur de la wilaya IV l’affaire Si Salah, en tant qu’adjoint militaire du capitaine Abdelatif, le chef de la mintaka 42. Dans ses Mémoires, parues en arabe sous le titre Témoin de l’assassinat de la Révolution (Dar al Hikma, Alger), il fait des révélations sur cet épisode de la guerre d’Algérie. Sadek Sellam résume dans cet article la relation par L. Bourèga de cette « ténébreuse affaire ». Si Lakhdar Bourèga a lu les épreuves de cet article qu’il a trouvé conforme à ses mémoires.




Les protagonistes de l’affaire




Le discours du 16 septembre 1959 dans lequel le général de Gaulle a parlé d’autodétermination a rencontré un écho favorable chez certains officiers supérieurs de l’ALN. Ceux-ci manifestaient de plus en plus de confiance envers le chef de l’État qu’ils croyaient être en mesure d’aller vers une solution satisfaisante du conflit algérien par la voie de la négociation. L’idée même d’autodétermination leur paraissait représenter un début de reconnaissance des revendications politiques pour lesquelles ils combattaient depuis cinq ans.




La même intervention provoquait la consternation chez les officiers de l’armée française d’Algérie qui croyaient à une issue militaire. C’est en confiant leur perplexité au colonel Alain de Boissieu, qui était chef de cabinet du délégué général Paul Delouvrier, que ces partisans d’une victoire militaire ont entendu le gendre de De Gaulle leur répondre que seule « la neutralisation d’un chef de wilaya » pourrait dissuader son beau-père de chercher à négocier avec le GPRA. Le colonel Henri Jacquin qui dirigeait le BEL (Bureau d’études et de liaisons) assistait à l’entretien. Il passa aussitôt en revue la situation de toutes les wilayas avant de jeter son dévolu sur « la IV ».




Malgré les graves difficultés internes dues notamment aux défections provoquées par l’offre de la « Paix des braves » par le général de Gaulle en septembre 1958, et qui donnèrent lieu à de sévères mesures d’ « épuration », et en dépit des rudes coups portés en 1959 par l’opération « Courroie » du plan Challe qui lui valut de perdre près de la moitié de ses effectifs, la wilaya de l’Algérois gardait, avec ses 2 500 djounouds (selon les estimations du BEL), une importance militaire certaine[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Selon Jacquin, la wilaya IV était restée « le phare de la résistance intérieure ». L’affaire Si Salah, ou opération « Tilsit », est née de la diffusion au sein de l’ALN de l’idée d’une paix séparée par les officiers du BEL, qui étaient dirigés notamment par le capitaine Heux. Les manipulations de ce spécialiste de la guerre psychologique avaient été à l’origine de la mise en place de la Force K, un faux maquis créé en 1957-1958 près d’Aïn Defla, sous la direction de Djilali Belhadj, dit Kobus[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], un ancien de l’OS passé au début des années 1950 au service du SLNA du colonel Schoen. L’action du BEL au sein de la wilaya IV avait en quelque sorte anticipé le désir de quelques officiers supérieurs de celle-ci de répondre directement aux offres du général de Gaulle. Ajoutée aux contacts qu’avaient déjà noués avant le 13 mai 1958 avec le FLN et l’ALN de la région d’Alger des gaullistes comme Lucien Neuwirth, cette action favorisa l’émergence d’un véritable courant « degaulliste » (Jacquin) au sein de la wilaya IV[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. C’est le commandant Lakhdar Bouchama qui faisait figure de chef de file de ce courant attentif aux propositions du général de Gaulle.




Né au début des années trente à Novi près de Ténès, L. Bouchama avait fait des études de lettres à Alger. Il a rejoint l’ALN en 1956 dans sa région natale. Il avait servi dans le commando zonal Djamal avant d’être promu capitaine chef politico-militaire de la zone 4 (Ténès-Cherchell). Le 14 janvier 1960, le conseil de la wilaya IV a été convoqué, par le commandant Si Salah, pour la première fois depuis la mort mystérieuse du colonel Si M’hamed, le 5 mai 1959 à Ouled Bouachra, près de Médéa. À cette occasion, Si Lakhdar Bouchama a été promu commandant, chargé des Renseignements et liaisons au sein du nouveau conseil de wilaya. À la fin de cette réunion, le commandant Lakhdar arrive à convaincre le commandant Halim de l’utilité d’engager des pourparlers directs avec les Français. Originaire de Sidi Aïssa, Halim était un ancien condisciple de Boumediene à l’université islamique d’El Azhar. Après une période d’instruction dans une académie militaire égyptienne, il était passé par le camp d’entraînement d’Amrya[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Il était arrivé en 1957 dans la wilaya IV où il est devenu assez rapidement capitaine, responsable politico-militaire de la zone 1 (Palestro-Tablat). À la réunion du 14 janvier 1960, Halim est promu commandant, membre du conseil de wilaya avec le titre de commissaire politique. On peut supposer que les souvenirs mitigés ramenés du Caire, où il avait observé les dissensions au sein du CCE du FLN, l’avait prédisposé à être réceptif aux sévères récriminations du commandant Lakhdar Bouchama contre l’ALN et le FLN de l’extérieur.




Les deux membres du conseil de la wilaya ont pu rallier à leurs vues le capitaine Abdelatif, le chef de la zone 2 (Médéa-Aumale). De son vrai nom Othman Telba, Abdelatif était originaire de Koléa. Sa qualité d’ancien du commando zonal Ali Khodja lui valait un grand prestige auprès de ses djounouds. Ce « militaire sobre de gestes et de paroles » (Jacquin) avait été arbitrairement emprisonné en 1957 par l’ALN du Maroc, d’où il a pu s’échapper en compagnie du docteur Farès, le neveu d’Abderrahmane Farès, natif comme lui de Koléa et qui venait d’achever ses études de médecine à Montpellier. Abdelatif était revenu à la wilaya IV assez mécontent de ce qu’il avait vu et vécu au Maroc.




Les soupçons de L. Bourèga




Il avait comme adjoint militaire au sein du conseil de la zone 2 le lieutenant Lakhdar Bouregaa. Dans ses mémoires publiés en arabe à Alger sous le titre évocateur Témoin de l’assassinat de la révolution, il se souvient qu’il a reçu le 2 mars 1960 une convocation des commandants Lakhdar et Halim lui demandant de venir, seul et dans le plus grand secret, les rejoindre au douar Bouakiria près de Tablat. Ses deux supérieurs, avec lesquels il est resté du 12 au 18 mars, lui ont demandé d’interrompre la préparation des contingents que la wilaya IV avait l’habitude d’envoyer comme renforts aux wilayas qui étaient en difficulté[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Ils l’ont interrogé sur le commandant Si Mohamed, l’adjoint militaire de Si Salah, pour savoir s’il était parti accomplir sa mission en zone 3, puis dans la wilaya V. L. Bouregaa fut intrigué par ce contre-ordre donné par des supérieurs qui étaient censés se rendre dans les wilayas I et VI pour l’accomplissement des missions décidées lors de l’importante réunion du 14 janvier. Alors qu’il s’interrogeait sur les raisons cachées de ces changements, le lieutenant Lakhdar a vu arriver à El Bouakiria son supérieur immédiat le capitaine Abdelatif qui rentrait d’une mission secrète à Médéa, dont il saura plus tard qu’elle consistait à rencontrer le cadi de cette ville Si Kaddour Mazighi[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Abdelatif lui a ordonné d’accompagner les deux commandants dans leurs déplacements, sans chercher à en savoir plus.




Né en 1933 au douar Ouled Turki, près de Champlain dans la région de Médéa, Lakhdar Bourèga a été formé dans les écoles coraniques de l’Atlas blidéen (Ouled Turki, Sidi al Mahdi, Zérouala…). Sa politisation précoce a été favorisée par les troubles qui firent, selon lui, plus d’une douzaine de morts dans la région au moment des élections des délégués de l’Assemblée algérienne en avril 1948. Il a pu approcher des militants du MTLD et des membres de l’OS comme Didouche Mourad, Ben M’hal, Lakhdar Rebbah et Si Tayeb Djoghlali qui s’étaient réfugiés dans sa famille en 1952. Appelé au service militaire, il a fait son instruction à Mostaganem. Là il a rencontré deux camarades qui venaient du centre d’instruction de Hussein Dey et qui feront parler d’eux par la suite : Ali Khodja, qui donnera son nom au célèbre commando zonal de la wilaya IV, et Sadia Djemaï, alias Mostéfa Lakhal, qui fera partie des contestataires des résolutions du congrès de la Soummam d’août 1956 avant d’être exécuté pour avoir trempé dans le complot de 1959 du colonel Lamouri contre le GPRA. Lakhdar Bourèga nous apprend au passage qu’à l’annonce de l’exécution de Mustapha Lekhal, un de ses anciens compagnons d’armes, Lounissi, qui faisait partie du commando Ali Khodja, a décidé, sous le choc, de quitter définitivement et l’ALN et l’Algérie pour s’établir définitivement en Allemagne !




L. Bourèga a été ensuite dans les Chasseurs alpins à Briançon avant d’être envoyé à Safi au Maroc d’où il s’est évadé en mars 1956 avec un groupe d’appelés algériens. Avec les autres déserteurs, il a pris contact avec l’ALN dans la région de Tlemcen. Mais les responsables locaux de celle-ci se sont contentés de les dépouiller de leurs armes et les ont laissés repartir vers Alger. C’est à Chebli qu’il a été enrôlé dans l’ALN. Blessé près de Boufarik, il a quitté la Mitidja pour mettre à profit sa formation de chasseur alpin et acquérir une grande connaissance de la zone montagneuse allant du djebel Bouzegza jusqu’aux monts de l’Ouarsenis. Promu sous-lieutenant, il est devenu commandant de la célèbre katiba Zoubiria à laquelle faisait appel le colonel Si M’hamed pour l’escorter dans ses longs déplacements[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Lorsqu’il s’est trouvé confronté, début mars 1960, à la grave crise de conscience provoquée par les contre-ordres des commandants Lakhdar et Halim, approuvés par le capitaine Abdelatif, le lieutenant zonal était pris entre, d’un côté, l’admiration, voire la révérence, qu’il vouait à des chefs charismatiques qui s’étaient distingués depuis le début de la guerre dans les meilleures unités d’élite de toute l’ALN, et, de l’autre, le désir d’en savoir plus sur ce qu’on lui cachait. Les deux commandants l’ont chargé d’aller contacter Baba Ali Bachir, le chef de la zone 5 (Boghari-Aumale) en lui indiquant un trajet autre que celui qu’il avait l’habitude de prendre. Il a été d’autant plus intrigué que ses supérieurs l’appréciaient pour sa bonne connaissance des itinéraires à prendre. Le choix par eux d’itinéraires inhabituels ajouté aux nombreux autres contacts secrets que ses trois supérieurs multipliaient à partir du refuge d’El Bouakiria contrariait le sens habituel de la discipline chez le lieutenant Lakhdar.




Les ruses de L. Bourèga




Pour en avoir le cœur net, il a décidé de se rendre, non pas en zone 5, mais au siège de la wilaya, qui était à Guellaba près de Boghar. Là, il a appris à Si Salah que les deux commandants ont renoncé aux missions dont ils avaient été chargés le 14 janvier, et qu’ils lui ont ordonné d’arrêter l’envoi des contingents vers les autres wilayas. Il lui a fait part également de la mission dont il était chargé auprès du chef de la zone 5, à qui il devait remettre un message des deux commandants dont il ignorait le contenu. Si Salah lui a donné l’impression d’ignorer tout ce qui se tramait. Après un long moment de silence le chef de la wilaya lui a demandé d’obéir aux ordres des commandants. L. Bourèga s’est rendu à la zone 5, mais après avoir envoyé une lettre à Si Mohamed – qui préparait dans le Ouarsenis les contingents destinés aux autres wilayas – pour lui demander de l’autoriser à venir le voir. Mais Bounaama lui recommanda de s’adresser à… Si Salah. Le lieutenant Lakhdar écrit à nouveau à Si Mohamed pour le mettre au courant de la rencontre avec le chef de la wilaya. Au même moment, les commandants Lakhdar et Halim ont adressé un courrier demandant au commandant militaire de la wilaya de venir les rejoindre. L. Bourèga s’est trouvé mis dans l’impossibilité de rencontrer Si Mohamed car les deux commandants avaient pris soin d’envoyer à sa rencontre une escorte qui lui a fait prendre un itinéraire destiné à éviter à l’adjoint militaire de Si Salah de rencontrer le lieutenant. Ce dernier a accompli sa mission auprès du chef de la zone 5 et revient vers les deux commandants. Les missions demandaient alors entre trois jours et trois semaines. Les contacts avec la zone 3 étaient rendus particulièrement difficiles par l’intensité de l’ « opération Matraque » qui semble avoir été déclenchée pour faire pression sur Si Mohamed. Les deux commandants redoutaient de le voir désapprouver les contacts engagés, à partir du 28 mars, avec Bernard Tricot (qui représentait l’Élysée) et le lieutenant-colonel Édouard Mathon (qui représentait Matignon) à la suite de la transmission aux Français, le 18 mars, par le cadi Mazighi des messages d’Abdelatif et de Lakhdar Bouchama. Certains déplacements étaient contrariés par les opérations des troupes de secteur et cela rendait difficiles les communications d’une zone à une autre. Les retards dans l’accomplissement des missions confiées à Bourèga étaient aggravés par les ruses des deux commandants (dont un était chargé des Renseignements et liaisons), qui ont été jusqu’à lui confier des missions fictives, sans doute en raison de ses réticences qui leur paraissaient susceptibles de décourager les officiers dont l’adhésion aux pourparlers était souhaitée. Tout cela a fait que les interrogations de Bourèga ont duré jusqu’au début du mois de juin. Au retour d’une mission, il a été stupéfait de trouver Lakhdar, Halim et Abdelatif en compagnie de Si Salah auprès de qui ils avaient dépêché un autre émissaire.




Les griefs de Si Salah




Né en 1928 à Aïn Taya dans une famille originaire de Kabylie, Si Salah, de son vrai nom Mohamed Zamoum, a fait partie des groupes armées qui participèrent avec Ouamrane et Si Sadek aux opérations du 1er novembre 1954. Il avait occupé le poste de commissaire politique de la wilaya IV quand celle-ci était dirigée par le colonel Si M’hamed Bougara, de 1957 à 1959. Il avait gardé un fort mauvais souvenir d’un bref séjour à Tunis. Ses griefs envers le FLN et l’ALN de l’extérieur prirent une tournure dramatique quand l’état-major refusa de répondre à ses demandes d’explication sur la passivité manifestée face aux difficultés des maquis. Les services français avaient intercepté, et falsifié, la communication qu’il a pu avoir, le 15 avril 1960 avec le colonel Boumédiène. À cette date, il ne semble pas qu’il ait été mis au courant des préparatifs de l’opération « Tilsit ». Mais sa déception l’a amené à adresser un message menaçant le GPRA d’engager des contacts directs avec les Français. Un message radio de Tunis l’a prié de ne rien engager dans ce sens et de « penser à l’avenir de la révolution ».




Nouvelles ruses de L. Bourèga




Le lieutenant Lakhdar était persuadé que quelque chose de grave se préparait à son insu, mais ses supérieurs ne lui ont pas laissé le temps de se ressaisir et l’ont chargé d’une autre mission dans la zone 1 (Palestro-Tablat). Début juin, il a fait part de ses interrogations au sous-lieutenant Mohamed Bousmaha, qui lui avait succédé à la tête de la région 4 de la zone 2. Celui-ci lui a manifesté une entière confiance et, sans être au courant de ce qui se tramait, le lieutenant et le sous-lieutenant se concertent. Ils ont un moment pensé à alerter le GPRA par un message radio. Mais le lieutenant Lakhdar a eu recours à une ruse. Il s’est présenté à ses chefs, qui ne l’attendaient pas, et a trouvé Si Salah et Si Mohamed réunis avec les commandants Lakhdar et Halim ainsi qu’avec le capitaine Abdelatif. Deux tissal (agents de liaison) des zones 2 et 3 venaient de lui annoncer les passages des commandants Si Salah et Si Mohamed. Malgré le secret qui entourait ces déplacements, les deux tissal l’ont mis au courant, du fait de la confiance qu’ils avaient en lui et de son expérience du terrain. Surpris de le voir rappliquer, les chefs de la wilaya lui ont demandé ce qu’il était venu faire. Il leur a annoncé que le commandant Tareq (qui assurait l’intérim du commandement de la wilaya V) était au mont Mongorno et qu’il souhaitait les rencontrer[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Le lieutenant Lakhdar avait capté les conversations secrètes de ses supérieurs et s’était souvenu de ce nom qui était cité parmi les chefs à contacter. C’est Si Mohamed qui s’est proposé d’aller le voir. L’adjoint militaire d’Abdelatif se souvient qu’un des émissaires français, qu’il pense être Bernard Tricot – à moins qu’il s’agisse de Mathon, qui était habillé en civil quand les rencontres n’avaient pas lieu à la préfecture de Médéa, les a accompagnés en voiture jusqu’à ce qu’ils quittent la route goudronnée pour prendre les sentiers de montagne en direction des maquis du Mongorno[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Lakhdar Bourèga a conduit Si Mohamed à Draa Tmar où les attendait le sous-lieutenant Bousmaha, en compagnie d’un groupe de djounouds sûrs. Cela se passait vers le 12 ou le 13 juin, d’après les souvenirs de Bourèga dont la chronologie des faits se réfère plus aux missions successives (dont la durée variait) qu’aux dates exactes.




Revirement de Si Mohamed




Né en 1926 à Molière, de son vrai nom Djilali Bounaama, Si Mohamed a été mineur à Bou Caïd et, un moment, dans le nord de la France. Il avait fait la Deuxième Guerre mondiale dans les tirailleurs algériens. Devenu chef syndicaliste, il avait adhéré au MTLD. Il avait participé au congrès d’Hornu de l’été 1954 au cours duquel ce parti s’était scindé en deux tendances rivales, les « Centralistes » et les « Messalistes ». Il a rejoint l’ALN en 1956 dans l’Ouarsenis. Promu capitaine, il est devenu le chef de la zone 3 où il a eu à combattre le faux maquis de Kobus. Il a été également mêlé aux campagnes d’épuration consécutives aux troubles provoqués dans les maquis par la proposition d’une « Paix des braves » faite par de Gaulle en septembre 1958. D’importantes opérations ont été menées contre lui, comme « Matraque » en mars 1960, et « Cigale » en juillet, celle-ci ayant eu pour but de l’éliminer personnellement. Prévoyant cette offensive dans l’Ouarsenis, il a été avisé de rester dans le Titteri. Mohamed Téguia ne dissimulait pas son admiration pour son ancien chef et estimait qu’un livre biographique mériterait de lui être consacré.




Les deux jeunes officiers ont expliqué à Si Mohamed qu’il n’y avait pas de Tareq et qu’ils voulaient le séparer du groupe pour qu’il leur dise ce qui se passait exactement. Après un moment de crainte, Si Mohamed leur a appris que Si Salah, Si Lakhdar et lui venaient d’être reçus, le 10 juin, à l’Élysée par le général de Gaulle. Il leur a révélé les différentes rencontres consécutives au premier entretien qu’avait eu Abdelatif avec le cadi de Médéa à la mi-mars.




Consternés par cette nouvelle, Bouregaa et Bousmaha ont rappelé à Si Mohamed que c’est lui qui avait toute leur confiance et qu’il devait prendre ses responsabilités pour mettre fin au « plan de l’Élysée ». « Nous aurions pu vous arrêter tous », lui ont-ils précisé, en lui indiquant qu’ils étaient prêts à appliquer les ordres qu’il jugeait nécessaire de leur donner pour contre-carrer cette tentative de paix séparée et reprendre les combats. Celui qui jouissait d’un prestige considérable auprès de ses officiers, et qui était considéré comme étant le « chef le plus dur dans la région, et peut-être dans toute l’Algérie », et qui passait, aux yeux de Challe, pour être « le premier du point de vue militaire », ne pouvait rester indifférent à l’interpellation de deux parmi ses plus valeureux subordonnés. Leur leçon de fermeté et de patriotisme lui a donné mauvaise conscience au point d’avoir une crise de larmes, lui le chef implacable et apparemment insensible. Il n’y a pas eu de menace de la part de Bourèga et de Bousmaha[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Si Mohamed a été un moment décontenancé parce qu’il ne connaissait pas leurs intentions réelles. Mais leur détermination l’a aidé à se ressaisir vite, car il n’avait adhéré au plan de Lakhdar Bouchama que du bout des lèvres lorsqu’il s’était trouvé, début juin, dans une maison des faubourgs de Médéa, dont on lui a dit qu’elle était « neutralisée », c’est-à-dire sous la protection de l’armée française. Selon Mohamed Téguia, qui était son secrétaire, Si Mohamed a dit plus tard que s’il avait refusé de partir à Paris, il aurait été arrêté. Il dira également qu’il aurait mieux fait de mourir que d’accepter l’idée de paix séparée. C’est donc cet état d’esprit qui a facilité son revirement. Il a tenu à donner un caractère solennel et religieux à son changement d’attitude par un serment sur le Coran de fidélité à la révolution et d’obéissance à la direction de celle-ci. Bourèga et Bousmaha l’avaient déjà mis à l’aise en lui déclarant qu’ils ne mettaient pas sa participation aux négociations sur le compte de la trahison. Là-dessus, Si Mohamed décide de contre-carrer l’initiative de ses pairs et ordonne la destitution de Si Salah du commandement de la wilaya, l’arrestation de tous ceux qui ont été impliqués dans l’ « affaire de l’Élysée » et l’intensification des opérations militaires dans les villes, dans les djebels et sur tous les fronts.




Le rôle moteur de Lakhdar Bouchama




Ces ordres écrits ont été remis au lieutenant Lakhdar qui s’est rendu immédiatement, en compagnie de Bousmaha et de son groupe de djounouds, au domicile du cadi où ils ont trouvé le commandant Lakhdar Bouchama. Celui-ci a été arrêté et conduit au milieu de la nuit auprès de Si Mohamed. Le cadi a été prié de dire que Si Lakhdar est parti en mission de toute urgence et qu’il allait revenir pour la suite des contacts.




Un rapport rédigé par Si Lakhdar Bouchama et envoyé au GPRA le 22 mars 1960, et que L. Bourèga a mis parmi les documents annexes de son livre, renseigne sur l’état d’esprit de cet officier supérieur et sur les raisons qui l’ont amené à vouloir traiter directement avec de Gaulle. Après avoir rappelé que le peuple s’était engagé aux côtés de l’ALN pour « la reconquête de sa dignité », « la résurrection de l’Islam » et « la renaissance de la langue arabe », le commandant chargé des Renseignements et liaisons énumère ses reproches à l’armée des frontières et au GPRA qu’il accuse d’être indifférent aux souffrances de la population. Il parle du « ramassis d’aventuriers » incapables de satisfaire les besoins des combattants de l’intérieur. Il accuse certains dirigeants du FLN de l’extérieur d’être à la solde du « nouvel impérialisme athée » (alias l’URSS), et s’étonne de voir le commandant Omar Oussedik en tournée en Chine pour le compte du FLN, « alors qu’il est convaincu de trahison. »[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Le commandant Lakhdar Bouchama s’en prend également à Boussouf et à Boumédiène qu’il incrimine nommément à propos des difficultés créées par la wilaya V et l’armée des frontières aux « brigades d’acheminement des armes de la wilaya IV ». L. Bouchama pourfend le matérialisme idéologique et l’embourgeoisement attribués au FLN de l’extérieur pour mieux les opposer à l’ « élan mystique » qui a permis au peuple de soutenir l’ALN.




Après avoir été chargé des opérations d’épuration décidées par le colonel Si M’hamed à la suite des défections provoquées par l’offre de la « Paix des braves » par le général de Gaulle en septembre 1958, le commandant Lakhdar Bouchama était devenu à son tour un partisan d’une solution négociée directement avec le pouvoir français, et non pas avec les militaires d’Alger. Il considérait que le discours sur l’autodétermination du général de Gaulle était une reconnaissance des droits politiques du peuple algérien dont les souffrances devraient être abrégées par la conclusion d’un arrêt des combats. Il faisait confiance à de Gaulle pour la mise en œuvre de cette solution politique et envisageait une Algérie indépendante, entretenant une étroite coopération avec la France. Le commandant Lakhdar Bouchama était l’âme de ce qui est devenu l’opération « Tilsit » pour les Français, que Lakhdar Bourèga appelle l’ « affaire de l’Élysée » et que les historiens de la guerre d’Algérie nomment l’ « affaire Si Salah ». Le capitaine Abdelatif a exécuté ses ordres en prenant contact avec le cadi Mazighi et en assurant les liaisons avec les chefs de la wilaya IV et les interlocuteurs français.




Abdelatif arrêté et défendu par L. Bourèga




C’est pourquoi le lieutenant Lakhdar Bourèga est chargé par Si Mohamed de retrouver son chef de zone dans le courant de la deuxième quinzaine de juin. Le nouveau chef de wilaya lui donne comme consigne, en français, de le désarmer, de l’arrêter et de le lui ramener. « En cas de résistance, il ne faut pas hésiter à faire parler les armes », lui précise-t-il.




Après une nuit de marche, le lieutenant Lakhdar trouve Abdelatif au douar Choua’tia, au sud de Chréa. Le capitaine se rendait, dans le cadre de l’opération « Tilsit », dans la Mitidja et dans le Sahel pour y convaincre les chefs locaux. Le grand respect qu’il avait pour son supérieur a empêché le lieutenant Lakhdar d’exécuter à la lettre les ordres du nouveau chef de la wilaya. Il a eu recours à nouveau à un mensonge pieux quand Abdelatif a été étonné de le voir arriver. Il lui a dit que Si Mohamed prépare une grande offensive dans la Mitidja et le Sahel et a besoin de lui pour cela. « J’ai déformé la réalité pour la deuxième fois, afin d’éviter d’humilier un compagnon d’armes dévoué et sincère », explique Bourèga. Étonné de ce revirement, Abdelatif demande à aller voir Lakhdar Bouchama. « Car si Bounaama a changé d’avis, c’est que Si Lakhdar l’a fait aussi », dit Abdelatif. « Les deux hommes sont partis vers une destination inconnue dans l’Ouarsenis, et il est impossible de les rattraper », lui répond Bourèga. « Il nous faut les rejoindre, même en allant jusqu’à la frontière ouest », insiste Abdelatif. L’ancien chef de la katiba Zoubiria a accepté de le conduire au nouveau siège de la wilaya, après avoir passé deux jours avec lui, ce qui lui a permis de compléter le récit donné par Si Mohamed de l’affaire par la version du capitaine. Celui-ci lui a confirmé que Lakhdar Bouchama en a été le cerveau et que Si Mohamed a été très réticent jusqu’à la fin. La bonne foi de Si Mohamed est ainsi confirmée aux yeux de Bourèga.




Le lieutenant et le capitaine, accompagnés par Bousmaha, rejoignent Si Mohamed à Boudha, à l’est de Médéa. Si Mohamed a manifesté sa grande inquiétude de voir Abdelatif arriver avec son arme, au point de croire à un nouveau retournement de la situation contre lui. Il a fait signe à Lakhdar Bourèga de le voir en tête-à-tête et lui a demandé pourquoi Abdelatif n’était pas désarmé. « Qu’est-ce que ça veut dire ? », a demandé Si Mohamed à Lakhdar. Si Mohamed s’est montré très sévère à l’encontre d’Abdelatif, qu’il accuse d’avoir joué un rôle important dans les préparatifs de la rencontre avec de Gaulle. L. Bourèga a pris la défense du capitaine. Il a rappelé son passé de combattant dans le commando Ali Khodja ainsi que le choc provoqué en lui par son emprisonnement arbitraire en 1957. Il a fait état de son évasion héroïque en compagnie du docteur Farès. Il a témoigné qu’Abdelatif est très aimé (mahboub) de tous afin de convaincre Si Mohamed de l’effet désastreux qu’aurait son exécution. « Je connais Abdelatif très bien et je peux affirmer qu’il est récupérable », plaide Bourèga avant d’ajouter : « Je te l’ai amené sans le désarmer parce qu’il a voulu voir le commandant Lakhdar et se mettre sous tes ordres. » Si Mohamed interrompt le lieutenant Lakhdar : « Si Lakhdar n’est plus parmi nous. Il a été jugé et exécuté ! » Le lieutenant Lakhdar dit avoir été consterné d’apprendre la nouvelle de cette exécution qui semble avoir été décidée juste après son départ à la recherche de Abdelatif, pour lequel il a eu soudain peur.




Après deux heures de discussions auxquelles Bousmaha a été admis à participer à la fin, Si Mohamed a fini par être convaincu de la bonne foi d’Abdelatif et a décidé de changer d’emplacement après avoir prononcé la dissolution du Conseil de la wilaya qu’il a remplacé par le Comité militaire d’exécution et de coordination, composé des chefs de zone. Abdelatif en est membre avec le titre de chef de plusieurs zones (du fait des intérims imposés par la mort au combat des chefs de mintaka). Les chefs de zones sont convoqués à la première réunion de ce comité à Sabbah, près de Berrouaghia.




Abdelatif jugé et exécuté




C’est au moment des préparatifs de cette réunion que le lieutenant Lakhdar a été surpris par une opération héliportée à Tabouza près de Champlain. Il a eu à peine le temps de prendre sa carabine et de s’enfuir avec les rescapés parmi la dizaine de djounouds qui l’accompagnaient, sans pouvoir prendre ses affaires dans lesquelles il y avait les ordres écrits de Si Mohamed. Il semble que l’armée française ait eu connaissance pour la première fois du revirement du commandant Bounaama après la découverte de ces documents. Après cet épisode, il y eut l’affaire du faux tissal qui transportait une lettre destinée à Abdelatif pour lui annoncer le revirement de Si Mohamed et dont des agents du BEL ont fait remettre des copies aux chefs de zone. Ceux-ci ont appris par le biais de ces mystérieux documents qu’Abdelatif avait été arrêté le 6 mai lors d’un combat près de Médéa, au cours duquel ses compagnons ont péri ou ont été emprisonnés. Seul lui a été libéré[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. C’est cette nouvelle qui a été à l’origine de la condamnation à mort d’Abdelatif par le Comité militaire d’exécution et de coordination et a rendu vaines les tentatives de Bourèga d’obtenir son acquittement. Pendant ces délibérations, Si Mohamed s’est enfermé dans un mutisme pesant, alors que, selon le lieutenant Lakhdar, une prise de position tenant compte des arguments déjà exposés aurait peut-être pu infléchir l’attitude des chefs de zones, troublés par la fausse évasion du valeureux capitaine. « Si Mohamed avait sans doute peur que cette séance ne tourne à la condamnation sans appel de tous ceux qui étaient impliqués dans l’ “affaire de l’Élysée” », estime L. Bourèga.




Abdelatif a été exécuté et son exécution a été suivie par la reddition de son tissal, nommé Samet, ce qui a permis à l’armée française d’en savoir plus sur ce qui se passait réellement dans les maquis de l’Atlas blidéen depuis les interrogations suscitées par l’absence de Si Mohamed au premier rendez-vous fixé aux chefs de la wilaya IV par le colonel Mathon et Bernard Tricot après le retour de Paris le 11 juin. L’exécution d’Abdelatif a eu lieu juste après la réunion des chefs de zone début août près de Sebbah. De faux tissal se déplaçaient dans les maquis à la recherche de Bourèga et de Bousmaha, ainsi que de la date et du lieu de la fameuse réunion des chefs de zone. Juste après cette réunion qui a pu avoir lieu dans le secret, Si Mohamed et L. Bourèga ont été pris, près de Sebbah, dans une très dure opération de réserve générale dont ils ont pu échapper par miracle.




Rôle de Bencherif dans l’exécution de Halim




Le 21 juin, Si Salah et Halim avaient été déposés en voiture par le colonel Jacquin à Tizi-Ouzou pour leur permettre d’aller mener leur campagne d’explication auprès du chef de la wilaya III, Mohand Ou Al Hadj. Les deux commandants sont revenus au siège de la wilaya IV le 16 septembre 1960, à Tagintoun près de Chréa. Leur arrivée a coïncidé avec celle du commandant Ahmed Benchérif qui mit près de six mois pour se rendre de la frontière tunisienne aux maquis de l’Algérois. Benchérif a eu un tête-à-tête avec Si Mohamed qui lui a exposé les tenants et aboutissants de l’affaire. Le commandant dépêché par l’état-major s’est alors adressé à Si Salah en ces termes : « J’aurais voulu te donner l’accolade comme me l’a demandé ton frère Ferhat que j’ai laissé de l’autre côté de la frontière. Mais après avoir entendu ce que m’a dit Si Mohamed, je ne te serre même pas la main ! » Le lieutenant Lakhdar l’interrompt en lui disant : « S’il fallait absolument juger Si Salah, ce ne sera certainement pas toi le juge parce que tu ignores tout de l’affaire dont tu es très éloigné, comme tu es éloigné de nous ! » Si Mohamed a désapprouvé cette intervention et a pris à part le lieutenant Lakhdar, croyant qu’il défiait tout le monde. « Tu es le seul habilité à prendre des décisions dans cette affaire et nous ne sommes que des djounouds prêts à exécuter tes ordres », a expliqué Lakhdar en colère contre Benchérif à Si Mohamed.




Mais à la tombée de la nuit, Halim a été arrêté brutalement et exécuté, sans que Lakhdar sache si c’était sur un ordre de Si Mohamed ou de Benchérif. Selon Jacquin, Benchérif a avoué, lors de son interrogatoire à la suite de son arrestation près d’Aumale, avoir été à l’origine de l’exécution de Halim. « Au moment où Halim était ligoté, Si Salah m’a adressé un regard implorant quelques instants mon intercession. Puis il a regardé devant lui en disant à haute voix : “C’est selon la volonté de Dieu…” » Halim a été exécuté sans que lui soit donné le temps de rédiger un rapport, comme l’avaient fait Lakhdar Bouchama et Abdelatif[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien].




Lakhdar a plaidé en faveur de Si Salah avec le même souci de sauver des vies humaines et de donner leurs chances à des supérieurs qui bénéficiaient tous d’un grand prestige auprès de leurs subordonnés. Il a rappelé à Si Mohamed que Si Salah a participé au 1er novembre 1954. Il a attiré son attention sur les risques de réactions d’ordre régionaliste que comporterait l’exécution d’un chef originaire de Kabylie. C’est ainsi que Si Salah n’a pas été exécuté. Si Mohamed a chargé Lakhdar Bourèga de s’occuper de Si Salah avec lequel il est resté près de Tamezguida, à l’ouest de Chréa, environ deux mois. Ce qui lui a permis d’avoir le récit détaillé de l’affaire de la bouche du successeur de Si M’hamed qui ne semble avoir été mis au courant que début juin par les commandants Lakhdar et Halim.




Pendant ces deux mois, Si Salah a gardé son arme et son grade de commandant, sans attributions. Il s’était enfermé dans un mutisme stoïque, se contentant de répondre par écrit à Si Mohamed qui sollicitait ses avis sur les décisions à prendre[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien].




L’ancien chef de katiba Zoubiria a été promu capitaine pour être nommé successeur d’Abdelatif à la tête de la zone 2. Il a été mêlé à la reprise des offensives destinées à prouver la mise en échec définitive de la tentative de paix séparée. Cette intensification de la guerre, qui servait à démentir les appréciations hâtives sur la défaite de l’ALN, s’est manifestée notamment lors de l’attaque, le 31 juillet 1960, de la plage du Chenoua où beaucoup d’officiers passaient leurs vacances en famille. Il y eut également l’opération menée par le lieutenant Bousmaha contre un officier de gendarmerie au centre de Berrouaghia. Le capitaine L. Bourèga a attaqué un centre de télécommunications près de Chréa, avec l’accord de Si Salah. Il est « descendu », pour la première fois depuis 1956, dans la Mitidja pour préparer, dans la ferme d’un colon de Birtouta favorable au FLN, les manifestations des 10 et 11 décembre à Alger. Bousmaha venait d’être nommé à la tête de la zone 6 (Alger-Sahel). Un de ses adjoints, le lieutenant Si Zoubir (alias Boualem Rouchaye), a été tué à Belcourt où il prenait la tête des manifestations.




Promu commandant, L. Bourèga est devenu membre du nouveau conseil de la wilaya chargé des questions militaires. Ce qui lui a permis de jouer un rôle de premier plan dans la crise de l’été 1962 qui a opposé la wilaya IV à l’armée des frontières. Celui qui avait su relativiser ses griefs contre celle-ci pour mettre en échec la paix réparée de 1960 et rester solidaire de la direction extérieure du FLN, a dû participer aux tentatives de la wilaya IV de barrer la route d’Alger aux troupes de Boumédienne. Cet épisode sanglant est également relaté avec précision dans les mémoires de Bourèga et mériterait un article à part.




Tel est le résumé des révélations sur l’affaire Si Salah qui permettent d’éclairer les zones d’ombre de cette mystérieuse opération. Ces indications sont d’autant plus utiles qu’elles concernent la phase où « l’historien tâtonne. Tel le non-voyant qui de sa canne recherche le sol ferme, il chemine, hésitant, en quête de certitudes. Il n’en trouve pas d’absolues » (P. Montegnon). Contrairement à ce qui a été écrit par plusieurs auteurs, l’ « affaire Si Salah » n’a pas donné lieu à d’autres condamnations à mort que celles du commandant Lekhdar Bouchama, du commandant Halim et du capitaine Abdelatif.




L’ensemble du livre de L. Bourèga éclaire sur la vie dans les maquis et sur les grandes figures de la wilaya IV, comme Si Lakhdar Mokrani, le héros de l’oued El Maleh, mort avec son frère en mars 1958 près de Maginot, Abdelaziz (un ancien de l’université islamique de la Zitouna de Tunis qui convoyait les contingents de la wilaya IV vers l’ouest en 1957) ou Boualem Oued Fell (un ancien condisciple de Lakhdar Bourèga dans les écoles coraniques de l’Atlas blidéen devenu chef de la katiba Omaria avant de trouver la mort en 1959 près de Larba), etc. La masse de données contenues dans ces mémoires fournit une référence dont ne pourront pas se passer ceux qui auront à cœur d’écrire l’histoire de l’AN que les historiens ont négligée au profit de celle du FLN.




BIBLIOGRAPHIE




·  Mohamed Harbi, Le FLN, mirage et réalités, Éd. Jeune Afrique, 1979.




·  H. Jacquin, Opération « Tilsit » dans l’Algérois, Historia-Magazine, no 311.




·  P. Montagnon, L’affaire Si Salah, Éd. Pygmalion, 1987.




·  M. Téguia, L’Algérie en guerre, OPU, 1990.




·  Bernard Tricot, Les sentiers de la paix, Julliard,1972.




NOTES




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Pour sa part, Téguia estimait à 5 000 djounouds les effectifs de la wilaya IV au moment de l’affaire Si Salah.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] N.d.l.R. — Voir dans le no 191 de la revue, septembre 1998, l’article de Jacques Valette, « Le maquis Kobus, une manipulation ratée durant la guerre d’Algérie (1957-1958) ».




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Lucien Neuwirth a révélé l’existence de ces contacts dans une déclaration faite au Figaro-Magazine à l’occasion du 40e anniversaire du 13 mai.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Selon L. Bourèga, qui a bien connu Halim, Boumédiène n’a pas fait l’académie militaire. Par ailleurs, le mémorialiste juge que Halim était très affecté par les pertes subies par la wilaya IV juste avant l’affaire Si Salah.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] La wilaya IV avait un représentant permanent dans les Aurès, du fait de l’importance accordée par le colonel Si M’hamed à cette wilaya. Si Tayeb Djoghlali a été un de ces représentants de la IV dans les Aurès en 1957. Après la réunion des chefs de wilayas tenue en décembre 1958 à Djidjelli, la wilaya IV a dépêché des renforts auprès de la wilaya I (Nememchas-Aurès) pour lui permettre de venir à bout d’une dissidence. Elle a également mis trois sections à la disposition de la wilaya VI qui était en proie à des difficultés qui coûtèrent la vie à deux de ses chefs, Ali Mellah et Si Tayeb Djoghlali. À la veille de l’affaire Si Salah la wilaya IV continuait de pratiquer la solidarité avec les wilayas en difficulté en leur envoyant des contingents. Les zones de Tiaret-Frenda et de Relizane-Mostaganem de la wilaya V, qui se plaignait de l’éloignement de leur commandement basé à Oujda, bénéficiaient également de l’aide militaire de la wilaya V.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] La maison du cadi Mazighi était un refuge de l’ALN de la zone depuis longtemps. Lakhdar Bourèga y a été soigné par un médecin de Médéa quand il a été blessé dans un combat en 1959.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] La katiba Zoubiria portait le nom du lieutenant Zoubir qui est mort en mars 1957 à Sbaghnia, près de Bouinan, avec un groupe d’étudiants qui venaient de rejoindre les maquis de la wilaya IV. La plupart des katibas étaient dénommées en référence à un officier mort au combat. Ainsi la Omaria portait le nom du lieutenant Omar, la Krimia, celui d’Abdelkrim, la Hassania celui de Hassan.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Le commandant Tareq (Kerzazi) a été nommé commandant par intérim de la wilaya V sur proposition de Si Mohamed. Il est mort au combat fin août 1961.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Il est possible que ce soit Jacquin qui ait accompagné Si Mohamed et Lakhdar Bourèga en direction du Mongorno.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Contrairement à ce qu’a écrit Yves Courrière à qui Lakhdar Bourèga et Mohamed Bousmaha ont refusé d’accorder des entretiens à Alger, quand il préparait ses livres dans les années 1960.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Le commandant Si Tayeb (Omar Oussedik) était soupçonné d’avoir comploté contre Si M’hamed, en même temps qu’il était classé parmi les communistes. Le chef de la wilaya IV avait préféré l’envoyer à Tunis, en même temps que le commandant Azzedine (qui avait promis de faire adhérer d’autres officiers à la « Paix des braves » après son arrestation, suivie de sa libération, en novembre 1958), plutôt que d’avoir à les juger lui-même. « Si M’hamed n’aimait pas l’effusion de sang, même en cas de culpabilité », estime Lakhdar Bourèga.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Abdelatif, qui avait un frère dans les CRS à Alger, a été dénoncé par Sid Ali qui s’est rendu et est devenu un officier de l’armée française après un stage à l’École de Cherchell. Il a ensuite épousé la fille d’un général français.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] M. Téguia, à qui l’on doit la version la plus précise de l’affaire Si Salah, se trompe sur la date du retour de Si Salah et de Halim qu’il situe au début du mois d’août. Le récit de Lakhdar Bourèga la complète en apportant des indications précises qui faisaient défaut. L’auteur conteste le rôle que s’attribue Ahmed Benchérif dans son livre L’aurore des mechtas.




[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] On sait que Si Salah est mort le 20 juillet 1961 près de Bouira après un accrochage avec une unité de Chasseurs alpins. Si Mohamed est mort le 8 août 1961 encerclé par le 11e Choc dans une maison de Blida. « En se rendant à Blida en août 1961, il a pris une initiative contraire à l’habitude selon laquelle un chef de wilaya ne se rend jamais en ville. Il voulait sans doute mourir au moment où les négociations venaient de progresser à Lugrin. Il ne voulait pas survivre alors que tous ses compagnons de l’ “affaire de l’Élysée” avaient tous disparu », m’a dit le commandant Lakhdar Bourèga récemment.












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