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[Presse] Près de 1300 Marocains défendent la bannière étoilée en Irak

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lamine16



Près de 1300 Marocains défendent la bannière étoilée en Irak au sein de
l’armée américaine.

Simples soldats ou sous-officiers, ils traduisent,
interrogent, torturent parfois.

En 2002, Khalid B., 33 ans, a réalisé le rêve de la moitié de la
jeunesse marocaine.
Le fameux ordinateur installé dans l’Etat de
Kentucky aux Etats-Unis l’a choisi dans le cadre de la “DV Green Card
lottery” : il fait partie des 55.000 heureux élus dans le monde qui
décrochent chaque année le sésame, la carte de résidence américaine.
Après des mois, Khalid débarque aux Etats-Unis.

Ce natif de Aïn Sebaâ à
Casablanca a juste le certificat d’études primaires. Sans diplôme, il
multiple alors les petits boulots, comme il faisait au Maroc : serveur
l’été et tenancier de cybercafé l’hiver. Mais cela finit par l’irriter,
lui qui rêve de devenir aussi riche que Crésus, en peu de temps et à
moindre effort.

“L’armée américaine m’offrait cette chance, je n’y ai
pas réfléchi deux fois”, raconte-t-il du point le plus chaud de la
planète.
Au début, Khalid fut recruté en tant que traducteur pour
l’armée américaine, comme le gros lot des soldats marocains engagés par
les Etats-Unis en Irak.

Il raconte que grâce aux soldats marocains,
plusieurs correspondances secrètes entre l’ex-Premier ministre irakien
Nouri Al Maliki et des commandos de l’armée de Moqtada Sadr ont été
interceptées. (TelQuel détient une copie de l’une de ces
correspondances).

“Les traducteurs sont recrutés par des boîtes spécialisées”, raconte
cet ex-conseiller marocain de la télé irakienne. On y trouve un peu de
tout, de simples immigrés sans nationalité américaine qui ont débarqué
grâce à la Green Card, aux chercheurs attitrés dont les publications
sont convoitées par de respectueuses maisons d’édition.

“Au début,
l’armée s’est montrée très exigeante et ne recrutait que les éléments
disposant de la nationalité américaine, mais vu la rareté des profils,
les recruteurs ont fini par faire fi de ce critère et ont intégré les
candidats disposant de la Green Card”, analyse l’ex-conseiller. Les
traducteurs perçoivent un salaire oscillant entre 100.000 et 135.000
dollars par an.

Un peu moins que les traducteurs jouissant de la
nationalité américaine, qui ont accès aux documents confidentiels,
classés top secret, avec une rémunération avoisinant les 180.000
dollars par an. Les mieux lotis sont les analystes. Loin du bourbier
irakien, ils livrent le suc de leur pensée dans des bureaux feutrés à
Washington.

Pour ce service rendu à la nation américaine, ces
conseilles politiques ou culturels, qui travaillent en étroite
collaboration avec le Pentagone, touchent jusqu’à 280.000 dollars par
an.

Le temps des interrogatoires

Sur le champ de bataille, les Marocains n’ont plus à faire leurs
preuves. “Les soldats marocains engagés en Irak sont doués pour
soutirer des aveux aux détenus irakiens.
Ce sont eux qui ont mené les
interrogatoires de détenus célèbres comme Tarik Aziz et ses
semblables”, se targue Mehdi, un agent maroco-américain ayant fait ses
armes au sein de la tristement célèbre prison d’Abou Ghraïb pendant 6
mois. Contrairement à ses frères d’armes marocains, Mehdi a immigré aux
Etats-Unis alors qu’il n’était qu’un enfant.

A 18 ans, il a intégré
l’académie militaire de Caroline du Nord et, une fois diplômé, il a
servi en Colombie, au Panama et même en Israël. Quand la guerre éclate
en Irak, il ne se fait pas prier pour rejoindre les troupes
américaines.

Mehdi a donc choisi, de son plein gré, d’embarquer pour
l’Irak. “Par conviction”, insiste-t-il. Et d’ajouter : “C’est notre
devoir d’emboîter le pas à tous ceux qui veulent s’en prendre à nos
convictions et surtout à notre mode de vie.” Américain dans l’âme,
Mehdi est une recrue engagée, au propre comme au figuré.

Mais c’est
loin d’être le cas de ses pairs. Khalid n’a aucun embarras à affirmer
qu’il a rejoint les boys pour venir en aide à sa famille, même s’il ne
le clame pas haut et fort. Au début, il a usé de tous les stratagèmes
pour faire croire à son entourage qu’il est bien aux Etats-Unis et non
en Irak.

Aujourd’hui sa famille lui conseille de dissimuler ce petit détail qui
fâche. Aux yeux de tout le monde, Khalid est bien à mille lieues, dans
une petite ville américaine où il travaille comme taxi-driver.

Quand il
rentre au Maroc, comme la dernière fois durant le mois de ramadan, il
se montre très discret, renfermé même, avec une pensée pour ses “ouled
derb” pour lesquels il incarne le modèle vivant du rêve américain. En
rentant chez lui, il ramène des cadeaux d’Allemagne où les soldats
d’Irak font escale avant de rejoindre leur pays.

Aujourd’hui, Khalid a
évolué dans les rangs de l’armée : de simple traducteur, il est devenu
conducteur de chars et sort en expédition dans les zones les plus
risquées de Bagdad. Et ce qu’il fait pour le confort matériel, d’autres
le font pour l’amour de l’aventure, même s’il s’agit de défendre une
cause qui n’est pas la leur.

Lost in translation

Salim, 31 ans, ne jurait que par l’armée depuis qu’il était jeune. Au
lycée, il répétait à qui voulait l’entendre qu’il serait un grand
militaire parce que tout le prédestinait à cette carrière : jeune homme
élancé et très choyé par la nature, son allure évoque celle des Marines
américains.

Son bac scientifique en poche, il tente, sans succès, de
rejoindre l’académie marocaine. Après un bref passage à la faculté, il
part aux Etats-Unis chez un parent et s’y installe.

Enfin le rêve se
concrétise. Sergent en Irak, il vient d’être remercié pour ses bons et
loyaux services par l’octroi de la nationalité américaine. Lors d’une
cérémonie au Camp Victory, l’ancien palais de Saddam Hussein, Salim,
tout fier, répète qu’il est “complètement américain”.

Un grand moment
de l’histoire, renchérit-il en arborant fièrement son uniforme de l’US
Army avec son nom greffé dessus et le drapeau américain sur son bras
droit. A l’instar de Khalid, Salim est, aux yeux de sa famille, aux
Etats-Unis et travaille pour le compte de l’armée sans plus de
précision. Il rentrera au Maroc en janvier pour assister au mariage de
sa petite sœur.

Le soldat Farid El Azzouzi est rentré aussi en 2007, mais dans un
cercueil. Ce jeune homme de 26 ans, originaire d’Oujda, a payé de sa
vie le rêve américain. Comme la plupart des recrues marocaines en Irak,
il a immigré aux Etats-Unis grâce à la Green Card.

Il a rejoint l’armée
en 2005, comme réserviste, sur la recommandation d’un vétéran marocain.
Après un entraînement de base à Fort Jackson en Caroline du Sud, il
rejoint l’Irak. Son unité, la 3ème brigade de la 25ème division fut
déployée en juillet 2006 pour une mission d’un an. Mais, le 14 juin
2007, une explosion touche son Humvee à Kirkouk, il périt avec deux de
ses collègues. Un mois le séparait de la fin de sa mission.

Propagande : L’autre guerre

Devant un arrière-plan de palmiers et de minarets de Bagdad, les
fraichement intronisés citoyens américains se livrent à une séance de
questions-réponses avec un journaliste américain mandaté par l’armée.
Ce dernier décroche sans aucune peine des déclarations imprégnées d’un
air de reconnaissance envers les Etats-Unis, rappelant un peu la
propagande communiste du temps de la guerre froide.

Sur cette vidéo
intitulée “Proud to be an american” (fier d’être un Américain), le
journaliste que l’on ne voit pas, insiste sur la nouvelle situation de
la recrue en tant que citoyen américain. Voilà pour l’ambiance… Dans ce
bataillon, toutes les nationalités se mêlent : marocaine, thaïlandaise,
péruvienne, nicaraguayenne, mexicaine …

Aussi puissante que l’artillerie
déployée en Irak, la machine médiatique de l’armée frappe tous azimuts.
Elle porte au pinacle les survivants et encense ceux qui ont succombé
sur le champ de bataille. Les morts ont aussi droit à des hommages.

Des
sites web entiers sont créés pour chanter les louanges des soldats
décédés et vanter leur patriotisme. Dans le communiqué annonçant le
décès de Farid El Azzouzi, le Pentagone a écrit : “En intégrant
l’armée, il aspirait à une meilleure opportunité pour réaliser le rêve
américain” !

Source : TelQuel - Amal Baba Ali

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