LA GESTION ADMINISTRATIVE DE L'ÉMIGRATION ALGÉRIENNE
VERS LES PAYS MUSULMANS
AU LENDEMAIN DE LA CONQUÊTE
DE L'ALGÉRIE (1830-1914)
L'Algérie fut, de tous les territoires conquis par la France outre-mer au cours du XIXe siècle, l'un des rares où la métropole eut une véritable politique d'installation massive de colons européens (français, bien sûr, mais aussi espagnols, italiens...). Le territoire n'étant pas vide (environ 2 millions d'habitants en 1830), les 500 000 colons arrivés entre 1830 et 1896 se sont trouvés en concurrence avec la population indigène pour l'occupation des terres cultivables. Certains administrateurs prônaient ouvertement une politique d'expulsion des Algériens, voire d'extermination. Par ailleurs, pour des raisons qui sont mentionnées dans le présent article, un mouvement d'émigration plus ou mois spontané s'était développé, principalement en direction du Maroc, de la Tunisie et du Proche Orient. Kamel Kateb* expose ici les hésitations des responsables politiques et administrateurs français face à ce mouvement qui, d'un côté, facilitait la politique de colonisation, mais de l'autre pouvait être considéré comme un acte de « résistance » à la puissance coloniale, et contaminer les régions de destination des émigrés, qui se trouvaient majoritairement aussi sous influence française.
Les mouvements migratoires algériens n'ont été abordés que sous l'angle de la colonisation pendant le XIXe siècle, et de la migration des indigènes vers la métropole au cours du XXe siècle. Pourtant, nombre d'écrits officiels - dès le milieu du XIXe siècle - font état de la nécessité d'interdire le retour des tribus ayant quitté le territoire algérien ; des traces de colonies algériennes ont été retrouvées en Turquie et en Nouvelle-Calédonie ; des historiens comme Isnard, Ageron ou Noushi ne manquèrent pas de signaler ces migrations mais sans en faire une étude systématique : le centre de leurs préoccupations resta l'étude des bouleversements socio-économiques considérables occasionnés par la pénétration française en Algérie. Les auteurs qui ont
* Institut national d'études démographiques. Population, 2, 1997, 399-428
à suivre
VERS LES PAYS MUSULMANS
AU LENDEMAIN DE LA CONQUÊTE
DE L'ALGÉRIE (1830-1914)
L'Algérie fut, de tous les territoires conquis par la France outre-mer au cours du XIXe siècle, l'un des rares où la métropole eut une véritable politique d'installation massive de colons européens (français, bien sûr, mais aussi espagnols, italiens...). Le territoire n'étant pas vide (environ 2 millions d'habitants en 1830), les 500 000 colons arrivés entre 1830 et 1896 se sont trouvés en concurrence avec la population indigène pour l'occupation des terres cultivables. Certains administrateurs prônaient ouvertement une politique d'expulsion des Algériens, voire d'extermination. Par ailleurs, pour des raisons qui sont mentionnées dans le présent article, un mouvement d'émigration plus ou mois spontané s'était développé, principalement en direction du Maroc, de la Tunisie et du Proche Orient. Kamel Kateb* expose ici les hésitations des responsables politiques et administrateurs français face à ce mouvement qui, d'un côté, facilitait la politique de colonisation, mais de l'autre pouvait être considéré comme un acte de « résistance » à la puissance coloniale, et contaminer les régions de destination des émigrés, qui se trouvaient majoritairement aussi sous influence française.
Les mouvements migratoires algériens n'ont été abordés que sous l'angle de la colonisation pendant le XIXe siècle, et de la migration des indigènes vers la métropole au cours du XXe siècle. Pourtant, nombre d'écrits officiels - dès le milieu du XIXe siècle - font état de la nécessité d'interdire le retour des tribus ayant quitté le territoire algérien ; des traces de colonies algériennes ont été retrouvées en Turquie et en Nouvelle-Calédonie ; des historiens comme Isnard, Ageron ou Noushi ne manquèrent pas de signaler ces migrations mais sans en faire une étude systématique : le centre de leurs préoccupations resta l'étude des bouleversements socio-économiques considérables occasionnés par la pénétration française en Algérie. Les auteurs qui ont
* Institut national d'études démographiques. Population, 2, 1997, 399-428
à suivre