Les affaires de sexe chez Lurchario et Sammymaroquio
Sexe, violence et politique. Un super-flic compile depuis 10 ans des enregistrements pornographiques de plus de 500 femmes, de personnalités politiques, médiatiques, etc. TelQuel, qui a pu avoir accès à plusieurs sources parmi les victimes et les enquêteurs, restitue, révélations à l’appui, l'histoire du plus grand scandale de mœurs qu’a connu le royaume.
En fait, l'affaire Tabit a réellement éclaté en août 1992. Bien loin de la scène du crime. Le feuilleton a démarré entre célibataires immigrés dans un appartement loué par des Marocains… dans la banlieue de Milan, en Italie. Les “amis” agrémentent leur soirée bien arrosée par le visionnage de vidéocassettes pornographiques. Première surprise : l'un des enregistrements semble mettre en scène des personnages marocains, comme leur accent le laisse penser. Deuxième surprise, et elle est terrible : l'une des protagonistes du film… est la propre sœur de l'un des spectateurs de la soirée, Saïd, MRE vivant depuis quelque temps en Italie. Le jeune homme essaie de masquer sa surprise et prétexte un besoin urgent de vomir. Il prend congé de ses amis et s'éclipse pour passer, seul, toute la nuit à ruminer des idées noires. Dès le lendemain, il décide de rentrer au Maroc, plus précisément à Casablanca, direction Derb El Kheir à Aïn Chok où réside sa famille. “Au début, il ne nous a rien dit, mais ce n'est que plus tard, lorsqu'il a été passé à tabac par les hommes de Tabit et alors qu'il craignait pour sa vie, qu'il s'est confié à plusieurs d'entre nous, amis du Derb”, raconte aujourd'hui l'un des amis de Saïd, qui vit toujours en Italie.
Le jeune homme, qui presse sa mère de questions gênantes, finit par obtenir le fin mot de l'histoire. Sa sœur Khadija, 18 ans, a fait la connaissance d'un certain “Haj” en 1991, alors qu'elle attendait le bus pour rentrer de Aïn Diab. Et puis un jour, elle n'est pas rentrée au domicile parental. Le lendemain, sa mère, qui a fait le tour de tous les commissariats, apprend que sa fille a été arrêtée la veille en compagnie de plusieurs prostituées pour “racolage sur la voie publique”. Le fameux “Haj”, Mohamed Mustapha Tabit, commissaire principal et puissant patron des RG à Casablanca, est-il déjà derrière cette arrestation, qui vaudra à Khadija un séjour de quinze jours en cellule ? Toujours est-il que la jeune fille, sans doute de peur de retourner en prison, cède définitivement aux avances du Haj chez qui elle emménage pratiquement, dans sa garçonnière du Boulevard Abdellah Ben Yassine, dans le centre-ville de Casablanca.
Saïd obtient l'adresse du Haj et s'y rend pour guetter l'apparition de sa sœur. Elle finit par se montrer, mais dès qu’elle l’aperçoit, elle remonte précipitamment les escaliers qui mènent à la garçonnière. Quelques instants plus tard, une fourgonnette de police s'arrête devant lui et l'embarque de force. Le jeune homme est roué de coups avant d'être bérarqué du véhicule de police, des kilomètres plus loin, sur la corniche casablancaise. “Je me rappelle parfaitement de cet incident. Mais Tabit, qui a tout orchestré de loin, était tellement puissant que les policiers de service n'ont pas osé lui demander la moindre explication”, se souvient aujourd'hui un inspecteur des renseignements généraux à la retraite, qui a suivi l'affaire de près.
Le jeune immigré, qui choisit à ce moment de s'en ouvrir à ses confidents, ne renonce pas pour autant à sa quête. Il change de véhicule pour éviter de se faire repérer et parvient, au bout de 15 jours de filature discrète, à isoler sa sœur qu'il “kidnappe” pour l'emmener chez des amis de la famille. Khadija raconte sa version des faits et Saïd, qui craint le pire, décide alors de filmer la confession de sa sœur. Dès le lendemain, sa décision est prise : il part à Rabat, direction l'ambassade d'Italie. Jouant de sa double nationalité maroco-italienne, le jeune homme déballe tout et le responsable italien, après avoir reçu une copie de l'enregistrement, promet d'en toucher un mot à l'un de ses amis au gouvernement marocain. Cet ami n'est autre que Abdellatif Filali, alors premier ministre. Ce dernier en informe le roi qui, après s’être informé, décide rapidement de mettre Haj Tabit hors d'état de nuire.
Le 2 février 1993, sans prévenir la police, une brigade de la Gendarmerie effectue une descente dans la garçonnière de Tabit. Le butin saisi est inestimable : 118 cassettes vidéo mettant en cause plus de 518 femmes et nombre de personnalités du monde politique, syndical, médiatique ou financier. La panique est à son comble quand l'information finit par faire le tour du pays. “Jusqu'à présent, il y a encore de grosses pointures du monde politique qui se demandent si on n'a pas gardé sous la main quelques cassettes à toutes fins utiles”, avance aujourd'hui encore l'un des enquêteurs. Quatre jours après la découverte du butin, Tabit est interpellé. Le scandale public peut éclater.