Aminatou Haidar n’est finalement qu’un épiphénomène. Ce qui est sur la table, ce ne sont ni les droits de l’homme, ni l’indépendance du Sahara «occidental». C’est le Maroc lui-même qui est en jeu.
Entre une Espagne, ni clairement amie, ni franchement ennemie et une Algérie qui ne cache plus son animosité envers tout ce qui est marocain, le pays joue très serré. Dans ces conditions, on imagine assez vite les dégâts que peut causer la moindre fissure dans la position des Marocains.
Lorsque l’affaire Haidar a éclaté, tous les partis politiques ont réagi. Etait-ce une bonne initiative ? Mohamed Cheikh Biadillah (PAM), Abdelouahed Radi (USFP), Mohand Laenser (MP), Mustapha Mansouri (RNI) se sont tous déplacés dans l’urgence pour expliquer, convaincre et rallier les récalcitrants à la vision marocaine. Ont-ils réussi ? Le temps le dira.
Aminatou Haidar crie sur tous les toits que son retour est une victoire et qu’elle est rentrée sans présenter la moindre excuse et sans signer le moindre document. Un fait a été établi. Un dangereux précédent. La loi peut ne pas s’appliquer dans certains cas.
En l’occurrence lorsque des «pays amis» interviennent et suggèrent une intervention humanitaire. D’ailleurs c’est ce qui a été déclaré en France, en Espagne et aux Etats-Unis. Si Aminatou Haidar était une véritable militante ou une chaude activiste, elle n’aurait pas dû accepter de rentrer.
De ce point de vue, elle a perdu «sa» bataille. Et le pouvoir algérien, ou du moins sa partie hostile au Maroc, peut constater que cette affaire ne lui a rien rapporté. Au contraire, elle a donné naissance à de nouvelles idées qui vont se révéler catastrophiques pour l’Algérie et donc aussi pour le polisario. Lorsque Fouad Ali El Himma déclare qu’il faut ouvrir le dialogue avec ce qu’on appelle le «polisario de l’intérieur», c’est une innovation politique qui fait d’une pierre deux coups.
D’une part, il coupe l’herbe sous les pieds des critiques des droits de l’homme et, d’autre part, sur le plan politique, il récupère une population, composée essentiellement de jeunes qui peut ainsi s’exprimer chez elle, sans intermédiaire. Les choses vont peut-être commencer à bouger. Les partis politiques savent certainement que ce qui est en jeu c’est la stabilité et la paix en Afrique du Nord.
L’Algérie n’y a aucun intérêt. Son business est plus fructueux dans la guerre larvée que dans la paix. Il n’est même pas dans une véritable guerre. Donc, pas d’entente avec le Maroc dont l’économie est fondée sur les industries de la paix.
L’Algérie a donc toujours cherché noise au Maroc. Les archives déclassifiées de l’ancien chef de la diplomatie américaine, Henry Kissinger, le révèlent. Bouteflika, qui n’était alors que ministre des Affaires étrangères de Houari Boumedienne, incitait les Etats-Unis à arrêter l’aide économique et militaire au Maroc. C’était une solution alternative.
Parce que le ministre algérien aurait voulu que les Etats-Unis interviennent pour empêcher la Marche verte. Son immixtion dans les affaires marocaines était déjà claire. On comprend alors que le plus grand perdant de la Marche verte n’était pas l’Espagne, mais l’Algérie de Boumedienne et Bouteflika. Son attitude n’a pas changé depuis ce temps. Et cela fait 35 ans.
L’anti marocanisme algérien a atteint le summum avec l’assassinat le 29 juin 1992 du président Mohamed Boudiaf, auquel des généraux n’avaient pas pardonné sa prise de position en faveur de la Marche verte lancée par Hassan II. Bien sûr, il y avait d’autres raisons.
Parmi les plus importantes, la découverte par le colonel Mourad chargé par le président Boudiaf d’enquêter sur un large réseau mafieux dans l’armée qui a détourné plus de 64 milliards de dollars logés dans des banques en Europe. Le colonel a été assassiné ainsi que d’autres proches du dossier. Mohamed Boudiaf allait payer plus tard pour sa détermination à contrer les généraux. Ils sont toujours aussi puissants.
D’où l’instabilité qui règne dans le pays et partant dans la région tout entière. Avoir un voisin comme celui-là, c’est une grosse affaire à gérer. Ce ne sont pas les principes de démocratie et de droits de l’homme qui font autorité, mais les intérêts des dirigeants. Au Nord, le voisin est au contraire un pays structuré autour de la démocratie.
Toutefois, ce n’est pas non plus une bonne nouvelle pour le Maroc qui devient un enjeu électoral très important. Dans ce pays, c’est l’opinion publique qui commande, d’où le grand danger. Si le Maroc ne maîtrise pas la communication vers cette opinion, il sera attaqué sans pitié. Si les campagnes antimarocaines se poursuivent et touchent les Espagnols, il est fort à craindre qu’un jour, même les «amis» socialistes se trouveront obligés de changer leur politique marocaine pour obéir à leurs électeurs. Même s’il paraît très ardu, l’effort à faire sur l’opinion publique espagnole et européenne reste jouable. Tout dépend de la stratégie adoptée.
Par contre, sur l’Algérie, il n’y a rien à faire. Plutôt, il y a tout à craindre. Un régime dirigé par des militaires puise ses références et ses stratégies, par réflexe, dans la terminologie et les pratiques militaires. Si le polisario s’est «diversifié» dans le terrorisme, la contrebande et le détournement des denrées alimentaires offertes par la communauté internationale, c’est qu’il est justement l’outil utilisé par l’Algérie pour maintenir le feu au braséro de cette «sale guerre» froide.
La complexité du voisinage monte d’un cran lorsqu’on évoque le cas de la Mauritanie au Sud. Le pays dirigé actuellement par Mohamed Ould Abdelalziz paraît acquis à la cause marocaine et veut vivre en paix. C’est de là justement que vient le danger.
L’Algérie n’admet pas un pouvoir ami du Maroc en Mauritanie et elle fera tout pour le combattre par tous les moyens. Nous savons déjà que tous les moyens sont bons pour les généraux. Une autre politique vers la Mauritanie dont il faut renforcer et stabiliser le pouvoir s’impose. La tâche n’est pas facile.
l'observateur - hakim arif Le : 2009-12-31