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Oran, par ces longues journées ensoleillées, au milieu d’un mois de fin d’été, il ne reste pour le visiteur que les quartiers de l’ancienne ville à parcourir pour repartir avec une tête pleine de souvenirs.
La cité de l’Imam Sidi El-Houari accueille une autre catégorie de visiteurs en cette période de jeûne : la communauté émigrée qui préfère se replonger dans cette ambiance particulière vécue durant ce mois ferveur, de piété et de communion. Certaines familles, celles qui ont préféré les chaudes baignades et des nuits festives qui ont animé, au cours de la saison estivale, le chapelet de plages s’étirant du village côtier de Saint Roch au complexe touristique des Andalouses, en passant par Aïn El-Turck, sont déjà reparties pour rejoindre leur lieu de résidence, de l’autre côté de la mer Méditerranée. Pour ceux qui arrivent pour visiter leurs proches, pour le voyageur qui entre en rade du port ou par la route de la zone Est, l’aspect de la ville d’Oran est imposant de par son apparence sévère et majestueuse.
En effet, cette mégapole, fondée en 902 par des marins andalous, jadis cité des conquérants espagnols et capitale beylicale des Turcs, offre au regard la vue un peu farouche de ses falaises abruptes et de ses pentes escarpées du Murdjadjo que domine la forteresse de garde de Santa Cruz. Mais Oran, pour le passé et le présent, est toujours un port commercial florissant ! Combien de poètes ont loué sa beauté et son charme pittoresque. Ses visiteurs, historiens, chroniqueurs et romanciers ont conservé et relaté de riches souvenirs des longues balades effectuées à travers ses ruelles, ses places et ses monuments chargés d’histoire. Alors, flânons un peu dans cette grande cité méditerranéenne et portons nos pas vers un endroit où la ville respire librement les effluves marins venant du large. Nous voilà sur la plateforme inférieure de la «Promenade Letang» (actuellement Ibn Badis), un immense jardin créé, autrefois, en 1847, dans les talus broussailleux surplombant une crique, abri pour les célèbres corsaires qui écumaient les côtes et la haute mer. Un peu plus loin, vers le coucher du soleil, une ligne sinueuse des falaises plonge, de la montagne du Murdjadjo jusqu’à la mer.
En leur milieu, une masse imposante s’élève : Djebel Ak’har (Montagne des Lions) et, tout au bout de l’horizon, la «Pointe de l’Aiguille» casse la perspective de la baie d’Arzew. A l’ouest, sur les hauteurs du Murdjadjo, la chapelle de Santa Cruz couronne un vieux fort espagnol du XVIIe siècle. Une belle forêt de pins recouvre aujourd’hui cette montagne, haute de 300 mètres. On y accède par le téléphérique.
Devant nous, les grands bassins du port commercial et la gare maritime très animée par les voyageurs en cette période de vacances. C’est là que les rouliers blanchâtres relient Oran aux ports d’Alicante (Espagne) et de Marseille (France). Ces bateaux attirent de nombreux badauds qui observent, à partir du balcon de la route du port, les arrivées et les départs des familles issues de l’émigration et d’autres touristes. Sur les quais, des marchandises déversées par les cargos et des longs entrelacements de rails.
Mais, par d’étroites allées d’une charmante intimité, grimpons jusqu’à l’étage supérieur de la «Promenade Letang», au pied des hauts murs d’enceinte du Château Neuf, Rosalcazar, ou Bordj Lahmar, laissant à mi-chemin «L’allée des Veuves». Le paysage que domine le promeneur est moins sévère.
Toutes les lignes, tous les contours, toutes les masses sont plus souples, plus estompées. Au tout premier plan, devant les yeux du visiteur, des arbres d’essences diverses : des palmiers, des ficus et d’autres plants enlacés de lierre qui courent sur le mur d’enceinte. De pas en pas, on est retenu par la grâce des divers tableaux. Ici, la pêcherie et l’ancienne Amirauté ferment l’extrémité ouest du port. Là, un bout de quai et des navires. Tout près, au-dessus d’un pin parasol, c’est l’horizon et la mer bleue soutenant de blanches embarcations, une image toujours attrayante de l’invitation au voyage caressant les rêves des jeunes, tentés par l’aventure de la dangereuse traversée vers l’autre rive de la Méditerranée. Deux itinéraires convient le visiteur à abandonner ce lieu enchanteur : en suivant la rampe du Château Neuf, il sera surpris de voir à la pointe haute du rempart, s’avançant comme l’éperon d’un navire, le «Pavillon de la Favorite».
Un joli nom et de lointains souvenirs puisque cette belle demeure fut édifiée pour la bien-aimée du dernier bey d’Oran, le bey Hassan, avant l’entrée du corps expéditionnaire colonial français, en 1832, dans la cité. A l’opposé, le square du «Théâtre de Verdure» est un jardin qui abrite actuellement des concerts de musique. Il est le point de départ d’une grande bretelle de la voie littorale bordée de tours : le boulevard du Front de Mer. Car, Oran, née sur le versant occidental d’un ravin (Ras El-Aïn), a débordé au cours du XIXe siècle pour s’étaler sur un plateau. Le site peut être décomposé en trois parties qui sont le massif forestier du Murdjadjo, le ravin de Ras El-Aïn où coulaient, jadis, à ciel ouvert, les eaux limpides de l’Oued Er-R’hi (Rivière des moulins) et, enfin, le plateau qui s’étend jusqu’à l’est de la ville. Ce site a constitué le premier noyau urbain, choisi par ses habitants au début du Xe siècle pour la présence du cours d’eau qui arrosait de luxuriants jardins, faisait tournait les moulins à blé et alimentait la population.
La ville, dit-on, était défendue par quelques forts, tels Ras El-Ksar, le Rozalcasar espagnol, transformé par les garnisons du Cardinal Ximenes en citadelle (Château Neuf), appelé maintenant Palais du Bey Mohamed El-Kébir, le libérateur d’Oran de l’occupation espagnole en 1792. Les travaux avaient été multipliés vers l’Est où s’élevaient, sur le plateau même, les murs reliant le Palais aux forts Saint André et San Phillipe. Et puis, l’on se retrouve sur la vaste place d’Armes débaptisée Place du 1er Novembre 1954. Elle est bordée par deux magnifiques pièces architecturales : le majestueux Théâtre régional d’Oran, baptisé du nom du célèbre dramaturge, feu Abdelkader Alloula, et l’Hôtel de Ville, à l’entrée duquel trône deux superbes lions. Notre visiteur prend une halte devant Derb Lihoud, l’ex-quartier juif. Ce quartier a constitué le premier conglomérat d’habitations à l’époque où le bey Mohamed El-Kebir lança les travaux d’urbanisme hors du «Vieil Oran». La promenade prendra fin sur ce site chargé histoire, car Oran, à l’orée du XIXe siècle sera le théâtre de célèbres batailles dirigées par Hadj Mohieddine et son fils, l’Emir Abdelkader, qui reprit le flambeau de la résistance pendant 17 ans contre les troupes d’occupation.
Abdallah Bendenia