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instrumentalisations actuelles de l’Histoire

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Atavisme

Atavisme

Des instrumentalisations actuelles de l’Histoire

Toutes les sociétés & tous les mouvements politiques ont, à un moment ou un autre de leur existence, mobilisé l’Histoire pour appuyer leur discours, leur action, leur politique... Mais ce phénomène, dont les totalitarismes du XXe siècle sont la plus caricaturale expression, connait ces dernières années une production sans précédent, à droite et à l’extrême droite, en France comme ailleurs. Petit décryptage en coup de gueule historiographique.

L’iden­tité Nationale ? Instrumentalisation de l’his­toire par le gou­ver­ne­ment.


La pre­mière ins­tru­men­ta­li­sa­tion de l’his­toire est d’abord le fait des gou­ver­nants, ceux qui ont les moyens de faire ou refaire l’his­toire. Les mesu­res visant à « reconnaî­tre le rôle posi­tif de la colo­ni­sa­tion », l’appa­ri­tion d’un minis­tère (puis d’un débat) de l’iden­tité natio­nale, ne sont que quel­ques mesu­res qui res­te­ront de l’impres­sion­nant bat­tage média­ti­que fait sur la ques­tion his­to­ri­que. Enjeux mémo­riel­les, mobi­li­sa­tion de pages entiè­res de l’his­toire de France ver­sion école de la IIIeme République, glo­ri­fi­ca­tion d’un mythe natio­nal dont la tra­di­tion his­to­rio­gra­phi­que n’a rien à envier aux pam­phlé­tai­res réac­tion­naire de la fin du XIXe siècle ou à la pro­pa­gande de la pre­mière guerre mon­diale sont autant de mor­ceaux d’his­toire mobi­li­sés par l’UMP qui sont appa­rus dans les médias. Le « roman natio­nal » est de retour et le rétro­grade « nos ancê­tres les gau­lois » ne sau­rait tarder à deve­nir le credo de l’his­toire offi­cielle [
1] au mépris d’un siècle d’his­toire des mul­ti­ples et de la diver­sité humaine. L’Etat mobi­lise même ses oppo­sants d’hier (Jaurès, Mocquet, etc), quitte à oublier l’enga­ge­ment poli­ti­que de ces per­son­na­ges, pour détour­ner la popu­la­tion des vrais pro­blè­mes que posent l’Etat et le capi­ta­lisme aujourd’hui : chô­mage, délo­ca­li­sa­tion, expul­sion, répres­sion.

L’iden­tité natio­nale est le fer de lance de la poli­ti­que xéno­phobe de l’actuel gou­ver­ne­ment, et bien au delà de la chasse aux sans-papier. L’actuel gou­ver­ne­ment s’entête à créer un sté­réo­type cultu­rel fran­çais, véri­ta­ble image d’Epinal pris comme idéal. Mais n’en dou­tons pas, au delà des deux objec­tifs évidents de cette poli­ti­que que sont le détour­ne­ment de la popu­la­tion des pro­blè­mes sociaux et la légi­ti­ma­tion d’une poli­ti­que xéno­phobe, c’est une véri­ta­ble poli­ti­que de civi­li­sa­tion qui se met en place. Nier la diver­sité d’une popu­la­tion, nier la scien­ti­fi­cité du tra­vail his­to­ri­que, mettre en place une his­toire-pro­pa­gande, une his­toire-poli­ti­que qui ten­drait à mode­ler une popu­la­tion et une créa­tion cultu­relle à l’image fan­tasmé que s’en fait depuis des décen­nies une France d’en-haut, une vieille France, une France élitiste. On res­sort alors les cli­chés d’une his­toire cultu­relle régio­nale ou natio­nale, ceux du XIXe siècle, pour fixer un idéal, que l’on vou­drait à la fois his­to­ri­que et défi­ni­tif, indé­pas­sa­ble, et sure­ment pas par l’immi­gra­tion. L’uti­li­sa­tion média­ti­que de l’immi­gra­tion permet d’ailleurs seule, de lais­ser croire à la réa­lité d’une his­toire/iden­tité fran­çaise unique, dont l’exis­tence sous-entend sur­tout celle d’un Autre his­to­ri­que : on ne se cons­truit que par rap­port aux autres, que, selon nos gou­ver­nants, contre les autres.

*inter­view de G. NOIREL, auteur de A quoi sert « l’iden­tité natio­nale » - paru en 2009 dans Altermondes *

Comment défi­ni­riez-vous l’iden­tité natio­nale ?


Gérard Noiriel : En fait, il n’existe aucune défi­ni­tion scien­ti­fi­que du concept d’iden­tité natio­nale. D’ailleurs, à chaque fois que des cher­cheurs en scien­ces socia­les ont tenté de lui appor­ter une défi­ni­tion, leurs tra­vaux ont été récu­pé­rés poli­ti­que­ment, sur­tout par les natio­na­lis­tes. Ces cher­cheurs s’inté­res­sent en revan­che aux usages qui sont faits de ce concept. Le voca­bu­laire qui cir­cule dans l’espace public n’est jamais neutre. En France, c’est le Front National qui a mis en cir­cu­la­tion l’idée d’iden­tité natio­nale. Depuis la fin du XIXe siècle, la vie poli­ti­que fran­çaise se struc­ture d’ailleurs autour du combat entre une droite qui met en avant l’iden­tité natio­nale et une gauche qui met en avant, peut-être moins main­te­nant, l’iden­tité sociale.

Quelle dif­fé­rence faites-vous entre l’iden­tité natio­nale et la natio­na­lité ?

G.N. : Le mot « natio­na­lité » est né, en France, dans les années 1830. Il avait un sens proche de ce qu’enten­dent ceux qui par­lent d’iden­tité natio­nale, c’est-à-dire le sen­ti­ment d’appar­te­nance à une nation. La pre­mière loi sur la natio­na­lité date de 1889, ce qui est assez récent. Jusqu’à cette époque, on ne savait pas tou­jours qui était fran­çais, qui ne l’était pas. Le droit actuel de la natio­na­lité est une consé­quence de la citoyen­neté répu­bli­caine. La République a intro­duit une logi­que d’égalité/iden­tité où les gou­ver­nants sont légi­ti­més à diri­ger l’État parce qu’ils sont de la même essence que les gou­ver­nés. Désormais, pour repré­sen­ter le peuple, il faut être du peuple. Cette démo­cra­ti­sa­tion de l’accès à la poli­ti­que [
2] et l’adop­tion de lois socia­les réser­vées aux Français ont conféré un enjeu poli­ti­que au fait d’être fran­çais. Cette méca­ni­que répu­bli­caine va conduire à la volonté d’uni­fier le peuple par une langue com­mune [3], une culture com­mune, etc. Mais cette « iden­tité » ne date que de la IIIe République.

L’iden­tité natio­nale a-t-elle tou­jours été liée à la ques­tion d’immi­gra­tion ?


G.N. : Une iden­tité se cons­truit tou­jours par oppo­si­tion à d’autres. C’est le « nous » face au « eux ». L’his­to­rien Jules Michelet disait déjà que la France a pris cons­cience d’elle-même en com­bat­tant les Anglais. Mais Michelet avait une vision révo­lu­tion­naire de la nation. Il pen­sait que la France était la patrie de l’uni­ver­sel. C’est en s’ouvrant de plus en plus sur l’exté­rieur qu’elle pou­vait rester elle-même. À la fin du XIXe siècle, c’est une défi­ni­tion conser­va­trice de l’iden­tité natio­nale qui s’impose. Même si beau­coup l’ont oublié, l’uti­li­sa­tion de l’iden­tité natio­nale par la droite est ancienne. En pro­po­sant la créa­tion d’un minis­tère de l’iden­tité natio­nale, Nicolas Sarkozy a sim­ple­ment réac­tivé le débat pour per­met­tre le dépla­ce­ment des voix du Front National, indis­pen­sa­bles à son élection. Ça a par­fai­te­ment fonc­tionné.

Finalement, la créa­tion de ce minis­tère change-t-elle quoi que ce soit ?

G.N. : Quand vous créez une struc­ture admi­nis­tra­tive, elle ne peut pas rester une coquille vide. Il faut la rem­plir. Jusqu’à pré­sent, ce minis­tère a sur­tout été un minis­tère de l’inté­gra­tion et de la chasse aux immi­grés, plutôt que de l’iden­tité natio­nale. Cela risque de chan­ger, comme le laisse sup­po­ser le projet de musée de l’his­toire de France. Créer un minis­tère, c’est ins­tal­ler les choses dans la durée ; lier immi­gra­tion et iden­tité natio­nale, dans l’inti­tulé d’un minis­tère c’est ancrer dans le cer­veau des gens le pré­jugé qu’il y a un lien entre les deux. Ce qui est faux his­to­ri­que­ment et dan­ge­reux poli­ti­que­ment.


L’Europe : nou­veau (?) fan­tasme iden­ti­taire.


La vision pas­séiste de l’his­toire n’est pas le propre de l’idée de « nation » fran­çaise, mais touche aussi l’idée d’une Europe, pré­ten­du­ment cohé­rente d’un point de vue his­to­ri­que et cultu­relle. Après avoir été long­temps l’apa­nage de l’Eglise (Europe chré­tienne) et du fas­cisme (Europe cultu­relle et eth­ni­que) elle est aujourd’hui promue pelle-mêle par les gou­ver­ne­ments en place, l’extrême-droite euro­péenne et la droite amé­ri­caine. D’abord par les gou­ver­ne­ments euro­péens, qui y trou­vent un ren­fort ines­péré pour une fer­me­ture totale de l’espace Schengen au profit d’une véri­ta­ble Europe for­te­resse, utile pour refu­ser l’entrée de la Turquie dans l’UE et celle des immi­grées dont la pré­ten­due dif­fé­rence avec l’idéal cultu­relle/eth­ni­que euro­péen permet d’affir­mer la non inté­gra­bi­lité. Le dis­cours est stu­pide mais logi­que, si les euro­péens ont une com­mu­nauté cultu­relle, il faut s’assi­mi­ler à cette culture pour inté­grer ces pays. Le fait que cette vision poli­tico-his­to­ri­que vien­nent contre­dire 5 000 ans d’une his­toire euro­péenne faites de mou­ve­ment de popu­la­tion ne semble pas per­tur­ber les poli­ti­ciens.

C’est également l’extrême-droite qui est le média habi­tuel de ces thèses. Le fas­cisme ayant marqué une diver­gence avec la pré­do­mi­nance abso­lue de l’idée de nation pour pro­mou­voir une hypo­thé­ti­que ethnie euro­péenne qui permet d’assi­mi­ler Grecs, romains, ger­mains, francs et vikings en une seule culture idéa­li­sée en dehors de laquelle point de salut. Dès les années 70-80, le GRECE (Groupement de Recherche & d’Etude pour la civi­li­sa­tion Européenne), se cons­ti­tuait en « think tank » his­to­ri­que de la nou­velle droite pour ré-élaborer cette idée tout en la dis­tan­ciant de leur pré­dé­ces­seur fas­cis­tes ou nazis. Aujourd’hui c’est l’ensem­ble de l’extrême-droite qui sou­tien cette idée de façon clai­re­ment pro­pa­gan­diste à l’instar de la mou­vance iden­ti­taire ou sous cou­vert d’un pseudo tra­vail de recher­che comme le fait la N.R.H. (Nouvelle Revue d’Histoire) qui titre « L’Europe des euro­péens » ou « nos ancê­tres les celtes et les gau­lois » sous la plume de son éditorialiste d’extrême-droite Dominique Vanner [
4]. Ce dis­cours permet, sous cou­vert d’une « soli­da­rité euro­péenne » et d’une com­mu­nauté cultu­relle his­to­ri­que, à l’extrême-droite de défen­dre publi­que­ment la grande Serbie ou la répres­sion entre­te­nue par l’Etat Russe sur la Tchétchénie ou ses oppo­sants.

Depuis le début des années 2000, la thèse d’une culture euro­péenne his­to­ri­que a trouvé des défen­seurs achar­nés de l’autre coté de l’atlan­ti­que avec les par­ti­sans du dis­cours géo-poli­ti­que de Samuel Huntington. Ce der­nier, dans un ouvrage inti­tulé « le choc des civi­li­sa­tions », devenu le livre de chevet de la droite amé­ri­caine, pré­tend expli­quer les guer­res actuel­les par l’oppo­si­tion de « blocs civi­li­sa­tion­nels his­to­ri­ques » tels que l’occi­dent chré­tien et le monde musul­man. Une fois encore cette thèse ne tient pas le coup du juge­ment his­to­ri­que [
5] ; il n’empê­che qu’elle sous-tend aujourd’hui de façon évidente une partie des dis­cours géo­po­li­ti­ques euro­péen et nord-amé­ri­cain (quand elle ne vient pas contre­dire les impé­ra­tifs économiques, of course).


Histoire men­songe donc Histoire com­plot.


Alors l’his­toire pro­pa­gande, l’his­toire offi­cielle, l’his­toire étatique étant les che­vaux de batailles de nos enne­mis, faut-il se méfier sys­té­ma­ti­que­ment de l’his­toire expli­cite ? De l’his­toire-médias ?

L’ins­tru­men­ta­li­sa­tion de l’his­toire ne signi­fie pas néces­sai­re­ment le men­songe his­to­ri­que (bien que les exem­ples exis­tent) mais plus sou­vent la par­tia­lité du point de vue, l’omis­sion et la sélec­tion des faits, des facet­tes d’une per­son­na­lité his­to­ri­que, etc. La méfiance vis à vis de l’his­toire offi­cielle -au sens large- à permis l’appa­ri­tion, avec la démo­cra­ti­sa­tion d’accès à inter­net (et notam­ment aux plate-forme d’héber­ge­ment vidéo), d’un dis­cours de l’his­toire caché. Du 11 sep­tem­bre 2001 aux illu­mi­na­tis le dis­cours se répand d’une vérité occultée par les puis­sants. S’invente l’his­toire d’une force cachée, d’un monde aux mains d’un groupe puis­sant et invi­si­ble. Ce com­plo­tisme nais­sant en croise un plus ancien, celui des ésotérismes, des rose-croix/tem­pliers/franc-maçons popu­la­ri­sés récem­ment par Dan Brown & cie, pour créer un bouillon her­mé­neu­ti­que et com­plo­tiste.

L’his­toire n’est plus ins­tru­men­ta­li­sée : Elle est fan­tas­mée.

Malheureusement ce com­plo­tisme connait un plus grand succès que ces pré­dé­ces­seurs en trou­vant en inter­net un relai des plus effi­cace. Et hier comme aujourd’hui il se trouve des forces poli­ti­que pour s’en saisir. Les mou­ve­ment Egalité & Réconciliation, autour d’Alain Soral, et cer­tains grou­pes néo-nazis n’hési­tent pas à mêler ce com­plo­tisme à leur dis­cours poli­ti­que pour jus­ti­fier une pseudo lutte contre le « Nouvel ordre mon­dial ». L’his­toire sert ici à dési­gner un ennemi-fan­tasme. Mieux, pour ceux qui comme égalité & réconci­lia­tion affir­ment avoir une poli­ti­que sociale elle permet, en dési­gnant un ennemi loin­tain, d’oublier qu’on laisse-faire l’ennemi proche : le patron, l’action­naire, etc et ainsi d’avoir un dis­cours social en fai­sant l’impasse sur la lutte sociale.

Ce clas­si­que du fas­cisme des années 30 se nour­rit d’un autre clas­si­que des mou­ve­ments fas­cis­tes : le pou­voir caché ne peut être que celui d’un axe entre les puis­sants, d’une domi­na­tion mon­diale. Ressort peu à peu l’idée du juif mani­pu­la­teur de la finance et donc de la poli­ti­que, hier pieu­vre Rotschild, aujourd’hui axe USA-Israel qui sert de toile de fond a un dis­cours fas­ci­sant pas si rare qu’il n’y parait. Un petit tour sur le net donne l’ampleur de cette mys­ti­fi­ca­tion, on n’est pas loin d’une dif­fu­sion du «
pro­to­cole des sages de Sion » tant ce dis­cours fas­ci­sant d’un com­plot his­to­ri­que trouve des audi­teurs et des relais nom­breux sur la toile.

Si l’his­toire est men­songe, alors il n’y a aucun argu­ment pour s’oppo­ser au dis­cours com­plo­tiste qui, sous cou­verts d’anti­sio­nisme, ali­mente l’anti­sé­mi­tisme et l’anti-amé­ri­ca­nisme de l’extrême-droite fran­çaise. Il n’y a pas de preuve his­to­ri­que car c’est un com­plot, et comme c’est un com­plot les contre-exem­ples sont néces­sai­re­ment des faux pro­duits par les puis­sants. La boucle est bouclé et va nour­rir une fois de plus une extrême-droite trop contente de pou­voir cri­ti­quer ainsi une réa­lité his­to­ri­que que, sans avoir le pou­voir, elle ne peut contrô­ler.

Si on prend en compte que le fan­tasme her­mé­neu­ti­que (Da vinci code, illu­mi­na­tis, francs-maçons, 2012, etc) est bien plus ven­deur que le dis­cours des his­to­riens, on com­prend que la poli­ti­que y trouve un ter­reaux si pra­ti­que car plus répandu.

Les « pou­bel­les de l’his­toire »

L’his­toire, qu’elle soit offi­cielle ou pro­pa­gan­diste, est également l’his­toire qui oublie, qui sélec­tionne. Et c’est par­ti­cu­liè­re­ment le cas de l’his­toire répu­bli­caine offi­cielle, qui par exem­ple à mis tant de temps à reconnaî­tre les exac­tions du
SAC ou le poids pré­pon­dé­rant des anciens de l’Algérie fran­çaise et de la guerre contre-révo­lu­tion­naire dans la cons­ti­tu­tion des ser­vi­ces répres­sifs des régi­mes dic­ta­to­riaux d’Amérique du sud. L’his­toire offi­cielle a tôt fait, malgré d’ailleurs le tra­vail des his­to­riens, d’oublier le mas­sa­cre des algé­riens à Paris le 17 octo­bre 1961 [6].

L’his­toire offi­cielle est aussi l’his­toire sim­pli­fiée. Celle qui pré­sente la « guerre civile » espa­gnole de 1936-1938 comme un combat entre fran­quiste & répu­bli­cains, oubliant dans le dis­cours de vul­ga­ri­sa­tion l’aspi­ra­tion révo­lu­tion­naire des ouvriers Barcelonais de 1936 ou la répres­sion sta­li­nienne du Parti com­mu­niste espa­gnol sur le camp « répu­bli­cain ».

Si le filtre par­ti­san devient le filtre his­to­ri­que que devient l’his­toire des per­dants ? Les si nom­breux oubliés de l’his­toire ?
Michel Ragon écrivait en 1989 un roman inti­tulé « la mémoire des vain­cus » pour raconter l’his­toire des anar­chis­tes du début du siècle, ceux des « pou­bel­les de l’his­toire » comme en réponse à cette ques­tion.

Outre atlan­ti­que ce tra­vail néces­saire de mise à dis­po­si­tion d’une his­toire popu­laire,
Howard Zinn l’avait fait pour une his­toire des Etats-Unis. Et malgré une volonté de ne pas adap­ter les faits à ses convic­tions poli­ti­que, en tirait la conclu­sion sui­vante :

Garder espoir dans les temps dif­fi­ci­les n’est pas seu­le­ment fol­le­ment roman­ti­que. C’est basé sur le fait que l’his­toire humaine est une his­toire non seu­le­ment de cruauté, mais aussi de com­pas­sion, de sacri­fice, de cou­rage et d’ama­bi­lité. Ce que nous choi­sis­sons de faire res­sor­tir dans cette his­toire com­plexe déter­mi­nera nos vies. Si nous ne voyons que le pire, cela détruit notre capa­cité de faire quoi que ce soit. Si nous nous sou­ve­nons de ces temps et lieux – et il y en a tant – où les gens se sont com­por­tés de manière magni­fi­que, cela nous donne l’énergie d’agir, et au moins, la pos­si­bi­lité de diri­ger la toupie du monde dans une direc­tion dif­fé­rente. Et si nous agis­sons vrai­ment, même de façon modeste, nous n’avons pas à atten­dre un quel­conque grand futur uto­pi­que. Le futur est une suc­ces­sion infi­nie de pré­sents, et vivre main­te­nant de la manière dont nous pen­sons que les êtres humains doi­vent vivre, au mépris de tout ce qui est mau­vais autour de nous, est en soi une mer­veilleuse vic­toire.

Bien sûr l’ana­lyse ici faite ne prend pas les points his­to­ri­ques des dif­fé­rents dis­cours pour mon­trer com­ment ils ins­tru­men­ta­li­sent une vérité his­to­ri­que. D’abord parce qu’un tel tra­vail, à l’échelle des pro­pa­gan­des sus-cités, est tita­nes­que, d’autre part car, pour le dis­cours gou­ver­ne­men­tal en tout cas, ce tra­vail est déjà fait, et bien fait, notam­ment par les mem­bres du
CVUH. Enfin car pren­dre de la dis­tance vis-à-vis des faits pour com­pren­dre les logi­ques qui sous-ten­dent leur mobi­li­sa­tion poli­ti­que permet d’iden­ti­fier les logi­ques poli­ti­ques, plutôt que s’attar­der sur les tra­ves­tis­se­ments his­to­ri­ques.

Ce cons­tat permet tou­te­fois de rap­pe­ler deux ques­tions évidentes sur le rap­port entre his­toire et poli­ti­que : celle de l’his­toire enjeux poli­ti­que, et, en consé­quence, celle de l’his­toire objec­tive. Si toute his­toire est poten­tiel­le­ment un enjeux poli­ti­que, son dis­cours peut-il être objec­tif ? Pire, si on peut mobi­li­ser les faits pour sou­te­nir un dis­cours poli­ti­que, cela sous-entend il néces­sai­re­ment que l’on tra­ves­tit l’his­toire ?

P.-S.

Quelques pistes de lecture sur le sujet :

L. DE COCK, F. MADELIN, N. OFFENSTADT & S. WAHNICH (membres du CVUH), Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France, dictionnaire critique, Ed. Agone, 2008

Pierre MILZA, Fascisme français, passé et présent, Flammarion, 1987.

F. BRAUDEL, l’identité de la France, Flammarion, 1986.

G. NOIREL, A quoi sert « l’identité nationale », Ed. Agone, 2007.

G. NOIREL, Le creuset français, histoire de l’immigration XIXe-XXe siècle, Seuil, 1986 (reed. 2006).

S. CITRON, Le mythe national, l’histoire de France revisité, l’Atelier, 2008

M. RAGON, La mémoire des Vaincus, poche

H. ZINN, Une histoire populaire des Etats-Unis, Agone, 2002


Voir aussi les sites :

Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire
dont notamment
L’histoire par Nicolas Sarkozy : le rêve passéiste d’un futur national-libéral
Appel pour la suppression du ministère de l’identité nationale

Notes

[
1] Voir par exemple la reparution de l’histoire de france en bande dessinéevision archaïque de l’histoire

[
2] En France, les hommes ont le droit de vote depuis 1848.

[
3] En 1870, la moitié des Français parlaient des langues locales et des patois. Ils ne parlaient pas le français de Paris.

[
4] La NRH est diffusé dans toutes les boutiques de presse et se préserve d’accusation d’histoire partisane en prenant soin de mêler, à chaque numéro, quelques articles d’historiens, engagés certes, mais au travail sérieux avec des textes beaucoup plus discutables. On trouvera dans cette mouvance les principaux défenseurs de la thèse sulfureuse de Sylvain Gougenheim qui tendait à ignorer les passage par le monde arabe de la culture Grecque avant sa redécouverte par l’occident médiéval via l’espagne musulmane.

[
5] Petit décorticage par l’émission le dessous des cartes

[6] Les faits, porté à l’écran dans Nuit Noire en 2004, avait pourtant fait l’objet du travail de l’historien J.-L. Einaudi en 1991



http://rebellyon.info/Des-instrumentalisations-actuelles.html

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