Wikileaks
Le linge sale de l'Algérie sur la toile
Les documents publiés dévoilent la manipulation et le malaise social.
Des documents Wikileaks publiés récemment ont fait ressortir la manipulation qui sévit en Algérie, notamment en raison du contrôle qu'exerce l'appareil sécuritaire et militaire algérien sur toutes les facettes de la vie dans ce pays. De la politique en passant par l'économie, les documents donnent l'image d'un pays "malheureux", ou les problèmes sécuritaires sont instrumentalisés pour justifier les graves violations des droits de l'Homme et ou les revenus des ressources gazeuses sont exploités par une poignée de responsables, au moment où le reste de la population vit dans "l'aliénation politique et l'exclusion sociale". Les documents Wikileaks indiquent que les questions politiques et la réforme constitutionnelle, visant à servir l'élite au pouvoir, était la seule préoccupation du régime algérien, au moment où les problèmes socio-économiques qui prennent en otage la majorité de la population algérienne ne figuraient pas parmi ces préoccupations. "Il y a un déficit scandaleux dans le secteur du logement, au moment où le chômage et le sous-emploi (au moins 50 parmi les jeunes) est endémique", lit-on dans l'un des documents Wikileaks.
Face à cette situation, ces documents enseignent que "plusieurs jeunes algériens tentent de fuir le pays, a bord de petites embarcations si nécessaire". Les documents Wikileaks parlent de plusieurs indicateurs "éloquents" qui montrent à quel point la population est "malheureuse". Le grave déficit social, les problèmes économiques dont la hausse des prix des produits alimentaires, ont conduit à des grèves quasi-hebdomadaires dans plusieurs secteurs de l'activité, dont l'enseignement, et des manifestations presque quotidiennes contre des locaux gouvernementaux dans des régions isolées, indiquent les documents. Un tel malaise social s'est traduit par une désaffection de la population algérienne à l'égard de la vie politique, indiquent les documents, qui rappelle, dans ce contexte, que "le taux de participation lors des élections législatives et locales algériennes de 2007 a atteint son niveau le plus bas, car les jeunes Algériens estiment que le système politique est en déphasage avec les problèmes du pays".
"La majorité de l'élite politique et sociale sent que l'Algérie est en dérive", soulignent les documents. Les documents Wikileaks font ressortir une importante hausse des revenus de l'Etat algérien dont les réserves en devises ont atteint en 2007 environ 110 milliards de dollars. "Le public est au courant de cette richesse mais il est tout à fait conscient de l'incapacité du gouvernement algérien de régler des problèmes comme ceux du logement et de l'emploi", indiquent les documents, soulignant que ces problèmes "portent un coup à la crédibilité du gouvernement algérien".
Bombes à retardement
"Le gouvernement algérien semble incapable de régler les problèmes systématiques" dont la bureaucratie et la centralisation qui freinent les investissements privés, relèvent les documents, qui soulignent que "cette incapacité trouve son origine dans le manque de vision" au haut niveau de l'Etat algérien. Les documents soulignent, par ailleurs, que le mécontentement social en Algérie offre à l'organisation Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) un terrain fertile pour trouver de nouvelles recrues. Faisant état de menaces aux intérêts occidentaux en Algérie, les documents indiquent que l'AQMI a porté un coup dur au plan d'amnistie proposé par le gouvernement algérien. Le gouvernement algérien "a été affaibli dans les débats internes avec les faucons de la direction des services de sécurité", notent les documents, qui font également état d'une perte de crédibilité des services de sécurité parmi la population algérienne et la communauté occidentale en Algérie.
Les documents soulignent que l'attaque commise en décembre 2007 contre les locaux des Nations unies à Alger a embarrassé le gouvernement d'Alger. "Lorsque l'ONU a annoncé son intention de mener sa propre enquête sur les défaillances sécuritaires avant l'attaque, les autorités algériennes hyper-susceptibles ont réagi avec acharnement et obligé l'ONU à abandonner son plan", lit-on dans les documents. Le service algérien de renseignements militaires, qui s'occupe de la lutte antiterroriste, a été qualifié de "susceptible et paranoïaque" dans les documents Wikileaks, qui reviennent sur les vagues de ressortissants algériens ayant rejoint les rangs des jihadistes en Irak.
D'après ces documents, environ 64 combattants algériens se trouvaient en Irak entre 2006 et 2007. Les responsables algériens refusent de discuter des questions sécuritaires, notamment la lutte contre l'AQMI, en public, notent les documents, qui mettent en exergue "les capacités administratives limitées" des officiers algériens. Selon les documents, "la méfiance des Algériens est le résultat de la bureaucratie et le paranoïa". Les officiers des services de renseignements militaires algériens "cherchent à renforcer leurs propres positions au sein de la structure du pouvoir algérien" en contrôlant la coopération sécuritaire avec l'Occident.
Abordant la politique étrangère de l'Algérie, les documents soulignent que le gouvernement d'Algérie demeure "mal-informé" quand il s'agit des développements dans la région. Il est à noter que les documents citent la question du Sahara comme l'un des principaux axes de la politique étrangère de l'Algérie. A cet égard les documents relèvent "la fixation" des Algériens sur des plans devenus obsolètes, notamment le plan Baker. L'affaire du Sahara "est la plus importante question du gouvernement algérien auprès duquel on trouvera pas d'écoute" à ce sujet. "Le gouvernement algérien s'attache toujours à l'espoir que le plan Baker sera ressuscit…!", même si les responsables occidentaux ne cessent d'informer les responsables algériens qu'il s'agit d'un plan "obsolète".