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Le SAS et le Mekhzen...

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1Le SAS et le Mekhzen... Empty Le SAS et le Mekhzen... Ven 4 Mar - 22:16

bacharalkhir

bacharalkhir

Le Mekhzen est algérien...,en dépit de toute allégation
Les Mokhaznis

Dès 1955, l'armée française a décidé d'entreprendre et de développer des « activités psychologiques » au sein des masses pour soustraire les populations algériennes à l'influence du FLN. A cet effet, le général Parlange, en poste dans les Aurès, crée les premières Sections Administratives Spécialisées (SAS) pour établir un lien direct et multidimensionnel entre l'armée française et les populations16. Les SAS interviennent dans quatre domaines :
- M. Hamoumou, ibid., p. 123. Officiellement, au 19 mars 1962, sur 225 000 supplétifs musulmans seuls 5000 potentiellement menacés sont autorisés à être « rapatriés » selon M. Hamoumou.Mais, selon le même auteur, ce sont en fait 60 000 personnes qui ont quitté définitivement l'Algérie pour la France soit 27% des supplétifs, toutes catégories confondues.
- Communiqué du ministére français des Armées du 8 mars 1962 cité par Si Othmane, L'Algérie, l'origine de la crise,
• politique : il s'agit de « reprendre en main les populations et les mettre en confiance […] pour s'assurer leur appui de plus en plus effectif », encourager la recherche systématique de renseignements sur le FLN et l'ALN ;
• social : organiser et développer l'action sociale comme l'ouverture d'écoles, d'infirmeries et le lancement de travaux d'équipement local ;
• administratif : suppléer le vide administratif créé par la démission des élus locaux ordonnée par le FLN. Dans ce cadre, l'officier de SAS exerce les fonctions d'officier d'état civil et représente dans sa localité les autorités préfectorales ;
• militaire : assister l'armée française dans sa lutte contre l'ALN. La SAS dispose à cet effet de supplétifs musulmans armés et organisés en makhzen. [/justify]
En 1956, il a été décidé de créer 680 SAS réparties dans 13 départements à raison d'une SAS par arrondissement. Le chef de SAS dispose d'un makhzen limité à 25 hommes. En mai 1961, on compte 661 SAS et 27 SAU (Section Administrative Urbaine : équivalent de la SAS dans les agglomérations urbaines) qui utilisent 20 000 moghzanis
. Les groupes mobiles de protection rurale (GMPR)
Les GMPR, devenus GMS (groupes mobiles de sécurité) en 1958, ont des missions de surveillance, d'intervention et de « maintien de l'ordre » dans des endroits insuffisamment couverts par l'armée française ou la gendarmerie. Ils sont également chargés de protéger certains édifices publics tels que les sièges des préfectures, des sous-préfectures et des mairies ou assurer la protection de certaines personnalités civiles. Les effectifs des GMS sont estimés à 10 000 hommes en 1962 selon Hamoumou.
- Instruction ministérielle datée du 30 avril 1955 adressée au général Parlange, citée par Si Othmane, op. cit., p. 114.
18 M. Hamoumou, ibid., p. 118.

Les groupes d'autodéfense (GAD)
Les groupes d'autodéfense ont été mis sur pied pour protéger des villages, des mechtas ou des fermes contre d'éventuelles attaques de l'ALN. Ils sont également chargés d'empêcher les éléments du FLN et de l'ALN d'y pénétrer pour s'approvisionner ou recueillir des renseignements. Armés par l'armée française dont ils constituent le prolongement, les GAD sont par ailleurs utilisés « comme arme psychologique et politique contre les thèses du FLN »19. Les GAD ont été très actifs puisque leurs activités ont vite débordé leur mission défensive originelle. En 1962, leurs effectifs ont atteint 60 000 hommes.
C'est à partir de ces différentes unités que la « force locale » devait être constituée.
Le tableau récapitulatif suivant nous résume, selon quatre sources différentes, l'état des effectifs de l'ensemble des militaires et supplétifs « Français-Musulmans » en service dans l'armée française au 19 mars 1962 qui devaient donner naissance à la « force locale ».

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Tableau 1. Militaires et supplétifs « Français-Musulmans » en service (Mars 1962)
C. de Saint-Salvy
C. Brière
M. Ha-mou-mou
Gén. Faivre
Militaires de carrière
20 000
20 000
20 000
20 000
Appelés
40 000
-
40 000
17 000
Harkis
58 000
70 000
70 000
63 000
Mokhaznis
23 000
20 000
20 000
19 000
GMS/GMPR
12 000
10 000
15 000
8 500
GAD
60 000
60 000
60 000
55 000
Total
213 000
180 000
225 000
182 500




Source : Mohand Hamoumou, op. cit., p. 122. 19 Ibid., p. 119.
insi après avoir échoué de briser le FLN et l'ALN comme prévu et de maintenir le statut colonial de l'Algérie, au prix d'une guerre des plus féroces de notre temps, la France procède froidement à l'adaptation de sa stratégie aux nouvelles conditions qui conduisent l'Algérie à l'indépendance. A cet effet, la France réussit à mettre en place une « force locale » de 58 000 hommes parmi ses collaborateurs qu'elle avait mobilisés auparavant contre leur peuple et auxquels elle confie le contrôle de l'institution la plus stratégique du pays et qui commande son avenir20. Pour concrétiser cette politique, la France avait lancé des actions précises tous azimuts. Dans 20 Mais la « force locale », conçue et mise en place en 1962 par le gouvernement français et dont le commandement était d'ailleurs resté en France, a été rejetée à la fois par l'étatmajor général de l'ALN et par le commandement de l'ALN de toutes les wilayate. Les pressions de l'ALN, unie sur cette question, ont été telles que les unités de la « force locale » se sont autodissoutes. Les soldats qui la composaient étaient rentrés purement et simplement chez eux en abandonnant le matériel militaire dans les casernes. Les officiers français et français-musulmans qui l'encadraient étaient retournés en France. Certains de ces officiers « français-musulmans » avaient rejoint l'ANP après l'indépendance de l'Algérie. Le projet de « force locale », combattu par l'ALN a donc été un échec total.
le domaine militaire, il s'agissait d'encourager des « désertions » et des « ralliements » d'officiers algériens jeunes (fraîchement promus pour la circonstance) et moins jeunes servant dans l'armée française pour infiltrer l'ALN d'une part et, d'autre part pour les préparer à accéder au moment venu au commandement de l'armée algérienne après l'indépendance. Voyons cela de plus près dans le chapitre suivant.
2. A la conquête de l'armée de libération nationale
L'infiltration de l'armée de libération nationale (1957 - 1962)
Le ralliement à l'armée de libération nationale d'officiers, de sousofficiers et de soldats algériens exerçant dans l'armée française s'est opéré de diverses manières entre 1956 et 1962.
Au départ, les ralliements individuels et isolés n'étaient animés ni par les mêmes motivations ni ne répondaient à des consignes des autorités françaises. Il est clair que les premiers éléments opérant dans l'armée française qui avaient rejoint l'ALN dans diverses wilayate à titre individuel21 ou en groupes22 et quel que soit leur grade semblent avoir été motivés soit par un élan nationaliste ou par réaction à la répression du peuple par l'armée coloniale soit pour d'autres raisons. Chaque cas de désertion de l'armée française constituait un cas en soi. La généralisation et la systématisation à partir de cas isolés observés en 1955 et en 1956 risque d'aboutir à des conclusions erronées. Il importe de noter que les déserteurs de l'armée française entre 1955 et 1956 rejoignaient directement l'armée de libération dans les maquis et avaient combattu aux côtés de leurs frères moudjahidine.
- De nombreux soldats ou sous-officiers algériens ont déserté l'armée française et rejoint le maquis à titre individuel et ce, dès 1955. Ils ont combattu loyalement au sein de l'ALN. Beaucoup d'entre eux sont d'ailleurs tombés au champ d'honneur.
-Il y a eu des cas de désertion collective où des slodats et des sous-officiers ont rejoint ensemble l'ALN. Il convient de rappeler à cet égard, à titre d'exemple, la décision courageuse prise par Abderrahmane Bensalem et d'autres sous-officiers qui ont rejoint le maquis avec tous les soldats algériens d'une compagnie dans la région de Souk Ahras. A. Bensalem, dont j'ai gardé un excellent souvenir de maqisard dévoué, généreux et humain, a accédé assez rapidement à de hautes responsabiltés dans l'ALN. Il a dirigé le deuxième bataillon entre 1958 et 1959 avant d'avoir été nommé commandant de la Zone opérationnelle Nord aux frontières Est en 1960.

Par contre, les ralliements individuels ou de groupes d'éléments algériens de l'armée française observés en 1957 et notamment à partir de 1958 s'opéraient non vers l'ALN, mais vers le FLN à Tunis pour entrer par la grande porte. Ceci répond à une stratégie précise de la France pour concrétiser sa démarche de « l'Algérie algérienne » en vue de maintenir l'Algérie, une fois l'indépendance politique acquise, sous domination française indirecte.
Objectifs des « déserteurs » algériens de l'armée française
Nous n'allons pas aborder ici le problème des « déserteurs » algériens de l'armée française dans sa globalité, d'autant plus que ceux d'entre eux qui ont rejoint directement l'ALN ont prouvé leur attachement à la cause nationale et ont lutté avec abnégation pour l'indépendance de l'Algérie. Ce serait d'ailleurs long et fastidieux et ne changerait rien à la nature de notre problématique, à savoir, la question de l'infiltration de l'ALN décidée et planifiée par les autorités françaises pour perpétuer la domination française en Algérie.
Par contre, un éclairage sur le rôle, la promotion et l'ascension rapide d'une quarantaine de « déserteurs » algériens de l'armée française, qui ont rejoint le FLN à l'extérieur et qui ont joué par la suite un rôle déterminant au sein du ministère de la Défense après l'indépendance, permet de mieux cerner l'ampleur du plan et des objectifs élaborés à cet effet par la France.
Il s'agissait de préparer les « déserteurs » de l'armée française pour contrôler et diriger la future armée algérienne après l'indépendance. Dans ce cadre, il est intéressant de noter la similitude de l'approche du gouvernement belge à l'égard du Congo, devenu plus tard Zaïre, et celle du gouvernement français vis-à-vis de la Révolution algérienne. La seule différence entre ces deux cas est que la Belgique avait réussi dès le départ à bien placer Mobutu, alors sergent. En moins de deux ans il a été nommé général, puis chef d'état-major de la jeune armée congolaise, poste qui lui avait permis d'éliminer d'abord le Premier Ministre Patrice Lumumba, puis de renverser Kasavubu, alors Président de la République. Quatre à cinq années avaient suffi au sergent Mobutu pour devenir chef d'Etat avec la bénédiction de l'ex-puissance coloniale.

Dans le cas algérien, il a fallu aux « déserteurs » de l'armée française d'attendre le mois de janvier 1992 pour organiser leur coup d'Etat. Le chemin a été plus long pour les putschistes algériens. Mais au bout du compte, le résultat est le même dans les deux cas.
Rappelons à cet effet que parmi les premiers officiers « déserteurs » de l'armée française en septembre 1957 il y avait les capitaines Benabdelmoumen, Mouloud Idir et Mohamed Zerguini suivis par les lieutenants Bouanane, Mohammed Boutella, Abdelkader Chabou et Slimane Hoffmann qui avaient rejoint le FLN en Tunisie. Ces derniers avaient été rejoints en 1958 et en 1959 notamment par les sous-lieutenants Abdelmadjid Allahoum, Abdennour Bekka, Larbi Belkheir, Mohammed Ben Mohammed, Hamou Bouzada, Mostapha Cheloufi, Abdelmalek Guennaizia, Mokhtar Kerkeb, Lahbib Khellil, Abdelhamid Latrèche, Madaoui, Rachid Mediouni, Khaled Nezzar et Selim Saadi.
En 1961, à quelques mois de l'indépendance, un autre groupe de « déserteurs » formé de quelques militaires fraîchement promus au grade de sous-lieutenant par la France rejoint le FLN au Maroc et en Tunisie. Parmi eux, il y avait Mohamed Lamari et Mohamed Touati devenus hommes clés de l'ANP depuis le coup d'Etat de 1992.
Quant aux aviateurs, les lieutenants Saïd Aït Messaoudène et Mehieddine Lakhdari, ils avaient rejoint respectivement Tunis en 1958 et Le Caire en 1957.
Au mois de mai 1959, un groupe de « déserteurs » de l'armée française23 avait invité à Garn Al Halfaya où ils étaient en instance d'affectation un groupe de jeunes officiers maquisards formés dans des Académies militaires arabes pour discuter avec eux de l'avenir de l'armée algérienne24. Slimane Hoffmann fut le premier à prendre la parole pour introduire le sujet. Il s'agissait du rôle que devraient jouer les officiers présents à cette réunion pour encadrer et diriger l'armée algérienne après l'indépendance. Son message était clair :
Nous, ex-officiers de l'armée française et vous, officiers sortis des Académies militaires arabes, sommes les mieux placés et les mieux préparés pour nous imposer et disposer du commandement de l'armée algérienne après l'indépendance, compte tenu de notre professionnalisme, de notre expérience et de notre compétence. Nous devons nous entendre dès à présent sur la répartition des rôles et des tâches pour accéder au commandement de la future armée algérienne.
-Il s'agit notamment de Slimane Hoffmann, leur porte-parole, Abdelmadjid Allahoum, Abdennour Bekka, Larbi Belkheir, Mostepha Ben Msabih, Abdemalek Guennaizia, Madaoui et Rachid Mediouni.
24 Le groupe était composé notamment (par ordre alphabétique) de Hocine Benmallem (devenu général dans les années 1980), Abderrazak Bouhara (devenu ministre de la santé entre 1979 et 1984), Abdelhamid Brahimi (l'auteur de ce livre), Kamel Ouartsi et Larbi Si Lahcène (promu général en même temps que Benmallem).
Toute son intervention tournait autour de cette idée centrale. Premier à réagir à cet exposé introductif, je répondis que :
Nous n'avons rien de commun. Parce que nous, nous avons rejoint le FLN et l'ALN par conviction politique et par militantisme pour contribuer, aux côtés de notre peuple, à la lutte armée pour la libération de notre pays du joug colonial. Compte tenu de notre mission au sein de l'ALN, nous ne sommes d'ailleurs pas sûrs d'être en vie le jour de l'indépendance. Nous n'avons pas l'intention de faire carrière dans l'armée, après l'indépendance. Nous ne sommes pas des militaristes. Quant à vous, vous venez de l'armée française bien tardivement après avoir d'ailleurs combattu en Indochine, puis en Algérie contre les partisans de la liberté et de l'indépendance. Les propos que vous venez de tenir montrent bien que vous êtes en service commandé. A peine débarqués et sans avoir aucune affectation ni aucune responsabilité au sein des structures de l'ALN, vous songez déjà à mettre la main sur l'armée algérienne après l'indépendance. Il est clair que ta démarche s'inscrit dans le cadre d'un plan préétabli et élaboré à Paris.
Slimane Hoffmann, qui ne s'attendait apparemment pas à une telle réaction, s'empressait de justifier sa « désertion » et celle de ses collègues de l'armée française. « J'ai dû renoncer, dit-il, à mon salaire, à mon appartement, à ma voiture « Vedette » ainsi qu'à une belle situation au sein de l'armée française pour venir ici où je suis dépourvu de tout. C'est notre conscience qui nous a dicté ce sacrifice. » Je lui répondis que « le réveil de votre conscience a été bien tardif… Il y a d'ailleurs un déséquilibre flagrant entre votre renoncement aujourd'hui à certains avantages matériels et l'immensité des largesses et des privilèges que vous procureraient les postes stratégiques que vous comptez occuper au sommet de la hiérarchie militaire après l'indépendance. » Et de conclure, « nous ne pouvons accepter aucune alliance de ce type au détriment des intérêts supé
rieurs de la Révolution et du peuple algérien. » Ainsi, le ton du débat a été donné dès le début de la discussion dans les deux camps. Les discussions furent houleuses. D'autres frères étaient intervenus de chaque côté par la suite dans un langage plus ou moins édulcoré avant de nous quitter, séparés par des convictions politiques opposées.
Quelques jours plus tard, je fus surpris par un article paru dans le quotidien français Le Figaro qui brodait sur l'esprit de la rencontre de Garn Al Halfaya et spéculait sur les « divisions au sein de l'ALN des frontières Est entre ex-officiers de l'armée française et officiers arabisants. » Cet article confirmait, si besoin était, les liaisons souterraines des officiers « déserteurs » avec les services spéciaux français et nous confortait dans notre position. D'ailleurs, nous n'en étions pas restés là. Nous avions mis en garde tour à tour Krim Belkacem, Lakhdar Bentobal, Abdelhafid Boussouf, le colonel Mohammedi Said, alors chef d'état-major de l'Est, puis le colonel Boumediène dès sa nomination à la tête de l'état-major général de l'ALN, ainsi que de nombreux officiers maquisards en poste aux frontières de l'Est. Nous les avions mis tous en garde contre les dangers de la démarche des officiers « déserteurs » de l'armée française et contre les fâcheuses conséquences de leur sinistre entreprise sur l'avenir du mouvement de libération nationale et de l'armée algérienne. Mais, compte tenu des luttes intestines au sommet et des préoccupations conjoncturelles des dirigeants, notre appel et l'alerte donnée par nos soins, considérés comme non essentiels, n'avaient pas été entendus.
Le plan du commandant Idir ou l'offensive des « déserteurs »
Le noyau dur du GPRA, le trio Krim Belkacem, alors ministre des Forces armées, Lakhdar Bentobbal, ministre de l'Intérieur et Abdelhafid Boussouf, ministre de l'Armement et des Liaisons générales, n'avait pas alors perçu le danger que pourraient encourir à l'Algérie de tels ralliements. Bien au contraire, ils avaient bien accueilli de telles désertions en espérant en tirer le meilleur parti.
L'idée de créer une armée forte, notamment aux frontières algéro-tunisiennes, suggérée par le commandant Idir (alors chef de cabinet militaire de Krim), puis adoptée et défendue par Krim Belkacem, faisait alors son chemin. En effet, le contexte politicomilitaire de l'époque favorisait la concrétisation de cette idée séduisante. Disposant de l'appui et de la confiance de Krim Belkacem et aidé par ses amis « déserteurs » de l'armée française, le commandant Idir mit au point un programme précis destiné à créer une puissante armée aux frontières Est. Il s'agissait d'une véritable stratégie de prise de pouvoir. Ce plan comportait trois volets :
• Assurer une instruction militaire aux cadres et aux djounouds de l'ALN dans des camps d'instruction différents en prenant la précaution de séparer les officiers de leurs unités.
L'école des cadres (située près du Kef) est réservée à l'instruction des officiers et des sous-officiers. Tandis que les camps d'instruction de Mellègue, de Garn Al Halfaya et de Oued Melliz, accueillent uniquement les djounouds.
• Former de nouvelles unités (bataillons, compagnies, etc.) en veillant à assurer un brassage des djounouds et de leurs chefs pour les isoler de leurs unités d'origine et de diluer la solidarité des djounouds avec leurs chefs.
• Confier le commandement de ces unités aux « déserteurs » de l'armée française présentés pour la circonstance comme des « spécialistes » et des « experts ».
Pour assurer le succès de ce plan, ses promoteurs comptaient sur le premier volet indiqué plus haut. Le but de l'instruction militaire n'était pas tellement d'assurer une formation technique à des guerriers qui avaient déjà fait leur preuve sur le terrain mais de leur inculquer une mentalité de soumission (sous couvert de discipline sans faille) et un mode de vie qui contrastait avec leur comportement habituel de maquisards
- Il s'agissait en fait de mettre au pas des éléments considérés peu sûrs par les promoteurs de ce plan.
-Citons à titre d'illustration l'exemple suivant. Le directeur d'école des cadres où j'étais officier instructeur en 1959 interdisait aux maquisards toute forme de fraternisation, y compris l'utilisation entre eux du mot « frère » ou « moudjahid » sous peine de graves sanctions. On leur assurait plutôt une formation de mercenaires fondée essentiellement sur la soumission et l'anonymat. Cette démarche déplaisait aux maquisards qui la rejetaient et avait créé une situation conflictuelle au sein de l'école des cadres.

D'autre part, pour la mise en œuvre de leur stratégie, Krim Belkacem et le commandant Idir comptaient beaucoup sur Ahmed Bencherif, ancien de l'armée française, qui venait d'être nommé « commandant des frontières de l'Est » (1959). Pour Krim, alors ministre des Forces armées, il s'agissait en s'appuyant sur son chef de cabinet le commandant Idir de mettre sur pied une force de frappe dont il disposerait, le moment venu, pour renforcer son leadership au sein du GPRA au détriment de ses deux autres collègues « militaires » et concurrents Bentobal et Boussouf. L'armée des frontières deviendrait ainsi l'appendice de la wilaya III et changerait en sa faveur le rapport des forces au sommet.
Pour le commandant Idir et ses acolytes, il s'agissait de réorganiser et d'encadrer les unités existantes de l'ALN, de renforcer ce potentiel militaire adapté à leur objectif en recrutant d'autorité parmi les réfugiés algériens en Tunisie et parmi les émigrés ramenés de France pour la circonstance. Il s'agissait, en un mot, de préparer sans plus tarder la mise en œuvre de leur stratégie de prise de pouvoir à terme. En effet, en disposant d'une armée moderne, bien équipée, bien armée, bien entraînée et disciplinée en dehors du territoire algérien, les « déserteurs » de l'armée française entendaient s'organiser à leur manière pour s'imposer au moment opportun à la direction du FLN et au GPRA. Le contexte polico-militaire semblait favoriser la concrétisation de l'idée séduisante de créer une armée moderne et puissante aux frontières de l'Est.
Sur le plan militaire, la construction par l'armée française d'un barrage électrifié aux frontières algéro-tunisiennes et algéromarocaines, à savoir la ligne Morice renforcée par la ligne Challe26, avait sérieusement limité le mouvement des troupes de l'ALN entre l'extérieur et l'intérieur et entravé l'acheminement des armes vers les maquis de l'intérieur.
Par ailleurs, la forte concentration des troupes françaises aux frontières, destinée à renforcer l'imperméabilité du territoire algérien et à isoler l'ALN de l'intérieur, poussait le trio Krim, Bentobal et Boussouf à considérer sérieusement l'idée de création d'une armée moderne aux frontières, mais pour des raisons différentes. D'une manière générale, l'amélioration de l'armement des unités de l'ALN stationnées aux frontières de l'Est dotées dès 1959 de mor-tiers 81mm, de bazookas et de canons 57mm et 75mm sans recul d'une part et l'utilisation d'officiers « déserteurs » (restés quelque temps sans affectation) pour encadrer ces unités sous un commandement unifié, centralisé et supposé compétent d'autre part confortaient le trio dans leur raisonnement. Mais, la mise en œuvre de ce programme conçu par le commandant Idir et les « déserteurs » de l'armée française s'est heurtée à de nombreux obstacles.
-La ligne Morice et la ligne Challe constituaient des barrages électrifiés renforcés par un champ de mines anti-personnelles et par des réseaux de barbelés. Ces deux barrages ont été construits tout le long des frontières sur 300 km de la mer Méditerranée au Sud pour empêcher tout mouvement d'approvisionnement de l'ALN de l'intérieur en armes et en munitions à partir de la Tunisie ou du Maroc.
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