Vendredi 18 Mars 2005 proposé par Abu Dabi
S'il est vrai que le gouvernement algérien a des comptes à rendre sur sa façon de traiter les Marocains vivant en Algérie (que l'on songe simplement aux dizaines de milliers de Marocains expulsés manu militari sous Boumedienne, en 1975-76, suite au différend maroco-algérien au sujet du Sahara ex-espagnol) (1), le gouvernement marocain n'a pas non plus la conscience tout à fait tranquille.
Il suffit de se rappeler des conditions dans lesquelles le visa d'entrée fut imposé aux Algériens suite aux attentats terroristes de Marrakech en 1994, et ce, sans phase de transition pour les Algériens se trouvant dèjà au Maroc au moment où cette décision fut prise. Certains Algériens, étant entrés au Maroc tout à fait légalement, et sans visa, se virent arrêter par la police, détenus et expulsés sans autre forme de procès. Ceci n'a cependant pas touché les Algériens résidant au Maroc, ceux-ci étant détenteurs d'une carte de séjour.
Karim Kettani
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La mal-vie des Marocains d'Algérie
Omar DAHBI
Aujourd’hui Le Maroc 17-3-2005
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Alors que les Algériens vivant au Maroc bénéficient des mêmes droits que leurs frères marocains, la communauté marocaine résidant en Algérie,elle, est privée de droits aussi élémentaires que ceux de la propriété ou d’accès à l’emploi.
Le pouvoir algérien essaye, depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdelaziz Bouteflika, de maquiller l’image de l’Algérie pour la présenter comme un pays moderne, ouvert et prospère. Orchestrée par les autorités et exécutée par les médias publics algériens et la presse écrite aux ordres du pouvoir, une opération de propagande a pour objectif de convaincre les Algériens qu’ils vivent dans un pays démocratique où les libertés sont garanties et qui est un exemple à suivre dans la région maghrébine.
Toutefois, outre le fait que les Algériens ne gobent certainement pas ce que le pouvoir en place essaye de leur faire croire, puisqu’ils vivent dans une situation totalement différente de cette image paradisiaque prétendue par les patrons d’Alger, les restrictions des libertés à la fois politiques et économiques sont tellement flagrantes qu’elles dépassent les frontières et se font connaître au-delà de l’Algérie de Bouteflika. Des restrictions qui violent les principes élémentaires des droits de l’Homme comme le droit à la propriété et au travail. Car aucun Etat qui se veut démocratique, libéral et respectueux d’un minimum des droits humains, ne peut tolérer qu’il y ait sur son sol des pratiques aussi injustes que l’interdiction d’accès à la propriété ou à l’emploi pour des raisons d’origine ethnique, raciale ou tout simplement de nationalité.
Or, en Algérie, ces pratiques existent encore et le pouvoir algérien manque de courage voire de bonne volonté pour les abolir. Il s’agit du cas, entre autres, des citoyens de nationalité marocaine résidant en terre algérienne. Une communauté qui s’y est installée depuis plusieurs décennies pour des raisons familiales, puisqu’il existe des milliers de couples mixtes maroco-algériens, ou politiques, puisque des milliers de Marocains avaient rejoint les rangs de l’armée de libération algérienne pour soutenir le combat de leurs frères pour l’indépendance et avaient fini par s’y installer après la fin de la guerre.
Cette communauté vit une situation des plus difficiles au point que, pour les spatialités des phénomènes migratoires de la société marocaine, elle est considérée comme "la plus misérable des communautés marocaines à l’étranger".
Un citoyen marocain vivant en situation régulière en Algérie n’a même pas le droit de travailler ou d’acheter un appartement. S’il désire travailler, c’est dans la clandestinité qu’il doit le faire. Et s’il veut acheter une maison, c’est au nom de son conjoint algérien qu’il doit le faire. Pour ceux qui ne sont pas mariés à des algériennes, pas la peine d’en rêver. Pour ceux qui ont fait des études universitaires, leurs diplômes ne leur sont d’aucune utilité, puisqu’ils sont interdits d’exercer les métiers pour lesquels ils ont été formés. C’est le cas des médecins, par exemple, qui, une fois leurs études terminées et le diplôme de doctorat en médecine obtenu, ils ne peuvent aspirer à intégrer les services hospitaliers de la Santé publique, puisque la loi algérienne interdit leur intégration dans la fonction publique. Aussi, doivent-ils se contenter, dans le meilleur des cas, d’un contrat d’emploi de droit privé, qui n’est autorisé que très rarement par les autorités algériennes.
Pour ceux qui ont choisi une profession libérale, leur situation n’est pas meilleure. L’exercice du commerce par un Marocain en Algérie est soumis à des conditions très restrictives et à l’accomplissement de procédures très compliquées. Ainsi, pour être autorisé à faire du commerce en Algérie, un citoyen marocain doit formuler une demande et l’adresser au wali de la région où il réside. Et, si, au bout d’un calvaire administratif fastidieux, il arrive à obtenir l’autorisation escomptée, celle-ci n’est valable que pour deux ans seulement. Il sera donc obligé, au bout de deux ans, de tout recommencer à zéro. Ce qui est décourageant pour toute initiative d’investissement de la part des Marocains résidant dans ce pays. S’agissant du droit à la propriété, pourtant garanti par toutes les conventions internationales en matière des droits de l’Homme, il est à signaler qu’en lacerie, les Marocains n’ont pas le droit d’acheter une propriété immobilière. Ceux qui sont mariés à des Algériennes ont la possibilité d’inscrire leur propriété au nom de leur épouse. Sans oublier, évidemment, le cas des Marocains dont les propriétés avaient été expropriées au lendemain de l’expulsion massive des ressortissants marocains résidant en Algérie, après la récupération par le Maroc de ses provinces du Sud. Ces victimes, qui se comptent par milliers, n’ont jamais pu récupérer leurs biens, puisque le pouvoir algérien refuse toujours de les indemniser pour les préjudices qu’il leur a causés.
Contrairement à la situation de la communauté marocaine résidant en Algérie, les citoyens algériens vivant au Maroc bénéficient des mêmes droits que leurs frères marocains. Et nul ne peut prétendre le contraire. Aussi, le gouvernement algérien doit-il remédier à cette situation car, au-delà du fait qu’elle constitue une violation des droits de l’Homme, elle porte atteinte aux relations fraternelles entre les deux peuples et à leur histoire commune.
El-Idrissi : "Les Marocains d'Algérie livrés à eux-mêmes"
Abdelmohsin EL HASSOUNI
Aujourd’hui Le Maroc 17-3-2005
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L'universitaire Ali el-Idrissi (Faculté des Lettres de Rabat), marocain, ancien professeur à l'Université d'Alger et fin connaisseur des réalités algéro-marocaines, estime que la communauté marocaine en Algérie mérite de l'attention. Entretien.
ALM : Que représente à vos yeux la visite que le Souverain compte effectuer en Algérie, dans les prochains jours?
Ali el-Idrissi : A mon avis, cette visite a deux aspects. Le premier est officiel. Il s'agit pour le Souverain de participer à un Sommet arabe, loin des relations bilatérales entre les deux pays. Quant au deuxième aspect, il est à mon sens beaucoup plus important. Il ne faut pas oublier que c'est le premier déplacement royal en Algérie, depuis que SM Mohammed VI a été intronisé et dans un contexte politique difficile, puisque les relations entre le Maroc et l'Algérie sont tendues depuis une trentaine d'années.
Pour l'opinion publique internationale, la visite royale est un cas d'école, puisque le Souverain se rend en Algérie au moment où ce pays refuse la réouverture des frontières terrestres. A mon avis, SM le Roi fait preuve d'un courage politique qu'il faut absolument souligner. Il veut faire avancer les choses malgré toutes les réticences.
Quel impact cette visite aura-t-elle, à votre avis, sur la communauté marocaine?
Vu ma profonde connaissance des réalités algériennes, je peux clairement vous assurer que l'impact sera totalement positif, non seulement sur les Marocains résidents en Algérie, mais sur les citoyens algériens eux-mêmes. Et ce, malgré ce qu'avance une certaine littérature médiatique, au Maroc comme en Algérie, qui défend les intérêts des adversaires du rapprochement maroco-algérien.
Comment se porte la communauté marocaine en Algérie ?
A travers l'histoire, les Marocains en Algérie étaient très nombreux. Ils venaient essentiellement du Rif et de la région de l'Oriental. Dans les années 1920, je vous rappelle qu'il y avait trois bateaux par semaine qui transportaient des travailleurs marocains de Melilla vers Oran. Ils opéraient essentiellement dans le secteur agricole. Toutefois, depuis l'indépendance de l'Algérie, la communauté marocaine en Algérie a diminué comme une peau de chagrin.
Pour quelles raisons?
Il y a tout d'abord, le socialisme, le régime adopté en Algérie. Il consistait à appliquer le principe de l'autogestion. En d'autres termes, à chasser tous les étrangers et ne compter que sur la main, d'œuvre nationale. A cause de cela, énormément de Marocains et d'autres nationalités ont été contraints de quitter l'Algérie. Certains sont revenus à leur pays, d'autres se sont dirigés vers l'Europe.
Il y a également la Guerre des Sables de 1963, entre le Maroc et l'Algérie. Il y a enfin l'affaire du Sahara. Après la Marche Verte, le président Houari Boumedienne a expulsé de son pays pas moins de 45.000 Marocains. Il espérait créer chez nous une grave crise sociale. Ceci, sans oublier que beaucoup d'Algériens, qui étaient considérés comme des Français au moment de l'indépendance du Maroc, ont été carrément dépossédés de leurs terres par l'Etat marocains.
Mais aujourd'hui, le président Boumedienne n'est plus. Quel sort est réservé aux Marocains?
Les lois en Algérie n'ont pas subi de grands changements. Aujourd'hui, un étranger, quelle que soit sa nationalité, ne peut pas posséder un bien immobilier, ni travailler dans la fonction publique ou dans les sociétés étatiques. Même les sociétés privées ne peuvent recruter un étranger si sa tâche est réalisable par un Algérien. En gros, à part quelques professions libérales, comme le métier d'avocat qui symbolise l'intégration des Marocains en Algérie, les Marocains se sont contentés de petits métiers.
Qu'en est-il des naturalisations?
Justement, le régime algérien a toujours été allergique à la naturalisation des Marocains. Boumediene a promulgué des lois en 1963 qui interdisent l'octroi de la nationalité à des citoyens marocains, même ceux qui ont participé à la guerre de libération de l'Algérie. Des historiens algériens vont plus loin en affirmant que Boumediene considérait les travailleurs marocains comme de potentiels agents infiltrés en Algérie.
Quelle a été la conséquence de cela?
En un mot, les Marocains d'Algérie ont sombré, non pas dans la pauvreté, mais dans une misère totale. Ils se considèrent comme des oubliés par leur pays d'origine et des opprimés par leur pays d'accueil. A titre d'exemple, quand le gouvernement marocain a décidé de supprimer la bouse d'étude pour les enfants des MRE, sous prétexte que ces derniers étaient riches, cela a été reçu comme une catastrophe par les Marocains résidents en Algérie.
Aujourd'hui, quelles sont les attentes des Marocains d'Algérie?
Ils attendent des mesures concrètes, dignes de la nouvelle ère. Depuis février 2005, une nouvelle loi permet aux enfants de mère algérienne d'obtenir la nationalité. C'est un début intéressant qui a réglé énormément de problèmes surtout aux commerçants. Maintenant, le gouvernement marocain doit faire un geste à leur égard.
Zakia Benmimoun ou l’intégration à l’algérienne
Tarik QATTAB
Aujourd’hui Le Maroc 17-3-2005
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Avocate de nationalité marocaine et exerçant en Algérie depuis des années, Zakia Benmimoun s’est retrouvé du jour au lendemain au banc des accusés.
Comment du jour au lendemain, une avocate marocaine, à la réputation et compétence irréprochables peut-elle se muer en falcificatrice de document, et donc coupable aux yeux de la loi. Si un tel scénario est des plus improbables, il arrive cependant que le mode d’intégration façon Abdelaziz Bouteflika puisse le permettre. Et c’est déjà arrivé. Et ALM en avait raconté le récit dans son numéro 837 du 16-2-05. Cela fait trois ans que Zakia Benmimoun, née en Algérie, mais marocaine de nationalité, se bat pour son innocence, sans réussir à se faire entendre. Source de ses malheurs, sa nationalité dans une Algérie où il ne fait pas, apparemment, bon être marocain. Agée de 35 ans, elle était prédestinée à une grande carrière d’avocate, entamée depuis déjà neuf ans. Mais c’était compter sans la hargne vindicative d’un de ses clients, et la complicité de tout un système. Tout a commencé en 2001 quand ledit client, Sidi Mohamed Bousaïd, a obtenu gain de cause dans une affaire civile qui l’opposait à son père. Maître Benmimoun, qui se chargeait de l’affaire, s’en était bien sortie. «Mais quand le moment de toucher mes honoraires est venu, j’ai été confrontée au chantage de celui-même dont j’avais défendu la cause», nous avait-elle raconté. La plainte qu’elle dépose se solde par six mois de sursis, en plus d’une somme considérable de dommages et intérêts, à l’encontre de Bousaïd. Il se trouve que ce dernier était également poursuivi par la justice algérienne dans une autre affaire de faux et usage de faux, plus précisément la falsification d’un acte de mariage. Dans une situation peu enviable, ce dernier ne tardera pas à trouver la parade, faisant d’une pierre deux coups. «Sur le conseil de son avocat, et encouragé par le vice-commissaire principal de la wilaya de Tlemçen, l’accusé se meut en accusateur», nous avait-t-elle précisé. N’ayant rien à voir dans une affaire où elle n’était pas partie prenante, Mme Benmimoun est accusée d’avoir été l’auteur de la falsification. Rien de moins. Une enquête judiciaire est enclenchée, mais pas avant que l’avocate ne soit suspendue le 25 avril 2001, pendant plus de cinq mois. Quelques mois passent, l’investigation judiciaire conclut à la non-responsabilité de l’accusée. Maître Benmimoun n’est pas pour autant au bout de ses peines. Son nom figure toujours dans un dossier où les principaux accusés vont être innocentés par le président de la Cour de Tlemcen. « Je ne comprends pas comment est-ce qu’on peut continuer à endosser la responsabilité d’un acte, alors que trois jugements ont été prononcés, affirmant totalement le contraire?». «Je suis persuadée que si on a osé me faire tout cela, c’est bien parce que je suis marocaine. Jamais aucune injustice de ce genre n’a visé un confrère algérien. Ce qu’on recherche derrière cette histoire abracadabrante, c’est m’humilier», s’écrie-t-elle. Le pire, d’après elle, c’est qu’elle ne peut pas déposer de recours. Du point de vue de la loi, elle n’est pas partie prenante du jugement. Kafkaïen. Cette femme a peur de voir son cas s’aggraver et se compliquer davantange. Elle craint que le syndicat algérien des avocats ne soit saisi, à son tour, de son dossier. C’est le pire qui attend Me Belmimoun. Ce sera la radiation pure et simple de la profession.
S'il est vrai que le gouvernement algérien a des comptes à rendre sur sa façon de traiter les Marocains vivant en Algérie (que l'on songe simplement aux dizaines de milliers de Marocains expulsés manu militari sous Boumedienne, en 1975-76, suite au différend maroco-algérien au sujet du Sahara ex-espagnol) (1), le gouvernement marocain n'a pas non plus la conscience tout à fait tranquille.
Il suffit de se rappeler des conditions dans lesquelles le visa d'entrée fut imposé aux Algériens suite aux attentats terroristes de Marrakech en 1994, et ce, sans phase de transition pour les Algériens se trouvant dèjà au Maroc au moment où cette décision fut prise. Certains Algériens, étant entrés au Maroc tout à fait légalement, et sans visa, se virent arrêter par la police, détenus et expulsés sans autre forme de procès. Ceci n'a cependant pas touché les Algériens résidant au Maroc, ceux-ci étant détenteurs d'une carte de séjour.
Karim Kettani
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La mal-vie des Marocains d'Algérie
Omar DAHBI
Aujourd’hui Le Maroc 17-3-2005
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Alors que les Algériens vivant au Maroc bénéficient des mêmes droits que leurs frères marocains, la communauté marocaine résidant en Algérie,elle, est privée de droits aussi élémentaires que ceux de la propriété ou d’accès à l’emploi.
Le pouvoir algérien essaye, depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdelaziz Bouteflika, de maquiller l’image de l’Algérie pour la présenter comme un pays moderne, ouvert et prospère. Orchestrée par les autorités et exécutée par les médias publics algériens et la presse écrite aux ordres du pouvoir, une opération de propagande a pour objectif de convaincre les Algériens qu’ils vivent dans un pays démocratique où les libertés sont garanties et qui est un exemple à suivre dans la région maghrébine.
Toutefois, outre le fait que les Algériens ne gobent certainement pas ce que le pouvoir en place essaye de leur faire croire, puisqu’ils vivent dans une situation totalement différente de cette image paradisiaque prétendue par les patrons d’Alger, les restrictions des libertés à la fois politiques et économiques sont tellement flagrantes qu’elles dépassent les frontières et se font connaître au-delà de l’Algérie de Bouteflika. Des restrictions qui violent les principes élémentaires des droits de l’Homme comme le droit à la propriété et au travail. Car aucun Etat qui se veut démocratique, libéral et respectueux d’un minimum des droits humains, ne peut tolérer qu’il y ait sur son sol des pratiques aussi injustes que l’interdiction d’accès à la propriété ou à l’emploi pour des raisons d’origine ethnique, raciale ou tout simplement de nationalité.
Or, en Algérie, ces pratiques existent encore et le pouvoir algérien manque de courage voire de bonne volonté pour les abolir. Il s’agit du cas, entre autres, des citoyens de nationalité marocaine résidant en terre algérienne. Une communauté qui s’y est installée depuis plusieurs décennies pour des raisons familiales, puisqu’il existe des milliers de couples mixtes maroco-algériens, ou politiques, puisque des milliers de Marocains avaient rejoint les rangs de l’armée de libération algérienne pour soutenir le combat de leurs frères pour l’indépendance et avaient fini par s’y installer après la fin de la guerre.
Cette communauté vit une situation des plus difficiles au point que, pour les spatialités des phénomènes migratoires de la société marocaine, elle est considérée comme "la plus misérable des communautés marocaines à l’étranger".
Un citoyen marocain vivant en situation régulière en Algérie n’a même pas le droit de travailler ou d’acheter un appartement. S’il désire travailler, c’est dans la clandestinité qu’il doit le faire. Et s’il veut acheter une maison, c’est au nom de son conjoint algérien qu’il doit le faire. Pour ceux qui ne sont pas mariés à des algériennes, pas la peine d’en rêver. Pour ceux qui ont fait des études universitaires, leurs diplômes ne leur sont d’aucune utilité, puisqu’ils sont interdits d’exercer les métiers pour lesquels ils ont été formés. C’est le cas des médecins, par exemple, qui, une fois leurs études terminées et le diplôme de doctorat en médecine obtenu, ils ne peuvent aspirer à intégrer les services hospitaliers de la Santé publique, puisque la loi algérienne interdit leur intégration dans la fonction publique. Aussi, doivent-ils se contenter, dans le meilleur des cas, d’un contrat d’emploi de droit privé, qui n’est autorisé que très rarement par les autorités algériennes.
Pour ceux qui ont choisi une profession libérale, leur situation n’est pas meilleure. L’exercice du commerce par un Marocain en Algérie est soumis à des conditions très restrictives et à l’accomplissement de procédures très compliquées. Ainsi, pour être autorisé à faire du commerce en Algérie, un citoyen marocain doit formuler une demande et l’adresser au wali de la région où il réside. Et, si, au bout d’un calvaire administratif fastidieux, il arrive à obtenir l’autorisation escomptée, celle-ci n’est valable que pour deux ans seulement. Il sera donc obligé, au bout de deux ans, de tout recommencer à zéro. Ce qui est décourageant pour toute initiative d’investissement de la part des Marocains résidant dans ce pays. S’agissant du droit à la propriété, pourtant garanti par toutes les conventions internationales en matière des droits de l’Homme, il est à signaler qu’en lacerie, les Marocains n’ont pas le droit d’acheter une propriété immobilière. Ceux qui sont mariés à des Algériennes ont la possibilité d’inscrire leur propriété au nom de leur épouse. Sans oublier, évidemment, le cas des Marocains dont les propriétés avaient été expropriées au lendemain de l’expulsion massive des ressortissants marocains résidant en Algérie, après la récupération par le Maroc de ses provinces du Sud. Ces victimes, qui se comptent par milliers, n’ont jamais pu récupérer leurs biens, puisque le pouvoir algérien refuse toujours de les indemniser pour les préjudices qu’il leur a causés.
Contrairement à la situation de la communauté marocaine résidant en Algérie, les citoyens algériens vivant au Maroc bénéficient des mêmes droits que leurs frères marocains. Et nul ne peut prétendre le contraire. Aussi, le gouvernement algérien doit-il remédier à cette situation car, au-delà du fait qu’elle constitue une violation des droits de l’Homme, elle porte atteinte aux relations fraternelles entre les deux peuples et à leur histoire commune.
El-Idrissi : "Les Marocains d'Algérie livrés à eux-mêmes"
Abdelmohsin EL HASSOUNI
Aujourd’hui Le Maroc 17-3-2005
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L'universitaire Ali el-Idrissi (Faculté des Lettres de Rabat), marocain, ancien professeur à l'Université d'Alger et fin connaisseur des réalités algéro-marocaines, estime que la communauté marocaine en Algérie mérite de l'attention. Entretien.
ALM : Que représente à vos yeux la visite que le Souverain compte effectuer en Algérie, dans les prochains jours?
Ali el-Idrissi : A mon avis, cette visite a deux aspects. Le premier est officiel. Il s'agit pour le Souverain de participer à un Sommet arabe, loin des relations bilatérales entre les deux pays. Quant au deuxième aspect, il est à mon sens beaucoup plus important. Il ne faut pas oublier que c'est le premier déplacement royal en Algérie, depuis que SM Mohammed VI a été intronisé et dans un contexte politique difficile, puisque les relations entre le Maroc et l'Algérie sont tendues depuis une trentaine d'années.
Pour l'opinion publique internationale, la visite royale est un cas d'école, puisque le Souverain se rend en Algérie au moment où ce pays refuse la réouverture des frontières terrestres. A mon avis, SM le Roi fait preuve d'un courage politique qu'il faut absolument souligner. Il veut faire avancer les choses malgré toutes les réticences.
Quel impact cette visite aura-t-elle, à votre avis, sur la communauté marocaine?
Vu ma profonde connaissance des réalités algériennes, je peux clairement vous assurer que l'impact sera totalement positif, non seulement sur les Marocains résidents en Algérie, mais sur les citoyens algériens eux-mêmes. Et ce, malgré ce qu'avance une certaine littérature médiatique, au Maroc comme en Algérie, qui défend les intérêts des adversaires du rapprochement maroco-algérien.
Comment se porte la communauté marocaine en Algérie ?
A travers l'histoire, les Marocains en Algérie étaient très nombreux. Ils venaient essentiellement du Rif et de la région de l'Oriental. Dans les années 1920, je vous rappelle qu'il y avait trois bateaux par semaine qui transportaient des travailleurs marocains de Melilla vers Oran. Ils opéraient essentiellement dans le secteur agricole. Toutefois, depuis l'indépendance de l'Algérie, la communauté marocaine en Algérie a diminué comme une peau de chagrin.
Pour quelles raisons?
Il y a tout d'abord, le socialisme, le régime adopté en Algérie. Il consistait à appliquer le principe de l'autogestion. En d'autres termes, à chasser tous les étrangers et ne compter que sur la main, d'œuvre nationale. A cause de cela, énormément de Marocains et d'autres nationalités ont été contraints de quitter l'Algérie. Certains sont revenus à leur pays, d'autres se sont dirigés vers l'Europe.
Il y a également la Guerre des Sables de 1963, entre le Maroc et l'Algérie. Il y a enfin l'affaire du Sahara. Après la Marche Verte, le président Houari Boumedienne a expulsé de son pays pas moins de 45.000 Marocains. Il espérait créer chez nous une grave crise sociale. Ceci, sans oublier que beaucoup d'Algériens, qui étaient considérés comme des Français au moment de l'indépendance du Maroc, ont été carrément dépossédés de leurs terres par l'Etat marocains.
Mais aujourd'hui, le président Boumedienne n'est plus. Quel sort est réservé aux Marocains?
Les lois en Algérie n'ont pas subi de grands changements. Aujourd'hui, un étranger, quelle que soit sa nationalité, ne peut pas posséder un bien immobilier, ni travailler dans la fonction publique ou dans les sociétés étatiques. Même les sociétés privées ne peuvent recruter un étranger si sa tâche est réalisable par un Algérien. En gros, à part quelques professions libérales, comme le métier d'avocat qui symbolise l'intégration des Marocains en Algérie, les Marocains se sont contentés de petits métiers.
Qu'en est-il des naturalisations?
Justement, le régime algérien a toujours été allergique à la naturalisation des Marocains. Boumediene a promulgué des lois en 1963 qui interdisent l'octroi de la nationalité à des citoyens marocains, même ceux qui ont participé à la guerre de libération de l'Algérie. Des historiens algériens vont plus loin en affirmant que Boumediene considérait les travailleurs marocains comme de potentiels agents infiltrés en Algérie.
Quelle a été la conséquence de cela?
En un mot, les Marocains d'Algérie ont sombré, non pas dans la pauvreté, mais dans une misère totale. Ils se considèrent comme des oubliés par leur pays d'origine et des opprimés par leur pays d'accueil. A titre d'exemple, quand le gouvernement marocain a décidé de supprimer la bouse d'étude pour les enfants des MRE, sous prétexte que ces derniers étaient riches, cela a été reçu comme une catastrophe par les Marocains résidents en Algérie.
Aujourd'hui, quelles sont les attentes des Marocains d'Algérie?
Ils attendent des mesures concrètes, dignes de la nouvelle ère. Depuis février 2005, une nouvelle loi permet aux enfants de mère algérienne d'obtenir la nationalité. C'est un début intéressant qui a réglé énormément de problèmes surtout aux commerçants. Maintenant, le gouvernement marocain doit faire un geste à leur égard.
Zakia Benmimoun ou l’intégration à l’algérienne
Tarik QATTAB
Aujourd’hui Le Maroc 17-3-2005
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Avocate de nationalité marocaine et exerçant en Algérie depuis des années, Zakia Benmimoun s’est retrouvé du jour au lendemain au banc des accusés.
Comment du jour au lendemain, une avocate marocaine, à la réputation et compétence irréprochables peut-elle se muer en falcificatrice de document, et donc coupable aux yeux de la loi. Si un tel scénario est des plus improbables, il arrive cependant que le mode d’intégration façon Abdelaziz Bouteflika puisse le permettre. Et c’est déjà arrivé. Et ALM en avait raconté le récit dans son numéro 837 du 16-2-05. Cela fait trois ans que Zakia Benmimoun, née en Algérie, mais marocaine de nationalité, se bat pour son innocence, sans réussir à se faire entendre. Source de ses malheurs, sa nationalité dans une Algérie où il ne fait pas, apparemment, bon être marocain. Agée de 35 ans, elle était prédestinée à une grande carrière d’avocate, entamée depuis déjà neuf ans. Mais c’était compter sans la hargne vindicative d’un de ses clients, et la complicité de tout un système. Tout a commencé en 2001 quand ledit client, Sidi Mohamed Bousaïd, a obtenu gain de cause dans une affaire civile qui l’opposait à son père. Maître Benmimoun, qui se chargeait de l’affaire, s’en était bien sortie. «Mais quand le moment de toucher mes honoraires est venu, j’ai été confrontée au chantage de celui-même dont j’avais défendu la cause», nous avait-elle raconté. La plainte qu’elle dépose se solde par six mois de sursis, en plus d’une somme considérable de dommages et intérêts, à l’encontre de Bousaïd. Il se trouve que ce dernier était également poursuivi par la justice algérienne dans une autre affaire de faux et usage de faux, plus précisément la falsification d’un acte de mariage. Dans une situation peu enviable, ce dernier ne tardera pas à trouver la parade, faisant d’une pierre deux coups. «Sur le conseil de son avocat, et encouragé par le vice-commissaire principal de la wilaya de Tlemçen, l’accusé se meut en accusateur», nous avait-t-elle précisé. N’ayant rien à voir dans une affaire où elle n’était pas partie prenante, Mme Benmimoun est accusée d’avoir été l’auteur de la falsification. Rien de moins. Une enquête judiciaire est enclenchée, mais pas avant que l’avocate ne soit suspendue le 25 avril 2001, pendant plus de cinq mois. Quelques mois passent, l’investigation judiciaire conclut à la non-responsabilité de l’accusée. Maître Benmimoun n’est pas pour autant au bout de ses peines. Son nom figure toujours dans un dossier où les principaux accusés vont être innocentés par le président de la Cour de Tlemcen. « Je ne comprends pas comment est-ce qu’on peut continuer à endosser la responsabilité d’un acte, alors que trois jugements ont été prononcés, affirmant totalement le contraire?». «Je suis persuadée que si on a osé me faire tout cela, c’est bien parce que je suis marocaine. Jamais aucune injustice de ce genre n’a visé un confrère algérien. Ce qu’on recherche derrière cette histoire abracadabrante, c’est m’humilier», s’écrie-t-elle. Le pire, d’après elle, c’est qu’elle ne peut pas déposer de recours. Du point de vue de la loi, elle n’est pas partie prenante du jugement. Kafkaïen. Cette femme a peur de voir son cas s’aggraver et se compliquer davantange. Elle craint que le syndicat algérien des avocats ne soit saisi, à son tour, de son dossier. C’est le pire qui attend Me Belmimoun. Ce sera la radiation pure et simple de la profession.