Décolonisation et question territoriale.
Je veux prendre trois exemples historiques pour lesquels la décolonisation s'est accompagnée d'un conflit territorial. Il s'agit de l'Erythrée, de Timor oriental et du Sahara occidental.
L'Erythrée était partie intégrante du Royaume d'Aksoum avant de faire partie de celui d'Abyssinie depuis le début de l'ère chrétienne.
Elle est occupée en 1890 par l'Italie qui, en 1936 s'en sert comme base d'agression contre l'Ethiopie. L'intervention britannique en 1940 "libère" l'Erythrée de la présence italienne.
Ce pays est ensuite administré par l'O.N.U. qui, en 1952 le rattache à l'Ethiopie.
Il dispose d'une large autonomie garantie par la constitution éthiopienne. Cependant, en 1962, le parlement érythréen vote une loi qui fait du pays une simple province de l'Ethiopie.
Un mouvement indépendantiste créé en 1956 entre en lutte armée. Il s'agit du Front de libération de l'Erythrée (F.L.E.). Un second mouvement se joint à la guerre de guérilla dès 1970, le Front Populaire de libération de l'Erythrée (F.P.L.E.). La violence des combats est telle que la monarchie éthiopienne s'effondre dès 1974.
Ainsi, une dynastie vielle de trois mille ans qui fait remonter ses origines au Roi Salomon et à la Reine de Saba disparaît à jamais.
La guerre ne cesse pas pour autant. Le régime du D.E.R.G., dictature sanglante s'il en est, s'appuie bizarrement tant sur Cuba que sur Israël pour combattre indépendantistes tigréens et érythréens.
Les conséquences de l'aveuglement des dirigeants éthiopiens toutes tendances confondues, mènent à une situation dramatique. A son tour, ce n'est plus uniquement le régime en place à Addis-Abéba qui est renversé, mais bien la coalition des mouvements indépendantistes qui le combattaient en lieu et en place qui lui succède.
On assiste donc à une bizarrerie historique qui fait que l'Ethiopie est gouvernée à partir de 1990 par les indépendantistes tigréens.
Ces derniers s'empressent en conséquence d'organiser les conditions d'indépendance des provinces annexées.
La présence portugaise à Timor-oriental remonte à 1520. En 1769, Dili (la capitale) est fondée.
En 1914 sont établies de vraies frontières entre la zone portugaise et la zone hollandaise.
En 1975, l'Indonésie, ancienne colonie hollandaise, s'empare de la partie orientale de l'île après avoir hérité de sa partie occidentale au moment de l'indépendance.
Elle profite de l'instabilité que vit alors le Portugal, après la révolution dite des oeillets (1974).
Il s'ensuit une période de violences inouies.
Trois-cent- mille Timorais sont tués par l'armée indonésienne. Un nombre aussi important se réfugie dans les montagnes.
Le Fretiline, mouvement de libération nationale, prend les armes contre une situation qu'il qualifie d'occupation. La guerre se prolonge jusqu'à la chute de la dictature de Suharto mise en place en 1965 par la C.I.A. Le régime démocratique né d'élections pluralistes remet l'affaire entre les mains de l' O.N.U. Le référendum d'autodétermination consacre l'indépendance du territoire et la venue au pouvoir du Frétiline.
Enfin, au Sahara occidental, les Espagnols sont présents dans certaines régions stratégiques à partir de la seconde moitié du dix-neuvième siècle.
Villa-Cisnéros est une base d'escale pour moyens de transports vers les îles Canaries et l'Amérique latine.
L'Espagne se heurte très vite à une résistance locale farouche.
Conduite par la famille Ma-El-Aïnaïn, le mouvement empêche l'Espagne de s'établir de façon sérieuse dans le territoire. Ce n'est qu'à partir du milieu des années cinquante, à la faveur de la guerre d'Algérie et des conséquences de l'opération Ecouvillon (1958), que la France aide l'Espagne à imposer sa présence pour éviter que des armes n'entrent clandestinement en Algérie par le Sahara occidental.
Comme l'Indonésie, le Maroc profite de la situation d'instabilité au sein de la puissance coloniale (l'Espagne) pour lancer un mouvement de récupération d'un territoire que l'idéologie nationaliste revendique de longue date.
C'est en effet au cours de l'agonie de Franco qu'est lancée la marche verte (1975).
L'Espagne acculée à des problèmes de succession renonce à sa présence au Sahara occidental.
L'accord dit de Madrid consacre le partage du territoire entre le Maroc et la Mauritanie.
Le Maroc est alors en pleine contradiction. Il accepte en effet de partager un territoire dont il affirme qu'il lui appartient avec un pays qu'il n'a reconnu qu'en 1969.
Le Maroc a en effet toujours considéré la Mauritanie comme faisant également partie de son territoire national. De plus, le discours du parti nationaliste de l'Istiqlal confond depuis sa création (1933), territoire national marocain actuel et empires maghrébins (Almoravides puis Almohades).
De ce fait, 38% du territoire algérien sont à ce jour revendiqués par certains partis marocains.
L'implantation de l'administration marocaine au Sahara occidental a des conséquences dramatiques. Des colonnes de réfugiés quittent les zones sous contrôle des nouveaux venus et s'acheminent vers les espaces sans tutelle ou vers l'Algérie.
L'aviation marocaine fait des bombardements au napalm et tue femmes et enfants.
Le Polisario créé en 1973 et établi dans les camps de réfugiés sahraouis lance por ce qui le conerne la lutte armée contre la Mauritanie principalement, puis dans un deuxième temps contre le Maroc.
Contre le premier pays, les attaques sont fulgurantes et meurtrières. Nouakchott est en effet bombardée en 1976. Les mortiers tombent dans le parc de la résidence présidentielle. L'économie du pays est asphyxiée. Le train minéralier, véritable poumon économique national est attaqué régulièrement.
Liée par un accord de "défense" à la France, la Mauritanie fait bombarder par bombes au phosphore des colonnes du mouvement indépendantiste. Rien n'y fait pourtant, le régime du président Ould-Daddah incapable de rétablir la situation sécuritaire est renversé dès 1978. Ses successeurs signent la paix avec le Polisario dès 1978.
Les guérrilleros sahraouis concentrent leurs attaques désormais sur le Maroc. Leur connaissance du terrain leur permet de faire des attaques contre plusieurs positions de l'armée marocaine: Guelta-Zemmour; Mahbès; Jdiria. Ils vont même jusqu'à attaquer Tan-Tan, en territoire marocain incontesté.
Le Maroc prend alors la mesure du danger. Il prend des initiatives de plusieurs ordres. Il commence en 1980, la construction de murs de défense, élaborés par des spécialistes israéliens. Il s'agit en effet d'une copie de la ligne Bar-Lev dans le Sinaï. Cependant, cette mesure s'avère inéfficace, car les attaques continuent.
Il lance une initative diplomatique en proposant au sommet de l'O.U.A. de Naïrobi en 1983, un référendum au Sahara occidental. Mais cette proposition est très originale puisque le Roi de l'époque au Maroc, n'envisage aucune autre issue qu'un résultat confirmatif. C'est donc un défi tant à l'imagination, qu'aux règles les plus élémentaires du droit international public.
D'autre part,le Maroc tente un rapprochement avec l'Algérie. Par l'entremise de l'Arabie Saoudite, le Roi du Maroc, Hassan II et le Président d'Algérie Chadli-Benjedid se rencontrent au poste -frontière entre les deux pays (Akid-Lotfi )en 1983.
L'Algérie promet qu'elle facilitera les contacts entre le Maroc et le Polisario.
Les contacts commencent dès 1984 à Marrakech. Ils continuent sous l'égide de l'O.N.U. et aboutissent en 1990 à la signature d'un cessez-le-feu avec promesse d'un référendum qui, à ce jour n'a jamais eu lieu.
Dans le même ordre d'idées, Hassan II "réaménage" comme il l'a toujours fait le haut-état major de son armée, en faisant assassiner le chef d'état-major de l'armée du Sahara (le général Dlimi) après l'avoir fait copieusement torturé en son palais de Marrakech.
Cet étalage de violences morbides et orgiaques dans les trois cas a un nom. La non-prise en compte de celui que l'on combat.
Dans les deux premiers cas, cette erreur mène à la disparition pure et simple de régimes puissants basés sur l'intimidation et la terreur.
Dans le troisième cas, cet autisme mène à des contradictions défiant toute rationalité.
Le Maroc affirme en effet pendant longtemps que le Polisario est une bande de mercenaires stipendiés au service d'un pays voisin dénué de toute culture et de toute histoire.
Si tel est vraiment le cas pourquoi avoir accepté signer un cessez-le-feu avec des "mercenaires" ?
Pourquoi de surcroît, avoir constitué avec un pays qui ne serait qu'un accident de l'histoire coloniale (l'Algérie), un accord d'intégration régionale (U.M.A.), d'ailleurs mort-né ?
Pour terminer, j'en reviens à mon idée de révolution mentale, culturelle et psychologique pour affirmer qu'il est temps, grand temps, de changer dans nos têtes si notre désir est d'aller de l'avant.
Aucun pays, ni aucun peuple n'est supérieur à son voisin. Il lui est différent, c'est tout! Ne pas voir cette réalité, est s'exposer à de très cruelles désillusions.
Bien à vous tous, Cherif75
Dernière édition par le Jeu 24 Jan - 14:36, édité 1 fois