L'ALGÉRIE ET LA RÉSISTANCE PALESTINIENNE DANS LES MÉMOIRES DE GEORGES HABACHE "Boumediene avait conseillé à Arafat de me liquider"[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les mémoires de Georges Habache que vient de publier le journaliste Georges Malbrunot (ancien otage en Irak, grand reporter au Figaro et spécialiste du Moyen- Orient), est un livre d’entretiens titré Les révolutionnaires ne meurent jamais (éditions Fayard- janvier 2008). Il a été publié la semaine précédant la mort, à 82 ans, du révolutionnaire palestinien.De notre bureau de Paris,
Khadidja Baba-Ahmed
Les mémoires de Georges Habache que vient de publier le journaliste Georges Malbrunot (ancien otage en Irak, grand reporter au Figaro et spécialiste du Moyen-Orient), est un livre d’entretiens titré Les révolutionnaires ne meurent jamais (éditions Fayard - janvier 2008). Il a été publié la semaine précédant la mort, à 82 ans, du révolutionnaire palestinien. Ces mémoires constituent le résultat de 100 heures d’entretiens avec Habache qui y analyse et évoque des détails sur le nationalisme arabe, sur la révolution palestinienne, sur ses dirigeants, sur le choix du mode de lutte et de résistance du fondateur du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), sur les accusations de «terroriste» portées contre lui qui luttait contre une armée d’occupation, sur son appréciation de l’islamisme et enfin sur les trahisons ou compromissions de certains dirigeants arabes et l’engagement d’autres, peu nombreux, pour la cause qu’il portait. Pour ce qui concerne précisément les relations de Georges Habache avec les dirigeants arabes, le chef du FPLP s’est beaucoup livré et sans aucune complaisance. Nous avons choisi, pour nos lecteurs, d’évoquer deux volets importants de ces mémoires, même le reste des mémoires ne l’est pas moins. D’abord ce que dit Habache de l’Algérie, de sa lutte de Libération, des relations des dirigeants algériens avec lui. Ensuite son analyse, lui le chrétien laïc, de l’islamisme, de la montée de ce mouvement et de son rapport à la démocratie.
"Boumediene avait conseillé à Arafat de me liquider... Il changea ensuite de point de vue" «La Révolution algérienne a représenté pour nous un symbole et un exemple à suivre», dit Habache, lorsqu’il est interrogé sur ses liens avec l’Algérie. L’Algérie, depuis son indépendance, «a toujours soutenu» la cause palestinienne. Plus encore, note-t-il : «Alger est même l’un des rares pays à s’être toujours rangés d’une façon claire aux côtés du peuple palestinien. » Mais si ce soutien a été très tôt accordé à la cause palestinienne, Habache note cependant que, jusqu’en 1975, «le FPLP n’avait pas de liens suivis avec Alger». A partir de cette date, Boumediene commençait à «regarder d’un œil soupçonneux les manigances de Sadate avec les Israéliens». Pour Boumedienne, dit encore Habache, Sadate «déviait du droit chemin». Sachant alors qu’Egyptiens et Syriens avaient toujours traité avec Arafat, Boumediene s’est alors rapproché du FPLP. Le rapprochement de ce mouvement avec l’Algérie a pu se faire dès lors que le président algérien a été finalement convaincu par les arguments de Habache selon lesquels «la guerre égypto-syrienne de 1973 contre Israël avait surtout répondu à des intérêts particuliers et n’avait pas été une vraie guerre de libération». Le révolutionnaire va plus loin encore dans ses confidences et raconte : «Lors de ma première rencontre avec le président Boumediene, celui-ci se montra d’ailleurs très clair avec moi : il m’avoua avoir jadis conseillé à Arafat de liquider les dirigeants de toutes les autres factions palestiniennes, y compris ceux du FPLP. Pour Boumediene, en effet, la lutte ne pouvait aboutir s’il existait des divisions entre nous. A l’image de la guerre d’Algérie et du FLN, il recommandait le parti unique, dirigé par une seule tête. Boumedienne avait donc conseillé à Arafat de me liquider ! Il changea ensuite de point de vue quand il comprit mieux ma position à la tête du Front populaire… »
"Jamais l'Algérie ne nous a donné de l'argent... La presse algérienne médiatisait nos actions"Quant à la question de savoir de quelle manière l’Algérie avait aidé le FPLP, son leader répond clairement : «Il ne fut jamais question d’aide financière.» Un accord fut bien passé avec le mouvement de Habache «portant sur des bourses d’étude» pour des étudiants du mouvement. En dehors de ça, précise Habache, «la presse algérienne nous réservait un espace pour médiatiser nos actions. Plus explicite encore, Georges Habache confie : «Jamais l’Algérie ne nous a donné de l’argent. Le pouvoir (algérien) accordait également des facilités, des passeports diplomatiques aux dirigeants du Front, par exemple. Les Algériens nous ont permis d’ouvrir un bureau qui existe toujours, à Alger. Ils nous ont toujours réservé un très bon accueil. Et ils se montrèrent présents dans les moments politiquement difficiles, où quand je suis tombé malade au Liban en 1980, n’hésitant pas, comme je l’ai dit, à m’envoyer l’avion privé du président Chadli Ben Djedid avec une équipe médicale à bord.»
Une alliance conjoncturelle avec l'islamismeCe sont là, entre autres confidences, quelques unes consacrées aux relations de notre pays avec le FPLP. Mais tout le livre ne se réduit pas à ces extraits. Les longs développements de Habache sur l’islamisme, par exemple, et les justifications que ce révolutionnaire apporte à l’alliance de son mouvement avec le Hamas palestinien, le Hezbollah au Liban ou les Frères musulmans en Egypte ou en Jordanie sont assez étonnants. C’est pourquoi nous conseillons vivement la lecture de cet ouvrage, au lieu de nous limiter, par exemple, à ces déclarations de Habache, sorties nécessairement de leur contexte, à propos du danger islamiste : «Il faut aller vers la démocratie, quel que soit le risque de raz-de-marée islamiste» ou encore à propos de l’interruption du processus électoral dans notre pays : «On aurait mieux fait de laisser les islamistes montrer ce dont ils étaient capables.» Tout au long de l’ouvrage, le révolutionnaire palestinien explique en effet, même s’il ne parviendra pas à convaincre tout le monde, que les ennemis aujourd’hui et le danger numéro un, ce ne sont pas les islamistes mais «l’hégémonie américaine dans la région».
K. B.- A.
Mémoires de Georges Habache, les Révolutionnaires ne meurent jamais, conversations avec Georges Malbrunot. Editions Fayard, section : témoignages pour l’histoire, janvier 2008.