Cherté de la vie : Comment vit-on avec le smig ?
Dans la majorité de Marocains qui se battent aujourd’hui pour survivre, les smicards occupent le haut du pavé. Ces exclus de fait, sont malheureusement de plus en plus nombreux à tenter de trouver des arrangements avec la précarité. Plongée dans une catégorie à part.
Rabéa fait chaque jour son marché dans un souk populaire de Sidi Othman. A chtayba, le souk du coin, les marchands de légumes se font un honneur d’être imbattables sur le plan des prix. «On sait que les gens, ici sont pauvres, on amène de la marchandise de qualité moyenne mais on fait très attention aux prix. De plus, on est concurrencé par les marchands ambulants qui sillonnent les rues», rappelle ce marchand. Rabéa, elle, ne sait plus où donner de la tête : «chaque jour qui passe, on a l’impression que les prix explosent, le budget que je mets pour faire la gamelle est chaque jour insuffisant et je suis obligé de diminuer les rations ou de me passer d’un légume ou deux». Rabéa dispose d’un budget de 30 Dhs par jour, c’est juste ce que son soudeur de mari peut mettre de côté pour le repas de midi. «Quant au dîner, on se contente de thé et de quelques miches de pain servies avec du beurre». Le cliché de la famille marocaine vivant avec du thé, du pain et des olives, semble avoir la vie dure; Bien sûr, des variantes de pain ont remplacé le fameux pain noir de Choukri, le pain n’est plus tout à fait nu, la margarine bon marché a pris la place de l’huile d’olive devenue hors de prix, mais le quotidien des smicards n’a pas beaucoup évolué.
Cette femme fait tout simplement partie de cette majorité de Marocains qui se bat pour survivre, sans réussir à joindre les deux bouts mais qui continue néanmoins à jouer au chat et à la souris avec l’exclusion.
Ils sont ainsi de plus en plus nombreux à tenter de trouver des arrangements avec la pauvreté. Officiellement, il n’y a pas de quoi s’alarmer, mais les dernières données chiffrées du Haut commissariat au Plan sur la pauvreté et le développement social au Maroc, avaient mis à nu l’ampleur de la vulnérabilité dans les communes du pays.
La cartographie consacrée à la pauvreté au Maroc, basée sur les données d’une enquête sur la consommation des ménages, qui avait été basée sur les résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat.
Fait intéressant, à l’époque du dernier recensement, les enquêteurs du Plan se sont basés sur un taux de 1.687 dirhams par mois pour un ménage moyen en milieu urbain (5,6 membres) et de 1.745 dirhams par mois pour un ménage moyen en milieu rural (6,4 membres) comme seuil de pauvreté relative. Soit exactement le smig marocain.
L’indice de la sévérité de la pauvreté qui mesure la profondeur de celle-ci augmente, parallèlement à l’augmentation de l’écart entre les niveaux de vie et le seuil de pauvreté. Le seuil du taux de vulnérabilité, qui donne la proportion de la population vivant sous la menace de la pauvreté, se situe entre 1.687 dirhams et 2.531 dirhams par mois pour un ménage urbain. Pour un ménage rural, ces lignes s’établissent à 1.745 dirhams et 2.618 dirhams.
Au plan national, si, dans l’absolu, on a bien noté une baisse de la pauvreté, c’est dans le monde rural qu’on a enregistré une forte incidence du niveau de pauvreté, alors qu’en milieu urbain, celle-ci reste relativement modérée. Dans les campagnes, le taux de pauvreté reste encore maintenu au niveau très élevé, enregistrant 22 %. Presque trois fois le niveau urbain. Au cours de dix années, il n’a diminué que de 4% contre
24 % en milieu urbain. Les disparités entre les communes sont également enregistrées. Dans 348 communes, le taux de pauvreté dépasse 30 %. Dans les villes, le taux de pauvreté s’élève à 7,9 % en diminution de 2,5 points depuis 1994. Le niveau global de pauvreté urbaine cache également de notables disparités communales. Quelque 55 communes et centres urbains ont un taux de pauvreté inférieur à 5 %.
Risques
Quels dangers guettent cette catégorie de citoyens et par ricochet, quels sont les risques pour le pays ?
On définit souvent l’exclusion sociale par une situation de précarité absolue, mais de plus en plus d’économistes élargissent ce concept à des populations qui ne sont pas systématiquement pauvres, mais qui sont menacées chaque jour de le devenir encore plus, de basculer définitivement dans la précarité. On cite pour cela, le sous emploi de longue durée, l’inégalité des chances, les bouleversements familiaux, les conditions sommaires de l’habitat entre autres.
D’après un expert en démographie, «l’inégale répartition spatiale et sociale de l’investissement dans les secteurs sociaux les plus sensibles, comme l’éducation et la santé, ainsi que le manque d’infrastructures sociales et économiques, conduit forcément à l’exclusion sociale. L’inégalité de la répartition des richesses entre une frange d’individus au détriment du reste de la population, estompe l’ascension sociale des populations les plus démunies, conduisent à long terme, à l’exclusion sociale. Ces populations sont plongées alors dans un processus irréversible de risques économiques, sociaux, tout en engendrant un appauvrissement réel».
L’ascenseur social
en panne
Le pire dans tout cela, c’est qu’au Maroc, les pauvres semblent condamnés à rester pauvres. Depuis les années 80, la diminution massive du nombre d’emplois dans l’industrie surtout dans le textile au profit de la création d’emplois dans les services, a contribué à la diminution des salaires, et en particulier des bas salaires. La productivité étant moins élevée dans les services que dans l’industrie, une baisse des salaires s’est ensuivie par ajustement de l’offre à la demande.
Les licenciés non qualifiés se sont donc contentés d’accepter n’importe quel emploi. Pour ceux qui ont atteint l’âge mûr, c’est le chômage assuré. Il y a pire, pour les patrons, les augmentations du smig favorisent plutôt le chômage ! « Le principe du SMIG est l’ennemi de l’emploi, car toutes les statistiques le prouvent : le chômage touche de loin les moins qualifiés, frappant plus les femmes que les hommes, les jeunes et les plus âgés » rappelle un patron qui a complètement transformé son usine de confection en se débarrassant par la même occasion d’une trentaine d’ouvrières.
Paradoxalement, les pressions des syndicats sur l’augmentation des salaires a eu un effet pervers, puisqu’elles ont provoqué l’automatisation à outrance des entreprises marocaines, qui trouvent désormais plus rentables d’entretenir des machines que payer des ouvriers pour faire le même travail. Quelle est la réponse du gouvernement pour circonscrire les effets pervers de la flambée des prix ?
Elle viendra de Nizar Baraka. Dans un exposé sur la situation actuelle des prix, présenté devant le Conseil de gouvernement, réuni jeudi dernier le ministre délégué a d’abord évoqué la conjoncture économique mondiale marquée par la flambée des prix du pétrole et des céréales. Pour ce qui est des mesures prises par le Gouvernement pour faire face à cette hausse des prix, le dauphin de Abbas El Fassi a fait état du relèvement du budget de la caisse de compensation à 20 milliards de DH au titre de l’exercice en cours contre 13 milliards de DH l’année précédente. Autres mesures, la subvention (pour la première fois) du blé tendre, la suppression de la taxe sur l’importation du blé et la suppression ou la baisse de certains impôts et taxes sur les produits de consommation.
Au sujet des mesures d’urgence qui seront prises par le gouvernement dans ce domaine, le ministre a cité notamment l’intensification du contrôle des prix et de la spéculation, l’obligation du respect de l’affichage des prix, la multiplication des enquêtes sur le terrain concernant les produits dont les prix enregistrent des augmentations, entre autres. En attendant, les smicards qui veulent éviter le misérabilisme sont obligés d’être très près de leurs sous, de compter sans arrêt, de se priver de tout pour s’offrir le minimum.
Abdellatif El Azizi.
Sources : lagazettedumaroc.com.
Dans la majorité de Marocains qui se battent aujourd’hui pour survivre, les smicards occupent le haut du pavé. Ces exclus de fait, sont malheureusement de plus en plus nombreux à tenter de trouver des arrangements avec la précarité. Plongée dans une catégorie à part.
Rabéa fait chaque jour son marché dans un souk populaire de Sidi Othman. A chtayba, le souk du coin, les marchands de légumes se font un honneur d’être imbattables sur le plan des prix. «On sait que les gens, ici sont pauvres, on amène de la marchandise de qualité moyenne mais on fait très attention aux prix. De plus, on est concurrencé par les marchands ambulants qui sillonnent les rues», rappelle ce marchand. Rabéa, elle, ne sait plus où donner de la tête : «chaque jour qui passe, on a l’impression que les prix explosent, le budget que je mets pour faire la gamelle est chaque jour insuffisant et je suis obligé de diminuer les rations ou de me passer d’un légume ou deux». Rabéa dispose d’un budget de 30 Dhs par jour, c’est juste ce que son soudeur de mari peut mettre de côté pour le repas de midi. «Quant au dîner, on se contente de thé et de quelques miches de pain servies avec du beurre». Le cliché de la famille marocaine vivant avec du thé, du pain et des olives, semble avoir la vie dure; Bien sûr, des variantes de pain ont remplacé le fameux pain noir de Choukri, le pain n’est plus tout à fait nu, la margarine bon marché a pris la place de l’huile d’olive devenue hors de prix, mais le quotidien des smicards n’a pas beaucoup évolué.
Cette femme fait tout simplement partie de cette majorité de Marocains qui se bat pour survivre, sans réussir à joindre les deux bouts mais qui continue néanmoins à jouer au chat et à la souris avec l’exclusion.
Ils sont ainsi de plus en plus nombreux à tenter de trouver des arrangements avec la pauvreté. Officiellement, il n’y a pas de quoi s’alarmer, mais les dernières données chiffrées du Haut commissariat au Plan sur la pauvreté et le développement social au Maroc, avaient mis à nu l’ampleur de la vulnérabilité dans les communes du pays.
La cartographie consacrée à la pauvreté au Maroc, basée sur les données d’une enquête sur la consommation des ménages, qui avait été basée sur les résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat.
Fait intéressant, à l’époque du dernier recensement, les enquêteurs du Plan se sont basés sur un taux de 1.687 dirhams par mois pour un ménage moyen en milieu urbain (5,6 membres) et de 1.745 dirhams par mois pour un ménage moyen en milieu rural (6,4 membres) comme seuil de pauvreté relative. Soit exactement le smig marocain.
L’indice de la sévérité de la pauvreté qui mesure la profondeur de celle-ci augmente, parallèlement à l’augmentation de l’écart entre les niveaux de vie et le seuil de pauvreté. Le seuil du taux de vulnérabilité, qui donne la proportion de la population vivant sous la menace de la pauvreté, se situe entre 1.687 dirhams et 2.531 dirhams par mois pour un ménage urbain. Pour un ménage rural, ces lignes s’établissent à 1.745 dirhams et 2.618 dirhams.
Au plan national, si, dans l’absolu, on a bien noté une baisse de la pauvreté, c’est dans le monde rural qu’on a enregistré une forte incidence du niveau de pauvreté, alors qu’en milieu urbain, celle-ci reste relativement modérée. Dans les campagnes, le taux de pauvreté reste encore maintenu au niveau très élevé, enregistrant 22 %. Presque trois fois le niveau urbain. Au cours de dix années, il n’a diminué que de 4% contre
24 % en milieu urbain. Les disparités entre les communes sont également enregistrées. Dans 348 communes, le taux de pauvreté dépasse 30 %. Dans les villes, le taux de pauvreté s’élève à 7,9 % en diminution de 2,5 points depuis 1994. Le niveau global de pauvreté urbaine cache également de notables disparités communales. Quelque 55 communes et centres urbains ont un taux de pauvreté inférieur à 5 %.
Risques
Quels dangers guettent cette catégorie de citoyens et par ricochet, quels sont les risques pour le pays ?
On définit souvent l’exclusion sociale par une situation de précarité absolue, mais de plus en plus d’économistes élargissent ce concept à des populations qui ne sont pas systématiquement pauvres, mais qui sont menacées chaque jour de le devenir encore plus, de basculer définitivement dans la précarité. On cite pour cela, le sous emploi de longue durée, l’inégalité des chances, les bouleversements familiaux, les conditions sommaires de l’habitat entre autres.
D’après un expert en démographie, «l’inégale répartition spatiale et sociale de l’investissement dans les secteurs sociaux les plus sensibles, comme l’éducation et la santé, ainsi que le manque d’infrastructures sociales et économiques, conduit forcément à l’exclusion sociale. L’inégalité de la répartition des richesses entre une frange d’individus au détriment du reste de la population, estompe l’ascension sociale des populations les plus démunies, conduisent à long terme, à l’exclusion sociale. Ces populations sont plongées alors dans un processus irréversible de risques économiques, sociaux, tout en engendrant un appauvrissement réel».
L’ascenseur social
en panne
Le pire dans tout cela, c’est qu’au Maroc, les pauvres semblent condamnés à rester pauvres. Depuis les années 80, la diminution massive du nombre d’emplois dans l’industrie surtout dans le textile au profit de la création d’emplois dans les services, a contribué à la diminution des salaires, et en particulier des bas salaires. La productivité étant moins élevée dans les services que dans l’industrie, une baisse des salaires s’est ensuivie par ajustement de l’offre à la demande.
Les licenciés non qualifiés se sont donc contentés d’accepter n’importe quel emploi. Pour ceux qui ont atteint l’âge mûr, c’est le chômage assuré. Il y a pire, pour les patrons, les augmentations du smig favorisent plutôt le chômage ! « Le principe du SMIG est l’ennemi de l’emploi, car toutes les statistiques le prouvent : le chômage touche de loin les moins qualifiés, frappant plus les femmes que les hommes, les jeunes et les plus âgés » rappelle un patron qui a complètement transformé son usine de confection en se débarrassant par la même occasion d’une trentaine d’ouvrières.
Paradoxalement, les pressions des syndicats sur l’augmentation des salaires a eu un effet pervers, puisqu’elles ont provoqué l’automatisation à outrance des entreprises marocaines, qui trouvent désormais plus rentables d’entretenir des machines que payer des ouvriers pour faire le même travail. Quelle est la réponse du gouvernement pour circonscrire les effets pervers de la flambée des prix ?
Elle viendra de Nizar Baraka. Dans un exposé sur la situation actuelle des prix, présenté devant le Conseil de gouvernement, réuni jeudi dernier le ministre délégué a d’abord évoqué la conjoncture économique mondiale marquée par la flambée des prix du pétrole et des céréales. Pour ce qui est des mesures prises par le Gouvernement pour faire face à cette hausse des prix, le dauphin de Abbas El Fassi a fait état du relèvement du budget de la caisse de compensation à 20 milliards de DH au titre de l’exercice en cours contre 13 milliards de DH l’année précédente. Autres mesures, la subvention (pour la première fois) du blé tendre, la suppression de la taxe sur l’importation du blé et la suppression ou la baisse de certains impôts et taxes sur les produits de consommation.
Au sujet des mesures d’urgence qui seront prises par le gouvernement dans ce domaine, le ministre a cité notamment l’intensification du contrôle des prix et de la spéculation, l’obligation du respect de l’affichage des prix, la multiplication des enquêtes sur le terrain concernant les produits dont les prix enregistrent des augmentations, entre autres. En attendant, les smicards qui veulent éviter le misérabilisme sont obligés d’être très près de leurs sous, de compter sans arrêt, de se priver de tout pour s’offrir le minimum.
Abdellatif El Azizi.
Sources : lagazettedumaroc.com.