Si, pour les falsificateurs et les négateurs, ni les fours crématoires ni les chambres à gaz n'ont jamais existé,
Si, pour Le Pen, l'existence des chambres à gaz n'est qu'un "détail" de l'histoire,
Fallait-il ce récit pour prouver le contraire ?
-G.AVRAN-
Nous étions sept enfants, dont une seule fille. J'étais le sixième, inséparable du plus jeune, qui s'appelait Bernard. Une famille unie, de banale bourgeoisie, installée dans la banlieue parisienne, à Chaville de 1927 à 1937, puis à Garches jusqu'en 1940.
Nous étions sept enfants. A l'abri, comme tant d'autres à l'époque, du monde des grands. Et soudain, ce fut le tocsin. Il retentit alors que nous nous promenions, quatre des plus jeunes, avec nos parents dans le parc de Garches. On nous expliqua que c'était la guerre mais, bien entendu, nous ne nous rendions pas compte que tout basculait...
A vrai dire, comme dans l'immédiat il ne se passait rien de ce que nous avions appris dans les livres d'histoire, nous étions vaguement déçus, Bernard et moi.
Les gens allaient et venaient, apparemment insouciants. On ne percevait rien d'extraordinaire. Un peu plus tard, nous reçûmes de la mairie des masques à gaz et nous trouvâmes ces "gadgets" bien amusants...
A la veille de la guerre, un de mes frères s'était engagé dans la marine. Nous étions très fiers de lui quand il venait en permission, pleins de gloire à nous montrer avec lui dans la rue.
Au début de l'année 1940, nous avons encore déménagé. Nous nous retrouvâmes dans un bel appartement, rue Condorcet à Paris. Avec un balcon, une vue panoramique sur toute la ville. C'était extraordinaire d'emménager là après avoir vécu tant d'années dans une banlieue qui ressemblait à la campagne et où il ne circulait, à l'époque, que très peu de voitures. Le laitier livrait encore le lait à domicile; il avait une voiture à cheval; le rémouleur faisait retentir sa clochette; le vitrier transportait ses vitres sur son dos; le marchand de peaux de lapins soufflait dans une sorte d'olifant et le marchand de fromages de chèvre s'annonçait en jouant de la flûte de Pan.
Paris, c'était pour nous une autre planète.
On nous inscrivit dans une école du quartier. Une école triste, avec une cour qui pour nous évoquait celle d'une prison. Pas un arbre, pas un brin d'herbe, pas une plante. Nous n'y sommes pas restés longtemps. Nous l'avons quittée le 8 juin 40. La seule distraction c'était, sous le préau, la possibilité d'écouter les informations. On s'en moquait un peu, jusqu'au jour où le directeur nous invita à bien entendre les communiqués de dernière minute; ça allait très mal, les Boches approchaient de la capitale.
Il fut décidé, avec l'accord des parents, d'évacuer l'école. Je n'en reviens pas encore que mes parents nous aient laissés partir aussi facilement. Nous étions fous de joie; prendre le train, partir, entre copains, quelles vacances! C'était la première fois que nous quittions notre famille. Nous partîmes avec un sac à dos et une couverture roulée en bandoulière, et nous nous retrouvâmes à la gare Montparnasse. Direction Le Mans. C'était le 8 juin.
Dans le train, nous ne parlions pas de la guerre. Nous nous racontions des histoires ou nous jouions aux cartes. Nous ne pouvions rien voir à l'extérieur, car nous voyagions de nuit. Nous avions déjà oublié toutes les recommandations des parents, les bonnes choses préparées par ma mère furent vite avalées ou échangées entre copains. A l'arrivée, notre sac était depuis longtemps vide.
Le train avait roulé lentement; nous arrivâmes au Mans en pleine nuit. Heureusement, il y avait le clair de lune. Je me souviens de mon émotion, lorsque j'ai découvert cette ville aux toits sombres et tristes.
On nous emmena à quelques kilomètres, dans la petite ville de Loue. Là, rien à voir avec Le Mans. Le contraste était saisissant. Une odeur de campagne, une fraîcheur de juin avec une rosée colorée. Calme absolu, un peu angoissant. Perspectives de vacances prolongées. Vidée de ses élèves habituels, l'école locale était transformée en pensionnat, les classes en dortoir et la cour en réfectoire. Heureusement, c'était l'été; il faisait beau et chaud.
Nos sorties quotidiennes consistaient à nous rendre, accompagnés d'une institutrice, sur la place pavée de l'église, où nous devions rester assis à même le sol, toute la journée. Nous n'avions pas le droit de nous éloigner.
http://www.contreloubli.ch/#PRESENTATION
Si, pour Le Pen, l'existence des chambres à gaz n'est qu'un "détail" de l'histoire,
Fallait-il ce récit pour prouver le contraire ?
-G.AVRAN-
Nous étions sept enfants, dont une seule fille. J'étais le sixième, inséparable du plus jeune, qui s'appelait Bernard. Une famille unie, de banale bourgeoisie, installée dans la banlieue parisienne, à Chaville de 1927 à 1937, puis à Garches jusqu'en 1940.
Nous étions sept enfants. A l'abri, comme tant d'autres à l'époque, du monde des grands. Et soudain, ce fut le tocsin. Il retentit alors que nous nous promenions, quatre des plus jeunes, avec nos parents dans le parc de Garches. On nous expliqua que c'était la guerre mais, bien entendu, nous ne nous rendions pas compte que tout basculait...
A vrai dire, comme dans l'immédiat il ne se passait rien de ce que nous avions appris dans les livres d'histoire, nous étions vaguement déçus, Bernard et moi.
Les gens allaient et venaient, apparemment insouciants. On ne percevait rien d'extraordinaire. Un peu plus tard, nous reçûmes de la mairie des masques à gaz et nous trouvâmes ces "gadgets" bien amusants...
A la veille de la guerre, un de mes frères s'était engagé dans la marine. Nous étions très fiers de lui quand il venait en permission, pleins de gloire à nous montrer avec lui dans la rue.
Au début de l'année 1940, nous avons encore déménagé. Nous nous retrouvâmes dans un bel appartement, rue Condorcet à Paris. Avec un balcon, une vue panoramique sur toute la ville. C'était extraordinaire d'emménager là après avoir vécu tant d'années dans une banlieue qui ressemblait à la campagne et où il ne circulait, à l'époque, que très peu de voitures. Le laitier livrait encore le lait à domicile; il avait une voiture à cheval; le rémouleur faisait retentir sa clochette; le vitrier transportait ses vitres sur son dos; le marchand de peaux de lapins soufflait dans une sorte d'olifant et le marchand de fromages de chèvre s'annonçait en jouant de la flûte de Pan.
Paris, c'était pour nous une autre planète.
On nous inscrivit dans une école du quartier. Une école triste, avec une cour qui pour nous évoquait celle d'une prison. Pas un arbre, pas un brin d'herbe, pas une plante. Nous n'y sommes pas restés longtemps. Nous l'avons quittée le 8 juin 40. La seule distraction c'était, sous le préau, la possibilité d'écouter les informations. On s'en moquait un peu, jusqu'au jour où le directeur nous invita à bien entendre les communiqués de dernière minute; ça allait très mal, les Boches approchaient de la capitale.
Il fut décidé, avec l'accord des parents, d'évacuer l'école. Je n'en reviens pas encore que mes parents nous aient laissés partir aussi facilement. Nous étions fous de joie; prendre le train, partir, entre copains, quelles vacances! C'était la première fois que nous quittions notre famille. Nous partîmes avec un sac à dos et une couverture roulée en bandoulière, et nous nous retrouvâmes à la gare Montparnasse. Direction Le Mans. C'était le 8 juin.
Dans le train, nous ne parlions pas de la guerre. Nous nous racontions des histoires ou nous jouions aux cartes. Nous ne pouvions rien voir à l'extérieur, car nous voyagions de nuit. Nous avions déjà oublié toutes les recommandations des parents, les bonnes choses préparées par ma mère furent vite avalées ou échangées entre copains. A l'arrivée, notre sac était depuis longtemps vide.
Le train avait roulé lentement; nous arrivâmes au Mans en pleine nuit. Heureusement, il y avait le clair de lune. Je me souviens de mon émotion, lorsque j'ai découvert cette ville aux toits sombres et tristes.
On nous emmena à quelques kilomètres, dans la petite ville de Loue. Là, rien à voir avec Le Mans. Le contraste était saisissant. Une odeur de campagne, une fraîcheur de juin avec une rosée colorée. Calme absolu, un peu angoissant. Perspectives de vacances prolongées. Vidée de ses élèves habituels, l'école locale était transformée en pensionnat, les classes en dortoir et la cour en réfectoire. Heureusement, c'était l'été; il faisait beau et chaud.
Nos sorties quotidiennes consistaient à nous rendre, accompagnés d'une institutrice, sur la place pavée de l'église, où nous devions rester assis à même le sol, toute la journée. Nous n'avions pas le droit de nous éloigner.
http://www.contreloubli.ch/#PRESENTATION