Entretien auteur Messaoud Benyoucef
Pour que la mémoire devienne Histoire, en France et en Algérie
L’auteur d’origine algérienne Messaoud Benyoucef explore, à travers sa trilogie, les recoins d’une mémoire partagée entre la France et l’Algérie. Pour rendre à l’Histoire ce passé à apaiser.
Le Nom du Père achève une trilogie œuvre sur la transmission de la mémoire et de la généalogie.
Messaoud Benyoucef : Et la transmission généalogique, en l’occurrence, ne se fait pas. L’argument du Nom du Père, c’est la situation d’un fils de Harki, né et vivant en France, qui subit comme tous les enfants issus de l’immigration maghrébine, l’exclusion et le rejet. En tant que fils de Harki, il relève en outre, du Non du père, le non de la négation, un père barré. C’est ce Non-là du père qui empêche la transmission généalogique naturelle. Une métaphore de la transmission de la mémoire manquée.
“ Mettre à distance le rapport traumatisant qu’on entretient encore avec cette Histoire non reconnue.”
Du côté de l’Algérie et de la France, il convient de regarder le passé -l’épisode colonial - tel qu’il s’est fait.
M. B. : Je travaille sur la mémoire pour qu’elle puisse devenir Histoire. Qu’on puisse considérer ce qui est arrivé comme un fait historique établi. Afin de mettre à distance le rapport traumatisant qu’on entretient encore avec cette Histoire non reconnue. C’est une petite contribution pour qu’en France, on puisse regarder d’un autre œil des gens qui sont le reliquat et les séquelles de l’immigration maghrébine. Et de l’autre côté, en Algérie, qu’on puisse accepter ce passé comme un épisode non refoulé de notre Histoire.
C’est votre propre histoire que vous donnez à entendre…
M. B. : Je suis moi-même le produit d’une période de cette Histoire, l’Algérie coloniale, l’Algérie française, mais je suis également partie prenante de cette dernière décennie tragique en Algérie. C’est ainsi que j’ai quitté l’Algérie depuis 94, après l’assassinat du dramaturge Abdelkader Alloula dont je suis par ailleurs le traducteur.
Le nom du père obéit à deux mouvements distincts.
M. B. : D’abord, la pièce se passe en France, dans une problématique déjà trouble, sans que soit franchi le pas vers quelque chose de plus grave. Le rire et la plaisanterie sont encore permis. Le deuxième moment se situe en Algérie dans un maquis islamique. Et comme le dit l’un des personnages : “ Ici, ça ne rigole pas ! ” L’action, située dans les années 90, traite des légions islamiques de retour d’Afghanistan qui rentrent chez elles pour de nouveau répandre la guerre. Notre jeune héros est pris dans cette histoire-là et sa tragédie. Un combattant islamiste qui provoque des horreurs en Algérie.
Cette dernière forme dramatique de structure plus classique propose des songs rappés.
M. B. : Des songs à la manière de Brecht, sur une métrique arabo-andalouse, chantés par le rappeur, musicien et comédien Jean-Pierre Niobé. J’ai mis la poésie au goût du jour puisque pour moi, le fond dicte la forme. Les personnages à l’œuvre dans la pièce sont des jeunes Français d’origine maghrébine, des fils de Harki qui ont vécu dans des camps. Ils sont en cela, assimilables aux jeunes des cités dont le mode d’expression le plus authentique est forcément le rap, non l’alexandrin.
Propos recueillis par Véronique Hotte
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Pour que la mémoire devienne Histoire, en France et en Algérie
L’auteur d’origine algérienne Messaoud Benyoucef explore, à travers sa trilogie, les recoins d’une mémoire partagée entre la France et l’Algérie. Pour rendre à l’Histoire ce passé à apaiser.
Le Nom du Père achève une trilogie œuvre sur la transmission de la mémoire et de la généalogie.
Messaoud Benyoucef : Et la transmission généalogique, en l’occurrence, ne se fait pas. L’argument du Nom du Père, c’est la situation d’un fils de Harki, né et vivant en France, qui subit comme tous les enfants issus de l’immigration maghrébine, l’exclusion et le rejet. En tant que fils de Harki, il relève en outre, du Non du père, le non de la négation, un père barré. C’est ce Non-là du père qui empêche la transmission généalogique naturelle. Une métaphore de la transmission de la mémoire manquée.
“ Mettre à distance le rapport traumatisant qu’on entretient encore avec cette Histoire non reconnue.”
Du côté de l’Algérie et de la France, il convient de regarder le passé -l’épisode colonial - tel qu’il s’est fait.
M. B. : Je travaille sur la mémoire pour qu’elle puisse devenir Histoire. Qu’on puisse considérer ce qui est arrivé comme un fait historique établi. Afin de mettre à distance le rapport traumatisant qu’on entretient encore avec cette Histoire non reconnue. C’est une petite contribution pour qu’en France, on puisse regarder d’un autre œil des gens qui sont le reliquat et les séquelles de l’immigration maghrébine. Et de l’autre côté, en Algérie, qu’on puisse accepter ce passé comme un épisode non refoulé de notre Histoire.
C’est votre propre histoire que vous donnez à entendre…
M. B. : Je suis moi-même le produit d’une période de cette Histoire, l’Algérie coloniale, l’Algérie française, mais je suis également partie prenante de cette dernière décennie tragique en Algérie. C’est ainsi que j’ai quitté l’Algérie depuis 94, après l’assassinat du dramaturge Abdelkader Alloula dont je suis par ailleurs le traducteur.
Le nom du père obéit à deux mouvements distincts.
M. B. : D’abord, la pièce se passe en France, dans une problématique déjà trouble, sans que soit franchi le pas vers quelque chose de plus grave. Le rire et la plaisanterie sont encore permis. Le deuxième moment se situe en Algérie dans un maquis islamique. Et comme le dit l’un des personnages : “ Ici, ça ne rigole pas ! ” L’action, située dans les années 90, traite des légions islamiques de retour d’Afghanistan qui rentrent chez elles pour de nouveau répandre la guerre. Notre jeune héros est pris dans cette histoire-là et sa tragédie. Un combattant islamiste qui provoque des horreurs en Algérie.
Cette dernière forme dramatique de structure plus classique propose des songs rappés.
M. B. : Des songs à la manière de Brecht, sur une métrique arabo-andalouse, chantés par le rappeur, musicien et comédien Jean-Pierre Niobé. J’ai mis la poésie au goût du jour puisque pour moi, le fond dicte la forme. Les personnages à l’œuvre dans la pièce sont des jeunes Français d’origine maghrébine, des fils de Harki qui ont vécu dans des camps. Ils sont en cela, assimilables aux jeunes des cités dont le mode d’expression le plus authentique est forcément le rap, non l’alexandrin.
Propos recueillis par Véronique Hotte
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