Pourquoi nous a t-on volés une part de notre enfance?
En zappant, je suis tombé sur le reportage consacré par la télévision marocaine 2M à l'expulsion en 1975 des marocains qui vivaient en Algérie.
Afin de recadrer le débat et pour être intellectuellement honnête, sans tomber dans un chauvinisme ringard, précisons d'emblée que le Maroc et l'Algérie sont loin d'être des modèles de démocratie et ce n'est pas parce que l'Agérie a commis une inqualifiable injustice à l'égard des marocains d'Algérie que le Maroc est la Mecque des droits de l'homme. Ceci pour répondre à quelques articles servilement partiaux qui ont meublé votre tribune et qui ne feront que conforter nos pseudo-dirigeants dans leur incompétence, qui fait que ceux qui en patissent les premiers ce sont justement nos deux peuples. Donc de grâce, arrêtons de caresser dans le sens du poil les concepteurs de nos malheurs.
Pour revenir au reportage, je dirais qu'il a remué en moi de sinistres souvenirs. Celui-ci rapporte des témoignages bouleversants, tel le récit de cet homme évoquant avec des yeux embués son enfance à cité-petit, un quartier populaire d'Oran. J'en ai pleuré. Moi aussi en tant qu'algérien, j'ai été touché par ce drame. J'avais 15 ans. L'âge de l'insouciance et de l'innocence et on a osé extirper de leur maison et expulser manu militari mes amis, que dis-je, mes frères que sont les Kansari (Hamid et Farid). Pourquoi nous a t-on volés une part de notre enfance? Une question qui ne trouvera sans doute jamais de réponse.
Ce désastre humanitaire, nous ne l'aurions jamais connu si la décision politique émanait de la volonté de nos peuples et n'était confisquée par un cercle restreint de décideurs totalement irresponsables, ne mesurant aucunement les gravissimes conséquences sur le déracinement de populations entières. Le tort de ces marocains, c'est d'avoir vecu dans un pays qu'ils croyaient le leur et de s'être retrouvés otages d'un conflit fratricide auquel ils étaient totalement étrangers.
Pour conclure, je dirais que tant que ces éternelles velléités belliqueuses meubleront les relations algéro-marocaine, des tragédies humanitaires comme celle de 1975 ne sont malheureusement pas à exclure. Mais je reste intimement convaincu que le jour où nos peuples émergeront de l'abîme dans lequel nous ont plongés nos gouvernants, et qu'ils pourront choisir librement leurs représentants, parce que c'est de démocratie qu'il s'agit, ce jour là, le Maghreb des peuples se réalisera inéluctablement car, le sang, la religion, la langue, le sol, le faciès et l'histoire nous y invitent fatalement.
Abdelkader MAZARI
Un maghrébin qui essaye de séparer le bon grain de l'ivraie.
Ecrit par : Mazari | 15.06.2008