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On vous attend chér ami El Houari Addi

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admin"SNP1975"

admin
Admin

Chér ami et professeur



Je serais trés content avec l'equipe du forum des Marocains d'Algerie si vous accepterez cette invitation pour témoigner sur notre drame.

Houari Addi



Dernière édition par Admin le Dim 20 Juil - 0:40, édité 1 fois

http://www.marocainsdalgerie.net

admin"SNP1975"

admin
Admin

Né le 21 avril 1949 à Oran, Algérie
Eudes primaires, secondaires et supérieures à Oran
Licence de sociologie et licence d’économie à l’Université d’Oran (1973)
DEA d’économie à Grenoble (1974) portant sur les Structures bancaires de l’économie coloniale en Algérie
Doctorat de Sociologie portant sur Structures agraires et Habitat rural en Algérie de 1830 à 1939
Doctorat d’Etat à l’EHESS sous la direction de L. Valensi sur Etat et Pouvoir dans les sociétés du Tiers-Monde : le cas algérien (1987

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Invité


Invité


Etonnant le nombre de ces marocains qui se sont specialisés dans l'histoire de l'Algerie pour la destructurer avec l'appui de certaines eminences anti-algeriennes ....tres instructifs!!!!!!!!!! et BRAVO

admin"SNP1975"

admin
Admin

Texte intégral

Malgré l'importance de la thématique, les études sur la famille en Algérie sont assez rares. Cependant, les quelques auteurs concernés conviennent que sous l'apparence d'une stabilité, les évolutions dans l'organisation familiale sont profondes. Dans cet article, j'exposerai les résultats obtenus à partir d'enquêtes de terrain, menées en 1986 et 1987 dans la région d'Oran (Addi 1999).

Rappel historique : la famille patriarcale dans la société rurale traditionnelle
Dans le modèle traditionnel tel qu'il a existé avant la colonisation, l'identification sociale opérait à deux niveaux : au niveau de la tribu et au niveau de la 'ayla, communauté familiale patrilinéaire, respectant une stricte virilocalilé [1], composée de fils mariés, demeurant unis du vivant du père, et souvent après sa mort, sous la direction du frère aîné ou de l'un des frères dont la compétence est reconnue. L'indivision de la propriété exploitée en commun, la crainte et le respect du père, le culte des ancêtres, l'attachement à la généalogie agnatique [2] et à la solidarité qui en découle donnent à la communauté familiale algérienne les traits de la famille patriarcale telle qu'elle a été définie par les anthropologues. La personnalité juridique que reconnaît le droit musulman à ses membres lui permet de se diviser lorsque, atteignant un volume optimal, elle autorise certains de ses membres à se distinguer et à s'autonomiser par rapport à la famille-souche.

La famille patriarcale se situe dans une lignée généalogique qui se veut nombreuse pour perpétuer le souvenir des ancêtres. Le chef de famille patriarcale est le grand-père s'il est encore vigoureux ou le fils aîné s'il a disparu. Son rôle est de répartir les tâches des travaux agricoles entre les différentes cellules du groupe domestique qui est l'unité de production et de consommation, et il s'assure de la bonne entente entre ses membres, dirige la prière et représente le groupe à l'extérieur. Il est craint parce qu'il a la faculté de maudire celui qui lui désobéirait, malédiction sanctionnée par un châtiment divin (cf. Bourdieu 1974). La terre et le troupeau, hérités de père en fils, constituent la base matérielle permettant à la 'ayla - ou ne lui permettant pas - d'entrer en compétition avec d'autres groupes familiaux pour les honneurs et les démonstrations symboliques. Quand une famille offre le plus de moutons lors de la fête du saint de la tribu, quand elle accueille avec faste des invités, quand elle mobilise le plus de fusils en cas de danger extérieur, ses membres en tirent une fierté. Ce sentiment de fierté est profondément enraciné dans la culture, et renvoie à la perception valorisée de la lignée généalogique. Le culte de l'ancêtre éponyme, devenu ensuite le culte du nom tout court, est un trait de la psychologie collective, motivant les comportements à l'intérieur et les attitudes et conduites à l'extérieur.

Ce sentiment de fierté, au cœur de l'idéologie patriarcale, est discriminatoire vis-à-vis de la femme car elle aurait tout pour le détruire [3]. Le Maghrébin considère que son « honneur réside dans la chasteté de sa femme, de ses sœurs et de ses filles » (Mernissi 1983), et le meurtre est justifié si cet honneur est souillé car le prestige de l'homme dépend du comportement des femmes dont il a la charge. Le clan familial se fait un honneur de donner à d'autres clans des femmes qui assureront la pureté de leurs nouvelles lignées généalogiques ; et, évidemment, en retour, il attend que les clans avec qui il entre en alliance lui fournissent des femmes qui assureront la descendance dans les conditions sociales de l'honneur. D'où l'obsession de la virginité de la jeune femme à marier, seule garante de la patrilinéarité dans une société où a eu cours la fiction de l'enfant endormi [4]. La finalité du mariage, comme dans d'autres sociétés traditionnelles, est la procréation d'une progéniture dont il ne fera aucun doute qu'elle provient du mari. La virginité de la jeune fille et la fidélité de la femme renvoient au culte des ancêtres qui impose que la lignée soit continuée dans la pureté. L'individu n'existe que par le groupe auquel il appartient et l'obsession de la virginité est un effet de l'idéologie patriarcale qui subordonne la relation sexuelle à la procréation conçue non comme un acte engageant l'individu, mais comme un acte engageant la lignée-communauté (morts et vivants), d'où les règles strictes de l'honneur (nif) et du respect de l'intimité privée (horma), dépassant la stricte individualité de celui qui les transgresse [5].

Destinées comme épouses à servir de support biologique à d'autres lignées généalogiques que les leurs, les femmes n'ont pas de visibilité sociale. Cette participation à la reproduction biologique de la lignée où elles ont été données comme épouses ne sera pas reconnue socialement. L'enfant est fils de tel homme, de tel père, et est petit-fils de tel grand-père [6]. La société traditionnelle, avec ses mœurs et ses mécanismes d'honneur, se donne comme norme l'invisibilité sociale de la femme, acceptée et intériorisée par la femme elle-même comme habitus, et inculquée dès la petite enfance par la mère qui l'aura reçue de sa propre mère par l'éducation. Dès lors qu'elle accepte cette norme, constitutive du lien social, la femme est respectée en tant que mère, sœur et épouse.

La 'ayla, telle que la décrivent les anthropologues, n'existe cependant plus. La déstructuration sociale induite par la colonisation dès le XIXe siècle a eu raison d'elle, suite à l'éparpillement des tribus, aux expropriations foncières, à l'exode rural, au salariat et à la monétarisation de l'économie, etc. Unité de base de l'ordre tribal, la 'ayla a dégénéré en famille élargie, groupement d'individus déchirés entre l'attirance de la forme familiale suscitée par le salariat (famille conjugale) et le désir de reconduire la forme patriarcale. Cette dynamique de mutation sociale va se renforcer dans la période post-coloniale avec les politiques agraires qui vont achever l'œuvre de déstructuration coloniale, et avec l'urbanisation. Les indépendances ont approfondi la mutation dans la mesure où elles ont accéléré la déstructuration des groupes sociaux amorcée sous la colonisation. Le résultat est que les populations, insérées dans des structures urbaines, habitant des appartements conçus pour des familles conjugales, soumises à l'influence du mode de vie occidental à travers les médias, acquérant désormais leur subsistance par l'échange marchand, subissent le conflit entre les représentations sociales que garde encore la mémoire collective et les nouvelles aspirations apparues à la faveur de la mutation sociale. À l'évidence, les conditions politiques, économiques et culturelles de la famille patriarcale ne sont pas réunies ; celle-ci tente cependant de se reconstituer dans les gourbis, dans les bidonvilles et dans les villes, perdurant dans un environnement architectural et social inadéquat Elle se transforme alors en groupe domestique élargi ou famille élargie.

Une nouvelle forme d'organisation domestique : la famille élargie
Les sociologues de la famille n'arrivent pas à trouver une dénomination consensuelle pour la famille algérienne. Les uns parlent de famille élargie, composée, étendue et récusent la notion de modèle familial unique; d'autres parlent d'un modèle familial diversifié et présentant plusieurs types. Mais la tendance dominante est à la caractérisation d'un modèle familial résultant d'une stratégie multiple d'adaptation aussi bien en milieu urbain que rural [7]. Lors des enquêtes de terrain, les sociologues se heurtent en effet à la diversité des formes de cohabitation familiale, À titre d'exemple, Fatima Oussedik ( 1988), dans une enquête menée dans certains quartiers d'Alger, a été amenée à dresser une typologie de son objet de recherche, dégageant cinq types de familles qu'elle classe par ordre de fréquence : 1. la famille néo-patriarcale étendue (couple, enfants célibataires et mariés, petits-enfants); 2. la famille néo-patriarcale réduite (couple, enfants célibataires); 3. la famille conjugale (couple, enfants); 4. la famille conjugale réduite (enfants vivant avec un seul parent veuf ou divorcé) ; 5. la famille para-conjugale (couple avec enfants, hébergé par les beaux-parents en raison de la crise de logement). Pour dresser sa classification, Oussedik ne s'est pas contentée du critère du lieu de consommation ; elle a introduit d'autres critères comme le souhait de vivre dans des groupes familiaux étendus, la manière par laquelle les conjoints se sont connus et se sont mariés, etc. Si l'on ne retenait que le critère du lieu de consommation, il apparaîtrait dans l'enquête qu'il y a deux formes de familles en Algérie : la famille conjugale (couple et enfants) et la famille composée formée de plusieurs couples avec enfants, se présentant comme unité de consommation partageant le même lieu de résidence. Cependant, l'une et l'autre forme semblent être un état transitoire évoluant vers l'une ou l'autre forme, comme si la société n'avait pas fixé la forme familiale de la reproduction sociale. Ceci est confirmé par l'enquête menée par Oussedik qui constate que nombre de familles « néopatriarcales » se sont constituées à partir d'une famille conjugale provenant de l'intérieur du pays dans les années 1960 (1986 : 98), et l'enquête menée dix ans plus tôt par Mustapha Boutefnouchet, aussi modeste soit son échantillon (121 familles), aboutit à ce même résultat [8].

Cela dit, peut-on parler de famille conjugale en Algérie? Même s'il y a des couples avec enfants, formant des ménages spatialement autonomes, il est difficile de les considérer comme des familles conjugales lorsqu'on considère la nature des relations entretenues avec la famille-souche et ses membres, La régularité des visites, la dépendance affective, les immixions des parents et la permanence des relations interdisent aux familles nucléaires de s'autonomiser et de former des familles conjugales. Notre hypothèse est que la famille patriarcale s'est transformée en famille élargie qui, selon les ressources matérielles et le capital culturel des membres du groupe familial, se présente soit en famille composée de plusieurs ménages avec unité de résidence et de lieu de consommation, soit en réseau familial structuré autour d'un ménage principal (en général celui des parents) mais réparti en plusieurs lieux de résidence.

Qu'elle soit constituée en réseau ou qu'elle vive sous un même toit, du point de vue de ses ressources, la famille élargie ne se reproduit plus sur le patrimoine familial. Ses revenus sont constitués désormais des salaires des fils, ils sont soit ouvriers dans une entreprise d'État, soit employés de commerce dans le privé, soit encore fonctionnaires (enseignant, policier, etc.). Cette situation fait souvent perdre au père son pouvoir de décision dans le budget familial : l'achat d'un meuble, d'un nouveau téléviseur, d'un réfrigérateur, etc., ne dépend plus de lui. Le père garde toujours un pouvoir symbolique assez fort, mais le pouvoir réel lui échappe au profit de la mère et de l'un de ses enfants qui s'impose - par ses qualités, par ses revenus et par ses relations avec l'extérieur -comme le chef de ménage [9]. Le chef de la famille élargie est un personnage nouveau qui a marginalisé le père encore vivant, tout en assumant l'idéologie patriarcale, tout en étant soucieux de l'honneur de la lignée généalogique et de la fierté qui en découle. C'est lui qui engage le groupe domestique dans la compétition pour les honneurs et le prestige, à travers l'acquisition d'un mobilier moderne, la scolarisation des frères cadets et des neveux. Par ailleurs, il se montre sourcilleux sur les sorties de ses sœurs, autorisées seulement quand elles se rendent au collège. Il permet à ses sœurs ainsi qu'à sa femme et à ses belles-soeurs d'utiliser la radio, la radio cassette, la télévision et la parabole. Quand il en a les moyens, il introduit téléphone, lave-linge et lave-vaisselle, améliorant les conditions de vie domestiques des femmes du groupe, mais il leur limite l'accès à l'extérieur. Le fils-chef-de-ménage reproduit l'idéologie patriarcale dans un contexte social où la famille patriarcale n'existe plus.

La famille élargie a une limite naturelle, une frontière qu'elle atteint lorsqu'elle devient elle-même un ensemble de familles élargies, alors qu'à l'origine elle était un ensemble de familles nucléaires. Le souhait de se séparer n'est pas motivé par l'attrait du modèle conjugal, mais le point de rupture est atteint lorsque les cousins - garçons ou filles - deviennent adultes. À ce stade, la cohabitation regroupe des individus adultes susceptibles d'avoir entre eux des rapports sexuels, ce que redoutent les parents et ce qui les motive à trouver un logement. La famille élargie ne produit pas des familles conjugales, elle produit d'autres familles élargies. Ce qui signifie que les familles nucléaires qui existent ont toutes les chances de devenir des familles étendues. En effet, à l'âge adulte, les enfants y seront mariés même s'ils ne disposent pas de logement, et même parfois s'ils sont sans emploi. Un père se sent dans l'obligation de marier son fils (le célibat est mal perçu dans la culture maghrébine et dans l'islam) et ne peut pas le mettre à la porte avec sa femme et ses enfants s'il ne dispose pas d'un logement.

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admin"SNP1975"

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Famille composée et réseau familial
Les membres des couches moyennes reproduisent le modèle élargi de la famille tout en étant dispersés dans différents quartiers de la ville. Le téléphone et la voiture permettent de maintenir un contact quotidien permanent et il suffit que le fils ou la belle-fille ne se manifeste pas deux jours de suite pour susciter des inquiétudes chez la mère [10]. Le réseau se forme autour d'une famille centrale qui est celle des parents, ce qui suppose que les enfants mariés ont la possibilité d'acquérir des logements. Ce sont en général des commerçants, des hauts fonctionnaires, des membres de professions libérales (médecins, avocats, etc.). Le réseau familial, regroupant frères et sœurs mariés, tire sa cohérence de la présence dans une famille principale des parents. Dès que ces derniers disparaissent, le réseau se distend et se scinde en plusieurs réseaux qui se dotent de centres respectifs en s'autonomisant. Un réseau familial n'inclut pas des cousins mariés ; si c'est le cas, c'est alors un réseau lignagcr dont les membres se regroupent à l'occasion de mariages, de naissances, de décès, etc.

Dans les couches très aisées (entrepreneurs, grands commerçants), dont les membres peuvent construire la maison qu'ils désirent, la mode est aux appartements différenciés dans le même immeuble où vivent des frères mariés. La famille élargie se regroupe dans une même maison ou immeuble, dans lequel chacun des frères mariés - ou en cours de mariage - dispose d'un appartement et y vit avec sa femme et ses enfants, de manière autonome y compris dans la préparation des repas. Ce modèle apparaît comme l'idéal pour des personnes cherchant à demeurer en contact permanent avec leurs parents et leurs frères et dont par ailleurs les épouses aspirent à plus d'autonomie vis-à-vis de la belle-mère et des belles-sœurs.

La déstructuration sociale a transformé la famille patriarcale en famille élargie où les statuts et les rôles des uns et des autres ne correspondent pas à la réalité environnante, et c'est un lieu commun de dire qu'elle est en crise. L'exploitation agricole de l'héritage commun et la maison rurale avec ses possibilités d'extension permettaient à la famille patriarcale d'antan de garantir à ses membres un minimum d'intimité privée tout en refoulant les tendances individualistes des uns et des autres. Les couples de la famille patriarcale avaient chacun une pièce (beyt) où ils vivaient leur intimité. Ce n'est plus le cas avec la famille composée résidant dans un appartement forcément exigu pour sa taille. Tous les couples dans cette famille n'auront pas une pièce en propre. La forme individuelle des revenus et l'absence d'intimité vont être à l'origine de conflits qui se traduiront par un mal-être et par des divorces.

Le logement urbain exacerbe les contradictions dans le groupe familial composé de plusieurs générations, dans la mesure où il ne permet pas l'inti­mité privée. L'appartement en immeuble accroît les tensions, les frustrations et le sentiment d'oppression ressenti par les jeunes épouses. La mère ne se sent pas suffisamment respectée par ses enfants, et les belles-filles ne se sentent pas suffisamment aimées par leurs maris. D'autant plus que la subsistance est acquise par le salaire individuel, ce qui pose un redoutable problème de répartition quand d'autres frères - mariés avec enfants - ont des salaires différents ou encore que certains ne travaillent pas. La grand-mère cherche la répartition égalitaire dans la consommation entre tous ses petits-enfants, tandis que la belle-fille dont le mari gagne plus cherche à distinguer ses enfants de leurs cousins. Si le mari peut acquérir un logement individuel, il sauve son ménage. S'il est contraint de vivre avec ses frères et ses parents, soit il impose à sa femme de refouler ses frustrations et d'accepter la situation, soit elle refuse et c'est le divorce.

La culture patriarcale est désormais une idéologie qui oppose deux femmes se disputant le même homme, d'où le caractère structurel du conflit. L'enjeu pour elles est ce que représente cet homme comme ressources pour s'autonomiser, pour s'imposer, pour se distinguer, pour alléger les contraintes quotidiennes. Dans une société où la femme doit céder à la prééminence de l'homme, le fait de manipuler celui-ci par l'affectif, par la progéniture, par le sexe, est vital à son existence en tant qu'être social inséré dans un groupe où la satisfaction de l'intérêt individuel et la recherche des avantages matériels sont à la base des comportements tantôt amicaux, tantôt hostiles, des uns vis-à-vis des autres. L'économie urbaine dans laquelle se reproduit le groupe domestique rend la femme - mère ou épouse - plus dépendante de l'homme - fils ou époux - dans la mesure où un pouvoir d'achat minimum est requis pour exister socialement, alors qu'elle ne doit apparaître publiquement ni comme productrice ni comme consommatrice.

C'est dans ce contexte sociologique qu'il convient de restituer la promulgation du Code de la famille de 1984. Le législateur a cherché à stabiliser la famille algérienne pour diminuer le nombre de divorces en demandant le maximum de sacrifices à la jeune femme. La nouveauté du Code de la famille de 1984 est que la femme peut être répudiée et renvoyée de chez elle sans qu'elle n'ait aucun droit sur les biens mobiliers et sur le logement. Ce code a été rédigé en prenant comme modèle la famille patriarcale, et dans ce contexte, en effet, il est inconcevable que la femme garde le logement. Le législateur, imprégné d'idéologie patriarcale, a estimé que la femme divorcée, quel que soit le nombre d'années de mariage, pourrait être recueillie par les siens : ses parents s'ils sont encore vivants, ses frères, ses cousins. Hélène Vandevelde (1985) dit de ce code qu'il « se contente d'entériner les mœurs patriarcales qui demeurent vivaces dans bien des milieux en Algérie ». Le Code de la famille a suscité de la part de nombreuses associations de femmes des réactions hostiles, soulignant qu'il légalisait l'infériorité de la femme et qu'il incitait les maris à divorcer, ce qui contredit l'objectif proclamé du législateur [11]. Ce code correspond à la famille patriarcale d'antan, bien que celle-ci n'existe plus. Mais si l'idéologie patriarcale est prégnante dans la conscience des individus - hommes et femmes - il ne faut pas oublier qu'elle est idéalisée, vécue dans l'imaginaire car elle est aujourd'hui désincarnée, c'est une référence imaginaire produite par le présent, tandis que la famille élargie (famille composée ou réseau familial) est une réalité sociologique nouvelle.

Identité féminine et solidarité agnatique
Les femmes du réseau - épouses des maris, sœurs et filles de ces derniers -ne sont pas solidaires entre elles. Elles ne développent pas une identité féminine face à l'identité masculine car la ligne de fracture hommes-femmes dans la famille élargie est brouillée par les femmes du groupe patrilinéaire, par les agnates qui manifesteront une solidarité avec leurs frères en cas de conflit avec les épouses. La mère a plus l'oreille de sa fille, qui lui rend visite régulièrement (et avec qui elle est en contact permanent si elles disposent du téléphone) que celle de sa belle-fille, suspectée d'éloigner les petits-enfants de leurs grands-parents et de leurs cousins patrilinéaires pour les rattacher à ses parents, donc à sa propre lignée. Car l'épouse appartient à deux familles : sa famille d'origine où elle continue de s'enquérir des relations entre sa mère et les épouses de ses frères, et celle où elle est épouse et belle-fille et où elle est reliée par les enfants auxquels elle a donné naissance. L'âge adulte des enfants transforme la femme et fait d'elle un défenseur farouche du patriarcat. C'est qu'elle y a tout intérêt : la belle-mère n'est plus, la puissance de son mari a décliné et celle de ses enfants s'est affirmée. À travers l'autorité de ses enfants, elle manipule les uns et les autres pour avoir des avantages matériels et symboliques auxquels elle n'avait pas droit quand elle était jeune. C'est la thèse défendue par Camille Lacoste-Dujardin pour qui « la reproduction sociale est assurée, en même temps que la domination masculine, du fait que les femmes acceptent un asser­vissement dans la maternité où elles trouvent leur compte en profitant, en tant que mères, du système » (Lacoste-Dujardin 1985 : 134).

La femme, devenue mère, oublie les brimades qu'elle a endurées, et les reproduit à l'endroit de ses belles-filles, en se faisant la gardienne des valeurs traditionnelles et en se posant comme le rempart du patriarcat. C'est elle qui incite ses filles à prendre le parti de leurs frères en cas de conflit avec leurs épouses; c'est elle qui les invite à renoncer à leurs parts d'héritage quand il existe; c'est elle qui élève ses petits-enfants en inculquant la méfiance vis-à-vis de leur mère ; enfin, c'est elle qui s'oppose à l'autonomie de la famille nucléaire de son fils. Les intérêts symboliques de la lignée seront désormais les mieux défendus par la grand-mère qui arrive à effacer, dans ce rôle, son mari. Elle rappelle constamment à ses enfants la mémoire de leur père s'il est mort; et s'il est vivant, elle le marginalise en pratiquant la « surenchère lignagère », cultivant le mythe des grands-parents paternels de ses enfants.

Lacoste-Dujardin a souligné le rôle de la femme-mère dans la reproduction sociale de l'idéologie patriarcale, mais elle a aussi montré celui de la femme-épouse, sans trop s'y étendre il est vrai. « Pour une femme maghrébine, écrit-elle, être femme, ce n'est pas vivre avec un homme, c'est posséder un fils... Tout en faisant un enfant (mâle) à leur mari et surtout au patrilignage, les femmes se font elles-mêmes des fils, les seuls véritables hommes de leur vie » (1985 :144). Le cycle familial est essentiellement féminin, s'ouvrant sur la jeune fille effacée chez ses parents, se continuant dans l'oppression de la bru, s'humanisant dans la figure de la mère et finissant dans le triomphe de la belle-mère. Ce cycle concerne la même personne, dont le statut se métamorphose aux différentes étapes indiquant différents rôles : jeune fille, bru, mère, belle-mère. Le mariage achève la période de jeune fille et introduit dans celle de bru; la naissance d'enfants mâles installe dans la position de mère, et le mariage de ces derniers donne la possibilité de devenir belle-mère disposant de pouvoir. Le système social fabrique des belles-mères triomphantes avec des jeunes filles timides et des brus opprimées. Dans cette structure cyclique, l'homme en tant que fils/époux est un enjeu que se disputent la belle-mère et la bru, qu'une relation structurellement conflictuelle relie. La bru ne commence à s'imposer et à défier sa belle-mère que lorsqu'elle aura des enfants mâles. « Elle a des cornes maintenant », dit-on, allusion à sa capacité de nuisance. Du point de vue du fils/époux, le conflit oppose alors deux mères : la sienne et celle de ses enfants. Les femmes sont absentes de l'univers féminin du Maghrébin, qui n'a affaire qu'à des mères.

La femme comme actrice sociale
La famille élargie, que ce soit sous la forme composée ou celle de réseau, est une réalité sociologique nouvelle qui a ré-interprété l'idéologie patriarcale. Elle en a pris des éléments, et en a inventé d'autres. Les changements morphologiques qui ont affecté la famille ne peuvent pas être sans conséquences sur les statuts et les rôles de ses membres, dont les intérêts ne sont pas toujours communs. Quand il y a divergence d'intérêts dans la parentèle, les enjeux sont le plus souvent symboliques, relatifs à l'autorité des uns sur les autres et à la considération que les uns attendent des autres. Les transformations sociales provoquées par l'échange marchand ont rehaussé le statut des uns, déclassé celui d'autres, et ont induit une dynamique où les rapports à l'intérieur de la famille élargie et les relations entre les belles-familles ont connu des modifications.

Qu'elle soit mère ou épouse, la femme est actrice sociale et essaie de défendre ses intérêts, voire de les accroître, dans les conditions qui sont les siennes. Insérée dans des rapports familiaux qui lui indiquent son statut et son rôle, la femme n'est pas pour autant passive, développant une stratégie en relation avec la couche sociale à laquelle elle appartient, les ressources dont elle dispose et enfin son âge. Selon les cas, les femmes adoptent au moins quatre stratégies différentes où elles interviennent en tant qu'actrices sociales :

­ La femme-épouse non salariée, s'investissant affectivement auprès de ses enfants qui, une fois grands, lui manifesteront de l'attachement, et qui dans cette perspective, multiplie le nombre d'enfants. Elle met tout en œuvre pour éviter le divorce car le nombre élevé d'enfants reste très dissuasif.

­ La femme-mère (ou grand-mère) intervenant pour maintenir les pratiques patriarcales dont profitent ses fils ; ce faisant, elle accroît son pouvoir sur son mari et ses belles-filles et cherche à se distinguer parmi les femmes de sa génération.

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admin"SNP1975"

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­ La femme-épouse salariée espérant de l'État des décisions juridiques pour abolir les pratiques patriarcales en matière de statut personnel, caressant le projet de s'autonomiser vis-à-vis de sa belle-mère, voire s'émanciper.

­ La jeune fille, lycéenne ou étudiante, dissociant idéologie patriarcale et islam, tente de contrer celle-ci par celui-là, portant le hijab pour ne pas être exclue de l'espace public auquel elle voudrait appartenir en faisant des études et, plus tard, en travaillant.

Cette typologie est indicative uniquement, car une même femme peut adopter deux stratégies contradictoires selon qu'il s'agit de sa fille ou de sa belle-fille. En effet, le même personnage, la mère en l'occurrence, tout en manipulant l'idéologie patriarcale pour renforcer son pouvoir sur ses belles-filles, peut être amené à la dénoncer quand il s'agit de s'opposer à la domination de sa propre fille par la belle-mère de celle-ci. Elle peut refuser que sa belle-fille travaille ou qu'elle sorte sans son autorisation, mais elle souhaite que ses filles travaillent et qu'elles jouissent de plus d'autonomie. Ces contradictions ne sont pas le propre de la femme-mère, et les autres femmes les expriment puisqu'elles aussi occupent des positions différentes dans le réseau de la parentèle, appartenant à deux ou trois catégories de cette typologie.

Les stratégies matrimoniales aussi vont être affectées par les évolutions de l'organisation familiale. Durant les premières années, le groupe installé en ville mariera ses enfants avec des filles de la parentèle restées au village. Pour ces jeunes filles, le fait de se marier en ville avec un cousin éloigné est une promotion sociale à laquelle elle aspirait : l'électricité, l'eau courante, le sol carrelé, la rue goudronnée, et peut-être la voiture, sont autant de commodités que seule la ville offre. Le recours à des jeunes filles dont les parents sont restés au village traduisait une méfiance vis-à-vis des familles du voisinage, et traduisait la volonté de ne pas se couper de la région d'origine. Les familles voisines évitaient de s'échanger les jeunes filles parce que, disait-on, « l'éloignement rapproche les cœurs et la promiscuité les éloigne ». Compte tenu de la condition de la belle-fille, il valait mieux que sa mère, ses sœurs et ses frères ne soient pas du voisinage. Une autre raison plaidait pour le recours à des jeunes filles d'origine rurale modeste : cette condition sociale garantissait l'autorité du beau-père et de la belle-mère. Une jeune femme habitant en ville, ayant pris l'habitude de sortir faire des courses, ayant fréquenté des amies dans le voisinage, etc., est susceptible de refuser la réclusion qui lui sera imposée. Promotion sociale appréciée en termes de commodités matérielles (électricité, gaz, eau courante, salle de bains, voiture, etc.) contre réclusion : voilà le marché que semblent conclure beaux-parents et bru d'origine rurale. Mais ce flux matrimonial campagne-ville allait faiblir ou cesser à la suite de changements dans les aspirations. La jeune fille d'origine rurale est certes dévouée et respectueuse de la tradition, mais dans la compétition à l'intérieur de la société féminine, elle est déclassée : elle ne sait ni lire ni écrire, n'a pas d'opinion sur ce dont discutent les femmes, n'est pas au fait des modes vestimentaire et culinaire, etc. Il y a toute une société de femmes avec ses normes et son échelle de valeurs, dans laquelle la compétition est féroce. Feignant d'y être insensibles, les hommes tirent une certaine fierté quand leurs femmes y sont bien placées.

Après quelques années de cohabitation citadine, une société féminine urbaine s'est mise en place, dans un processus de socialisation qui est venu à bout des appréhensions respectives des familles d'origines diverses. Le marché matrimonial se détendait et découvrait de nouveaux horizons : les relations d'amitié entre jeunes filles d'un même quartier, le lieu de travail, les aspirations de jeunes hommes à épouser de coquettes lycéennes. Là, un compromis a été trouvé entre la tradition et la « modernité » : le garçon indique à sa mère la fille à demander comme épouse. Si la jeune fille est consentante, il y a de fortes chances pour que la demande en mariage soit acceptée par les parents de la fille. C'est parce que le statut de la fille a changé que le groupe accepte ce compromis.

Du fait que le marché matrimonial se soit élargi, la compétition sera plus vive autour d'enjeux tels que la beauté de la jeune fille, son niveau d'instruction, sa capacité à diriger la maison, etc. Le mariage fait intervenir les attributs de classe et il n'y a pas d'institution sociale où ces attributs sont autant pris en considération. Une famille modeste sera très sensible lorsqu'elle est sollicitée par une famille aisée pour le mariage de sa fille. Son orgueil sera flatté et elle se réjouira que sa fille bénéficie d'une promotion sociale. La société accepte mieux d'une femme qu'elle soit de condition modeste, mais elle l'accepte moins d'un homme. Dans les couches moyennes, si celui-ci n'a pas un revenu suffisamment confortable (cadre, commerçant, etc.) pour acquérir un logement ou une voiture, la famille sollicitée refusera de donner la main de sa fille. La condition du logement est déterminante car l'on refuse que la fille vive dans une famille composée alors qu'elle est issue d'un réseau familial où ses frères et sœurs mariés disposent de logements autonomes.

Si la famille estime que sa fille a des chances de se marier avec un jeune homme disposant d'un logement, elle retardera son mariage et n'acceptera de la marier, sans la condition de logement, que si la fille risque d'atteindre une limite d'âge où ses chances de se marier seront moindres. Les familles qui ont des atouts dans le marché matrimonial refusent que leurs filles vivent dans une famille élargie, sous la coupe d'une belle-mère et dans les conflits avec les belles-sœurs.

Aux yeux des parents, le mari idéal de leur fille est celui qui dispose d'un logement, mais la femme idéale pour le fils est celle qui accepterait de vivre avec eux, dans la famille composée ou dans le réseau familial. La condition du logement n'est pas posée par toutes les familles. Celles qui se considè­rent non compétitives sur le marché matrimonial accepteraient de donner leurs filles à des garçons vivant avec leurs parents, en se consolant et en répétant que le mariage est une loterie. En effet, moins d'une année après, leur fille pourrait revenir, renvoyée par une belle-mère exigeante, qui lui reprocherait de ne pas être matinale, d'avoir détourné l'amour que son fils a pour elle, de ne pas être obéissante ou de refuser les tâches ménagères, etc.

Famille, État et ordre moral
En se structurant sous la forme élargie, la famille en Algérie a amorti les conséquences sociales des profondes mutations qui se sont opérées avec la généralisation de l'échange marchand et l'urbanisation. En diminuant le volume de demandes de logements, en prenant en charge les vieilles personnes et les infirmes de la parentèle, en assurant la nourriture et le gîte aux enfants adultes souvent mariés et sans emploi, la famille a facilité la tâche de l'État en matière de questions sociales au lendemain d'une guerre qui a laisse des milliers de veuves et des dizaines de milliers d'orphelins. Il est vrai que ce même État, en pratiquant la redistribution à travers les mécanismes de l'économie admi­nistrée, a renforcé la famille élargie, et en même temps, il ne lui a pas ouvert la perspective d'évolution vers la famille conjugale, La politique volontariste des années 1970, créatrice d'emplois, et la subvention des prix des produits à large consommation ont contribué à élever le niveau de vie des groupes fami­liaux qui disposaient des revenus de plusieurs frères cohabitant dans le même logement. Mais l'absence d'un programme d'habitat à la mesure de la demande a condamné la famille à se reproduire sous la forme élargie.

Jusqu 'au début des années 1980, la famille élargie et l'État trouvaient respecti­vement intérêt l'une dans la consommation, voire le gaspillage, et l'autre dans la redistribution à l'échelle nationale. Claudine Chaulet (1986 : 1041) souligne ces services mutuels et ces luttes qui ont marqué les relations entre la famille et l'État :

Ainsi, la famille transformée, se reproduit et, en se servant de l'État, le sert dans son projet industriel, tout en sapant son projet agricole, La famille, armature de la société civile, soutient et compromet à la fois le socialisme pétrolier, rend possible l'accélération de l'industrialisation, tempère l'urbanisation, prend en charge les exclus de l'emploi, fournit des références profondes à l'égalitarisme du discours officiel, mais n'assure pas l'intensification agricole. L'État n'aurait pas pu tenir son projet économique sans cette modalité particulière de distribution et d'allégement des coûts sociaux qu'offrait la famille.

Mais sous la poussée des dynamiques économique et démographique, ce modèle ne pouvait être reconduit En effet, la faiblesse de la productivité du travail et la baisse sensible des prix mondiaux des hydrocarbures en 1985 ont amoindri les capacités distributives de l'État qui a dû freiner sa politique économique volontariste, ce qui s'est fait sentir par la diminution des offres d'emploi pour les jeunes arrivant sur le marché du travail (200 000 par an), et la raréfaction des logements. Comprimés par la croissance démographique, les groupes familiaux ont interprété ces difficultés économiques comme un changement de la politique suivie jusque-là par l'État, et en ont déduit que le contrat tacite qui liait l'État à la famille, et qui avait assuré la stabilité sociale trois décennies durant, était rompu. Après avoir rempli des fonctions de solidarité envers des membres de la parentèle et retenu en son sein un volume de détresse sociale prêt à envahir l'espace public, l'ordre familial, suite à la rupture de ce contrat, se propose, par la religion, de réorganiser l'État et la société, afin de réaménager les relations entre ces ceux derniers.

La popularité de l'islamisme s'explique en partie par sa prétention à résoudre les difficultés de la famille élargie, en appelant à un changement de politique économique au niveau de l'État (la corruption est dénoncée comme étant le facteur qui empêche une redistribution équitable) et en appelant à une discipline morale des individus. Ce sont là en fait deux conceptions de l'individu qui se sont affrontées. L'une est une conception politico-administrative qui sert de fondement à l'allégeance à l'État; l'autre est une conception sociologique de l'individu qui en fait un élément appartenant d'abord à un groupe généalogique. La promulgation du Code de la famille de 1984 consacre le triomphe de la seconde sur la première. L'État a abdiqué devant l'ordre familial, mettant en échec la citoyenneté et reproduisant l'idéologie patriarcale dont le Code de la famille est l'expression juridique. En légalisant juridiquement l'inégalité de la femme, l'État contredit la loi suprême - la Constitution - sur laquelle il fonde la légitimité de ses institutions et renonce à bâtir un système juridique sur la citoyenneté politique. Pour l'ordre familial, l'individu appartient au groupe, dont la stratégie est de se reproduire dans le respect de l'idéologie patriarcale « bricolée ». La personne est « fils de », ce qui signifie qu'il est un élément du vecteur généalogique indécomposable auquel il est rattaché et qu'il a la charge de continuer. Le capital génétique reçu du père doit être transmis au fils car le corps est considéré comme un don de Dieu, et ce don est à mettre au service de la lignée généalogique dont le souvenir ne doit pas s'éteindre. D'où le contrôle sur les rapports sexuels puisque le sexe n'appartient pas en propre à la personne, il appartient à la lignée, aux ancêtres qui imposent que son usage soit réservé à la perpétuation de leur souvenir. Cette idéologie agnatique, incompatible avec la notion de sujet de droit, refoule le droit positif et n'admet que le droit religieux, la chari'a, dont la revendication insistante est en elle-même une illustration de l'aspiration à reproduire les cadres sociaux traditionnels. Le but de l'islamisme est d'étendre l'ordre familial à toute la Nation, pour concevoir l'Algérie comme une grande famille régie par la morale et obéissant aux règles de l'idéologie patriarcale. Or cette conception cantonne les femmes dans l'espace privé et leur interdit l'espace public. Et c'est précisément pour ne pas être exclues de ce dernier qu'un nombre important de femmes, notamment des jeunes filles, portent le hijab.

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Le port du hijab et la moralisation de la rue
La rue est masculine en Algérie parce que la société est structurée par l'ordre familial qui confine les femmes dans l'espace privé et qui réserve aux hommes l'espace public. Les femmes qui y sont tolérées sont soit des femmes âgées faisant quelques courses, soit des femmes se rendant à leur travail ou en revenant. La jeune femme, dans la rue, est « excusée » si elle est accompagnée de sa mère, de son père ou de son frère, ou si elle-même accompagne ses enfants à l'école ou chez le médecin. Autrement, une jeune femme seule dans la rue est suspecte ; elle est sortie de son espace « naturel », l'espace familial ; si elle y est sortie, c'est que sa famille n'a pas suffisamment d'autorité sur elle et donc c'est une famille à l'honneur douteux, ou bien c'est une famille où il n'y a ni père, ni frères. Le regard porté sur elle dans la rue la réduit à un sexe. Ce n'est donc pas un être humain, ce n'est pas un individu social, c'est un corps, c'est un élément de la civilisation (familiale) qui s'est échappé dans la nature. C'est donc une femme « libre », que l'on peut solliciter sans souiller l'honneur de quel­qu'un. Le comportement agressif de la rue vis-à-vis de la femme seule s'explique par ces représentations qui font partie de la culture des jeunes enfants sociali­sés dans et par la rue. Pour une femme, la rue algérienne, l'extérieur est une jungle qu'elle doit affronter en restant silencieuse, en regardant droit devant elle, en détournant la tête pour éviter de voir les gestes obscènes que les hommes lui font pour lui montrer leur virilité. Face à l'administration, si elle se présente seule, elle est confrontée au chantage du sexe : le juge, le commissaire, le gendarme, le fonctionnaire, dès qu'ils en ont la possibilité, s'arrogent le droit de cuissage. Pour se donner une bonne conscience, ils se disent que ce n'est pas une femme « sérieuse » et qu'elle est à la recherche du rapport avec les hommes. Si elle était sérieuse, elle serait accompagnée de sa mère, de son père ou de son frère. Agressée par la rue ou par les institutions, la femme ne peut pas se plaindre car sa plainte n'est pas recevable par un milieu qui la considère fautive en premier : la femme attire l'homme, et ce n'est pas à ce dernier de se maîtriser, c'est à elle de disparaître de la scène publique, ou tout au moins à se faire le moins visible possible. Pour la femme, l'État et la société sont peuplés d'hommes agressifs et obsédés par le sexe.

D'où la popularité des islamistes chez les jeunes femmes. Le Coran consacre certes l'inégalité entre homme et femme, mais au moins, il pose une limite à l'arbitraire et interdit les rapports sexuels en dehors du mariage. Un juge craignant Dieu n'ira pas jusqu'à faire pression sur elle pour porter atteinte à son honneur, alors qu'il instruit son divorce. Un commissaire de police prati­quant respecterait une femme venue déposer plainte au commissariat. Les femmes se réfugient en Dieu en masse pour y trouver la protection que l'État et la société leur refusent. Elles se réfugient en Dieu, précisément, contre l'État et la société. Elles portent le hijab pour signifier qu'elles sont de bonne famille, que leurs familles sont attachées aux valeurs de l'islam et à l'honneur qui en découle. Le hijab a une signification plus sociale que religieuse; il permet de neutraliser l'hostilité de la rue et de désexualiser celle qui le porte. La jeune femme en hijab voudrait être considérée comme un individu social moral et comme une femme qui ne destine pas son sexe au plaisir. Elle voudrait que l'homme de la rue la considère comme une femme avec qui il pourrait être marié et avec qui il pourrait avoir des enfants, et non pas comme une femme avec qui il pourrait avoir une aventure sexuelle. Elle voudrait être respectée comme le sont les femmes du lignage dans l'espace familial (sœurs, mères, cousines). Le hijab est la manifestation de la volonté des femmes d'être respectées dans la rue et il n'est pas porté pour Dieu, il est porté pour les hommes. La femme fait appel au religieux, au sacré pour ne pas être réduite à son sexe, et pour neutraliser la fougue des appétits virils masculins qui caractérisent la rue. De ce fait, le hijab est une extension de l'ordre moral familial; il est une moda­lité d'incursion dans l'espace public, ou encore la modalité par laquelle se construit un espace public où les femmes sont admises. Il est le signe de la volonté des femmes de vivre en société, de dépasser l'horizon familial que leur impose la rue masculine. Ce que l'on appelle l'islamisation est en fait l'imposition de l'ordre moral dans la rue, dans la perspective de rendre la rue « sociable », afin que les hommes et les femmes passent sans entendre les blasphèmes et les obscénités des adolescents.

La moralisation de la rue incite à la généralisation du hijab et pousse à la fermeture progressive des débits de boissons alcoolisées car l'opinion estime que la consommation d'alcool incite à la débauche. Une personne qui consomme de l'alcool, bravant un interdit divin, est susceptible de braver d'autres interdits, et donc de transgresser l'ordre familial. En outre, une personne sous l'influence de l'alcool perd ses facultés et est donc susceptible de porter atteinte à l'honneur des femmes du voisinage, ce qui serait source de désordre. La moralisation a commencé par délocaliser les débits de boissons alcooliques. Un groupe d'islamistes, composé de fonctionnaires et de commerçants, entame une démarche auprès du propriétaire du « bar », l'invitant à convertir son commerce moyennant une aide pour payer ses arriérés d'impôts ou bien lui proposent de lui racheter le local. Devant l'insistance de cette offre, le propriétaire finit par céder; s'il refuse, il sera objet de pressions constantes de la part du voisinage et de l'administration.

L'islamisme réactive les formes rigides de l'idéologie patriarcale, faisant subitement prendre conscience à l'acteur que la société a dérivé et qu'elle a perdu ses racines culturelles et abandonné les valeurs léguées par les ancêtres. La question pertinente à poser est : pourquoi l'islam politique et l'ordre moral urbain qu'il propose ont-ils fait tache d'huile dans diverses couches de la population? Au-delà des apparences, cette évolution de la rue vers la morale islamique correspond à un besoin qu'expriment les familles vivant en ville, de dépasser les limites physiques de l'espace domestique pour permettre aux jeunes femmes d'évoluer dans des rues « débarrassées du péché ». La sacralisation de la rue correspond au désir de création d'un espace commun respectant les valeurs et les normes morales qui ont jusqu'ici été au cœur du lien social. Loin d'être un retour vers le passé, l'islam politique accompagne les mutations sociologiques en cours dans la société, en tentant de reconduire les valeurs morales du patriarcat mises à mal par la sociabilité urbaine en ce sens que celle-ci favorise l'anonymat, la promiscuité des deux sexes et dévalorise la référence généalogique. En effet, en ville, l'individu a tendance à dire «j'habite telle rue » au lieu de dire «j'appartiens à telle famille ». La finalité de l'islam politique a été de sauvegarder la morale dans le désordre urbain né de l'exode rural massif des années 1960. En quelques années, la société algérienne est passée de 20 % à 70 % de citadins. Cette mutation brutale dans la morphologie s'est accompagnée durant les premières années d'un relâchement des mœurs dans les villes que l'islam politique a vite fait de contrôler pour assainir des ensembles d'immeubles (où certains habitants étaient effrayés par le comportement de certains voisins « anonymes »). C'est parce que l'État n'a pas été capable d'imposer une morale profane (sans référence à la religion) que le sacré a été mobilisé pour rendre l'espace social « fréquentable » pour les femmes, le rendre moins « impur ». En apparence, le lien social est à contenu religieux; en fait, la sociabilité dans les espaces communs des quartiers, où se juxtaposent les groupes familiaux, puise seulement sa justification dans la religion. Celle-ci est le langage dans lequel s'exprime le besoin de sociabilité. C'est principalement l'expression d'un changement social, puisant sa dynamique dans les transformations macro-sociologiques subies par le système socioculturel algérien, recherchant une voie de constitution d'une société regroupant non pas les groupes familiaux mais plutôt les individus appartenant à ces groupes familiaux. Dans la formation du lien social abstrait en voie d'élaboration, la religion se présente comme la norme régulatrice d'un espace de sociabilité nouvelle.

Bibliographie

Addi, L., 1999, Les mutations de la société algérienne. Paris, La Découverte.

— 2002, Sociologie et anthropologie chez Pierre Bourdieu. Le paradigme anthropologique kabyle et ses conséquences théoriques. Paris, La Découverte.

Bourdieu, P., 1970, Esquisse d'une théorie de la pratique. Paris, Librairie Droz.

— 1974, Sociologie de l'Algérie. Paris, PUF (Que sais-je).

Boutefnouchet, M., 1980, La famille algérienne. Évolution et caractéris­tiques récentes. Alger, SNED.

Chaulet, C, 1986, Les frères, la terre et l'argent, vol. I, Alger, OPU.

Lacoste-Dujardin, C, 1985, Des mères contre des femmes. Paris, La Découverte.

Memissi, F., 1983 (1987), Sexe, idéologie, islam. Paris, Tierce.

Oussedik, F., (éd.), 1988, Femmes et fécondité en milieu urbain. CREAD, FNUAP.

Tahon, M-B., 1995, La famille désinstituée : introduction à la sociologie de la famille. Ottawa, Les Presses de l'université d'Ottawa.

Vandevelde, H., 1985, « Le code algérien de la famille ». Maghreb-Machrek, 107 : 52-64.

Notes




[1] Virilocalité : se dit du type de résidence des couples, lorsqu'elle est déterminée par la résidence du groupe du mari.

[2] Généalogie agnatique : descendance d'une même souche masculine; s'oppose à généalogie cognatique : par les femmes

[3] La filiation par la mère étant attestée biologiquement, les sociétés patriarcales ont dû construire la parenté sociale par le père, et pour cela il leur fallait minimiser le rôle de la femme dans la reproduction physique de la société (pour cette thèse cf. Tahon 1995).

[4] La coutume berbère, entérinée par le droit musulman, admet qu'un enfant peut demeurer endormi dans le ventre de sa mère bien après sa conception. Par cette fiction, l'enfant né longtemps après la mort de son père prendra le nom de celui-ci

[5] Pour ces concepts de horma et de nif, cf. Bourdieu 1970 et Addi 2002

[6] Dans le cercle familial, à l'abri de l'oreillc et du regard indiscrets, un enfant peut être appelé par le nom de sa mère. Mais dès l'adolescence, cette « familiarité » se perd car le statut d'homme repose sur l'idée qu'on est fils d'un homme. Surtout que, si l'habitude est prise, le risque serait grand de prononcer le nom de la mère devant des « étrangers » (entendons étrangers au clan familial)

[7] Cf. à ce sujet Claudine Chaulet (1986) pour qui le modèle de la famille élargie « malgré les contestations dont il est l'objet de la part d'hommes et surtout de femmes qu'une éducation non traditionnelle n'a pas programmés pour l'assumer, reste en vigueur dans la société rurale et même urbaine, et dans tous les milieux sociaux ».

[8] " Mais on peut affirmer que ni la forme de la famille conjugale, ni la forme de la famille éten­due ne semblent être des structures stabilisées » (Boutefnouchet 1980)

[9] Il arrive souvent que le père négocie son départ à La Mecque auprès de ses enfants dont il attend qu'ils couvrent les frais de voyage et de cérémonies

[10] La mère prend des nouvelles au sujet de son fils et de ses pctits-fils régulièrement et il arrive qu'elle demande à sa belle-fille ce qu'elle a préparé comme repas, lui suggérant tel plat et déconseillant tel légume que son fils n'apprécie pas depuis l'enfance

[11] Mais ce code est en fait un texte juridique exprimant une idéologie politique où se déploie la conception qu'a le régime - de 1962 à nos jours - de la famille, de la femme, de l'individu, de la religion, de l'État et du lien social cimentant le tout.

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Talal




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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Sujet: Re: On vous attend chér ami El Houari Addi [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Aujourd’hui à 22:25[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]



Etonnant le nombre de ces marocains qui se sont specialisés dans l'histoire de l'Algerie pour la destructurer avec l'appui de certaines eminences anti-algeriennes ....tres instructifs!!!!!!!!!! et

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Par Dahou Ould Kablia (*)
Vous avez pris, depuis longtemps, la courageuse initiative, d’ouvrir les colonnes de votre journal à tous ceux qui souhaitent enrichir le débat national sur les questions les plus diverses impliquant le passé, le présent, ou le devenir de notre pays. Dans le numéro du 20 juillet, ce fut le tour du Pr Addi Lahouari de le faire à travers une mise au point ciblée, qu’il a mise à profit pour commettre un long développement sous le titre «devoir de mémoire et les impératifs scientifiques».
La lecture de ce réquisitoire amène, malheureusement pour lui, à la conclusion qu’il ne possède ni la mémoire suffisante pour traiter des problèmes de la guerre de Libération nationale, ni la méthodologie indispensable pour les analyser de manière scientifique. Son analyse est basée essentiellement sur des préjugés fallacieux à l’endroit de certains dirigeants de cette époque et des convictions non moins fallacieuses sur l’influence de ces dirigeants sur la seule force de l’Etat post-Indépendance, c’est-à-dire l’institution militaire. Se dédouanant de prime abord et à plusieurs reprises de toute «hostilité envers cette institution», il n’en déclare pas moins que sa forte politisation et le rôle qu’elle s’est attribué, de l’Indépendance à ce jour, sont à l’origine de toutes les dérives qui ont mené le pays, selon ses dires, à «la faillite de l’économie nationale, l’archaïsme de l’école, l’effondrement de l’université, le délabrement des hôpitaux, l’arbitraire des tribunaux, la corruption généralisée…», et cela par le fait que le choix des hommes à tous les niveaux de responsabilité a été et est toujours imposé par l’armée «pourvoyeur exclusif de légitimité», par officines interposées. Sur sa vision propre de cette institution, il la verrait, quant à lui, une armée «forte, disciplinée, professionnelle, loyale, respectueuse de la Constitution et des dirigeants issus d’un suffrage populaire seul source de légitimité». Sans m’attarder sur son déni de légitimité au suffrage populaire tel qu’il se pratique dans notre pays, je reviens sur le sens qu’il entend donner, dans cette vision, à sa conception «d’armée disciplinée», qui n’a pas été choisi innocemment. Disciplinée serait donc, d’après lui, synonyme d’aveugle, sourde, aphone et probablement paraplégique. Alors qu’il sache que dans la plupart des pays du monde, notamment chez les plus puissants et les plus démocratiques, l’institution militaire est, face aux périls permanents, un rempart solide, une force matérielle et une force morale, donc une force forcément politique dont le poids a un rapport direct avec toutes les stratégies de défense et de survie élaborée ou mises en œuvre. L’Algérie, encore moins, ne peut échapper à cette règle ; elle qui a pu accéder à l’Indépendance dans la plénitude de sa souveraineté grâce à l’Armée de libération nationale et au sacrifice incommensurable d’une population qu’elle a mobilisée et encadrée. Depuis, elle n’a cessé de faire face aux dangers, celui de l’éclatement de l’unité intérieure dès les premières années de l’Indépendance, puis celui de l’agression extérieure à sa frontière Ouest à la même époque et d’autres dangers encore dont le plus grave a failli, durant la décennie rouge, emporter l’Etat, pulvériser le ciment social, plonger la nation dans un système d’un autre âge par une expérience projetée que M. Addi imaginait se déclinant en «régression féconde». Ensuite pour expliquer comment l’institution militaire a accédé à ce statut de super-Etat, notre professeur-historien prend le chemin le plus saugrenu : l’influence maléfique d’un seul homme, Abdelhafidh Boussouf qui a imprimé aux cadres de l’armée, une culture politique basée sur la volonté de puissance faisant de l’Algérie une «réalité mystique dans laquelle les Algériens sont dissous et n’ont aucune existence humaine». Il ajoute : «L’esprit Boussouf a vidé l’indépendance de son contenu et donné la victoire à la France trente ans après l’insurrection de Novembre !» M. Addi ne mesure nullement l’incongruité de ses propos avançant de nouvelles accusations d’une extrême gravité : Boussouf «suspicieux voyant des traîtres partout et assassinant à tour de bras». Boussouf «hostile à Ferhat Abbès qu’il insultait publiquement, révélant sa haine pour les politiciens et les valeurs libérales ». Il n’entre pas dans mon intention de réfuter dans cet article, l’inconsistance de ses propos. Cela serait sans effet sur quelqu’un qui a dépassé toutes les limites de l’outrance contre un homme dont il ignore tout, tout en suggérant de «combler une lacune en préparant des thèses sur sa personne ». L’outrance est dirigée également et surtout contre une institution, l’Armée nationale populaire, qui porte bien son nom de socle puissant de la souveraineté populaire qu’elle sert par son patriotisme, son sens du devoir, sa cohésion, sa compétence et son engagement. Je n’en dirai pas plus, laissant le soin aux lecteurs d’apprécier la littérature de notre professeur qui a encore beaucoup de choses à apprendre sur une révolution riche de hauts faits guerriers et de valeurs patriotiques irréversibles, avant de distiller sa «science académique» aux autres. Un conseil toutefois, que M. Addi reste dans le confort douillet de son Université de Lyon, dans sa nouvelle patrie ; qu’il laisse Boussouf reposer en paix, qu’il laisse l’institution militaire achever sa mission contre les ennemis en tous genres de la nation et qu’il laisse les Algériens d’ici assumer leur passé et construire avec les dirigeants qu’ils se sont librement donnés leur avenir.
D. O. K.
(*) Président de l’association nationale des anciens du MALG

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Lahouari Addi répond à M. Daho Ould Kablia




En votre qualité de président de l’Association nationale des anciens du MALG, vous avez répondu à mon article paru le 20 juillet dans ce même quotidien, utilisant une rhétorique que les lecteurs de la presse écrite croyaient révolue et qui ne correspond plus à la réalité politique et sociale de l’Algérie des années 2000. Il est bien sûr de votre droit de rester «congelé», mais vous n’avez pas le droit de faire des procès d’intention en affirmant que mon texte était «un réquisitoire».
J’ai bien précisé que les Algériens étaient attachés affectivement à leur armée parce qu’elle fait partie de leur histoire. Par conséquent, si vous voulez ouvrir le débat, il faut qu’il soit loyal et sans coups bas, sinon restez dans votre bulle, enfermé dans un passé quasi-imaginaire dont vous tirez profit et n’accusez pas ceux qui ne sont pas d’accord avec vous. Vous me récusez le droit de parler de Abdelhafid Boussouf et de ses méthodes en corroborant précisément ce que j’appelle «le réflexe Boussouf» qui a trouvé son prolongement dans les vicissitudes de la construction de l’Etat post-indépendance. Vous allez même plus loin, me conseillant de rester dans «ma nouvelle patrie» (la France), insinuant que les cinq millions d’Algériens qui sont à l’étranger ont choisi une nouvelle patrie, et que les millions d’Algériens qui veulent partir sont à la recherche d’une nouvelle patrie ! C’est grave, M. Daho Ould Kablia, ce que vous dites. Ce n’est pas de l’inconscience, c’est de l’aliénation. Vous confirmez là votre apolitisme que vous avez déjà montré en accusant les Marocains, les Tunisiens et les Egyptiens de ne pas nous avoir aidés durant la guerre de Libération, ignorant totalement la géographie : Ghardimaou se situe en Tunisie et Oujda au Maroc ! Sans l’aide de nos frères marocains et tunisiens, l’armée coloniale aurait étouffé les maquis de l’ALN. Je vous rappelle que durant toute la révolution, Boussouf était entre Oujda, Le Caire et Tunis, où le FLN avait ses bases logistiques qui lui ont permis d’atteindre ses objectifs. Cette fois-ci, vous récidivez contre des compatriotes en leur déniant le droit d’être algériens parce qu’ils souhaitent que l’armée se conforme à la Constitution. C’est cela la mystique nationaliste qui crée une Algérie imaginaire et abstraite que vous opposez à des Algériens en chair et en os et qui, pour vous, sont des traîtres. Vous n’osez pas le mot, mais votre écrit le suggère clairement. Que vous le vouliez ou non, chaque Algérien est attaché à son pays et vous n’avez aucun droit de nier le sentiment patriotique des uns ou des autres. Même sur les harraga, preuve tragique du bilan désastreux de votre gouvernement, vous n’avez pas le droit de porter un tel jugement. Le précédent chef du gouvernement a même eu l’outrecuidance, sans rire, d’affirmer lors d’un colloque à Alger que les harraga quittent le pays pour se marier avec des blondes ! Voilà le personnel politique qui nous est imposé sans qu’il soit élu, caractérisé par l’incompétence et l’arrogance que cache mal une surenchère nationaliste cousue de fil blanc. Vous n’avez pas le monopole de la patrie, M. Ould Kablia. Boussouf avait les circonstances atténuantes : nous étions en guerre, mais vous, vous n’en avez aucune. Nous ne sommes pas en guerre, à moins que vous n’estimiez que votre gouvernement est en guerre contre le peuple ou une partie du peuple. Vous n’avez même pas compris mon propos sur Boussouf. Ce personnage appartient à l’histoire et il fait partie du patrimoine public, ce qui autorise n’importe qui à porter un jugement sur lui. A l’été 1962, une journaliste étrangère avait demandé à Abdelhafid Boussouf s’il avait la conscience tranquille après tout ce dont il avait été accusé. Il lui avait répondu : «Mais Madame, seuls ont les mains pures ceux qui n’ont pas de mains», reprenant le mot du philosophe allemand Immanuel Kant. Cette réponse ne s’adressait pas à un procureur d’un tribunal mais à l’Histoire et aux générations futures. Il a justifié ce qu’il avait fait et c’est aux historiens de juger. Boussouf était marqué par l’ordre colonial injuste qu’il cherchait à détruire par la violence. La radicalité du système colonial l’a forgé dans son intolérance et dans sa suspicion. Il se méfiait même de son ombre. Comme les militants de sa génération, il portait en lui les limites culturelles de sa société, notre société figée par l’ordre colonial dans son retard sur l’Europe. Le populisme révolutionnaire dont il était l’un des représentants a rencontré un écho auprès de larges couches de la population qui aspirait à finir avec l’ordre colonial. Mais pour autant, doit-on sacraliser cette génération et la soustraire aux investigations du débat critique ? Et comment ne pas faire le lien entre les limites idéologiques du nationalisme algérien dans sa phase de formation avec l’impossibilité de construire un Etat de droit cinquante ans après l’Indépendance ? Vous me refusez le droit de réfléchir sur ce lien ? Vous n’acceptez les débats sur l’histoire que s’ils sont apologétiques et menés avec la langue de bois que vous maniez comme un ébéniste expérimenté, comme le montre votre réponse parue dans Le Soir d’Algérie. Vous faites partie de cette élite civile cooptée depuis 50 ans par l’armée et dont le bilan est négatif de A à Z. Pour faire diversion, vous jouez au nationaliste pur et dur, m’accusant d’être contre l’institution militaire et me refusant le droit d’aspirer en tant que citoyen à une armée professionnelle, moderne et surtout respectueuse de la Constitution. Vous considérez qu’une telle armée serait «aveugle, sourde, aphone, et probablement paraplégique», ajoutant même que dans les pays les plus démocratiques, l’armée est «un rempart solide… une force forcément politique…». Vous êtes dans la position du flatteur qui vit aux dépens de celui qui l’écoute. Vous flattez l’armée pour assouvir votre intérêt personnel et, ce faisant, le discours que vous tenez la met dans une impasse politique dont on ne voit pas l’issue. Les officiers et les jeunes du Service national n’osent plus se montrer en tenue de sortie les jours de fête dans les villes et villages comme il y a quelques années. Pourquoi ? Selon vous, l’armée «fait face aux dangers … dont celui de l’éclatement de l’unité intérieure…», ou plus grave «celui qui a failli emporter l’Etat, pulvériser le ciment social, plonger la nation dans un système d’un autre âge», comme si celui que nous vivons aujourd’hui était post-moderne ! C’est exactement cela la «culture Boussouf» : sans le contrôle de l’armée sur l’Etat et sans sa substitution au suffrage populaire au détriment de l’électorat composé de civils au nationalisme tiède, l’Algérie disparaîtrait ! Votre montre, M. Ould Kablia, s’est arrêtée en 1962 et votre culture politique n’a pas changé d’un iota. Vous croyez même à la régularité du «suffrage populaire tel qu’il se pratique dans notre pays», affirmant sans rire que les Algériens ont choisi leurs dirigeants. Ou bien vous êtes naïf, ou bien vous êtes cynique. Vous demandez ensuite à ce «qu’on laisse l’institution militaire achever sa mission contre les ennemis de la nation en tous genres». Je voudrais vous poser la double question suivante : qui sont ces ennemis de la nation et quand cette mission de l’armée prendra-t-elle fin ? Considérez-vous que ces ennemis sont des Algériens qui veulent détruire leur propre nation ? Je suspecte que tout ce discours irréaliste ne serve qu’à cacher un intérêt personnel : celui d’être désigné et non élu à des fonctions officielles. La preuve ? Vous étiez déjà préfet à Oran quand j’étais lycéen ; je vais bientôt partir à la retraite et vous êtes encore ministre ! En sociologie politique, la privatisation de l’autorité publique s’appelle néo-patrimonialisme. L’Etat y est considéré comme un patrimoine d’une élite civile qui demande à l’armée d’être la seule source de légitimité et unique organe de cooptation de responsables politiques qui y trouvent une rente à vie juteuse. Et tant pis pour l’Algérie et ses intérêts supérieurs, et tant pis pour l’avenir des générations futures. Après moi, le déluge. J’arrête là cette lettre ouverte, mais je voudrais vous renvoyer à mes livres et articles relatifs à la «régression féconde» que vous citez en ironisant. Vous n’y avez pas réfléchi parce que pour vous, l’alternance électorale — que l’armée aurait pu garantir — est la fin d’un monde, celui de la cooptation qui permet de ne rendre des comptes ni à l’électorat ni à la justice en cas de mauvaise gestion des ressources publiques. L’armée est généreuse, et il suffit de la flatter. Mais un jour, ses officiers se rendront compte que le jeu ne vaut pas la chandelle et accepteront des réformes comme celles mises en œuvre en Amérique latine, où un pays comme le Brésil est en train de devenir un géant mondial. Je vous transmets, malgré tout, mes salutations patriotiques de l’étranger, où même si «on n’emporte pas la patrie à la semelle de ses pieds», elle reste, qu’on le veuille ou non, dans le cœur.
Lahouari Addi Professeur des universités

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Un ami et ex ministre algerien m'a raconté que Ould kablia à engager une secrétaire de la wilaya d'oran qui avait des moeurs légeres.

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MOHAMED CHAFIK MESBAH RÉPOND À ADDI LAHOUARI

Tags: Addi lahouari, Boumediene, Boussouf, CHAFIK mESBAH, Malg, revolution algerienne





LE SOIR D’ALGERIE
Devoir de mémoire et impératifs scientifiques


Notre collaborateur Mohamed Chafik Mesbah, qui est à l’origine du débat que les colonnes du Soir d’Algérie abritent autour de questions liées à l’histoire de la guerre de Libération nationale, nous a remis, comme il s’y était engagé, le commentaire qui fait suite à la mise au point de Lahouari Addi parue le 20 juillet 2008.
«Le professeur en tant que professeur ne devrait pas avoir la prétention de vouloir porter en sa giberne le bâton de maréchal de l’homme d’Etat, comme cela arrive quand il profite de sa chaire, à l’abri de toute tourmente, pour exprimer ses sentiments d’homme politique», Max Weber, Essais sur la théorie de la science, 1917. Avant de m’engager plus avant dans ce débat abrité par les colonnes du Soir d’Algérie,il me plaît de citer la remarque toute pertinente de Max Weber, ce sociologue allemand qui aura décidément marqué son temps. Une formule qui présente l’avantage de situer, d’emblée, la nature réelle de la divergence conceptuelle qui me sépare du sociologue Lahouari Addi. C’est à rétablir les faits que je vais, donc, me consacrer en premier lieu. Il est nécessaire, en effet, d’entourer ce débat naissant de toute la sérénité qui lui sied. Cela fait quelque temps que j’avais engagé avec Lahouari Addi, en réponse à un appel qu’il avait lancé dans les colonnes du Quotidien d’Oran, un échange d’idées très dense même si, souvent, entrecoupé. Je suppose que mon interlocuteur ne m’a jamais pris en défaut de loyauté intellectuelle. Tout en prenant acte de nos divergences, nous avons pu engager, sans devoir nous jeter, réciproquement, des anathèmes, un débat que j’ai qualifié de contrarié mais qui aura été marqué, indiscutablement, du sceau du respect que se doivent entre eux des intellectuels. Je suppose, par conséquent, qu’en commettant sa mise au point, Lahouari Addi a voulu se saisir de l’article consacré à la première promotion des cadres de la Wilaya V comme d’un prétexte pour engager un débat qu’il a longtemps souhaité. Autrement il n’y avait pas manquement à l’éthique intellectuelle justifiant d’un blâme. Lahouari Addi ne peut ignorer, après lecture de tous nos échanges, que si je me réclame, ostensiblement, d’une proximité affective avec «les soldats de l’ombre» de la Révolution — qu’il appelle, pour sa part, les «boussouf-boys» —, je ne me suis jamais prévalu, pour autant, d’un droit quelconque d’excommunication contre un citoyen. Je ne suis pas là pour juger des convictions patriotiques de mes semblables, ni même de leurs opinions en propre. Je ne me réclame ni du statut de l’intercesseur mandaté par un pouvoir divin, ni de celui du procureur investi par la justice de son pays. C’est le débat d’idées qui m’intéresse et le débat d’idées consiste, précisément, à mettre en confrontation, dans un cadre de parfaite liberté scientifique, des opinions divergentes. Si tant est que le désaccord avec Lahouari Addi porte de manière fondamentale, sur des questions de méthode, peut-être convient-il, alors, de s’y attarder. En aucune manière, je ne conteste à Lahouari Addi le droit de soumettre à critique l’histoire contemporaine de l’Algérie. C’est la confusion qu’il commet entre statut de chercheur et celui d’acteur politique qui pose problème. C’est tout le sens de la formule de Max Weber que j’ai placé en exergue de ce commentaire. L’engagement politique pousse souvent à cultiver les lieux communs à travers une argumentation expéditive. La recherche scientifique exige du détachement, en fait de «la vigilance épistémologique» comme dirait Pierre Bourdieu. Lahouari Addi, tout professeur d’université qu’il est, professe des idées politiques dont je n’ai pas à juger. Son positionnement politique se donne à lire à travers ses nombreuses interventions publiques ainsi que les pétitions qu’il signe. La rigueur scientifique commande de dissocier entre l’attitude politique et l’attitude scientifique, voilà tout. Le positionnement politique fait, souvent, appel à l’émotion qui trouble la clarté de l’analyse. La démarche scientifique vise, au contraire, à se libérer des lieux communs pour émettre non plus des opinions mais des conclusions validées. Je ne commettrais pas l’indélicatesse de rappeler à Lahouari Addi l’exemple du «soldat américain», ce relevé de lieux communs battu en brèche, dans «Le métier de sociologue» par Pierre Bourdieu et ses compagnons. Il s’agissait, justement, à propos de militaires américains durant la Seconde Guerre mondiale, de croyances communes au sein de l’opinion, fondées sur une fausse perception de la réalité et non recoupées par l’observation scientifique. Pour clore ce premier volet de mon commentaire, je souligne donc que j’ai utilisé le terme «hostilité vis-à-vis de l’institution militaire» relevé par Lahouari Addi à propos du mode opératoire qu’il a choisi pour examiner l’institution militaire et les services de renseignement en Algérie. J’admets que la formule peut paraître incongrue en la circonstance mais il est clair que c’est le mode opératoire que je visais. Lahouari Addi a bâti des conclusions en s’appuyant sur des présupposés qu’il n’a pas pris la précaution de valider et qui, en règle générale, drainent une image, par avance, péjorative des phénomènes étudiés. Voilà le cœur de mes réserves. Il ne s’agissait, nullement, de récuser arbitrairement les opinions de notre sociologue, encore moins de juger de ses convictions patriotiques. Dès lors qu’il n’a jamais été dans mon intention de contester à Lahouari Addi le droit de critiquer l’histoire de la guerre de Libération nationale, hommes, institutions et épopées, sur quoi porte, de manière plus perceptible, les divergences évoquées ? Lahouari Addi nourrit, légitimement, un sentiment de suspicion visà- vis des tentatives d’écriture, sous forme hagiographique, de l’histoire nationale. Il est fondé à craindre que ces tentatives ne servent des desseins cachés, comme refuser d’admettre les erreurs imputables aux dirigeants de la Révolution algérienne. J’ai retrouvé, à travers le net, un texte pertinent où il explique parfaitement cette prévention. «L’histoire officielle, écrit-il, n’est pas l’histoire des sciences sociales ; elle est épopée mythique, elle est mystique de la commémoration donnant plus d’importance au passé qu’au présent, marquant plus de respect pour les morts que leurs descendants en vie.» Fort bien. Mais, alors, quelle histoire faut-il écrire ? Je suppose que c’est l’histoire scientifique fondée sur la connaissance objective ? Justement, cette histoire présente la caractéristique de ne pas se fondre dans le moule des «prénotions», précaution que Lahouari Addi semble avoir négligée. Examinons, pour s’en convaincre, l’article publié en 1999, par Lahouari Addi dans Algérie Librepuisque c’est lui qui aura été à l’origine de tout ce débat. Notre sociologue y développe deux affirmations qui ne sont pas étayées sur le plan scientifique. La première affirmation, citée juste pour l’exemple, dispose que M. Abdelaziz Bouteflika appartenait à l’encadrement du MALG. Evoquant, en effet, les membres de cet encadrement sous l’appellation péjorative d’«enfants de Boussouf», Lahouari Addi prend le risque osé d’une confusion essentielle : «Bouteflika en fit partie, affirme-t-il, puisque l’adjoint de Boussouf, c’était Boumediene et que Bouteflika était sous les ordres de ce dernier (Boumediene).» Naturellement, ce raccourci a fait sourire bien des compagnons de Boussouf, Boumediene et même Bouteflika parmi ceux à qui je me suis permis de le soumettre. Indépendamment de la confusion commise entre structures spécifiques de la Wilaya V et appareils du ministère de l’Armement et des Liaisons générales (qui fut d’abord un département du Comité de coordination et d’exécution), Addi Lahouari fait preuve de méconnaissance flagrante d’épisodes essentiels du conflit état-major général de l’ALN - GPRA, puisqu’une méfiance réciproque avait fini par s’instaurer entre le colonel Boumediene et Abdelhafidh Boussouf qui s’était prolongée jusqu’à leurs collaborateurs. Contre toutes les idées reçues, il faut souligner qu’après l’indépendance, le colonel Boumediene avait plutôt songé à mettre en quarantaine les cadres du MALG. Il craignait, en effet, leur capacité de nuisance et ne s’était ravisé que lorsqu’il perçut que le président Ben Bella allait les récupérer à son profit. La deuxième affirmation se rapporte à la description de l’encadrement du MALG. Une description qui constitue une juxtaposition de clichés plutôt que le résultat d’une véritable observation fondée sur des données objectives. Retenons pour la démonstration cette acerbe sentence de Lahouari Addi : «Ces fameux enfants de Boussouf qui voient des traîtres partout et qui ont une haine pour les élites civiles.» C’est cette sentence qui m’a interpellé au point de m’avoir conduit à reconstituer cette histoire méconnue de la première promotion de cadres de la Wilaya V. J’ai recouru à la publication du témoignage à l’effet d’apporter, précisément, la preuve qu’une réalité sociale, par essence complexe, ne pouvait être consignée dans une formule pour le moins réductrice, en tous les cas, énoncée à l’emporte-pièces. Nonobstant les qualités personnelles intrinsèques que pouvaient receler ces «boussouf-boys», il eût été plus indiqué, au titre d’une démarche qui se voulait scientifique, que le chercheur Lahouari Addi s’intéresse, méthodiquement, à l’origine sociale de ces cadres, à leur cursus de formation et à leur itinéraire professionnel. A partir de là, il aurait été fondé à émettre des hypothèses plus plausibles. C’est, donc, cette propension à confondre entre statut politique et statut scientifique, avec une difficulté évidente à se libérer des prénotions, qui pose problème dans la démarche du sociologue Lahouari Addi. C’est un usage qui ne lui est pas singulier. Pour illustrer cette assertion, je vais citer le meilleur de nos historiens vivants en la personne de Mohamed Harbi. Je voudrais, par avance, rassurer mon distingué professeur dont je garde le souvenir le plus attachant puisque j’ai eu l’honneur d’être son étudiant à La Sorbonne dans les années soixante-dix. Naturellement, Mohamed Harbi est bien mieux outillé que moi pour traiter des questions liées à l’histoire contemporaine de l’Algérie. Je respecte ses analyses pleines de vivacité sur le mouvement national algérien mais je considère, souvent, que ses jugements sont trop tranchés pour ce qui concerne l’institution militaire en Algérie, guerre et après-guerre. Il ne s’agit pas de contester à notre éminent historien le droit de critiquer l’institution militaire. Il s’agit, simplement, de souligner l’obligation morale et méthodologique qui s’impose au chercheur de dissocier entre les positions émises en tant qu’acteur politique et celles qui sont développées en rapport avec les seules nécessités de la connaissance scientifique. Que mon respectable aîné me pardonne cette incartade qui ne veut, en aucune manière, être de l’impertinence. C’est, encore une fois, pour les besoins de la démonstration que je recours à ces cas extrêmes. Voici, donc, une affirmation relevée dans un article intitulé «L’Algérie prise au piège de son histoire» que Mohamed Harbi a publié, en mai 1994, dans les colonnes du Monde diplomatique : «Contre le «socialisme boumedieniste », le nouveau réarmement moral est assuré par les généraux El-Hachemi Hadjeres, Mohamed Alleg et Larbi Lahcène qui, en 1986, avaient préconisé la proclamation d’un Etat islamique. » Pour avoir évolué, à l’époque, au cœur du processus politique au sein de l’institution militaire, je peux affirmer, sans crainte d’être démenti, que cette affirmation est sans fondement. Je peux même souligner que le regretté général Larbi Lahcène, à la faveur du congrès extraordinaire du FLN en 1986, avait défendu, en sa qualité de directeur du Commissariat politique, une position plutôt contraire à celle que lui attribue Mohamed Harbi. Notre historien s’est-il appuyé sur un document dont il n’aurait pas vérifié l’authenticité car sa teneur ne correspond en rien à la réalité ? L’affirmation de Mohamed Harbi pourrait tout aussi bien reposer sur une simple reproduction mimétique de notions communes. Les trois officiers généraux, en effet, ont pour point commun de partager une solide culture arabophone et d’avoir suivi les enseignements de l’Institut Ben Badis de Constantine (établissement relevant de l’Association des Uléma musulmans algériens) avant de rejoindre l’Armée de libération nationale. C’est une piste tentante pour se hasarder à une affirmation du genre de celle que nous livre Mohamed Harbi, mais elle ne résisterait pas à une confrontation méthodique avec les faits. Nonobstant ces divergences méthodologiques, il est exact, par ailleurs, que nos positions respectives, Lahouari Addi et moimême, ne coïncident pas, également, du point de vue de la mise en perspective historique. En toute lucidité, est-il nécessaire, comme s’il s’agissait de verser un droit d’accès à la sollicitude des opinions occidentales, de focaliser toute l’attention sur l’assassinat d’Abane Ramdane plutôt que sur celui de Larbi Ben M’hidi ?

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Ecrire l’histoire selon les règles établies de la recherche académique, certainement. S’astreindre à une posture d’autoflagellation, sûrement pas. Il m’intéresse, au plus haut point, de reconstituer l’écheveau complexe lié à l’apparition du conflit qui au sein du Comité de coordination et d’exécution a débouché sur la mort violente de Abane Ramdane. Je suis, d’ailleurs, tout aussi concerné par l’éclaircissement des conditions de la mort de nombreux autres combattants de la liberté dont il faudra reconstituer la substance du combat légitime. Tout cela, cependant, pour mieux comprendre le déroulement de l’histoire de mon pays, pas pour dresser, à titre posthume, des échafauds. Quel complexe nourrir ? Observez l’histoire ensanglantée de France ! Avec les fondateurs de la République assassinés et tous ces maréchaux d’empire sacrifiés, l’imaginaire du peuple français a-t-il cessé d’entretenir vivante l’épopée de Napoléon ? Faisons une halte pour faire le point. Des problèmes de méthode ont été invoqués. Une confusion de postures, attitude politique et comportement scientifique, avec une propension à subir «les prénotions ». Ensuite, un problème de mise en perspective historique. Il est possible d’illustrer, à nouveau, ces remarques par référence à la description que nous livre Lahouari Addi du regretté Abdelhafidh Boussouf. Dans la mise au point qu’il a publiée dans les colonnes du Soir d’Algérie, Lahouari Addi se livre, en effet, à des jugements péremptoires, d’ordre moral plus que scientifique, sur la personne du dirigeant disparu. Il impute, en premier lieu, à Abdelhafidh Boussouf, un comportement vis-à-vis de l’ancien président du GPRA, Ferhat Abbas, qu’il faudrait valider par des témoignages irréfutables. Que des divergences aient opposé les deux hommes, c’est certain. Que ces divergences se soient traduites par de l’hostilité et du mépris ainsi que des insultes publiques, il faudrait le prouver. D’ailleurs, le membre de phrase qui accompagne ce tableau est édifiant. Il est, exactement, de la même veine que le jugement porté sur les «boussoufboys » qui a suscité ce débat. C’est, en toute clarté, que notre sociologue décrète que cette attitude du défunt Abdelhafidh Boussouf à l’égard de Ferhat Abbas était révélatrice «d’une haine pour les politiciens et les valeurs libérales» ! Sur le même registre, Lahouari Addi se livrant à une comptabilité macabre des morts impute à notre ancien dirigeant des services de renseignement de guerre, la responsabilité «de liquidation de centaines de militants du FLN dont le plus célèbre est Abane Ramdane». Si nul ne conteste l’assassinat du regretté Abane Ramdane, comment prouver la liquidation de centaines de militants du FLN ? S’agit-il de la Bleuite qui a touché, essentiellement, l’intérieur du pays ? S’agit-il d’exécutions ordonnées par le MALG ? Des cas de disparitions peuvent avoir existé, mais de la à évoquer des centaines de cas, voilà une liberté qu’il faut justifier. Pour clore, Lahouari Addi admet, enfin, que «Boussouf a été un chef nationaliste» mais c’est pour ajouter, aussitôt, qu’«il cultivait la suspicion au plus haut degré». Diable, a-t-on vu un service de renseignement même dans les pays de vieille démocratie fonctionner autrement que sur le mode de la suspicion, à la manière d’une vigilance épistémologique systématique ? Pourquoi Lahouari Addi ne s’intéresse-t-il pas à une autre dimension de ce dirigeant qu’il malmène un peu trop légèrement ? Pourquoi occulte-t-il l’appel franc et massif, dirais-je, qu’il a lancé, le premier, à l’élite du pays ? Un homme aussi respectable que si Abdelhamid Mehri m’a révélé que son pair du GPRA lui avait affirmé, au moment où il devait mettre en place le tout nouveau ministère de l’Armement et des Liaisons générales, «qu’il se passerait du concours de ceux qu’il surpassait en connaissances pour ne faire appel qu’à ceux qui le dépassaient ». Pourquoi ne s’intéresse- t-il pas à l’attitude singulière qu’il a adoptée face au conflit état-major de l’ALN - GPRA puisqu’il est établi, désormais, documents à l’appui, qu’il a refusé de s’impliquer dans une lutte fratricide non sans convier ses collaborateurs à suivre son exemple ? Il ne s’agit pas de cultiver ce que Lahouari Addi appelle «la réification», processus de chosification qui débouche sur une attitude d’adoration face aux personnes et aux institutions. Rétablir les faits de manière scientifique, voilà juste ce qui est demandé… Mais ne nous éloignons pas du cœur de notre débat. La confusion de statuts chez Lahouari Addi le conduit à des généralisations excessives et parfois à des extrapolations presque naïves. Dans un article intitulé «L’armée, la nation et la politique» publié en avril 2003 par le Jeune Indépendant, Lahouari Addi, à propos de tout l’encadrement de l’armée, se commet à un jugement dont les fondements objectifs ne sont pas évidents. Ce sont tous les officiers, cette fois ci, non pas seulement les cadres de la Sécurité militaire, qu’il juge «incapables de faire la différence entre la république, communauté de tous les courants politiques nationaux, et le régime, groupe d’hommes organisés en réseaux pour demeurer indéfiniment aux commandes de l’Etat». A cette fin, «demeurer indéfiniment aux commandes de l’Etat», l’armée disposerait, selon notre sociologue, de «la sécurité militaire, véritable police politique au-dessus de l’Etat». Avec une ingénuité qui laisse perplexe, Lahouari Addi propose, alors, «la dissolution complète et totale de la sécurité militaire (…), tous ses services devant être remplacés par un seul organe qui ne s’occupera que de la protection de l’armée en tant qu’institution, du moral des troupes et du contreespionnage » ! Une naïveté qui se nourrit d’une méconnaissance totale des aspects constitutifs de la problématique de sécurité nationale, aspects doctrinaux comme aspects organiques. A lire la recommandation formulée par Lahouari Addi, l’on est fondé à s’interroger si notre éminent sociologue considère que la société doit se réguler de manière naturelle en matière de sécurité, sans devoir disposer d’instruments adéquats ni mettre en place des dispositifs appropriés. En fait, il ressort bien que l’objectif concerne plus le démantèlement de la sécurité militaire que son remplacement par un vrai dispositif de substitution destiné à assurer la sécurité de toute la nation. Les relents du positionnement politique prennent le pas, encore une fois, sur les exigences de la connaissance scientifique. Pour clore cet aspect de l’exposé, je voudrais souligner que le point d’achoppement, à propos du débat que nous n’avons pu mener à terme, aura porté sur une condition révélatrice sur la nature des divergences m’ayant opposé à Lahouari Addi. Notre sociologue aurait voulu que le débat s’enclenche à partir du moment où, ayant condamné mes anciens chefs au sein des services de renseignement, et pourquoi pas mes compagnons, j’aurais manifesté ma disponibilité à participer à leur pendaison. Je force le trait, naturellement. Mais le sens y est. Je n’aurais pas, en quelque sorte, le privilège de participer au débat projeté sans avoir apporté les preuves que j’ai bien rompu les amarres avec mon ancienne corporation en reniant, autant que possible, tout mon passé. C’est cette démarche manichéenne que je récuse. Autant je ne suis pas fondé à excommunier Lahouari Addi d’un débat qui concerne toute la nation, autant je ne lui concède pas le droit de m’excommunier pour le motif qu’il a choisi. Pour le reste, j’admets la pertinence de certaines hypothèses de travail formulées par Lahouari Addi. Sur le plan conceptuel, il est clair qu’un processus démocratique repose, fondamentalement, sur la souveraineté absolue du peuple. S’agissant du rôle de l’institution militaire, sujet de prédilection dans les échanges avec Lahouari Addi, je suis arrivé à la conclusion que, désormais, l’institution militaire, même dans les circonstances les plus graves, n’a plus vocation à se substituer à la volonté du peuple. Tout au plus, peut-elle accompagner cette volonté populaire lorsqu’elle est requise de manière légitime. C’est, je le pense, cet état d’esprit qui va prévaloir au sein de la nouvelle élite militaire. Par conséquent, la thèse récurrente de la domination de la vie politique par l’armée et de sa régulation par les services de renseignement relèverait, de plus en plus, de la fiction. La transformation du système n’est plus assujettie, de ce fait, à une implication opérationnelle de l’institution militaire. Je n’affirme pas cela pour disculper les chefs militaires qui sont considérés comme à l’origine de la crise actuelle. Encore une fois, je me situe sur le plan de la connaissance scientifique pas du jugement moral. Force est de constater que le monde évolue à un rythme devant lequel seuls les protagonistes officiels en Algérie semblent désemparés. C’est à ce titre que la léthargie qui frappe l’élite politique du pays avec cette résignation qui se nourrit d’une soumission volontaire à l’état des choses devient consternante. Ce n’est pas en invoquant, à chaque détour de phrase, la prééminence politique de l’armée et la domination des services de renseignement sur le fonctionnement de l’Etat que l’élite politique contribuera à faire renouer l’Algérie avec sa marche vers le système démocratique. C’est un comble, à cet égard, que ce soit un néophyte qui appelle l’attention d’un éminent sociologue sur le cours impétueux de la dynamique sociale. Il faut parvenir à mobiliser le peuple algérien et l’imprégner du sens du combat à mener. C’est incontestable. Khatib Youcef, plus connu sous le nom de colonel Hassan, se référant à l’âge de la plupart des chefs de la guerre de Libération nationale et des moudjahidine qu’ils commandaient, me rappelait, à cet égard, tout récemment, que «c’est la jeunesse qui a fait triompher, en dernier ressort, la Révolution algérienne». Comment songer à faire renouer l’Algérie avec le progrès, le développement et la justice lorsque le fil est si ténu, pour ainsi dire inexistant, entre l’élite officielle, apparente, et tous ces jeunes qui constituent la réalité du peuple algérien ? Conquérir la société réelle, en faire un levier de transformation du système, la doter d’un vrai projet national, voilà le défi. Lorsqu’un peuple déterminé se met en mouvement, toutes les forces du monde liguées ne peuvent lui résister. Rendons grâce à Lahouari Addi qui a eu l’idée lumineuse, à cet égard, de recueillir, quelque temps avant sa mort, de la bouche du défunt commandant Si Moussa, un protagoniste essentiel de l’état-major de l’ALN, cette formule de bon sens : «Il faut aider l’armée à cesser d’être un pilier du régime pour devenir, avec l’administration, un pilier de l’Etat.» Mais voilà qui nous éloigne, quelque peu, de l’objet initial de ce commentaire. En quoi, malgré nos positions divergentes, nous pourrions, Lahouari Addi comme moi-même, contribuer à rendre au peuple algérien la clarté de sa conscience ? Tout récemment, j’ai rendu visite, donc, au siège de la Fondation de la Wilaya IV qu’il préside, à ce chef de la guerre de Libération nationale, si digne et si humble, le colonel Youcef Khatib dit Si Hassan. Egal à lui-mémé, je l’ai vu évoquer en termes émouvants ses compagnons disparus, regrettant, sincèrement, que toute la masse de documents accumulés par la Fondation qu’il anime ne soit pas exploitée, à bon escient, ou si peu, par les chercheurs et étudiants algériens qu’il n’a cessé de solliciter. Il a tenu à souligner qu’aucune caution ni garantie n’était exigée pour accéder à ces archives et matériaux, sinon l’engagement d’en faire usage scientifique, pas même apologétique. M’intéressant, également, à la trajectoire brisée du moudjahid Abbas Laghrour, cet autre dirigeant méconnu de la guerre de Libération nationale, je pris contact avec son frère cadet qui s’efforce, avec une rare application, à reconstituer le fil de l’histoire occultée sinon malmenée de la Wilaya I. Quelle ne fut ma stupéfaction d’apprendre que l’officier français qui combattit Abbas Laghrour dans les maquis aurésiens s’était livré, de bonne grâce, à une longue séance d’enregistrement d’un témoignage circonstancié, particulièrement éclairant sur l’aptitude au combat du défunt Abbas Laghrour. Combien de témoins oculaires survivants du combat de Abbas Laghrour se sont donné la peine de consigner leur témoignage ? Combien de chercheurs et d’étudiants algériens se sont imposé la mission harassante d’aller à la rencontre de ces survivants pour les aider à exorciser les démons qui sommeillent toujours dans leur conscience ? Voilà en quoi je considère, la mort dans l’âme, que nous tous, intellectuels algériens, portons une part de responsabilité dans l’issue préjudiciable à la mémoire nationale de ce combat d’idées qui se dessine entre les deux conceptions opposées de l’histoire, l’histoire manipulée à des fins politiques et l’histoire scientifique destinée à cultiver «le remembrement du fonds commun de la nation algérienne», selon l’heureuse formule du regretté Mostefa Lacheraf. En lui permettant de remem brer son fonds commun, nous apportons au peuple algérien le le vain dont se nourrissent, toujours les nations qui veulent marquer de leur empreinte l’histoire universelle.

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