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Maroc : à quand la démocratie ?

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admin"SNP1975"

admin
Admin

Officiellement, rien ni personne ne m’interdit de me rendre au Maroc. Dans mon pays de naissance, je ne fais – à ma connaissance – l’objet d’aucune poursuite judiciaire et ne suis sous le coup d’aucune condamnation. Pourtant, par précaution, je n’y retourne pas. Car à tout moment, je pourrais à cause de mes écrits, notamment celui-ci, être inculpé pour « insultes au roi », « atteinte à l’islam » ou encore « troubles de l’ordre public » et, peut-être même, « atteinte à la sécurité de l’État ». Rien que ça !

Près d’une décennie après la mort de Hassan II et après plus d’un demi-siècle d’indépendance, le Maroc n’en finit pas avec cette mythique transition démocratique. Depuis plus de cinquante ans, retentit le même écho, identique mot à mot et qui sonne toujours aussi faux :

« La démocratisation est en cours. N’ayez crainte citoyens ; elle suit son chemin. Notre souverain, qu’Allah protège ses pas et le préserve de l’œuvre du malin, nous mènera à sa rencontre. »

Le propriétaire de la couronne a changé. Un autre homme s’est assis sur le trône. Mohammed VI a succédé à Hassan II, son père. La lune de miel fut charnelle, enivrante, à redonner le goût de la vie à un suicidaire. Si l’amour rend aveugle, l’espoir fait croire dur comme fer aux chimères. Alors têtes baissées, mains baisées, honneur vendu, dignité perdue, beaucoup y ont cru. Pourtant, la lune de miel fut par trop tapageuse, toquade qui s’éteint avant l’été indien, à la première estocade. Personne ne s’était méfiée des trompe et des tape-à-l’œil qui, en d’autres lieux, auraient sauté aux yeux du naïf et du borgne.

La lune de miel n’a pas duré longtemps ; le temps d’un été puis vint l’automne. Feuilles mortes soufflées par le vent, les masques sont tombés, emportant dans leur chute les ultimes rêves de tout un pays, sèves de tant de vies. Migrants sans visa, les espoirs se sont envolés ; à ailes déployées, ils ont quitté le pays et les esprits. Avant de partir, ils ont promis de revenir. Ils ont juré qu’ils seraient de retour le jour où le printemps de la démocratie daignera, enfin, passer par-là.

Quelque temps plus tard, des berra’h – des crieurs publics payés aux mots hurlés – ont parcouru le pays, allant de douar en douar diffuser aux populations une information d’une extrême importance. Contrairement à l’attente générale, ce n’était pas pour annoncer l’arrivée de l’eau courante et de l’électricité ; pour cela, il n’y avait toujours pas de budget. Y en aura-t-il un jour ?

« Citoyens, prenez votre mal en patience. Vos deux Seigneurs, le divin et l’humain, vous annoncent l’imminence du printemps. »

Neuf années se sont déjà écoulées : les espoirs ne sont toujours pas revenus, aucune réforme constitutionnelle n’a été adoptée. Aucun signe de progressisme réel n’a pointé le bout de son nez à l’horizon (hormis la révision de la moudouwana, hélas trop partielle et pas assez réformatrice). En 2008, la monarchie alaouite demeure absolue et autoritaire.

Dans toutes les dictatures du monde, le culte de la personnalité du chef de l’État est cultivé. Au Maroc, il est porté à son paroxysme ; il fait partie du décor, dispose de son propre folklore. Il a ses chevilles ouvrières, des zélateurs en quête de faveurs. Toutes les occasions sont bonnes pour flatter le monarque régnant et solliciter sa générosité. Tous usent des mêmes ruses, tant pis si elles n’abusent plus personne. Devant les caméras, les micros branchés, lors de chaque prise de parole en public, ils revendiquent leur allégeance au roi et n’omettent jamais, ô ! grand jamais, de prier le Seigneur – celui qui est au ciel. Ils lui demandent de protéger et de déverser ses bienfaits sur son représentant sur terre, Sidna Layness’rou (Sa majesté, que Dieu le glorifie).

Tout sportif qui remporte une victoire n’oublie pas, devant les caméras, la ligne d’arrivée à peine franchie, le souffle coupée, les jambes encore flageolantes, le pas chancelant, de dédier son triomphe au sportif numéro un de la Nation, le roi évidemment… Décidément, doué dans tous les domaines.

Les étudiants, heureux d’avoir obtenu leur diplôme, remercient à la fois Allah et le roi. Après quelques années de chômage, ils n’oseront pas maudire et douter du premier, médire et demander des comptes au second.

Dans les pâtisseries et les cafés, les commerçants affichent des portraits du souverain dégustant un thé. Instantanés de circonstance ou servilité apprise dès l’enfance ? Dans les magasins, les salles de sport et les stades, les photographies aux dimensions imposantes donnent à voir un monarque à l’allure et à la posture qui se veulent sportives. Dans les administrations, les portraits placardés aux murs sont plus sobres. Le monarque est généralement assis sur son trône, en tenue traditionnelle ou en costume, toujours souriant, quelle que soit la position. Le roi est une icône ; il est jeune, beau, riche et généreux. Malheur à quiconque oserait dire, suggérer ou même penser secrètement, le contraire.

Le roi est partout et, surtout, il a tous les droits. La police et la gendarmerie (forcément royale) ont, eux aussi, tous les droits. Au Maroc, seul le citoyen souffre de ne pas jouir de ses droits.
En 2008, la justice marocaine continue de condamner des journalistes, des syndicalistes, des militants des droits de l’Homme et de simples citoyens parce qu’ils ont exprimé leur désaccord avec le régime. La police et la gendarmerie continuent de charger et de frapper les manifestants même ceux qui défilent dans le calme. Quelque peu plus discrètes à l’extérieur, les brimades composent toujours l’ambiance de tous les commissariats du royaume, de Tanger à Lagouira (surtout à Lagouira où l’on persiste à croire pouvoir étouffer par la violence les velléités d’indépendance de certains sahraouis). De l’entrée à la sortie du commissariat (et dans quel état ?), les brimades donnent le ton, le la. Elles vicient l’air, annoncent la couleur en instaurant la peur. Venu bon gré ou mal gré, le prévenu en garde à vue est immanquablement frappé et insulté.

Si l’on bafoue les droits du détenu, si l’on foule aux pieds sa dignité, c’est pour son salut. C’est pour son bien qu’on veut le remettre dans le droit chemin. Les méthodes de la police complètent les leçons d’éducation distribuées aujourd’hui encore à coups de ceinturon par les pères à leurs enfants, les maris à leurs épouses, les maîtres et maîtresses d’écoles à leurs élèves. Il faut corriger et punir avec les coups ; les mots ne suffisent pas nous ordonne Allah via le Coran et par archange et prophète interposés. Non merci. En aucun cas, je ne lève la main sur quiconque, ni homme, ni femme, ni enfant. Et où que j’aille, où que je sois, en France ou au Maroc, j’exige la réciproque.
Si je prends l’avion pour Casablanca, à l’arrivée, à combien d’années de prison serais-je condamné pour avoir écrit et dit :
« De quel droit le roi est au-dessus des lois ?
Allah n’existe peut-être pas.

La corruption et les cooptations sont les uniques modes de gestion des affaires de la Nation » ?

Connaissant la menace, il serait sage de renoncer à ce voyage. Ne pas y aller ne serait-il pas faire montre de peu de courage, voire de lâcheté ? Ai-je peur de la prison ? Est-il nécessaire de passer par le statut de martyr pour faire avancer une cause ? Pourquoi le long chemin de la liberté passerait-il inéluctablement par la case prison ? Toutes ces questions et bien d’autres ont assailli mon esprit lors de la rédaction de mon premier roman, Le manuscrit d’Hicham : destinées marocaines. Depuis sa publication, je ne suis plus retourné au Maroc. J’ai pris la décision de ne pas y aller pour le moment.
Comment faire alors pour contribuer à réaliser ce vieux rêve, un rêve que les Marocains se transmettent de génération en génération, un rêve de démocratie, d’un pays où les citoyens quels qu’ils soient – y compris le roi – seraient tous égaux en droit ? Ce rêve était déjà celui de mes arrière-grands-parents !

Ecrire. Encore et toujours écrire. Devant l’urgence, ne surtout pas faiblir ; ne pas baisser la cadence. Continuer d’agir, de décrire la détresse des miens et des cousins, réels ou imaginaires. Ne pas me taire, me montrer solidaire de tous ceux, où qu’ils soient, mènent le combat pour le respect des libertés individuelles et des droits humains.

Un jour, je pourrai retourner au Maroc.
Un jour, mon pays deviendra une démocratie.
En attendant, j’écris.

Youssef Jebri (Agora Vox)
Maroc : à quand la démocratie ? User_offline

http://www.marocainsdalgerie.net

admin"SNP1975"

admin
Admin

Sacré Youcef Jebri . Tu viens de nous confirmer avec ton billet que :"
La démocratisation est en cours."

à titre d'information youcef est un jeune tangerois trés sympa. Il vient juste de recevoir sa carte de séjour.
Je l'ai rencontré dans un salon du livre maghrebin à la mairie de Paris.
Il est animé par l'ecriture.

http://www.marocainsdalgerie.net

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