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Appel au peuple algérien

2 participants

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1Appel au peuple algérien Empty Appel au peuple algérien Sam 1 Nov - 11:09

ben_dzaïr

ben_dzaïr

Appel au peuple algérien
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La vieille, la ronéo et la machine à
écrire] [size=9] Mme Zamoum garde aujourd’hui d’ailleurs jalousement un trésor que lui a légué da Ali : les fameuses ronéo et machine à écrire qui ont servi à la saisie et à l’impression de l’Appel du 1er novembre.




Texte intégral du premier appel adressé par le secrétariat général du Front de libération nationale au peuple algérien, le 1er novembre 1954.

PEUPLE ALGÉRIEN, MILITANTS DE LA CAUSE NATIONALE.

A vous qui êtes appelés à nous juger (le premier d'une façon générale, les seconds tout particulièrement), notre souci en diffusant la présente proclamation est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l'indépendance nationale dans le cadre nord-africain. Notre désir aussi est de vous éviter la confusion que pourraient entretenir l'impérialisme et ses agents administratifs et autres politicailleurs véreux.

Nous considérons avant tout qu'après des décades de lutte, le mouvement national a atteint sa phase de réalisation. En effet, le but d'un mouvement révolutionnaire étant de créer toutes les conditions d'une action libératrice, nous estimons que, sous ses aspects internes, le peuple est uni derrière le mot d'ordre d'indépendance et d'action et, sous les aspects extérieurs, le climat de détente est favorable pour le règlement des problèmes mineurs, dont le nôtre, avec surtout l'appui diplomatique de nos frères arabo-musulmans. Les événements du Maroc et de Tunisie sont à ce sujet significatifs et marquent profondément le processus de la lutte de libération de l'Afrique du Nord. A noter dans ce domaine que nous avons depuis fort longtemps été les précurseurs de l'unité dans l'action, malheureusement jamais réalisée entre les trois pays.

Aujourd'hui, les uns et les autres sont engagés résolument dans cette voie, et nous, relégués à l'arrière, nous subissons le sort de ceux qui sont dépassés. C'est ainsi que notre mouvement national, terrassé par des années d'immobilisme et de routine, mal orienté, privé du soutien indispensable de l'opinion populaire, dépassé par les événements, se désagrège progressivement à la grande satisfaction du colonialisme qui croit avoir remporté la plus grande victoire de sa lutte contre l'avant-garde algérienne.

L'HEURE EST GRAVE !
Devant cette situation qui risque de devenir irréparable, une équipe de jeunes responsables et militants conscients, ralliant autour d'elle la majorité des éléments encore sains et décidés, a jugé le moment venu de sortir le mouvement national de l'impasse où l'ont acculé les luttes de personnes et d'influence, pour le lancer aux côtés des frères marocains et tunisiens dans la véritable lutte révolutionnaire.

Nous tenons à cet effet à préciser que nous sommes indépendants des deux clans qui se disputent le pouvoir. Plaçant l'intérêt national au-dessus de toutes les considérations mesquines et erronées de personnes et prestige, conformément aux principes révolutionnaires, notre action est dirigée uniquement contre le colonialisme, seul ennemi et aveugle, qui s'est toujours refusé à accorder la moindre liberté par des moyens de lutte pacifique.

Ce sont là, nous pensons, des raisons suffisantes qui font que notre mouvement de rénovation se présente sous l'étiquette de Front de libération nationale, se dégageant ainsi de toutes les compromissions possibles et offrant la possibilité à tous les patriotes algériens de toutes les couches sociales, de tous les partis et mouvements purement algériens, de s'intégrer dans la lutte de libération sans aucune autre considération.

Pour préciser, nous retraçons ci-après, les grandes lignes de notre programme politique :

But : l’indépendance nationale par :

1- la restauration de l'Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques.

2- le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions.

OBJECTIFS INTÉRIEURS :
1- Assainissement politique par la remise du mouvement national révolutionnaire dans sa véritable voie et par l'anéantissement de tous les vestiges de corruption et de réformisme, cause de notre régression actuelle.

2- Rassemblement et organisation de toutes les énergies saines du peuple algérien pour la liquidation du système colonial.

OBJECTIFS EXTÉRIEURS :
- Internationalisation du problème algérien.

- Réalisation de l'unité nord-africaine dans le cadre naturel arabo-musulman.

- Dans le cadre de la charte des Nations unies, affirmation de notre sympathie à l'égard de toutes nations qui appuieraient notre action libératrice.

MOYENS DE LUTTE :
Conformément aux principes révolutionnaires et compte tenu des situations intérieure et extérieure, la continuation de la lutte par tous les moyens jusqu'à la réalisation de notre but.

Pour parvenir à ces fins, le Front de libération nationale aura deux tâches essentielles à mener de front et simultanément : une action intérieure tant sur le plan politique que sur le plan de l'action propre, et une action extérieure en vue de faire du problème algérien une réalité pour le monde entier avec l'appui de tous nos alliés naturels. C'est là une tâche écrasante qui nécessite la mobilisation de toutes les énergies et toutes les ressources nationales. Il est vrai, la lutte sera longue, mais l'issue est certaine.

En dernier lieu, afin d'éviter les fausses interprétations et les faux-fuyants, pour prouver notre désir de paix, limiter les pertes en vies humaines et les effusions de sang, nous avançons une plate-forme honorable de discussions aux autorités françaises si ces dernières sont animées de bonne foi et reconnaissent une fois pour toutes aux peuples qu'elles subjuguent le droit de disposer d'eux-mêmes.

1- La reconnaissance de la nationalité algérienne par une déclaration officielle abrogeant les édits, décrets et lois faisant de l'Algérie une terre française en déni de l'histoire, de la géographie, de la langue, de la religion et des mœurs du peuple algérien.

2- L'ouverture des négociations avec les porte-parole autorisés du peuple algérien sur les bases de la reconnaissance de la souveraineté algérienne, une et indivisible.

3- La création d'un climat de confiance par la libération de tous les détenus politiques, la levée de toutes les mesures d'exception et l'arrêt de toute poursuite contre les forces combattantes.

EN CONTREPARTIE :
1- Les intérêts français, culturels et économiques, honnêtement acquis, seront respectés ainsi que les personnes et les familles.

2- Tous les Français désirant rester en Algérie auront le choix entre leur nationalité et seront de ce fait considérés comme étrangers vis-à-vis des lois en vigueur ou opteront pour la nationalité algérienne et, dans ce cas, seront considérés comme tels en droits et en devoirs.

3- Les liens entre la France et l'Algérie seront définis et feront l'objet d'un accord entre les deux puissances sur la base de l'égalité et du respect de chacun.

Algérien ! nous t'invitons à méditer notre charte ci-dessus. Ton devoir est de t'y associer pour sauver notre pays et lui rendre sa liberté ; le Front de libération nationale est ton front, sa victoire est la tienne.

Quant à nous, résolus à poursuivre la lutte, sûrs de tes sentiments anti-impérialistes, nous donnons le meilleur de nous-mêmes à la patrie.

1er novembre 1954 Le secrétariat national

2Appel au peuple algérien Empty Re: Appel au peuple algérien Sam 1 Nov - 15:26

ben_dzaïr

ben_dzaïr

Elle vit où Mme zamoum??

3Appel au peuple algérien Empty Re: Appel au peuple algérien Sam 1 Nov - 15:29

admin"SNP1975"

admin
Admin

Tu crois qu'elle avait quitté la kabylie?Pour te dire la verité. J'en ai aucune information.


C’est dans ce village que l’appel de novembre a été saisi et imprimé
Ighil Imoula : l’histoire d’une proclamation


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Par :Hamid Saïdani

Envoyée d’Alger par Krim Belkacem, la Proclamation du 1er Novembre 1954 sera écrite la nuit à la machine, et imprimée la veille du déclenchement de la Révolution, avant d’être acheminée et diffusée par Amar Ouamrane.
En cette fin du mois d’octobre, le temps est clément, légèrement frais. Une brise balaie Thizi, la petite place du village, et les habitants vaquent à leurs occupations. Rien, apparemment, ne vient perturber la tranquillité de ce hameau perché sur un flanc de colline face au majestueux Djurdjura. La stèle du 1er Novembre, érigée dans un coin de la placette, fait maintenant partie du décor, et presque plus personne ne remarque sa présence. Ighil Imoula a tant donné à la Révolution en envoyant sur les chemins escarpés des maquis ses meilleurs fils.
Aujourd’hui, ses murs renvoient l’écho d’une interminable désillusion, celle de toute une population qui n’avait, pourtant, jamais abdiqué devant les exactions des soldats français et de leurs supplétifs locaux. Certes, le combat a été dur. Mais l’espoir de jours meilleurs était encore plus fort pour ces populations. N’est-ce pas cela qui a poussé ces centaines de jeunes à abandonner tout derrière eux, leurs biens, leur famille, leurs épouses, leurs enfants… pour répondre à l’appel de la terre, une terre qui leur a été confisquée depuis plus d’un siècle. C’est que cette Algérie profonde, celle des hommes nés pour être libres, celle qui ne veut pas courber l’échine devant l’arbitraire de l’occupant, a, cette fois-ci, décidé de repartir à la quête de sa dignité éplorée. “On ne se posait pas de question. On appliquait les consignes et c’est tout. On ne cherchait jamais à comprendre”, raconte madame veuve Ali Zamoum dont le nom restera toujours intimement lié au combat libérateur. La maison des Zamoum a toujours été un lieu de rencontres des militants de la cause nationale bien avant le début de la guerre de libération. Abane, Krim, Ouamrane, Amirouche, Bitat, Ali Mellah, si Moh Touil et bien d’autres se sont abrités sous le toit de cette modeste demeure qui se trouve à l’entrée du village. Mais, reconnaît Mme Zamoum, c’est tout le village qui a participé à la lutte. “À Ighil Imoula, il n’y a pas une famille qui n’a pas donné un, deux ou plusieurs des siens à la révolution. Hocine Slimane, par exemple, était monté au maquis avec son fils qui n’avait pas encore 12 ans”, témoigne-t-elle. C’est cela Ighil Imoula. Sa réputation de bastion de la Révolution n’a pas été volée. “D’ailleurs, durant la guerre, se rappelle Mme Zamoum, les moudjahidine circulaient librement dans le village, contrairement à la période de clandestinité dans laquelle activaient les militants avant le déclenchement de la lutte armée.” Ils s’appellent Ali Zamoum, Mohamed Benramdani, Mohamed Asselah, Si-Yahia Moh-Ouali, Mohamed Zamoum, Si-Yahia Cherif, Hocine Slimane, Laiche Amar, Idir Rabah… et la liste est encore longue. C’est qu’Ighil Imoula, ce village pas comme les autres, a enfanté de ces héros dont le sacrifice demeurera jusqu’à l’éternité gravé dans les registres de l’histoire. Sans se poser des questions, ces jeunes de l’époque voulaient sortir la France. Quelle gageure pour une jeunesse qui a voulu braver l’armée coloniale en usant de haches, de machettes et de poignards ? Hommes et femmes, jeunes et vieux, et même les enfants ont contribué, chacun à sa manière, au combat libérateur. Certains sont tombés au champ d’honneur et d’autres ont survécu jusqu’après l’Indépendance. Mais, aujourd’hui, les “novembristes”, c’est-à-dire ceux qui étaient au courant de l’imminence du déclenchement et qui avaient participé directement aux actions décidées par les responsables, sont en train de “s’éclipser” un à un, dans l’anonymat le plus total pour beaucoup d’entre eux. En dehors des moudjahiddine qui ont répondu par la suite à l’Appel du 1er novembre, Ighil Imoula ne compte aujourd’hui que deux militants témoins de cette fameuse soirée du 31 octobre 1954. Mme Zamoum et Si-Salah qui habite actuellement à un jet de pierre de là, à Tizi n’Tléta, le chef-lieu de la commune. Mme Zamoum garde de vifs souvenirs de cette période qui a précédé le déclenchement de la guerre de Libération. “Je n’avais que 14 ans. On s’était mariés, moi et Ali, un an auparavant. Cela faisait plusieurs mois qu’on préparait quelque chose, mais il faut dire que l’on ne savait rien de ce qui allait se passer. Les hommes collectaient l’argent en vendant le journal (Algérie Libre, ndlr) et les femmes faisaient la quête à l’aide de tickets, y compris dans les fontaines publiques”, se souvient-elle.
L’argent devait servir à l’achat d’armes qui étaient ensuite cachées en prévision du jour tant attendu par les militants activant dans la clandestinité. Mme Zamoum se souvient que lorsque le jour J est arrivé, le 31 octobre 1954, son mari s’était senti contraint de lâcher le secret tenu jusqu’ici. “Tout ce que nous avons fait depuis des mois, nous l’avons fait en prévision de ce jour. Le jour qu’on attendait est arrivé. Nous allons monter au maquis combattre l’ennemi. On ne reviendra pas. Nous demandons à Dieu de nous aider. Nous n’avons pas le choix : l’indépendance ou la mort”, avait fini par avouer da Ali à sa jeune épouse qu’il laisse derrière lui après une année seulement de mariage. Le serment était prêté. Dans l’esprit de ces jeunes militants, aucun recul n’était possible. Ils étaient complètement acquis à la cause au point de respecter à la lettre directives et consignes du parti. “On se contentait de se préparer, et la discipline que nous avons hérité du parti (PPA-MTLD) nous a enseigné à ne jamais chercher à comprendre ce que font les chefs. L’une des dernières directives des responsables était à tout un chacun de se procurer armes, médicaments, pansements… on devait tout payer de nos poches, quitte à vendre ou à hypothéquer nos biens”, nous précisait, il y a quelques années, Moh Benramdani, un des témoins et acteurs de cette phase décisive de l’histoire contemporaine du pays.
Conformément aux instructions des chefs locaux de la Révolution, ce valeureux moudjahid avait fait partie du groupe de militants dépêchés le 30 octobre 1954 de Kabylie pour soutenir les combattants de la Mitidja, quelques jours après avoir participé à l’opération d’impression de l’Appel du 1er novembre 1954. L’aventure de la Proclamation du 1er novembre a commencé quelques mois auparavant, plus exactement à l’été de l’année 1954, avec l’arrivée de la ronéo et de la machine à écrire, apportées d’Alger et acheminées vers Ighil Imoula, selon les indications qui nous avaient été fournies par un des témoins des faits, en l’occurrence Moh Benramdani, lors de notre rencontre avec lui avant son décès. C’est Ali Zamoum, Mohamedi Saâd et Mohamed Benramdani, aujourd’hui décédés, qui sont partis durant l’été à Aït Abdelmoumene, un village qui se trouve à un jet de pierre de là, récupérer les machines et le sac de papiers qui devaient être utilisés pour la reproduction du document. Une fois ramenées discrètement au village, les machines ont été cachées chez l’un des militants, Haliche Hocine, jusqu’au 25 octobre, date à laquelle elles ont été transférées au domicile d’Idir Rabah, puis chez Omar Benramdani. Moh Benramdani, lui, a été chargé de dissimuler le sac de papiers jusqu’au jour J. Selon les différents témoignages recueillis à ce sujet, Ali Zamoum, lui, était parti à Tizi Ouzou accueillir Mohamed Laïchaoui, le journaliste envoyé par “l’Organisation” pour peaufiner et saisir le texte remis par Krim Belkacem. “C’est le 26 au soir et dans la discrétion la plus totale que le travail a commencé, d’abord au domicile d’Omar Benramdani, où la déclaration a été tapée, avant d’être acheminée à la maison d’Idir Rabah”, nous avait précisé Moh Benramdani. Pour détourner l’attention du garde champêtre et des collaborateurs de l’administration française, des villageois avaient été chargés de se regrouper aux abords de l’endroit et de veiller tard pour que le bruit régulier du tirage n’arrive pas à leurs oreilles. Mais pourquoi c’est la maison des Idir qui a été choisie pour abriter cette opération ? “C’est une maison qui avait deux entrées, dont l’une donnait sur les champs et les oliveraies. En cas de descente des gendarmes français, on pouvait s’en échapper facilement”, indiquait feu Benramdani. Le 27 octobre au matin, le tirage de la Proclamation était terminé. La mission de sa distribution et son acheminement aux autres régions du pays avait été confiée à Amar Ouamrane.


Liberté

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Entretien (Dimanche 02 Novembre 2008)

Belaïd Abane, auteur et cousin du héros de la révolution, à Liberté

"La mort de Abane ne doit pas alimenter la rancœur"

Par :
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Bélaïd Abane vient de publier "L’Algérie en guerre : Abane Ramdane et les fusils de la rébellion", aux éditions L’Harmattan, en France. Dans cet entretien, qui se lit d’un seul trait, tant il est passionnant, il évoque les souvenirs de son cousin à Azouza mais, au-delà, insiste sur l’obligation de purger l’histoire de la révolution algérienne des mythes et des mensonges, non pas pour entretenir la "fitna", mais par souci de pédagogie pour dire à la France, qui refuse de reconnaître ses crimes coloniaux, que nous, on est capable de porter un regard serein sur notre passé.
Liberté : Bélaïd Abane, vous venez de publier l’Algérie en guerre : Abane Ramdane et les fusils de la rébellion, aux éditions L’Harmattan, en France. Cet ouvrage coïncide avec le 54e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954. Pouvez-vous développer à nos lecteurs les grands axes de votre précieuse contribution à l’écriture de l’histoire de l’Algérie contemporaine ?
Bélaïd Abane : Je suis heureux que la sortie de ce livre coïncide avec le 54e anniversaire du 1er Novembre. Qu’ai-je voulu écrire et exprimer exactement dans ce livre ? Une sorte de fresque du calvaire enduré par la "masse indigène" comme l’appelaient alors les historiens colonialistes. Ce "récit" est fait à travers 3 grandes périodes. La première est celle de la résistance à la guerre de dévastation méthodique entreprise par les colonels et les généraux de l’"Armée d’Afrique", une guerre qui se soldera par l’écrasement physique, économique, moral et culturel de la société algérienne. Résultat : la population algérienne sera réduite de deux tiers entre 1830 et 1871, soit en l’espace de 40 ans. La deuxième période commence en effet par les premiers balbutiements d’une nation algérienne moderne alors que le sort du pays semble définitivement scellé et que la domination coloniale paraît aux yeux des Algériens comme une réalité intangible. Les fêtes fastueuses du Centenaire (1830-1930) dans un style arrogant et provocant – le régime colonial fait défiler des troupes avec les uniformes de l’"Armée d’Afrique" et des enfants en tenue de croisés —, si elles blessent douloureusement leur mémoire sont en effet perçues par les Algériens comme le signe d’une domination écrasante installée pour l’éternité. Ils n’ont alors d’autre choix que d’appliquer le principe de réalité et de s’en remettre à la légalité du vainqueur, à ses principes, à ses institutions, afin d’améliorer un tant soit peu le sort proche de l’animalité de l’immense majorité des Algériens. La troisième période est celle qui suit l’échec de la précédente. Échec des recours pacifiques, échec des voies légales, échec du parlementarisme et résurgence des procédés génocidaires pratiqués dans le passé avec le massacre sauvage et massif du 8 mai 1945. C’est celle où les Algériens commencent à s’organiser pour une forme de résistance jusque-là inédite, car elle est cette fois globale, c'est-à-dire nationale, rurale et urbaine, multiforme : politique, militaire et diplomatique, ouverte sur le monde qu’elle prend à témoin en se projetant dans l’universel. C’est le dernier round livré à l’adversité coloniale, dont l’élan se cristallisera dans l’explosion du 1er Novembre, laquelle sera bientôt relayée par un travail d’organisation, de politisation, d’unification et de coordination de tous les potentiels Algériens. Le congrès de la Soummam est l’un des moments forts de cette troisième phase. C’est en effet à la Soummam que renaîtra l’État algérien, une Algérie en guerre (le titre du livre) qui se dresse dans une quasi-unanimité nationale contre une puissance coloniale décidée à la maintenir sous sa domination. Le fil conducteur de cette période est la contribution décisive d’Abane Ramdane à cette œuvre de rassemblement, d’organisation et de conscientisation des Algériens autour de l’objectif de libération nationale et d’indépendance.
Dans votre ouvrage, une place importante est consacrée à la bataille d’Alger que vous considérez comme un moment décisif. Pourquoi ?

Une place particulière est donnée à "la bataille d’Alger" à laquelle j’ai consacré une 4e partie. Le vocable lui-même a été inventé par les officiers parachutistes. Quant au terrorisme pratiqué par le FLN, il est analysé comme le boomerang de la responsabilité collective pratiquée par l’armée coloniale dans le bled, un boomerang qui revient, implacable, à la face du régime colonial. "La bataille d’Alger" est également analysée comme un cuisant Dîen Bien Phu politique pour le nationalisme colonial français. En dépit de sa victoire militaire, le système commence à se craqueler à Alger. La fitna qui gagne la société et l’armée françaises fait tomber la 4e République et mène certains officiers dans la voie de la dérive fasciste. Le FLN en sort certes en lambeaux, mais "la bataille d’Alger" lui confère la légitimité et la représentativité dans l’opinion internationale. Il faut dire, par ailleurs, que certains historiens algériens continuent de s’empêtrer dans des préalables méthodologiques, tétanisés qu’ils sont par l’accusation de manque d’objectivité qu’ils croient suspendue au-dessus de leur tête comme une épée de Damoclès. Du reste, la longue période de glaciation de l’histoire nationale ne relève pas seulement de la censure politique, comme on a souvent tendance à le croire. Elle est surtout le fait et le résultat d’une incurable frilosité intellectuelle de beaucoup d’historiens algériens, en particulier, et des intellectuels en général. 54 ans plus tard, il est peut-être temps d’y mettre fin. Prenons l’exemple du débat sur le "rôle positif de la colonisation". La plupart des officiels français, de droite comme de gauche, dont j’ai entendu les déclarations, disent qu’il faut laisser les historiens travailler. C’est une façon de noyer le poisson. Si vous voulez jeter le voile sur un événement grave, créez une commission d’enquête. C’est la même chose pour l’histoire. Si vous voulez la rendre opaque au plus grand nombre, confiez-là aux seuls historiens. Avec tout le respect que je dois à leur travail dont je me suis du reste généreusement inspiré, il est temps que les historiens acceptent de faire un compromis et de céder une partie de leur magistère. J’ai également tenté de donner de l’épaisseur et de l’humanité aux dirigeants du FLN et aux combattants de l’ALN, présentés dans la presse, la propagande coloniale et même plus récemment au cinéma sous l’angle de l’infériorité morale et de la perversité la plus radicale. Il y a quelques mois, je suis ressorti outré et le cœur gros du dernier film de Florent Emilio Siri, l’Ennemi intime, qui traite des problèmes de conscience, face à la répression, de deux officiers français interprétés du reste avec talent par Benoît Magimel et Albert Dupontel. Ce réalisateur qui a pourtant fait un effort louable dans la manière de traiter de la "guerre d’Algérie", en montrant de façon claire qu’il s’agit d’une guerre de reconquête coloniale, ne s’est pourtant pas départi des représentations habituelles du fellaga sans visage, sans épaisseur, ombre menaçante et malfaisante, ni de la sempiternelle asymétrie entre le "guerrier barbare" auquel fait face le "soldat tourmenté de la civilisation" et tous ces clichés de la propagande coloniale que je traite dans la dernière partie de mon livre. L’un des mérites d’Abane Ramdane est d’avoir œuvré et réussi à redresser dans l’opinion – car la guerre de libération était aussi une guerre pour l’opinion — l’image d’un FLN "barbare", "fanatique" et groupusculaire, et de transformer les fusils de chasse de la rébellion en résistants nationaux légitimes contre l’oppression coloniale.

Certains s’étonneront sûrement que l’on évoque Abane Ramdane pour un 1er novembre, alors qu’il était encore en prison à l’époque du déclenchement de la révolution. Qu’avez-vous à leur répondre, vous qui avez intitulé un de vos chapitres "Abane Ramdane et le 1er novembre" ?

Abane a été effectivement libéré 2 mois et demi après le déclenchement de la révolution. Il entrera en clandestinité début mars 1955, moins de 2 mois après son retour à Azouza. Contrairement à ce que l’on peut entendre et lire ici et là, Abane n’était pas un nouveau venu. On a même dit un inconnu. Je rappelle d’abord qu’il a été membre du comité central du PPA-MTLD, issu de la session de mars 1950 qui s’est tenue dans la ferme de Mustapha Sahraoui à Larbaâ, après avoir été à la fois chef de wilaya et responsable de l’OS. Ben Khedda, qui dresse la liste des membres du CC, est un témoin crédible et digne de foi. Abane se fera ensuite connaître en 1952 après une grève de la faim de
33 jours et lorsqu’il fera tomber le directeur de la prison d’Ensisheim en faisant parvenir une lettre au Parti qui la publiera dans l’Algérie libre que dirigeait alors Abderrahmane Kiouane. Transféré à la prison d’Albi puis à celle de Maison Carrée (El-Harrach), il est tenu régulièrement au courant de la crise qui secoue le Parti mais aussi des préparatifs du 1er novembre. Des témoignages convergents, que je rapporte en détail dans mon livre, prouvent même qu’il était étroitement associé à ces préparatifs et qu’il faisait partie d’un comité révolutionnaire de 12 membres, mis sur pied fin octobre 1954 pour prendre en charge les destinées de la résistance algérienne. Selon Rabah Bitat, dont j’ai recueilli personnellement le témoignage à la fin des années 1980, Ben M’hidi aurait même suggéré de "différer le déclenchement jusqu’à la libération d’Anselme (pseudonyme d’Abane, ndlr)". Si vous lisez Fathi Dib, le major égyptien des Moukhabarat, chargé des affaires de la Révolution algérienne, il ne dit pas autre chose. De qui tiendrait-il ces informations si ce n’est de Ben Bella dont on peut difficilement imaginer qu’il puisse affabuler pour valoriser le rôle d’Abane. Tout cela explique pourquoi ce dernier, arrivant à Alger, prend tout naturellement sa place dans le staff dirigeant et en deviendra même l’âme et la force motrice au bout de quelques mois. Et tout cela sans complexe et sans donner la moindre impression d’avoir pris le train en marche. Si donc Abane n’était pas physiquement partie prenante au 1er novembre, il y était moralement et organiquement associé. À aucun moment, un dirigeant "historique", pas même Ben Bella, ne viendra contester cette distribution des rôles. Ni Krim, qui s’attribuera plus tard le mérite d’avoir recruté Abane. Le chef de la zone III ne prendra ombrage du rôle central d’Abane dans le mouvement qu’au moment où il se sent lui-même un peu marginalisé au sein de la direction d’Alger. Voilà donc quelques arguments, bien plus étayés dans mon livre, qui expliquent pourquoi il n’est pas incongru d’évoquer Abane pour un 1er novembre.

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admin"SNP1975"

admin
Admin


Vous évoquez aussi des aspects tabous de l’histoire du Mouvement national dans cet ouvrage. Pouvons-nous en savoir plus, M. Abane ?
Des aspects tabous, non. Inédits, oui. Il n’y a pas de sujet ou de question tabous. Il faut à tout prix persévérer dans le travail de mémoire entamé par le président Chadli Bendjedid dans les années 1980 en tirant de l’oubli certaines grandes figures de l’histoire nationale comme Abane Ramdane, Mohamed Khider, Abbas Laghrour, Mohamed Lamouri, etc. Le président Abdelaziz Bouteflika, dans une démarche empreinte d’irénisme, poursuivra ce travail dès son arrivée au pouvoir en 1999 en réinstallant à la place qu’ils méritent dans l’histoire nationale ces mêmes figures et d’autres, notamment Messali El Hadj resté durant plusieurs décennies comme l’énigmatique chaînon manquant de l’histoire du nationalisme algérien. Ceux qui veulent imposer un black-out sur notre histoire nationale ne sont pas logiques. Ce sont souvent les mêmes qui interpellent la France pour lui rappeler les pages sombres de son passé colonial. Il y aurait donc une logique qui voudrait que l’on exige de la France qu’elle se penche sur son passé, qu’elle fasse son travail de mémoire et son mea culpa en reconnaissant ses fautes et les souffrances infligées au peuple algérien du fait de la colonisation et de la guerre de reconquête coloniale. Et une autre logique qui voudrait que chez nous, on jette un voile opaque définitivement sur notre guerre de Libération. La meilleure façon d’amener l’État français à reconnaître ses fautes, certes incommensurablement plus lourdes, c’est de donner l’exemple en effectuant notre propre travail d’introspection et de dire : voilà ce que fut exactement telle ou telle période de notre histoire et de reconnaître qu’il y eut faute ou que l’on pouvait faire ou agir différemment. Prenons le cas de l’affaire de Casbah Melouza que je traite dans mon livre sans faux-fuyants ni concessions d’aucune sorte. C’est une grosse tache noire dans l’histoire du mouvement de libération nationale. Il est temps de le dire et de reconnaître qu’il était possible de faire autrement. Je me suis également interrogé sur les événements du 20 août 1955 et de leur bien-fondé tactique et stratégique. Quant à l’assassinat d’Abane Ramdane, il est traité de manière sereine et apaisée dans un 2e livre qui sera publié dans les prochains mois.

La mort d’Abane Ramdane continue de faire régulièrement irruption dans le débat sur l’écriture de l’histoire. Estimez-vous que toute vérité est bonne à dire sachant que l’histoire de la Révolution algérienne est émaillée de cas de liquidations physiques ?
La vérité est toujours bonne à dire. Mais elle doit être dite non pour attiser la haine, la discorde ou engendrer la fitna, mais au contraire pour pacifier la mémoire nationale. Ma démarche, si elle s’inscrit incontestablement dans une quête de vérité et, croyez-moi, une vérité douloureuse comme l’effet du couteau dans la plaie, est par contre totalement affranchie de tout ressentiment, de toute acrimonie et de tout esprit de haine. Du reste contre qui ? Les principaux protagonistes de l’affaire ne sont plus de ce monde. Il est cependant indispensable d’aller au bout de la vérité et de démanteler certains mensonges qui, comme chacun le sait, fleurissent si bien sur la tombe des morts, ceux qu’il est si facile d’attaquer, pense-t-on, parce qu’ils ne sont plus là pour répondre et se défendre. Je vais vous raconter une anecdote que je livre en détail dans mon prochain livre. Après l’attaque contre Abane, d’Ali Kafi, lequel, soit dit en passant, n’en a tiré aucune gloire, contrairement à ce qu’il avait sans doute espéré, et a même été condamné par le tribunal de Bir Mourad-Raïs, j’ai eu la naïveté de croire qu’il pouvait y avoir une sorte de solidarité entre les hauts dirigeants de la Révolution. J’ai poussé cette naïveté jusqu’à aller voir le président Ben Bella, le meilleur ennemi politique d’Abane. Vous pouvez en rire, ce n’est pas la première fois que je fasse preuve d’une naïveté renversante. Je lui dis ceci : "Monsieur le président, je sais que vos rapports avec Abane étaient des plus exécrables. Mais le temps a passé, le peuple algérien est libre et l’Algérie indépendante. Si vous, le meilleur adversaire d’Abane, vous faites un communiqué pour dire que les propos d’Ali Kafi n’ont aucun sens, on mettra un point final à cette histoire. Le jour où vous ne serez plus de ce monde, destin inéluctable pour toute créature, il se trouvera toujours quelqu’un pour se dresser contre ceux qui iront cracher sur votre tombe comme on vient de le faire sur Abane." Vous savez ce qu’il m’a répondu ? Il m’a dit exactement ceci : "Non, je ne peux pas. Si je le fais, il va m’attaquer. Mais je parlerai un jour." Le président Ben Bella parlera effectivement deux ans plus tard pour s’acharner lui aussi sur Abane qui, lui, n’est plus là pour contre-attaquer et se défendre. Ce jour-là, je me suis souvenu de la réponse de Lamine Debaghine à ma question : pourquoi s’acharne-t-on encore sur Abane ? Le vieux docteur me répond : les morts ne font peur à personne. Quant aux liquidations physiques, il y en eut bien sûr et pas toujours pour des motifs défendables. Il faudra peut-être que l’on réfléchisse, afin de travailler dans le sens de l’apaisement général, pour instaurer une sorte de journée nationale du souvenir consacrée à tous nos compatriotes morts pour l’Algérie et auxquels a été donnée une mort injuste ou par erreur durant la guerre de Libération nationale. Encore un excès de naïveté, n’est-ce pas ?

Il y a énormément d’écrits sur la mort d’Abane Ramdane. À ce jour, on ne sait pas encore quelle est la véritable part des choses ?

Sur la mort d’Abane que je traite dans mon 2e livre, il y a d’innombrables morceaux de vérité. Mon travail a consisté à les rassembler pour reconstituer ce qui me paraît être la vérité. Car, tous les morceaux se sont imbriqués les uns dans les autres comme lorsqu’on reconstitue un puzzle. J’ai ajouté une touche de feeling personnelle, une espèce de sentiment qui vient de ce qu’il y a de plus profond en moi. En mon âme et conscience, et surtout en homme libre. C’est la seule chose que je revendique. Pour le reste, chacun est libre de juger.

Avez-vous connu Abane Ramdane pendant la révolution ? Quelle image, quel souvenir vous en gardez ?

Oui, bien sûr. Les souvenirs sont encore vivaces. D’abord, à sa sortie de prison en janvier 1955 : une joie générale qui vire rapidement à la tristesse et à la consternation, car yemma Fatma, sa mère, sous le coup de l’émotion, venait de subir une attaque cérébrale avec paralysie de tout le côté droit. Souvenirs également des allées et venues dans les venelles d’Azouza, de visiteurs arrivant, sourire aux lèvres, heureux de venir saluer le fils, et repartant la mine consternée après avoir vu la mère terrassée par la maladie. Je le revois également entouré d’un groupe de jeunes l’écoutant religieusement. Je l’écoutais moi aussi, mon cœur d’enfant envahi par une sourde inquiétude. Il disait en martelant ces mots : "Notre pays, il n’y a pas le moindre doute, retrouvera sa liberté. Mais ce sera terrible. Nous vivrons l’enfer pour en payer le prix. Le colonialisme ne lâchera pas facilement prise sur cette terre. Il bombardera nos villages et brûlera nos forêts. Des enfants, des femmes et des vieillards mourront. Parmi vous, beaucoup ne seront plus de ce monde lorsque notre pays retrouvera sa liberté." Devant la mine consternée et défaite de son auditoire, il ajoute : "Si ça peut vous rassurer, moi non plus, je ne verrai pas l’indépendance." J’ai également le souvenir de ses colères explosives à la moindre entorse à l’équité ou à la justice (lbatal) et face à l’usage abusif de la force (draâ), ces comportements qui l’insupportent au plus haut point. La dernière fois que je l’ai entrevu, c’est vers le début de l’automne 1956. Notre maison d’Azouza était devenue pour un soir le modeste palais du gouvernement de l’Algérie en guerre. De retour de la Soummam, les dirigeants du FLN, dont Ben M’hidi, Krim, Ouamrane, avaient fait un crochet par Azouza. Abane voulait sans doute revoir pour la dernière fois sa mère qui était encore clouée au lit. Il y eut une réunion houleuse avec les responsables FLN du village. Je revois à ses côtés pour la dernière fois mon frère Dahmane, un fusil de chasse tout neuf en bandoulière, avant de faire ses adieux à ma mère éplorée. Il vient lui annoncer sa décision irrévocable de partir au maquis. Il sera affecté à la Wilaya IV, dans l’Atlas blidéen, où il trouvera la mort le 15 février 1957 à la bataille d’Ahl El-Oued, aux côtés du commandant si Yahya, Aït Maâmar Yahya, de son vrai nom, sur les hauteurs de Sidi El-Madani dans les gorges de la Chiffa.

Monsieur Abane, vous êtes professeur en médecine. Pourquoi dès lors votre intérêt pour l’histoire de la révolution ?

J’ai une autre casquette que celle de médecin. Cette autre casquette, je ne l’ai jamais vraiment abandonnée, même si durant la période la plus chaude de ma carrière médicale, je l’ai remisée au fond du placard. Cette casquette acquise sur les bancs de l’institut d’études politiques a toujours entretenu l’intérêt que j’ai pour la chose politique. Et qu’y a-t-il de plus politique que l’histoire et a fortiori dans un pays comme le nôtre où politique et histoire sont toujours intimement liées. Quant au choix d’écrire sur Abane, il s’est imposé au cours des années. D’abord, parce que j’ai accumulé beaucoup d’informations et de documents. L’autre raison est qu’Abane ne laisse pas indifférent. Quand, après le déverrouillage politique et idéologique de notre pays, qui a suivi les événements de 1988, Abane retrouve sa place dans l’histoire nationale, cela n’a pas été du goût de tout le monde. Les attaques ont commencé à pleuvoir. Certaines ont blessé douloureusement notre famille. Ce premier livre et le prochain sont également une réponse à toutes ces attaques. Une façon de dire à tous les contempteurs : Et vous, qu’avez-vous fait ? Quel est votre bilan ? Qu’avez-vous laissé à la postérité qui soit digne d’être critiqué ?


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Dossier : 1ier Novembre (Samedi 01 Novembre 2008)

Mohammed Harbi, historien et acteur de la Révolution, à Liberté

"Le passé ne doit pas faire écran au présent"

Par : Rachid Alik

Dans cet entretien exclusif, l’historien fait la part entre le mythe et la réalité historique du 1er Novembre. Il en restitue le contexte, en souligne les risques et les promesses, mais aussi l’usage politique qu’en ont fait les pouvoirs qui se sont succédé depuis l’Indépendance. Mohammed Harbi évoque aussi ses souvenirs personnels de cet événement "fondateur et essentiel" et raconte son émotion d’alors, "partagée entre crainte et espérance". Un témoignage exceptionnel.

Liberté : Vous avez évoqué, lors de votre dernière tournée de conférences en Algérie, les utilisations publiques et politiques de la mémoire et de l’histoire. Qu’en est-il pour le 1er novembre ?

Mohammed Harbi : L’histoire du 1er Novembre représente un moment fondateur, essentiel, de notre histoire nationale. Elle tient son statut privilégié de ce qu’elle est récit d’une subversion de huit ans de l’édifice colonial mis en place en 1830. Tous les pouvoirs que se sont succédé, depuis 1962, ont tenté de l’apprivoiser et d’en livrer une vision en fonction de leur politique. Mais tout en lui donnant l’importance qui lui convient à l’échelle de l’Algérie et du monde, il convient de ne jamais oublier qu’elle reste un enjeu de luttes sociales et de mobilisations politiques.
Aujourd’hui, la revendication démocratique, refoulée hier, a remis au goût du jour les anciennes questions de pouvoir, du jeu du politique, de la répartition du "gâteau national", en un mot des rapports entre l’État et la nation. Au-delà de l’histoire célébration, de l’enregistrement des mémoires individuelles et collectives, objet d’une grande frénésie et de multiples abus, c’est l’histoire coloniale, précoloniale, mais aussi postcoloniale, qui doit être lue à la lumière de ces questions. Dans cet ordre d’idées, l’évocation du passé doit cesser de faire écran à la compréhension du présent et d’embrouiller les enjeux. Il faut donc être très vigilant à l’égard des usages du passé.

Quelle est la part du mythe et de l’histoire dans la perception actuelle de cet événement ?

Je répondrais à votre question de manière laconique. Vos lecteurs doivent savoir que l’histoire a une histoire. En Algérie, comme en France et ailleurs, histoire et nationalisme sont intimement liés. Les fondateurs du nationalisme algérien ont élaboré dans les années 1930 un "roman national" pour parer à la manipulation par le colonisateur de l’histoire. Dans les années 1950, le FLN a, à son tour, nourri ce "roman national". Comme d’autres acteurs collectifs avant lui, ceux de la Révolution française de 1789, ceux de la Révolution soviétique de 1917, il a promis d’introduire une césure irréversible entre un "avant sans retour" et un "après". Il a forgé le mythe d’un peuple homogène, celui d’un État démiurge, etc. Ces mythes ont forgé bien des rêves, mais ils n’ont pas résisté au temps.

Existe-t-il à votre sens des contrevérités historiques dans la célébration actuelle du 1er Novembre ?

Oui, sans aucun doute. Si, par exemple, on veut comprendre pourquoi Messali El-Hadj a été écarté de la conduite de la Révolution, il faut revenir à la scission du MTLD, en esquisser une cartographie à l’échelle nationale et cesser de pratiquer l’occultation des faits. Un exemple : en février 1954, Krim (Belkacem) et (Amar) Ouamrane ont appuyé Messali. En août 1954, ils ont rallié le point de vue de Boudiaf, mais leurs militants, à quelques exceptions près, ne le savaient pas. Messali, non plus, ne le savait pas. Et quand l’insurrection a commencé, ses fondés de pouvoir ont financé la Zone III (Kabylie, devenue plus tard la Wilaya III). Si on n’a pas ces données, on ne peut pas comprendre la petite guerre civile qui a opposé en Kabylie les anciens militants du MTLD.

Cette date marque-t-elle une continuité ou une rupture dans l’histoire du mouvement national ?

Il y a à la fois continuité et rupture. Les fondateurs du FLN ne sont pas des hommes nouveaux. Ils sont les héritiers, en grande partie, du MTLD. Au plan idéologique, il n’y a pas de rupture avec leur passé. Au plan pratique, en revanche, il y a eu dépassement et acceptation d’un travail commun avec leurs anciens rivaux. Mais cela ne s’est pas fait sans arrière-pensées…

Venons-en maintenant à votre position unique dans cette période historique et au sein de la Révolution. Vous avez évoqué vos souvenirs dans Une vie debout. En tant qu’homme, comment avez-vous vécu ce jour ?

J’ai appris la nouvelle par la radio. J’y étais, d’une certaine manière, préparé. Fin octobre, Lahoual Hocine et M’hammed Yazid, en transit à Paris pour se rendre au Caire, ont réuni les partisans du Comité central dont j’étais pour nous informer des suites de la scission du MTLD. À la fin de la réunion, Yazid m’a pris à part avec Larbi Madi et nous a confié qu’ils avaient pour mission de convaincre la délégation du Caire de reporter la date de l’insurrection. Et d’ajouter : "Si nous ne réussissons pas dans notre mission, prenez vos responsabilités." Comme chez beaucoup de mes camarades, le 1er Novembre a suscité en moi la peur et l’espérance à la fois. La peur de l’échec d’abord. Ce sentiment se nourrissait de l’état de division dans lequel nous avait jetés la scission du MTLD. J’ai su plus tard que ce sentiment était aussi celui des fondateurs du FLN. Selon le professeur Lemnouar Merrouche, qui se trouvait au Caire, Ben Bella avait dit aux étudiants : "Si nous tenons six mois, c’est gagné !" De son côté, Mohamed Boudiaf a donné en 1974 une conférence aux militants du PRS*. C’est le récit le plus complet qu’il m’ait été donné d’entendre sur ce sujet. Le PRS en a tiré un texte, publié dans le numéro 15 de son journal El Jarida (n°15, nov-déc 1974), mais ce n’est qu’un résumé. Selon Boudiaf, les 22 ont décidé d’aller à la lutte armée sans savoir s’ils allaient ou non être suivis par le peuple. Il a même dit textuellement : "Cette question ne se posait pas." Chez moi donc, la peur coexistait avec l’espérance. Et, après une brève période de flottement qu’ont connue nombre de militants, j’ai donné sa chance à l’espérance.

On a évoqué à ce sujet (vos mémoires) le terme d’ego histoire…

C’est effectivement un ego histoire, mais qui ne prend sens que dans une histoire collective, tout en gardant son caractère contingent.

Aujourd’hui, cette date est fondamentale et devrait survivre à la génération qui a fait l’indépendance. Comment, alors, enseigner aux nouvelles générations le 1er Novembre, débarrassé des scories de l’idéologie ?

Le 1er Novembre est né d’une série d’improvisations et de coups à chaud consécutifs à la scission d’un parti. Dans ses succès, comme dans ces échecs, l’expérience de Novembre reste l’une des plus fascinantes à suivre, ne serait-ce que parce qu’elle nous a inculqué le rêve du changement, ce carburant de toute révolution. L’élaboration du savoir scolaire doit s’appuyer sur la rigueur du travail historique pour donner sens à une Algérie aux multiples racines et affirmer une algérianité nouvelle, ancrée dans un Maghreb uni et où chacun reconnaîtra l’autre dans une histoire commune intégrant la diversité.
R. A.

(*) PRS : Parti de la révolution socialiste, parti fondé le 20 septembre 1962 par Mohamed Boudiaf, futur président de la République, alors dans l’opposition. Le PRS entrera en clandestinité en juin 1963 à l’arrestation de Boudiaf puis suit son leader en exil, en France et au Maroc. Son principal organe, El Jarida, publie des textes politiques et historiques de Mohamed Boudiaf. Celui-ci le dissout en 1979, après la mort de Houari Boumediene.

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