Nous, Algériennes et Algériens, signataires du présent appel, avons décidé de prendre nos responsabilités devant notre Nation et devant l’Histoire, pour en appeler à la mobilisation permanente du peuple algérien contre le pouvoir politique illégitime en place et d’œuvrer à l’instauration d’un Etat de Droit tel que défini par la déclaration historique du premier novembre 1954.Le pouvoir actuel que nous considérons aujourd’hui plus que jamais auparavant, comme étant institutionnellement illégitime, politiquement incompétent et moralement discrédité.
Un pouvoir qui a spolié le peuple de sa légitime souveraineté et qui a détourné à son profit exclusif les richesses de la Nation.
Un pouvoir quasi régalien qui fonctionne essentiellement sur l’arbitraire, le clientélisme, le laxisme et la corruption. Il a profondément affaibli l’autorité de l’Etat dans son rôle sur l’échiquier international et il constitue une réelle menace pour notre unité et intégrité nationales.
Nous situons le présent appel, dans la continuité du Mouvement National, des principes énoncés dans la Déclaration du 1er Novembre 1954 et de la plateforme de la Soummam.
Nous, Algériennes et Algériens, signataires de cet appel, exprimons haut et fort, notre profonde préoccupation devant la logique d’autodestruction et de détérioration continue, qui caractérise la situation sociopolitique, économique et morale de notre pays. Nous refusons désormais catégoriquement d’en être les complices actifs ou tacites. Nous décidons de mettre fin à notre inaction, à notre silence et à notre désengagement sous quelques formes qu’il soit (lâcheté, égoïsme, peur, …).
Cette initiative libre et indépendante, a été dictée par les données fondamentales et structurelles de notre situation commune qui se caractérise par:
la persistance et l’aggravation de la crise de la légitimité du pouvoir depuis 1962 à ce jour, crise devenue une menace et un danger permanent pour notre nation.
la persistance de l’oligarchie à exclure le peuple du débat et de la participation politique en violant son droit constitutionnel et naturel de choisir et de construire sa propre destinée.
L’échec et la médiocrité du personnel politique officiel et l’avilissement de l’opposition factice.
le manque de perspective claire et nette pour toute la nation,
La culture du chaos et de la violence et son extension à toutes les couches sociales, le maintien de l’Etat d’urgence comme moyen de domination et d’asservissement du peuple algérien.
Notre but est:
D’œuvrer à la concrétisation des objectifs du mouvement de libération nationale, à la reconquête du droit du peuple à la souveraineté et au changement radical et pacifique du système politique.
D’œuvrer à l’instauration d’institutions solides et responsables capables d’assurer le fonctionnement démocratique de la société, de garantir la transparence du gouvernement et, l’alternance de son pouvoir, enfin de créer un Etat dont les commandes resteront entre les seules mains du peuple souverain, sans que puisse intervenir les forces occultes dans le fonctionnement de ces institutions. Les principes régissant le fonctionnement de nos institutions seront fidèles à la Constitution et aux lois votées par le législateur en accord avec nos valeurs civilisationnelles, nos cultures et nos traditions séculaires. Nos institutions seront soucieuses de consolider, par leur sain fonctionnement, le lien entre le peuple et ses vraies valeurs.
L’heure est venue pour changer ce système politique illégitime par les méthodes pacifiques et démocratiques et de rendre la souveraineté politique aux Algériennes et aux Algériens pour qu’ils choisissent librement et démocratiquement, les institutions politiques qui épousent les réalités politiques et socioculturelles de la Nation, en permettant une répartition équitable des richesses nationales, aussi bien entre les collectivités régionales et locales qu’entre les individus.
Cet appel est ouvert à l’adhésion morale et active de tous nos compatriotes qui partagent le même attachement à la patrie et aux valeurs morales et culturelles de la société algérienne dans toute sa diversité, y compris ceux qui se trouvent, de par leurs fonctions ou leurs positions dans les institutions officielles actuelles. Il est une exhortation à tous ceux qui refusent la marginalisation et l’exclusion de l’Algérienne et de l’Algérien de la vie publique. Enfin, c’est un appel à tous ceux, qui conscients de la déliquescence de la société et de la fatuité des institutions, veulent fédérer leurs efforts pour un changement décisif et salvateur de la situation de la Nation Algérienne.
Cet appel se veut enfin et surtout comme une force de propositions et d’action pour une transition pacifique vers un Etat de Droit.
Nous, Algériennes et Algériens libres, aspirons acquérir à notre idéal de résistance pacifique et de dynamique de changement, les couches les plus larges du Peuple Algérien, sans exclusion aucune.
Nous devons œuvrer au rassemblement de toutes les forces patriotiques en vue d’un changement pacifique et radical sur la base de valeurs et de principes démocratiques clairement définis, acceptés et respectés par tous et notamment:
Les valeurs civilisationnelles de la Nation Algérienne (Islamité, Amazighité et Arabité), fondements de notre ALGERIANITE. Ces derniers sont le socle de notre unité nationale, qui ne doivent nullement être instrumentalisés ni être le monopole d’aucun parti ou tendance politique.
L’égalité de tous devant la loi.
La sacralité des droits de la personne humaine.
La souveraineté populaire : le peuple étant la seule source du pouvoir et de légitimité.
La mise en place d’institutions qui garantissent l’expression de la volonté populaire, notamment par la séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
Le respect et la protection des libertés individuelles et collectives.
L’alternance au pouvoir à travers le suffrage universel.
Le respect et la promotion des cultures nationales.
La promotion du mérite et de la compétence individuelle véritable.
Une distribution juste et équitable des ressources nationales.
Nos moyens de lutte contre ce pouvoir illégitime seront exclusivement politiques, pacifiques et démocratiques :
a.Par la réappropriation de nos droits inaliénables, individuels et collectifs que l’ensemble des générations qui se sont succédé depuis l’indépendance ont abandonnés pour la construction de la société nationale et d’un nouvel Etat authentiquement indépendant. Ces droits qui font partie intégrante de nos pouvoirs naturels et dont nous avons été amputés par le fait de notre ignorance, de notre lâcheté, de notre impréparation et manque d’éducation politique mais également parce que nous n’avions pas été conscients du drame qui se tramait et que nous ne possédions pas alors les moyens de résister.
b.Par la sensibilisation et la mobilisation aussi large que possible de l’opinion publique nationale et internationale sur les responsabilités des pouvoirs en place en matière d’atteintes caractérisées aux Droits de l’Homme et aux Libertés Publiques ainsi que sur tous les cas d’arbitraire, d’abus de pouvoir et de forfaitures administratives et judiciaires et par la résistance contre toutes ses dérives totalitaires.
c.Par la dénonciation d’une certaine et flagrante duplicité de l’opinion occidentale, qui refuse de faire la part entre ses intérêts à court terme et à long terme, qui proclame des valeurs universelles tout en privilégiant des intérêts étroits en soutenant des régimes illégitimes.
d.Par la diffusion continue par tous les moyens de communication, de nos idées, de nos propositions et de nos revendications pour l’avènement de la Dignité et du changement dans notre pays.
e.Par le recours à des manifestations pacifiques, à la désobéissance civile et à l’abstention massive aux élections, entre autres.
Il est donc clair que notre démarche a pour but de mettre fin à près d’un demi-siècle d’usurpation permanente de la souveraineté populaire et de rendre la dignité et la parole au Peuple Algérien, afin qu’il puisse choisir librement et démocratiquement les institutions politiques conformes à ses aspirations de liberté, de démocratie et de justice, en harmonie avec les valeurs identitaires et socioculturelles de notre Algérianité, dont l’Islam, l’amazighité et l’arabité constituent les fondements essentiels. C’est ainsi que le peuple pourra asseoir un véritable Etat de droit.
Propositions de sortie de crise
Le consensus actuel des véritables forces politiques converge vers l’élection d’une Assemblée Nationale Constituante.
Cette évolution pacifique vers la légitimité doit passer par une brève période de transition qui ne devrait pas excéder deux années. Nous sommes convaincus que cette phase ne pourrait se faire sans la participation active de l’institution militaire.
Avec la collaboration républicaine de l’institution militaire, principale force actuellement organisée, qui aura pour mission d’assurer la gestion sécuritaire du pays, pendant la phase de transition, un gouvernement provisoire sera mis en place et aura pour mission, en plus de la gestion publique de l’Etat, de s’acquitter de deux tâches essentielles :
1.Réunir une conférence nationale de toutes les volontés politiques sans exclusion aucune et de personnalités intellectuelles en vue de l’établissement d’un consensus politique historique autour des valeurs et principes démocratiques énoncés plus haut.
2.Préparation des élections de l’Assemblée Nationale Constituante.
Ce gouvernement provisoire sera secondé par un Conseil des Sages constitué de personnalités issues du mouvement National, connues pour leur probité, leur intégrité, leur sagesse et leur engagement pour le salut de leur pays.
Durant cette phase, l’armée saura imposer sa mission de préservation de la quiétude publique et de l’unité nationale. Elle éprouvera, en cette occasion, sa vocation républicaine de se maintenir hors de la gestion politique du pays, et préservera sa neutralité politique jusqu’à l’échéance finale qu’est la mise en place d’institutions démocratiquement élues.
Au terme de cette phase transitoire et conformément à un protocole conclu entre l’institution militaire et les instances élues, l’armée entamera son désengagement progressif des affaires politiques, pour s’orienter définitivement vers ses obligations, exclusivement militaires, clairement définies par la nouvelle Constitution.
Nous Algériennes et Algériens, interpellés par la gravité de la situation et inquiets quant à l’avenir de la Nation, devons cesser d’assister dans l’impuissance à la dévastation de notre propre pays. Nous devons nous engager en acteurs de notre propre Histoire et nous imposer en maîtres de notre destin. L’Algérie appartient à toutes les Algériennes et à tous les Algériens sans exclusion ni exclusive.
Nous en appelons à la conscience, au cœur et à la raison de toutes et de tous, Algériennes et Algériens, intellectuels et politiques, civils et militaires, pour s’unir et œuvrer ensemble, sans exclusion aucune et dans la sérénité à la véritable réconciliation et à la résolution définitive de la grave crise politique qui ébranle notre pays.
Nous ne saurions tourner cette sombre page de notre Histoire contemporaine, sans rien oublier de ce qui a été fomenté contre la nation. Œuvrons tous ensemble à la reconstruction de notre pays et à l’édification d’une société d’ouverture et de tolérance, libérée du joug de l’injustice, de la violence et de la terreur politique.
Soyons un peuple de bâtisseurs hardis qui hissera l’Algérie dans l’ère du 21ème siècle, pour la faire accéder à un futur radieux, serein et prospère.
Tous ensemble, œuvrons à l’instauration d’un Etat Algérien souverain, démocratique et social, dans le cadre de nos principes, des valeurs intrinsèques à notre identité et des valeurs universellement admises.
Ainsi nous aurons été fidèles à la mémoire des hommes libres de novembre 54 et au texte fondateur de la révolution libératrice.
Dieu et le peuple algérien sont témoins de nos paroles et de nos actes.
Algérie le 19 mars 2009
Signataires :
Zineb Azouz, Universitaire. (Constantine). Djamaleddine Benchenouf, Journaliste, (Lyon). Maâmar Boudersa, Universitaire, économiste (Constantine). Abdelkader Dehbi, Universitaire, (Alger). Abdelmalek Djoudi, Ingénieur Documentariste, (Lyon). Kamaleddine Fekhar, Médecin, Militant des Droits de l’Homme (Ghardaïa). Rachid Ghoreib, Journaliste (Canada). Ahmed Kaci, Journaliste, (Paris). Samy Khoukoum, Psychosociologue. (Paris). Madjid Laribi, Journaliste (Paris). Salah-Eddine Sidhoum, Chirurgien. (Alger). Ahmed Si Mozrag, Avocat, (Burkina Faso). Brahim Younessi, Politologue, (Paris). Ziani-Cherif Rachid, Médecin (Sidi Bel Abbés). Mohamed Larbi Zitout, Ex-diplomate. (Londres).
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