L’émigration des Marocains vers l’Algérie remonte au 19ème
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L’émigration des Marocains vers l’Algérie remonte au 19ème siècle et touche particulièrement les populations du nord oriental du Maroc. Par sa situation géographique, cette région a été historiquement ouverte sur l’ouest algérien. Oran est le port qui concurrence avec celui de Melilla.
La colonisation de l’Algérie a apporté l’implantation d’une nouvelle économie. Ainsi, le début du défrichement des terres pour la création des vignobles d’Oranie fut commencé par la main-d’œuvre espagnole. Mais celle-ci s’est rapidement fixée sur des propriétés acquises par son travail et ne fournit plus d’effectifs. La population algérienne avait été refoulée et manifestait peu d’enthousiasme à travailler sur les exploitations des nouveaux maîtres, ce qui la faisait traiter de “paresseuse” par ces derniers.
Ce sont là des raisons qui encouragèrent les colons à faire appel à la main-d’œuvre rifaine. Les Guelayas étaient les premiers parmi les Rifains à émigrer vers l’Algérie, étant donné leur situation près de Melilla, d’où ils embarquaient en bateau vers Oran. Cette émigration est devenue plus importante lorsqu’une liaison maritime régulière fut établie entre Melilla et Oran.
Les premiers témoignages situent le début de cette émigration vers la moitié du 19ème siècle: “Le 18 novembre 1852…les Espagnols de Melilla s’emparent d’une barque marchande appartenant à des Guelayas…Ces tribus viennent maintenant louer leurs bras aux colons à l’époque des moissons” (1). “De longue date, nous connaissons le Rifain, qui a coutume de venir en Algérie faire la moisson et les vendanges, comme un laborieux travailleur, courageux et probe. D’autre fois, il se montre un cheminot précieux et bien des kilomètres de rail furent posés par lui, en Oranie principalement” (2). En 1859, dans le Maroc inconnu, Mouliéras note que plus de 20.000 Rifains partent, chaque année, travailler chez les colons en Algérie (3).
L’émigration touchait toutes les couches sociales, surtout les paysans sans terres. Les véritables causes se trouvaient dans la pauvreté du Rif au niveau des ressources et les famines engendrées par les fréquentes sécheresses. L’ampleur de cette émigration n’a jamais été étudiée de manière précise. Les auteurs de la fin du 19ème siècle évaluent le nombre d’émigrants entre 30.000 et 35.000. En 1904, la Société Royale de géographie de Madrid l’estimait entre 40.000 et 50.000. Les statistiques algériennes, de 1911, évaluent le nombre des étrangers à 102.065 dans le département d’Oran et 58.268 à Alger. Il est à signaler que les Marocains, estimés à 19.442, ne sont pas classés parmi les étrangers (4).
D’après Milliot, dans les années trente du 20ème siècle, un cinquième de la population de certaines tribus rifaines était obligé de se déplacer à l’extérieur, notamment en Algérie pour pouvoir subsister (5). Cependant, F.B Pérez souligne que: “Il est nécessaire de noter que le Rifain n’est pas nomade et s’il s’expatrie, c’est qu’il est poussé par le manque de ressources. Par contre, ceux qui vivaient près des lieux de travail, comme les mines et les routes en construction, préféraient travailler sur place, même à un salaire inférieur à celui offert par les colons français en Algérie” (6). Ce facteur intervient de façon importante dans la définition de l’origine tribale des émigrants: les trois-quarts sont issus des tribus de Temsaman, Béni Saïd, Beni Touzine et Tafersit.
Les statistiques de cette période proviennent de deux sources: les entreprises de transport maritime donnent les chiffres des ouvriers rifains débarqués par elles à Oran (5.500 en 1930, 15.400 en 1931, et 11.30 en 1932) et le relevé sur les transports espagnols empruntant le pont international de la Moulouya (19.000 en 1930, 34.000 en 1931 et 29.800 en 1932). D’après les statistiques algériennes, le nombre de Marocains dans le département d’Oran, en 1936, est de 19.902, dont 4.395 dans la ville d’Oran et 15.507 dans les autres communes. (7)
Avec les sécheresses et les famines des années quarante, ce phénomène a pris une grande ampleur. Mais après l’indépendance du Maroc en 1956 et, surtout, de l’Algérie en 1962, le courant migratoire vers l’Algérie s’est arrêté complètement et subitement.
Dès 1963, le Maroc et l’Algérie ont signé des accords permettant de défendre la dignité et de protéger les intérêts de leurs communautés respectives. Les Marocains qui se sont installésdéfinitivement en Algérie ont été adoptés par la société algérienne. Les mariages mixtes ont tissé des liens de parenté qui ont élargi et enraciné la communauté marocaine en Algérie. La nouvelle génération travaille laborieusement en Algérie mais reste très attachée au Maroc, car fière de ses origines.
Toutefois, il ne se passe pas de décennie sans qu’un problème entre les deux pays (1963, 1975, 1981, 1994) vienne briser cette harmonie. Chacun de ces évènements a eu des répercussions sur la vie de la communauté marocaine résidant en Algérie. Cependant, selon nombreux témoignages les problèmes sont en général d’ordre administratif et loin de remettre en cause les liens fraternels existant entre les peuples marocain et algérien.
Notes:
(1) Duveyrier (H), “La dernière partie inconnue du littoral de la Méditerranée: le “Rif”, In Bulletin de la Géographie historique et Descriptive. Paris 1887.T.II, p.142.
(2) Taillis (Jean du), Un voyage dans le Rif, Paris, 1925, p. 332.
(3) Mouliéras (A), Le Maroc inconnu, volume 1, Paris, 1895.
(4) Mimoun (A), conférence: entre mondialisation et protection des droits-dynamiques migratoires marocaines: histoire, économie, politique et culture. Casablanca, le 13, 14 et 15 juin 2003.
(5) Milliot (L), “L’exode saisonnier des Rifains vers l’Algérie”, In Bulletin économique du Maroc 1933-1934, p. 313.
(6) Pérez (F.B.), Trabajadores rifenos en argelia, Tétouan, 1959, pp. 5-17
(7) Mimoun (A), op.cit.
Source: Libération.press.ma
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L’émigration des Marocains vers l’Algérie remonte au 19ème siècle et touche particulièrement les populations du nord oriental du Maroc. Par sa situation géographique, cette région a été historiquement ouverte sur l’ouest algérien. Oran est le port qui concurrence avec celui de Melilla.
La colonisation de l’Algérie a apporté l’implantation d’une nouvelle économie. Ainsi, le début du défrichement des terres pour la création des vignobles d’Oranie fut commencé par la main-d’œuvre espagnole. Mais celle-ci s’est rapidement fixée sur des propriétés acquises par son travail et ne fournit plus d’effectifs. La population algérienne avait été refoulée et manifestait peu d’enthousiasme à travailler sur les exploitations des nouveaux maîtres, ce qui la faisait traiter de “paresseuse” par ces derniers.
Ce sont là des raisons qui encouragèrent les colons à faire appel à la main-d’œuvre rifaine. Les Guelayas étaient les premiers parmi les Rifains à émigrer vers l’Algérie, étant donné leur situation près de Melilla, d’où ils embarquaient en bateau vers Oran. Cette émigration est devenue plus importante lorsqu’une liaison maritime régulière fut établie entre Melilla et Oran.
Les premiers témoignages situent le début de cette émigration vers la moitié du 19ème siècle: “Le 18 novembre 1852…les Espagnols de Melilla s’emparent d’une barque marchande appartenant à des Guelayas…Ces tribus viennent maintenant louer leurs bras aux colons à l’époque des moissons” (1). “De longue date, nous connaissons le Rifain, qui a coutume de venir en Algérie faire la moisson et les vendanges, comme un laborieux travailleur, courageux et probe. D’autre fois, il se montre un cheminot précieux et bien des kilomètres de rail furent posés par lui, en Oranie principalement” (2). En 1859, dans le Maroc inconnu, Mouliéras note que plus de 20.000 Rifains partent, chaque année, travailler chez les colons en Algérie (3).
L’émigration touchait toutes les couches sociales, surtout les paysans sans terres. Les véritables causes se trouvaient dans la pauvreté du Rif au niveau des ressources et les famines engendrées par les fréquentes sécheresses. L’ampleur de cette émigration n’a jamais été étudiée de manière précise. Les auteurs de la fin du 19ème siècle évaluent le nombre d’émigrants entre 30.000 et 35.000. En 1904, la Société Royale de géographie de Madrid l’estimait entre 40.000 et 50.000. Les statistiques algériennes, de 1911, évaluent le nombre des étrangers à 102.065 dans le département d’Oran et 58.268 à Alger. Il est à signaler que les Marocains, estimés à 19.442, ne sont pas classés parmi les étrangers (4).
D’après Milliot, dans les années trente du 20ème siècle, un cinquième de la population de certaines tribus rifaines était obligé de se déplacer à l’extérieur, notamment en Algérie pour pouvoir subsister (5). Cependant, F.B Pérez souligne que: “Il est nécessaire de noter que le Rifain n’est pas nomade et s’il s’expatrie, c’est qu’il est poussé par le manque de ressources. Par contre, ceux qui vivaient près des lieux de travail, comme les mines et les routes en construction, préféraient travailler sur place, même à un salaire inférieur à celui offert par les colons français en Algérie” (6). Ce facteur intervient de façon importante dans la définition de l’origine tribale des émigrants: les trois-quarts sont issus des tribus de Temsaman, Béni Saïd, Beni Touzine et Tafersit.
Les statistiques de cette période proviennent de deux sources: les entreprises de transport maritime donnent les chiffres des ouvriers rifains débarqués par elles à Oran (5.500 en 1930, 15.400 en 1931, et 11.30 en 1932) et le relevé sur les transports espagnols empruntant le pont international de la Moulouya (19.000 en 1930, 34.000 en 1931 et 29.800 en 1932). D’après les statistiques algériennes, le nombre de Marocains dans le département d’Oran, en 1936, est de 19.902, dont 4.395 dans la ville d’Oran et 15.507 dans les autres communes. (7)
Avec les sécheresses et les famines des années quarante, ce phénomène a pris une grande ampleur. Mais après l’indépendance du Maroc en 1956 et, surtout, de l’Algérie en 1962, le courant migratoire vers l’Algérie s’est arrêté complètement et subitement.
Dès 1963, le Maroc et l’Algérie ont signé des accords permettant de défendre la dignité et de protéger les intérêts de leurs communautés respectives. Les Marocains qui se sont installésdéfinitivement en Algérie ont été adoptés par la société algérienne. Les mariages mixtes ont tissé des liens de parenté qui ont élargi et enraciné la communauté marocaine en Algérie. La nouvelle génération travaille laborieusement en Algérie mais reste très attachée au Maroc, car fière de ses origines.
Toutefois, il ne se passe pas de décennie sans qu’un problème entre les deux pays (1963, 1975, 1981, 1994) vienne briser cette harmonie. Chacun de ces évènements a eu des répercussions sur la vie de la communauté marocaine résidant en Algérie. Cependant, selon nombreux témoignages les problèmes sont en général d’ordre administratif et loin de remettre en cause les liens fraternels existant entre les peuples marocain et algérien.
Notes:
(1) Duveyrier (H), “La dernière partie inconnue du littoral de la Méditerranée: le “Rif”, In Bulletin de la Géographie historique et Descriptive. Paris 1887.T.II, p.142.
(2) Taillis (Jean du), Un voyage dans le Rif, Paris, 1925, p. 332.
(3) Mouliéras (A), Le Maroc inconnu, volume 1, Paris, 1895.
(4) Mimoun (A), conférence: entre mondialisation et protection des droits-dynamiques migratoires marocaines: histoire, économie, politique et culture. Casablanca, le 13, 14 et 15 juin 2003.
(5) Milliot (L), “L’exode saisonnier des Rifains vers l’Algérie”, In Bulletin économique du Maroc 1933-1934, p. 313.
(6) Pérez (F.B.), Trabajadores rifenos en argelia, Tétouan, 1959, pp. 5-17
(7) Mimoun (A), op.cit.
Source: Libération.press.ma
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