Les dessous des rapports entre Hizb El Istiqlal et l'armée de libération marocaine qui a été crée par des algériens.
Mémoires d’un combattant
Le Rif entre la monarchie, l’Armée de libération nationale et le parti de l’Istiqlal est un ouvrage paru au Maroc l’été dernier (2001). Il porte sur l’histoire politique du Rif du 19e siècle jusqu’à la révolte de 1958-1959. L’ouvrage a soulevé des vives polémiques dans la presse marocaine.
La nouveauté de ce livre est une interview, jusqu’à présent inédite, que l’auteur a pris le soin d’ajouter à la fin de son ouvrage. Le document contient des témoignages authentiques sur le rôle du parti de l’Istiqlal (nationaliste arabe) dans les crimes commis au Rif entre 1958 et 1959 et sur une période importante de lutte contre le colonialisme. Ces témoignages sont ceux de Mohand Sillam Amezyane (1926-1996).
L’interview est faite peu de temps avant sa mort en exil aux Pays-Bas. Ci-dessous la traduction complète, faite par H. Amouch avec l’aimable autorisation de l’auteur du livre, Mustapha Aarab. Prière de respecter les droits de l’auteur.
Interview inédite
Quelle était votre relation avec Abdelkrim Khattabi ?[/size]
L’ intérêt que je porte à Abdelkrim Khattabi a commencé dès mon enfance. Je suis né le jour de son exil (1926). Mes parents et notre communauté parlaient souvent de lui. La situation dans laquelle nous vivions à l’époque rendait les choses faciles pour en parler. Mais mon contact direct avec lui s’est fait le jour où j’ai mis mes pieds au Caire. Le peuple marocain parlait beaucoup de lui à cette époque; ce qui a poussé la France et l’Espagne à prendre les mesures nécessaires. [/size]
Avant ce contact au Caire, j’avais essayé de le rencontrer en compagnie de quelques jeunes hommes parmi lesquels mon frère. Mais, lorsque nous nous sommes mis en route pour le Caire, les autorités espagnoles m’ont interdit de quitter le Maroc tout en autorisant les autres à poursuivre leur chemin. Mon frère et moi sommes rentrés à Fès. Mais je n’avais pas de travail. Je venais juste de finir mes études.
J’étais en contact avec un professeur algérien de l’école industrielle dans la nouvelle ville. J’étais à cette école aussi. Nous discutions souvent du sujet d’Abdelkrim. Son père était un fidèle d’Abdelkrim. De son temps, il pensait lui-même à déclencher une guerre en Algérie. Pour l’aider, il avait envoyé un groupe de combattants. Nous connaissions chacun par nom. L’Algérien m’a dit qu’Adbelkrim avait terrifié les Français et que ces derniers avaient décidé de s’occuper de la modernisation de l’enseignement arabe et de sa généralisation dans la campagne et dans les villes marocaines. Ils voulaient s’occuper de l’enseignement pour contrer la révolte et la résistance du peuple. Mais comment pouvaient-ils y parvenir? Abdelkrim était un révolutionnaire et les Français ne pouvaient pas arrêter sa révolution. On entendait les gens en parler dans les cafés et dans la rue.
Mon ami m’a donc dit que l’inspecteur avait décidé de réorganiser l’enseignement moderne pour les enfants. J’ai profité de cette occasion pour me présenter, moi et quelques autres candidats. L’expérience ainsi que les leçons étaient nouvelles pour nous. J’aimais les études et j’ai décidé donc de suivre un enseignement à l’école industrielle. J’ai passé mes examens finaux en présence du professeur algérien et de l’inspecteur. J’ai eu de la chance de réussir. Nous étions deux à passer : un tunisien et moi-même, parmi quelque quarante étudiants... Suite à cela, on m’a offert un poste dans la même école à Boujloud. Mais l’inspecteur m’a convaincu d’aller au village Bamhamad. On voulait introduire l’enseignement dans la campagne. Ainsi, je me suis trouvé dans ce village qui était actif pendant la révolte d’Abdelkrim et de son frère.
Je voulais donc en savoir plus sur ce village du sud. Il y avait cinq caïds dont certains ont aussi servi au temps d’Adbelkrim. Mais le village est devenu un centre actif de collaboration. Le commandant était un espion. Les enfants de Bamhamad étaient aussi des collaborateurs. Le caïd soufi qui fut prisonnier de guerre au temps de la guerre au Rif, est devenu aussi un collaborateur. Je l’ai rencontré. Je me suis présenté en tant que Tangérois (de Tanger). J’ai caché mon identité rifaine.
J’ai donc commencé mon travail et peu à peu j’ai pu gagner la confiance des caïds. J’ai commencé par leur organiser des leçons sur l’histoire du Maroc chez moi. J’ai fait la même chose avec les élèves et les fonctionnaires. La situation générale du village s’améliorait peu à peu. Mais le directeur de l’école me tracassait toujours. Il ne m’aimait pas. Un jour, j’ai appris que le Résident général de France allait visiter notre village en compagnie des dirigeants marocains. On s’est mis à préparer une grande fête de réception. On disait que les visiteurs allaient parler du Trône. On avait désigné un candidat. C’était un disciple des Ketanis [1] qui était aussi professeur à Fès. Je le connaissais par hasard. Puisque je maîtrisais l’arabe, on m’a choisi donc pour tenir le discours d’ouverture devant le Résident Général et devant les fonctionnaires.
J’ai rédigé deux discours. Le premier contient la présence de la France au Maroc et ses efforts de développement du pays... Après moi, viendra le tour du Commandant, des fonctionnaires et du Juge. J’ai gardé le deuxième discours pour moi-même afin de le lire devant le Résident Général. Fidèle à la réalité du pays, mon discours contenait tout à fait le contraire. Il y avait une centaine de pachas et de caïds. À peine le juge a fini son discours que je me suis précipité à prendre la parole. La plus part des invités comprenait l’Arabe. Ils se sont interrompu et m’ont coupé la parole. Au soir, lorsque je suis rentré chez moi, le Résident Général est venu m’annoncer qu’il m’était interdit de quitter mon foyer jusqu’à nouvel ordre. Après deux ou trois jours, le Gouverneur de Fès est venu me voir en compagnie du pacha Fatmi Ben Sliman et de la police. On m’a interdit de voyager à Tanger.
à suivre[/size][/size]
Mémoires d’un combattant
Le Rif entre la monarchie, l’Armée de libération nationale et le parti de l’Istiqlal est un ouvrage paru au Maroc l’été dernier (2001). Il porte sur l’histoire politique du Rif du 19e siècle jusqu’à la révolte de 1958-1959. L’ouvrage a soulevé des vives polémiques dans la presse marocaine.
La nouveauté de ce livre est une interview, jusqu’à présent inédite, que l’auteur a pris le soin d’ajouter à la fin de son ouvrage. Le document contient des témoignages authentiques sur le rôle du parti de l’Istiqlal (nationaliste arabe) dans les crimes commis au Rif entre 1958 et 1959 et sur une période importante de lutte contre le colonialisme. Ces témoignages sont ceux de Mohand Sillam Amezyane (1926-1996).
L’interview est faite peu de temps avant sa mort en exil aux Pays-Bas. Ci-dessous la traduction complète, faite par H. Amouch avec l’aimable autorisation de l’auteur du livre, Mustapha Aarab. Prière de respecter les droits de l’auteur.
Interview inédite
Quelle était votre relation avec Abdelkrim Khattabi ?[/size]
L’ intérêt que je porte à Abdelkrim Khattabi a commencé dès mon enfance. Je suis né le jour de son exil (1926). Mes parents et notre communauté parlaient souvent de lui. La situation dans laquelle nous vivions à l’époque rendait les choses faciles pour en parler. Mais mon contact direct avec lui s’est fait le jour où j’ai mis mes pieds au Caire. Le peuple marocain parlait beaucoup de lui à cette époque; ce qui a poussé la France et l’Espagne à prendre les mesures nécessaires. [/size]
Mohand Sillam Amezyane |
J’étais en contact avec un professeur algérien de l’école industrielle dans la nouvelle ville. J’étais à cette école aussi. Nous discutions souvent du sujet d’Abdelkrim. Son père était un fidèle d’Abdelkrim. De son temps, il pensait lui-même à déclencher une guerre en Algérie. Pour l’aider, il avait envoyé un groupe de combattants. Nous connaissions chacun par nom. L’Algérien m’a dit qu’Adbelkrim avait terrifié les Français et que ces derniers avaient décidé de s’occuper de la modernisation de l’enseignement arabe et de sa généralisation dans la campagne et dans les villes marocaines. Ils voulaient s’occuper de l’enseignement pour contrer la révolte et la résistance du peuple. Mais comment pouvaient-ils y parvenir? Abdelkrim était un révolutionnaire et les Français ne pouvaient pas arrêter sa révolution. On entendait les gens en parler dans les cafés et dans la rue.
Mon ami m’a donc dit que l’inspecteur avait décidé de réorganiser l’enseignement moderne pour les enfants. J’ai profité de cette occasion pour me présenter, moi et quelques autres candidats. L’expérience ainsi que les leçons étaient nouvelles pour nous. J’aimais les études et j’ai décidé donc de suivre un enseignement à l’école industrielle. J’ai passé mes examens finaux en présence du professeur algérien et de l’inspecteur. J’ai eu de la chance de réussir. Nous étions deux à passer : un tunisien et moi-même, parmi quelque quarante étudiants... Suite à cela, on m’a offert un poste dans la même école à Boujloud. Mais l’inspecteur m’a convaincu d’aller au village Bamhamad. On voulait introduire l’enseignement dans la campagne. Ainsi, je me suis trouvé dans ce village qui était actif pendant la révolte d’Abdelkrim et de son frère.
Je voulais donc en savoir plus sur ce village du sud. Il y avait cinq caïds dont certains ont aussi servi au temps d’Adbelkrim. Mais le village est devenu un centre actif de collaboration. Le commandant était un espion. Les enfants de Bamhamad étaient aussi des collaborateurs. Le caïd soufi qui fut prisonnier de guerre au temps de la guerre au Rif, est devenu aussi un collaborateur. Je l’ai rencontré. Je me suis présenté en tant que Tangérois (de Tanger). J’ai caché mon identité rifaine.
Abdelkrim Khattabi |
J’ai donc commencé mon travail et peu à peu j’ai pu gagner la confiance des caïds. J’ai commencé par leur organiser des leçons sur l’histoire du Maroc chez moi. J’ai fait la même chose avec les élèves et les fonctionnaires. La situation générale du village s’améliorait peu à peu. Mais le directeur de l’école me tracassait toujours. Il ne m’aimait pas. Un jour, j’ai appris que le Résident général de France allait visiter notre village en compagnie des dirigeants marocains. On s’est mis à préparer une grande fête de réception. On disait que les visiteurs allaient parler du Trône. On avait désigné un candidat. C’était un disciple des Ketanis [1] qui était aussi professeur à Fès. Je le connaissais par hasard. Puisque je maîtrisais l’arabe, on m’a choisi donc pour tenir le discours d’ouverture devant le Résident Général et devant les fonctionnaires.
J’ai rédigé deux discours. Le premier contient la présence de la France au Maroc et ses efforts de développement du pays... Après moi, viendra le tour du Commandant, des fonctionnaires et du Juge. J’ai gardé le deuxième discours pour moi-même afin de le lire devant le Résident Général. Fidèle à la réalité du pays, mon discours contenait tout à fait le contraire. Il y avait une centaine de pachas et de caïds. À peine le juge a fini son discours que je me suis précipité à prendre la parole. La plus part des invités comprenait l’Arabe. Ils se sont interrompu et m’ont coupé la parole. Au soir, lorsque je suis rentré chez moi, le Résident Général est venu m’annoncer qu’il m’était interdit de quitter mon foyer jusqu’à nouvel ordre. Après deux ou trois jours, le Gouverneur de Fès est venu me voir en compagnie du pacha Fatmi Ben Sliman et de la police. On m’a interdit de voyager à Tanger.
à suivre[/size][/size]