Reportage (Samedi 07 Février 2009)
Ils investissent les chantiers d’habitations à l’ouest
Alerte aux ouvriers clandestins marocains
Par : Said Oussad
“La route du pain est amère. Amère, longue et parfois sans issue”, l’homme recouvert d’une fine pellicule blanche remonte sur l’échelle en nous jetant un dernier coup d’œil avant de s’attaquer au plafond de ce qui va devenir le salon d’une villa cossue dans un quartier résidentiel de la périphérie d’Oran.
Lui, c’est Khaled, la quarantaine, un front fuyant et une calvitie naissante qui encadre des sourcils broussailleux. Vêtu d’un bleu de Shanghai et chaussé de mocassins bon marché, il travaille dans ce chantier depuis presque dix jours. “Je sors uniquement que lorsque j’ai impérativement besoin de le faire, sinon je mange ici et je dors dans ce coin”, en montrant de son index abîmé un petit réduit improvisé en chambre à coucher. La raison de cet ermitage forcé est la crainte de l’homme de se faire prendre dans une rafle ou de tomber sur un contrôle d’identité. Marocain de Fès, Khaled est à l’image des clandestins marocains qui rentrent chaque jour en Algérie via les frontières ouest pour y travailler. Sur le comment et le pourquoi de sa présence à Oran, Khaled éludera la première interrogation, esquissera un sourire triste et, secouant la tête, répondra, simplement, “khobza morra”. Les statistiques officielles de la Gendarmerie nationale et des services de police démontrent clairement que le phénomène de l’immigration clandestine marocaine en direction du territoire algérien ne cesse de prendre de l’ampleur année après année. Faisant partie d’un contingent de clandestins regroupant de multiples nationalités, les Marocains arrivent en tête des ressortissants étrangers arrêtés en situation irrégulière et reconduits aux frontières. Sur une période courant du 1er janvier 2005 jusqu’au 19 septembre 2006, les chiffres du BRIC, la Brigade régionale d’investigation et de lutte contre l’immigration clandestine, révèlent que 294 Marocains ont été appréhendés et reconduits à la frontière. Deux ans plus tôt, ce sont 91 sujets de Sa Majesté arrêtés en situation irrégulière qui connaîtront le même sort. Par ailleurs, le bilan de la Sûreté de wilaya de Tlemcen, s'étalant du 1er janvier 2008 jusqu’au 25 novembre de la même année, fait état de l'interpellation et de l'arrestation de pas moins de 1 418 ressortissants étrangers, dont plus d'un millier de nationalité marocaine. 136 d'entre eux ont été placés sous mandat de dépôt et 1 264 autres refoulés vers leur pays d'origine. Ces statistiques, même incomplètes, renseignent sur l’importance du phénomène et des proportions qu’il prend.
Les raisons d’un exode
Pour les sociologues, cette migration “forcée” vers l’Algérie est rendue nécessaire pour fuir les conditions économiques difficiles du royaume. Un raisonnement approuvé par les nombreux témoignages de clandestins marocains rencontrés et qui justifient leur présence en Algérie pour du boulot, même au noir, en prenant tous les risques. “Bah, si je me fais coincer, c’est simple, une fois qu’on m’expulse, je reviendrai le lendemain”, explique fataliste Abdellaâli. Il en parle en connaissance de cause puisque son frère s’est fait coincer, deux ans plus tôt du côté de Aïn El-Turck. Présenté devant la justice et reconduit à la frontière, “deux jours plus tard, il était de retour”, racontera Abdellaâli qui s’est installé, avec femme et enfants, à Tlemcen, après plusieurs années de navette entre Fès et les villes algériennes en plein boom de construction. “La demande était alors forte et les nouveaux riches recherchaient la main-d’œuvre marocaine réputée experte dans la faïencerie et dans le travail du plâtre”, expliquera Hichem, la trentaine. Également en situation irrégulière, Hichem s’est fondu dans le décor ambiant et n’hésite aucunement à avoir une véritable vie sociale en dehors de ses heures de travail. “Tu sais, on n’a pas le handicap des autres clans africains qui transitent par l’Algérie, alors on peut circuler tranquillement dans n’importe quelle ville algérienne et c’est rare qu’on se fasse coincer dans les grandes agglomérations ; mais parfois, on est victime de dénonciation de la part même de ceux qui ont fait appel à nous pour ne pas nous payer”, révélera-t-il. Cette pratique, même si elle n’est pas courante dans le milieu, arrive parfois lorsque le client est de mauvaise foi. Pour Mahmoud, fils de Tlemcen et parfait connaisseur du microcosme local, “ces mésaventures peuvent survenir, même si elles ne sont pas fréquentes, et c’est généralement un client qui, à la fin du chantier et au moment de mettre la main à la poche, appelle une connaissance ou un parent travaillant dans les services de sécurité et l’informe de la présence de ‘‘son’’ clandestin. Celui-ci est alors cueilli par les uniformes et reconduit à la frontière après son passage devant la justice”, racontera-t-il. Cependant, l’ouvrier finit toujours par revenir et récupérer son dû. Quant à Abed Mouad, le coordinateur du bureau de wilaya d’Oran de l’Union générale des commerçants et des artisans algériens, la présence de clandestins marocains en Algérie et plus particulièrement sur le triangle Tlemcen - Oran - Sidi Bel-Abbès, est une réalité qui, à la longue, peut faire mal à l’économie de la région.
À l’ombre du Makhzen
“Ce phénomène n’est pas nouveau et les Marocains ont toujours travaillé en Algérie mais ce qui nous handicape, c’est qu’ils ont investi plusieurs activités dans le secteur de l’artisanat au détriment de la main- d’œuvre locale”. Il citera en exemple la confection des djellabas marocaines et la confiscation d’un savoir-faire qui peut-être d’une grande utilité dans la résorption du chômage parmi les jeunes. Mouad, pour la circonstance, proposera comme parade à cet exode alaouite, la légalisation de certains travailleurs clandestins pour former les jeunes stagiaires inscrits dans les centres de formation professionnelle. “Les CFPA ne forment pas nos jeunes dans les domaines spécialisés”, affirmera-t-il. Cependant, cette proposition ne risque pas de faire du chemin puisque la législation algérienne est claire à ce sujet, mais pour notre interlocuteur, il faut revoir la nomenclature en vigueur. Justifiant la présence massive de Marocains sur les chantiers de construction à Oran, le responsable local de l’UGCAA dira que “la ville a de tout temps importé la main- d’œuvre pour ses chantiers et c’étaient les gens de Relizane, de Chlef ou encore de Maghnia, dans les années 70, qui avaient la cote”. Concernant la fréquence et le nombre de Marocains qui entrent sur le territoire national, Abdellaâli l’estimera à quelque 120 clandestins par jour. Devant notre moue dubitative, il aura un sourire amusé en affirmant que ces chiffres sont encore loin de la réalité. “Entre les deux pays, la frontière n’existe pas pour nous et ils ont beau renforcer les contrôles, on passera toujours à travers les grottes et les tunnels creusés par la nature”, dira-t-il pour étayer ses assertions. En effet, le tracé frontalier est tel, que parfois, on ne sait plus sur quel territoire on se trouve et, de plus, les liens de parenté sont toujours présents, et fortement, que même les tensions politiques entre les deux capitales ne peuvent avoir de répercussions sur elles.
Quant aux destinations prisées par les clandestins, elles sont là où existe le travail. “Il y a même des cousins qui poussent jusqu’à Alger ou Annaba parce qu’on a fait appel à leurs compétences”, soulignera Hichem qui tiendra à expliquer que ses frères n’investissent pas tous les secteurs d’activité. “Notre spécialité est le travail de la faïence, du plâtre et du carrelage”. Abdellaâli détaillera les opérations en insistant sur la qualité du travail fait et les prix pratiqués. “Pour la faïence, il existe une différence de prix de 100 à 150 DA pour le m2 entre l’Algérie et le Maroc et nos tarifs épousent ce qui se fait sur le marché. Nous prenons de 400 à 500 DA le m2, selon la demande exprimée, alors que le cours sur le marché varie entre 300 à 800 DA”.
Les circuits de la prostitution
Cependant, et malgré la bonne qualité du travail, les meilleurs artisans marocains se rendent plutôt en Espagne ou en Italie, où la demande reste forte et très bien rémunérée.
Mahmoud affirmera, pour sa part, que mis à part ces trois rayons, en plus de la préparation de gâteaux traditionnels pour les femmes, les Marocains ne s’intéressent pas à d’autres activités. “En période estivale, ce sont plutôt les Marocaines qui sont sollicitées pour s’occuper des fourneaux”, ajoutera-t-il. Des Marocaines sont également recrutées dans les circuits de la prostitution et sont envoyées dans les grandes villes pour alimenter les maisons closes clandestines. Au contraire des idées reçues, cette arrivée massive des clandestins marocains n’obéit à aucun réseau structuré mais s’est installée, avec le temps, s’alimentant de bouche à oreille. La seule constante dans le rituel du passage des frontières est la présence des passeurs. Selon certaines indiscrétions de nos différents interlocuteurs, la traversée des frontières est assurée par un nombre vraiment réduit de passeurs travaillant à l’ombre des mkhaznia. “Chacun paye le passeur 2 500 DA pour l’aller et le même tarif pour le retour”, dira Abdellaâli. Cependant, l’autre moyen de rentrer en Algérie passe par le circuit formel, puisque le candidat à la clandestinité, après avoir acheté un billet d’avion aller-retour, s’embarque le plus légalement du Maroc sur un avion en partance vers un aéroport algérien, se fait estampiller son passeport par les Douanes nationales et peut circuler librement sur le territoire.
Sinon, le schéma classique est simple et débute par un appel téléphonique d’un Marocain qui travaille déjà en Algérie et qui demande des renforts pour terminer un chantier. La commande passée, les renforts sont pris en charge depuis leur ville quelque part au Maroc jusqu’à Oujda, par le passeur marocain. Arrivés à la frontière et une fois celle-ci traversée, c’est au tour d’un passeur algérien de prendre le relais et de les conduire jusqu’à Maghnia, l’opération étant supervisée par téléphone.
À cet effet, il est utile de souligner qu'en matière d'immigration clandestine, la ville de Maghnia est devenue une véritable plaque tournante pour les filières africaine, asiatique et marocaine qui ne cessent de prendre de l'ampleur, s'accordent à dire de nombreux experts en la matière.
S. O
Ils investissent les chantiers d’habitations à l’ouest
Alerte aux ouvriers clandestins marocains
Par : Said Oussad
“La route du pain est amère. Amère, longue et parfois sans issue”, l’homme recouvert d’une fine pellicule blanche remonte sur l’échelle en nous jetant un dernier coup d’œil avant de s’attaquer au plafond de ce qui va devenir le salon d’une villa cossue dans un quartier résidentiel de la périphérie d’Oran.
Lui, c’est Khaled, la quarantaine, un front fuyant et une calvitie naissante qui encadre des sourcils broussailleux. Vêtu d’un bleu de Shanghai et chaussé de mocassins bon marché, il travaille dans ce chantier depuis presque dix jours. “Je sors uniquement que lorsque j’ai impérativement besoin de le faire, sinon je mange ici et je dors dans ce coin”, en montrant de son index abîmé un petit réduit improvisé en chambre à coucher. La raison de cet ermitage forcé est la crainte de l’homme de se faire prendre dans une rafle ou de tomber sur un contrôle d’identité. Marocain de Fès, Khaled est à l’image des clandestins marocains qui rentrent chaque jour en Algérie via les frontières ouest pour y travailler. Sur le comment et le pourquoi de sa présence à Oran, Khaled éludera la première interrogation, esquissera un sourire triste et, secouant la tête, répondra, simplement, “khobza morra”. Les statistiques officielles de la Gendarmerie nationale et des services de police démontrent clairement que le phénomène de l’immigration clandestine marocaine en direction du territoire algérien ne cesse de prendre de l’ampleur année après année. Faisant partie d’un contingent de clandestins regroupant de multiples nationalités, les Marocains arrivent en tête des ressortissants étrangers arrêtés en situation irrégulière et reconduits aux frontières. Sur une période courant du 1er janvier 2005 jusqu’au 19 septembre 2006, les chiffres du BRIC, la Brigade régionale d’investigation et de lutte contre l’immigration clandestine, révèlent que 294 Marocains ont été appréhendés et reconduits à la frontière. Deux ans plus tôt, ce sont 91 sujets de Sa Majesté arrêtés en situation irrégulière qui connaîtront le même sort. Par ailleurs, le bilan de la Sûreté de wilaya de Tlemcen, s'étalant du 1er janvier 2008 jusqu’au 25 novembre de la même année, fait état de l'interpellation et de l'arrestation de pas moins de 1 418 ressortissants étrangers, dont plus d'un millier de nationalité marocaine. 136 d'entre eux ont été placés sous mandat de dépôt et 1 264 autres refoulés vers leur pays d'origine. Ces statistiques, même incomplètes, renseignent sur l’importance du phénomène et des proportions qu’il prend.
Les raisons d’un exode
Pour les sociologues, cette migration “forcée” vers l’Algérie est rendue nécessaire pour fuir les conditions économiques difficiles du royaume. Un raisonnement approuvé par les nombreux témoignages de clandestins marocains rencontrés et qui justifient leur présence en Algérie pour du boulot, même au noir, en prenant tous les risques. “Bah, si je me fais coincer, c’est simple, une fois qu’on m’expulse, je reviendrai le lendemain”, explique fataliste Abdellaâli. Il en parle en connaissance de cause puisque son frère s’est fait coincer, deux ans plus tôt du côté de Aïn El-Turck. Présenté devant la justice et reconduit à la frontière, “deux jours plus tard, il était de retour”, racontera Abdellaâli qui s’est installé, avec femme et enfants, à Tlemcen, après plusieurs années de navette entre Fès et les villes algériennes en plein boom de construction. “La demande était alors forte et les nouveaux riches recherchaient la main-d’œuvre marocaine réputée experte dans la faïencerie et dans le travail du plâtre”, expliquera Hichem, la trentaine. Également en situation irrégulière, Hichem s’est fondu dans le décor ambiant et n’hésite aucunement à avoir une véritable vie sociale en dehors de ses heures de travail. “Tu sais, on n’a pas le handicap des autres clans africains qui transitent par l’Algérie, alors on peut circuler tranquillement dans n’importe quelle ville algérienne et c’est rare qu’on se fasse coincer dans les grandes agglomérations ; mais parfois, on est victime de dénonciation de la part même de ceux qui ont fait appel à nous pour ne pas nous payer”, révélera-t-il. Cette pratique, même si elle n’est pas courante dans le milieu, arrive parfois lorsque le client est de mauvaise foi. Pour Mahmoud, fils de Tlemcen et parfait connaisseur du microcosme local, “ces mésaventures peuvent survenir, même si elles ne sont pas fréquentes, et c’est généralement un client qui, à la fin du chantier et au moment de mettre la main à la poche, appelle une connaissance ou un parent travaillant dans les services de sécurité et l’informe de la présence de ‘‘son’’ clandestin. Celui-ci est alors cueilli par les uniformes et reconduit à la frontière après son passage devant la justice”, racontera-t-il. Cependant, l’ouvrier finit toujours par revenir et récupérer son dû. Quant à Abed Mouad, le coordinateur du bureau de wilaya d’Oran de l’Union générale des commerçants et des artisans algériens, la présence de clandestins marocains en Algérie et plus particulièrement sur le triangle Tlemcen - Oran - Sidi Bel-Abbès, est une réalité qui, à la longue, peut faire mal à l’économie de la région.
À l’ombre du Makhzen
“Ce phénomène n’est pas nouveau et les Marocains ont toujours travaillé en Algérie mais ce qui nous handicape, c’est qu’ils ont investi plusieurs activités dans le secteur de l’artisanat au détriment de la main- d’œuvre locale”. Il citera en exemple la confection des djellabas marocaines et la confiscation d’un savoir-faire qui peut-être d’une grande utilité dans la résorption du chômage parmi les jeunes. Mouad, pour la circonstance, proposera comme parade à cet exode alaouite, la légalisation de certains travailleurs clandestins pour former les jeunes stagiaires inscrits dans les centres de formation professionnelle. “Les CFPA ne forment pas nos jeunes dans les domaines spécialisés”, affirmera-t-il. Cependant, cette proposition ne risque pas de faire du chemin puisque la législation algérienne est claire à ce sujet, mais pour notre interlocuteur, il faut revoir la nomenclature en vigueur. Justifiant la présence massive de Marocains sur les chantiers de construction à Oran, le responsable local de l’UGCAA dira que “la ville a de tout temps importé la main- d’œuvre pour ses chantiers et c’étaient les gens de Relizane, de Chlef ou encore de Maghnia, dans les années 70, qui avaient la cote”. Concernant la fréquence et le nombre de Marocains qui entrent sur le territoire national, Abdellaâli l’estimera à quelque 120 clandestins par jour. Devant notre moue dubitative, il aura un sourire amusé en affirmant que ces chiffres sont encore loin de la réalité. “Entre les deux pays, la frontière n’existe pas pour nous et ils ont beau renforcer les contrôles, on passera toujours à travers les grottes et les tunnels creusés par la nature”, dira-t-il pour étayer ses assertions. En effet, le tracé frontalier est tel, que parfois, on ne sait plus sur quel territoire on se trouve et, de plus, les liens de parenté sont toujours présents, et fortement, que même les tensions politiques entre les deux capitales ne peuvent avoir de répercussions sur elles.
Quant aux destinations prisées par les clandestins, elles sont là où existe le travail. “Il y a même des cousins qui poussent jusqu’à Alger ou Annaba parce qu’on a fait appel à leurs compétences”, soulignera Hichem qui tiendra à expliquer que ses frères n’investissent pas tous les secteurs d’activité. “Notre spécialité est le travail de la faïence, du plâtre et du carrelage”. Abdellaâli détaillera les opérations en insistant sur la qualité du travail fait et les prix pratiqués. “Pour la faïence, il existe une différence de prix de 100 à 150 DA pour le m2 entre l’Algérie et le Maroc et nos tarifs épousent ce qui se fait sur le marché. Nous prenons de 400 à 500 DA le m2, selon la demande exprimée, alors que le cours sur le marché varie entre 300 à 800 DA”.
Les circuits de la prostitution
Cependant, et malgré la bonne qualité du travail, les meilleurs artisans marocains se rendent plutôt en Espagne ou en Italie, où la demande reste forte et très bien rémunérée.
Mahmoud affirmera, pour sa part, que mis à part ces trois rayons, en plus de la préparation de gâteaux traditionnels pour les femmes, les Marocains ne s’intéressent pas à d’autres activités. “En période estivale, ce sont plutôt les Marocaines qui sont sollicitées pour s’occuper des fourneaux”, ajoutera-t-il. Des Marocaines sont également recrutées dans les circuits de la prostitution et sont envoyées dans les grandes villes pour alimenter les maisons closes clandestines. Au contraire des idées reçues, cette arrivée massive des clandestins marocains n’obéit à aucun réseau structuré mais s’est installée, avec le temps, s’alimentant de bouche à oreille. La seule constante dans le rituel du passage des frontières est la présence des passeurs. Selon certaines indiscrétions de nos différents interlocuteurs, la traversée des frontières est assurée par un nombre vraiment réduit de passeurs travaillant à l’ombre des mkhaznia. “Chacun paye le passeur 2 500 DA pour l’aller et le même tarif pour le retour”, dira Abdellaâli. Cependant, l’autre moyen de rentrer en Algérie passe par le circuit formel, puisque le candidat à la clandestinité, après avoir acheté un billet d’avion aller-retour, s’embarque le plus légalement du Maroc sur un avion en partance vers un aéroport algérien, se fait estampiller son passeport par les Douanes nationales et peut circuler librement sur le territoire.
Sinon, le schéma classique est simple et débute par un appel téléphonique d’un Marocain qui travaille déjà en Algérie et qui demande des renforts pour terminer un chantier. La commande passée, les renforts sont pris en charge depuis leur ville quelque part au Maroc jusqu’à Oujda, par le passeur marocain. Arrivés à la frontière et une fois celle-ci traversée, c’est au tour d’un passeur algérien de prendre le relais et de les conduire jusqu’à Maghnia, l’opération étant supervisée par téléphone.
À cet effet, il est utile de souligner qu'en matière d'immigration clandestine, la ville de Maghnia est devenue une véritable plaque tournante pour les filières africaine, asiatique et marocaine qui ne cessent de prendre de l'ampleur, s'accordent à dire de nombreux experts en la matière.
S. O