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La tentative de coup d’Etat au Maroc en 1971

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admin"SNP1975"

admin
Admin

La tentative de coup d’Etat au Maroc en 1971
Par Youssef Ziraoui,
Mehdi Sekkouri Alaoui
et Ayla Mrabet
Histoire. Les minutes d’un anniversaire sanglant






Le 10 juillet 1971, plus de 1000 invités se rendent au palais royal de Skhirat pour célébrer le 42ème anniversaire de Hassan II. Parmi eux des personnalités de tous bords, politiciens, sécuritaires, hommes d’affaires, artistes, etc. La fête est gâchée par… une tentative de coup d’Etat, fomentée par un militaire de 36 ans, le lieutenant-colonel M’hamed Ababou. Bilan de la journée : plus de 500 morts, 8 tonnes de munitions utilisées, des blessés par centaines, 10 condamnations à mort, plusieurs exécutions sommaires, etc. Et une grosse frayeur pour Hassan II, qui a failli y laisser son trône. TelQuel reconstitue les faits, dans le détail, d’une journée exceptionnelle. Avec de nouvelles

révélations, des témoignages inédits, des clés pour mieux comprendre la suite : Tazmamart, un nouveau cycle d’années de plomb, et un besoin, le vôtre, le nôtre, de relire une page importante de notre histoire. 24 heures, donc, où tout a failli basculer...

2 heures du matin. Le clairon sonne plus tôt que d’habitude, à l’école militaire d’Ahermoumou, village planté à 70 kilomètres de Fès. En deux temps trois mouvements, les 1200 élèves sous-officiers s’extirpent du lit en tenue de combat. "Depuis deux jours déjà nous étions en état d’alerte, nous devions dormir en uniforme, prêts à partir en mission à tout moment", raconte Mohamed Moutakillah, ancien d’Ahermoumou, aujourd’hui chauffeur de bus scolaire. La veille, le commandant de l’école, le lieutenant-colonel M’hamed Ababou (lire encadré), a regroupé dans la salle d’honneur une trentaine d’officiers et de sous-officiers, pour leur annoncer l’imminence d’un exercice militaire : "Alors voilà, je vous informe qu’une manœuvre de 48 heures aura lieu à Benslimane. Normalement, c’est une autre brigade qui devait effectuer cet exercice, mais j’ai bataillé pour que l’école s’en charge.

Celui qui se sent incapable de remplir cette mission, je l’en dispense sans rancune aucune". Désireux d’en savoir plus, l’aspirant Mohammed Raïss (auteur de De Skhirat à Tazmamart, Ed. Afrique Orient, 2003) aurait lancé à Ababou : "Mon colonel, en quoi consiste notre mission au juste ?". Réponse de Ababou : "Je n’en sais pas plus que vous, c’est une affaire de généraux. A Rabat, vous trouverez un état-major avancé qui vous donnera votre mission". L’entraînement se réalisera à balles réelles, ajoute Ababou. "Ça en a étonné plus d’un, puisque les manœuvres se font normalement avec des balles à blanc", se rappelle un des élèves sous-officiers. Distribuées la veille, 8 tonnes d’armes sont prêtes à l’utilisation : canons antichars, fusils mitrailleurs, mitraillettes anti-aériennes, grenades, canons 75, pistolets Beretta… "Nous avons même essayé un nouvel arrivage de roquettes américaines sur le champ de tir", poursuit notre source. Soucieux de réussir l’exercice, Ababou supervise, lors de ce training, une démonstration d’embarquement et de débarquement des camions. Chronomètre en main. Ce qui ne manque pas d’éveiller quelques soupçons : "Cette effervescence inhabituelle intrigua le lieutenant Fortaz, médecin français, qui demanda avec un sourire narquois au capitaine Ghalloul : Dites-moi capitaine, j’ai l’impression que vous êtes en train de préparer un coup d’Etat", écrit Raïss. "Oh non, répond alors le capitaine, notre pays est stable"…

4h00. En quelques minutes, les 1200 militaires de la garnison embarquent dans les 25 camions alignés sur la place d’armes. Des commandos d’une quarantaine d’éléments menés chacun par un officier et un sous-officier. Le convoi s’ébranle. Direction plein sud. Deux jeeps de gradés ouvrent et ferment le défilé de véhicules militaires, s’étalant sur plus de 500 mètres. Après quelques kilomètres au petit pas, sur une route sinueuse, un gradé lance au chauffeur du camion de tête: "Activez ! Nous allons avoir du retard". Réponse du soldat : "Capitaine, ce sont des boujadis, des bleus, ils sont incapables d’aller plus vite". Après le sprint du départ, le temps se fait long. Des cadets en profitent pour terminer leur nuit de sommeil, d’autres, pour jouer aux cartes.

6h30. La caravane militaire fait halte dans un hameau, aux abords de Fès. Les soldats profitent de la pause-pipi pour se dégourdir les jambes. Une pause express. Le convoi traverse la ville alors que les premières lueurs du jour pointent à l’horizon. Nationale 1 vers Kénitra pour éviter les encombrements. En route, les bidasses croisent l’équipe locale du MAS, qui joue le jour même une demi-finale de la coupe du trône. "J’étais supporter du MAS, nous raconte, sourire aux lèvres, un sous-officier. J’ai fait un signe de la main à Hazzaz, gardien de l’équipe (et keeper du onze marocain, ndlr), qui m’a salué en retour avec un grand sourire".

8h15. Quelques 150 kilomètres plus loin, le convoi décide de prendre un raccourci au niveau de Sidi Kacem. Il déchante vite, la route est bloquée, impossible d’aller plus loin. Le convoi est contraint de rebrousser chemin. La route étroite rend difficile la manœuvre, et retarde d’autant l’objectif de la journée : prendre le palais royal de Skhirat.

10h00. Dans la résidence royale donnant sur la plage de Skhirat, on s'active. Un tournoi de golf est organisé, en l’absence de Hassan II, convaincu par le général Melbouh que la compétition l'aurait retardé pour la suite de la cérémonie. Un millier de convives- des hommes pour la plupart, les femmes étant invitées le lendemain- sont attendus, "tenue estivale de détente" exigée, comme mentionné sur le carton d’invitation. L’ambiance est à la fête, on est loin de se douter du projet de putsch.

A bord de sa Citroën DS, Ababou a décidé de devancer le peloton kaki. Il arrive le premier à Bouknadel, village situé à une quinzaine de kilomètres de Rabat. En civil, chemisette à fleurs et pantalon pattes d’éph, il va à la rencontre de "l’état-major avancé", une poignée de commandants des Forces armées royales (FAR). En attendant sa garnison, Ababou mène sa garde rapprochée en forêt, et explique les véritables raisons de ce raout champêtre : "Mes amis, aujourd’hui c’est l’anniversaire du roi, toutes les personnalités importantes du pays sont invitées au palais de Skhirat. Profitant de cette occasion et de l’effet de surprise, le général Medbouh (directeur de la maison militaire, chargé "d’informer le souverain de toutes les questions relatives à la défense nationale", ndlr) et moi-même avons décidé de faire un coup d’Etat, rapporte Raïss dans son livre. J’attends mes hommes qui arriveront d’un moment à l’autre". Parmi les présents, un certain lieutenant-colonel Abdellah Kadiri, (lire encadré) qui aurait, selon Raïss, lancé à Ababou : "Je crois que tu plaisantes. Un coup d’Etat ça se prépare, ce n’est pas une partie de chasse. D’ailleurs, moi je ne suis pas d’accord. Va faire ton coup, moi je reste ici".

Tel Quel
à suivre

http://www.marocainsdalgerie.net

memoire54



Merci admin,pour cet article , pour mieux connaitre ce qui s'est passé et connaitre aussi la cruauté des gens durant les années de plomb, un excellent livre de Amhmed Marzouki " CELLULE 10" un chef d'oeuvre mais aussi des nuits sans sommeil en le lisant.

admin"SNP1975"

admin
Admin


11h20.
Le convoi arrive enfin au point de ralliement : la forêt de la Maâmora. Il fait chaud, très chaud, les soldats dégoulinent de sueur. Ababou donne l’ordre de débarquement, c’est l’heure du casse-croûte. Au menu : boîtes de sardines, barres chocolatées et une bonne ration d’amphétamine. "Les hommes reçoivent, comme à chaque départ en longue manœuvre, une dose de benzédrine. C’est le produit qu’utilisaient pendant les guerres, les commandos anglais pour maintenir leurs nerfs en bon état pendant leurs opérations", raconte Claude Clément, dans Oufkir, (1975, éditions Jean Dullis). M’hamed Ababou, accompagné de son frère aîné Mohamed, rassemble les chefs de commandos. "Il nous demanda de nous approcher de lui et de former un demi-cercle, puis il commença son speech d’une voix calme, rassurante, et d’un sang-froid remarquable", écrit Raïss. "Il s’agit d’encercler deux bâtiments à Skhirat, occupés par des éléments subversifs", lance Ababou, d’après plusieurs témoignages. Une version contredite par les PV de l’époque : "Le lieutenant-colonel Ababou M’hamed nous tint les propos suivants : messieurs, vous êtes des officiers jeunes, vous connaissez tous la condition de l’officier dans notre armée. Le haut commandement a décidé de faire un coup d’Etat, déclare notamment Aziz Binebine lors de l’interrogatoire militaire. Nous devons attaquer le palais de Skhirat. Nous devons intervenir à 13 heures.

A cette même heure, d’autres unités interviendront dans d’autres villes du royaume". Avec une branche, Ababou dessine un croquis grossier du site à prendre d’assaut. Il explique aux officiers que le convoi doit se diviser en deux unités. La première, qu’il dirigera lui-même, devra investir la zone par la porte sud, tandis que la deuxième, pilotée par son frère Mohamed, pénétrera par la porte nord. "Il faut boucler toutes les issues, faire sortir tous les ressortissants étrangers des rangs et les faire monter dans les camions. Ne laissez personne s’échapper ! Tirez sur les fuyards !", poursuit le colonel. Ababou lance à ses hommes : "Relevez les bâches de vos camions et ordonnez à vos hommes d’engager les chargeurs. Messieurs, jusqu’à Rabat, nous allons nous déplacer dans une zone d’insécurité, préparez-vous à la guerre, vous pouvez disposer !", rapporte Ahmed Marzouki, auteur de Tazmamart Cellule 10 (Ed. Tarik, 2000), un des protagonistes du coup d’Etat. Ababou et ses officiers supérieurs s’arment de mitraillettes, deux chargeurs en poche. Prêts à dégainer…

13h30. Après avoir traversé Salé, les 1200 soldats, en plus de leurs encadrants, investissent Rabat. Le cortège emprunte le boulevard Hassan II, une des principales artères de la capitale, "sous les regards ébahis de curieux attroupés au bord de la route et sous les hola admiratifs d’enfants du peuple qui imitaient le salut militaire", relate Ahmed Marzouki. Sur la route côtière menant à Skhirat, la circulation dense en ce week-end d’été retarde la machine, engluée dans les embouteillages. "Le convoi a parcouru les 300 kilomètres qui séparent Ahermoumou de la capitale sans jamais être inquiété, sans avoir rencontré ni gendarmes, ni policiers, ni quelque contrôle que ce soit", remarque Aziz Binebine, auteur de Tazmamort (Ed. Delanoel, 2009). En direction de Skhirat, RAS non plus.

Seuls agents d’autorités croisés?: des motards de la gendarmerie. Ils arrêtent les véhicules civils pour dégager la route aux militaires. Quittant la route principale, les hommes de Ababou accélèrent la cadence, et dépassent bientôt le complexe balnéaire de "l’Amphitrite". Le palais royal est en "visuel".

13h40. Le roi, qui fête ses 42 ans, accueille ses invités. Toute la famille royale est réunie : le prince Moulay Abdellah est de la partie, mais aussi le prince héritier Sidi Mohammed, alors âgé de huit ans, et Moulay Rachid, qui vient de souffler sa première bougie.

13h55. Ababou longe la muraille du palais de Skhirat à la tête d’une première unité. En faction devant la porte sud, les éléments de la Garde royale, les gendarmes et les parachutistes n’opposent aucune résistance, si ce n’est de vaines sommations. Les hommes du colonel pénètrent dans le palais sans tirer un seul coup de feu, roulent sur le terrain de golf, en direction de la résidence de Hassan II.

Arrivé devant la porte principale, Ababou fait signe aux chauffeurs de s’arrêter. Il ordonne à ses troupes de débarquer des camions et de tirer sur toute personne opposant résistance. Les officiers et les sous-officiers répercutent l’injonction aux cadets. "Une fois au sol, ils ont commencé à tirer en l’air, puis dans tous les sens et à lancer des grenades à tort et à travers…", témoigne le capitaine Hamid Bendourou lors des interrogatoires. "Un lieutenant de la gendarmerie surgit, pistolet à la main, et cria à Ababou : mais qu’est-ce que vous faites mon colonel ? Vous êtes ici dans un palais royal, vous n’avez pas le droit d’y entrer sans permission, raconte Ahmed Marzouki. Ecarte-toi de là, répondit Ababou menaçant. Non je ne vous laisserai pas entrer, répliqua le lieutenant". Un échange de balles plus tard, le lieutenant de la gendarmerie gît sur le sol, tandis que Ababou s’en tire avec une balle à l’épaule.

14h00. A l’entrée de la porte nord, l’aîné des Ababou, qui mène la deuxième unité à l’assaut, ordonne à son chauffeur de forcer le barrage, une grosse chaîne métallique. Le convoi s’engage dans le palais, dépasse les dunes de sable adjacentes au green, avant de s’arrêter au niveau des bungalows donnant sur la plage. Les bras écartés, un commandant de la brigade de parachutistes, le commandant Loubaris, tente de stopper l’assaut. "Il s’est mis à marcher en direction du colonel Mohamed Ababou, qui était assis dans sa jeep, et armé de sa mitraillette", se souvient un témoin, présent sur les lieux. Loubaris lance à Ababou frère : "Tu comptes aller où comme ça ? Tu te rends comptes de ce que tu es en train de faire, Inaâl Chitane, arrête tout, maintenant !". Mais le lieutenant-colonel ne l’entend pas de cette oreille, il vise le commandant au niveau du ventre. Loubaris parvient à esquiver le gros de la rafale, mais il est tout de même grièvement blessé. Interrogé après son arrestation, Mohamed Ababou livrera une tout autre version des faits : "Une personne accourt vers moi comme pour m’empoigner, je tire sur elle. J’ai appris par la suite qu’il s’agissait du colonel Loubaris…", peut-on lire sur les PV militaires enregistrés au lendemain de la tentative de putsh.

14h25. Non loin de la tente caïdale dressée pour le roi, le célèbre joaillier de la place Vendôme, l’héritier Chaumet, discute avec des invités des prix qu’il compte offrir aux vainqueurs du tournoi de golf. Soudain, "on entend des pétarades, on croit à une fantasia surprise, à une idée du prince Abdallah, volontiers farceur", écrit Claude Clément, présente à Skhirat ce samedi 10 juillet. "Ce fut à un moment où je me trouvais en pleine discussion avec des collègues et amis sous une grande tente, non loin de Hassan II, entouré de Bourguiba junior et d’autres personnalités, que nous avons entendu des coups de feu", rapporte Abdelmjid Tazi, chargé de mission auprès du Premier ministre, lors de son témoignage en 2001 devant l’Association des familles des victimes des évènements de Skhirat (AFVES). Tout le monde pensait au début qu’il s’agissait de sport, d’une partie de "tir aux pigeons".

On s’interroge, mi-surpris mi-étonné : c’est peut-être le feu d’artifice, initialement prévu pour la nuit, un court-circuit ou une mauvaise manipulation, qui a fait partir des fusées ? "M. Perrier, ministre plénipotentiaire français, saigne de la jambe. Il peste contre ces imbéciles qui laissent partir horizontalement, au risque de blesser les passants. Il peste jusqu’au moment où une grenade vient exploser au pied du roi, sans blesser personne. C’est le coup de semonce. L’orchestre égyptien s’enfuit, abandonnant ses instruments", détaille Claude Clément. Certains invités fuient, d’autres continuent de croire à la plaisanterie, et mettent leur club de golf en joue, pour singer les cadets, ou protestent contre les militaires, qui abiment le green en le piétinant.


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