Audition publique des victimes des années de plomb.
« Depuis que nous y avons atterri, notre humanité nous a été confisquée. Nous sommes devenus moins que des bêtes, une marchandise. Les cellules étaient des tombes où l’on était enterrés vivants jusqu’à ce que la mort s’en suive ...» :
Abdellatif Mansour
• Fatima Aït Ettajer présentée au public par Driss Benzekri.
La bêtise et la lâcheté des hommes...
Pour une fois, certains qualificatifs ne seront pas galvaudés; deux en particulier: historique et rupture. Mardi 21 décembre 2004, à 18h15, l’écran de la première chaîne se fige sur cette date, avec en titre l’Instance Équité et Réconciliation (IER). C’est le lancement d’une série de séances télévisées consacrées aux témoignages des victimes des années de plomb.
C’est ce qu’on appelle «une première», au sens le plus fort du mot.
C’est une rupture, avec toute la charge que les historiens confèrent à ce terme par rapport à une continuité devenue caduque et dénoncée comme telle. C’est aussi un grand moment de télévision tel qu’on en a rarement eu. Même à distance, on devine et on ressent la sobriété solennelle et pesante de l’atmosphère. Le moment n’est pas aux discours, mais aux récits des personnes directement concernées. le mercredi 22 décembre 2004, ressemble à un second stimulus de la mémoire collective. Seule la présidence de la séance a changé, après Driss Benzekri, Salah El Ouadaï.
Le premier intervenant est Ahmed Benmansour. L’homme est d’un âge respectable. Comme pour se situer dans le temps, il esquisse un préambule sur la répression qui s’est abattue sur sa génération, à la fin des années 50-60. Puis il aborde son propre cas. Le descriptif prête au sarcasme. Ceux qui investissent sa maison avaient de l’appétit, tout en étant portés sur la bouteille.
Après une fouille minutieuse, ils font main basse sur la cuisine et sont furieux de ne pas trouver de boissons alcooliques. Commence alors, pour lui, un circuit devenu tristement classique: le commissariat central, la DGSN et Dar El Mokri. Sur ce haut lieu de torture, Ahmed Benmansour dira que chacun de ceux qui ont eu le malheur d’y passer, a quelque chose de personnel à raconter. Les techniques de tortures se ressemblent, mais pas le rapport à la torture.
Exemple:
Lahbib Forkani, qui l’avait précédé à Dar El Mokri, lui avouera qu’il a été contraint de donner son nom. Sous la torture. Réponse de Benmansour : «il ne faut surtout pas que tu culpabilises, n’adviendra que ce que Dieu aura voulu».
Jamal Ameziane, lui met son témoignage sous le thème, «Je n’accuse personne, je n’ai de haine pour personne, laissez-moi juste m’exprimer». Originaire des Ben Ouriaghel, dans le Rif, sa naissance coïncide avec la révolte de 1958-59, dans cette région montagneuse et rebelle qui avait connu la guerre de résistance menée par Mohamed Ben Abdelkrim Al Khattabi contre l’occupation espagnole.
Son père, Haj Sellam Ameziane, est l’un des dirigeants de cette révolte contre un pouvoir central considéré rétrograde et une indépendance jugée tronquée et incomplète. Ce n’est pas uniquement lui qui est arrêté, torturé et condamné. C’est toute la famille qui est pourchassée pendant des années. Une justice collective que Jamal fustige et des conditions d’existence qu’il décrit dans un langage émouvant de réalisme et de lyrisme.
Avec Jay Chari El Hou, on passe d’une guérilla à une autre, aux conséquences tout aussi dramatiques pour ses malheureux initiateurs.
Lui, est originaire de Goulmima, à l’Est du Haut Atlas oriental. Il a été arrêté suite aux événements du 3 mars 1973, menés par Mohamed Bennouna, à Moulay Bouaâzza.
A Suivre…
« Depuis que nous y avons atterri, notre humanité nous a été confisquée. Nous sommes devenus moins que des bêtes, une marchandise. Les cellules étaient des tombes où l’on était enterrés vivants jusqu’à ce que la mort s’en suive ...» :
Abdellatif Mansour
• Fatima Aït Ettajer présentée au public par Driss Benzekri.
La bêtise et la lâcheté des hommes...
Pour une fois, certains qualificatifs ne seront pas galvaudés; deux en particulier: historique et rupture. Mardi 21 décembre 2004, à 18h15, l’écran de la première chaîne se fige sur cette date, avec en titre l’Instance Équité et Réconciliation (IER). C’est le lancement d’une série de séances télévisées consacrées aux témoignages des victimes des années de plomb.
C’est ce qu’on appelle «une première», au sens le plus fort du mot.
C’est une rupture, avec toute la charge que les historiens confèrent à ce terme par rapport à une continuité devenue caduque et dénoncée comme telle. C’est aussi un grand moment de télévision tel qu’on en a rarement eu. Même à distance, on devine et on ressent la sobriété solennelle et pesante de l’atmosphère. Le moment n’est pas aux discours, mais aux récits des personnes directement concernées. le mercredi 22 décembre 2004, ressemble à un second stimulus de la mémoire collective. Seule la présidence de la séance a changé, après Driss Benzekri, Salah El Ouadaï.
Le premier intervenant est Ahmed Benmansour. L’homme est d’un âge respectable. Comme pour se situer dans le temps, il esquisse un préambule sur la répression qui s’est abattue sur sa génération, à la fin des années 50-60. Puis il aborde son propre cas. Le descriptif prête au sarcasme. Ceux qui investissent sa maison avaient de l’appétit, tout en étant portés sur la bouteille.
Après une fouille minutieuse, ils font main basse sur la cuisine et sont furieux de ne pas trouver de boissons alcooliques. Commence alors, pour lui, un circuit devenu tristement classique: le commissariat central, la DGSN et Dar El Mokri. Sur ce haut lieu de torture, Ahmed Benmansour dira que chacun de ceux qui ont eu le malheur d’y passer, a quelque chose de personnel à raconter. Les techniques de tortures se ressemblent, mais pas le rapport à la torture.
Exemple:
Lahbib Forkani, qui l’avait précédé à Dar El Mokri, lui avouera qu’il a été contraint de donner son nom. Sous la torture. Réponse de Benmansour : «il ne faut surtout pas que tu culpabilises, n’adviendra que ce que Dieu aura voulu».
Jamal Ameziane, lui met son témoignage sous le thème, «Je n’accuse personne, je n’ai de haine pour personne, laissez-moi juste m’exprimer». Originaire des Ben Ouriaghel, dans le Rif, sa naissance coïncide avec la révolte de 1958-59, dans cette région montagneuse et rebelle qui avait connu la guerre de résistance menée par Mohamed Ben Abdelkrim Al Khattabi contre l’occupation espagnole.
Son père, Haj Sellam Ameziane, est l’un des dirigeants de cette révolte contre un pouvoir central considéré rétrograde et une indépendance jugée tronquée et incomplète. Ce n’est pas uniquement lui qui est arrêté, torturé et condamné. C’est toute la famille qui est pourchassée pendant des années. Une justice collective que Jamal fustige et des conditions d’existence qu’il décrit dans un langage émouvant de réalisme et de lyrisme.
Avec Jay Chari El Hou, on passe d’une guérilla à une autre, aux conséquences tout aussi dramatiques pour ses malheureux initiateurs.
Lui, est originaire de Goulmima, à l’Est du Haut Atlas oriental. Il a été arrêté suite aux événements du 3 mars 1973, menés par Mohamed Bennouna, à Moulay Bouaâzza.
A Suivre…