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Hadj Mustafa Bouabdallah, pilier de la résistance au Maroc

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admin"SNP1975"

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Hadj Mustafa Bouabdallah, pilier de la résistance au Maroc

Le militant mécène dévoué de la révolution

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« Quand la cause est juste, l’avenir n’est pas insulté. » Boualem Bessaïh (De l’Emir à Chamyl)
Un film sur Mandela est en train d’être produit par les Américains. Aziz leur avait proposé un témoignage de Si Mustafa qui l’avait hébergé durant de longs mois à Oujda. Mustapha disait de Abane « Cette force de la nature était d’une extrême intelligence. Un homme politique accompli et respectable très jalousé par ses pairs. » La mort ne surprend point le sage. Il est toujours prêt à partir



Mustafa Bouabdallah dit Belhadj, né le 18 mars 1906 à Souahlia, près de Ghazaouet, est décédé il y a quelques jours au Maroc, où il a été inhumé. A Oujda, où il a vécu, les gens lui vouaient estime et respect. Issu d’une grande famille de propriétaires terriens originaires de Mascara, Mustafa « était brave et généreux, toujours disponible, sévère mais juste », confie son plus jeune fils Mohamed. On ne peut oublier les grandes qualités humaines de cet homme poli qui utilisait parfois son humour pudique et bienveillant qui lui permettait, quand il voulait changer de sujet, de se retirer derrière l’armure sans défaut de sa constante bonne éducation. « C’était plus qu’un mécène au service d’une cause juste », témoigne l’un de ses vieux amis Abdelkrim Zaoui, qui l’a longtemps côtoyé. Zaoui était le commissaire politique du parti à Oujda, dont on connaît la place prépondérante dans le cours de la lutte armée hors des frontières. Zaoui raconte que les intellectuels algériens, étudiants notamment, établis au Maroc n’étaient pas tous chauds pour rejoindre la révolution.
« Certains y sont venus presque contre leur gré. D’autres par contre étaient enthousiasmés, comme Bouteflika qui a dû faire le pied de grue durant des semaines pour être incorporé. Je suis à l’origine de son intégration parmi ses compagnons… » Hadj Mustafa a fait don de ses biens, soutenu financièrement la lutte et même servi de médiateur entre les dirigeants algériens et le palais, où Mustafa, très respecté, avait ses entrées. Et lorsque les dissensions entre « frères » se faisaient jour, c’est lui qui dénouait les fils. Il avait mis toutes ses fermes à la disposition de la révolution. De nombreuses têtes illustres y ont fait un passage ou y ont séjourné. Luis Cabral, Nelson Mandela, Abane Ramdane, Krim Belkacem, Boudiaf, Boumediène, Neto, Boussouf, Ben Bella, Merbah, Bouteflika, Benbarka et bien d’autres. Frantz Fanon a même installé, à la ferme Deroy, le premier hôpital militaire de l’ALN, où les djounoud venaient soigner leurs blessures physiques et morales. Et le psychiatre qu’il était savait trouver les thérapies nécessaires pour retaper le moral des troupes galvanisées ou soulager celui des êtres plus vulnérables traumatisés. Mustafa, maître des lieux, veillait au confort et à la sécurité de ses hôtes, « les troupes rentraient vers 1h. C’est lui qui nous ouvrait la porte et nous servait à manger. Au petit matin, il était déjà parti pour contrôler ses terres », se souvient l’ancien officier du MALG, Sahli Tahar dit Dris, qui a fait partie de la promotion Ben M’hidi constituée de 74 membres, dont Kasdi Merbah, Yazid Zerhouni, Temmar et bien d’autres.
Un engagement total
« En 1957, alors qu’il transportait des armes et des messages, Mustafa a été intercepté et arrêté lors d’un barrage militaire. En représailles, nous avons enlevé le colonel Masurier. Boussouf a exigé un échange de prisonniers. C’est dire la place qu’occupait Mustafa et l’estime dont il bénéficiait auprès de nos supérieurs », relève Dris. « Mon père était un homme atypique », raconte son fils Abdelwahid. « Il était engagé dans le 6e régiment des tirailleurs de Tlemcen, au milieu des années 1920. Comme c’était un homme pieux, il observait le jeûne même en étant malade, contre l’avis de ses supérieurs qui, de guerre lasse, finirent par l’envoyer en permission. Entretemps, une épidémie fulgurante décima tout le régiment dont il faisait partie. Mon père a eu de la chance. » Né sous une bonne étoile ? C’est le moins que l’on puisse dire… « C’était un homme jovial qui aimait plaisanter, un bon vivant, ce qui tranchait avec l’austérité affichée de Boumediène qui venait souvent le voir. Mon père me disait qu’il avait une admiration particulière pour Boussouf, Ben M’hidi et Kaïd Ahmed », révèle Abdelwahid.
Témoin de son siècle
« Belhadj, c’est ainsi qu’on le surnommait, qui a traversé le siècle, était un homme hors du commun. Ce qui n’est pas dit ou peu, c’est qu’il a aussi contribué à la libération du Maroc en mobilisant ses biens », note Lemkami, ancien officier du MALG. Avec ses enfants, il s’est donné corps et âme pour l’Algérie. Sa ferme était un véritable carrefour de l’ALN. Dans l’une de ses rares apparitions dans la presse en 1995, Mustafa avait déclaré en substance à nos amis d’El Khabar : « Je n’ai fait que mon devoir envers la Révolution qui nous a interpellés. Nous ne pouvions rester les bras croisés. Il aurait été impensable de ne pas se mettre au service d’une cause si noble, si juste. » De par ses activités militantes, Mustafa était dans l’œil du cyclone, notamment celui du général Nogues, commissaire résident général de France au Maroc, qui « considérait que la présence de cet individu sur le territoire de la zone française de l’empire chérifien est de nature à compromettre la sécurité de l’armée et du protectorat. Aussi, sur proposition du directeur des services de la sécurité publique, il était enjoint à Mustafa de quitter le Maroc ». Cela s’est produit à maintes reprises. Et lorsqu’il était arrêté, il n’échappait pas aux sévices et à la torture. Il en a profondément souffert. Mais sa douleur n’a pas été aussi intense que lorsqu’il apprit la disparition de son fils Mohamed, mort au combat à la fleur de l’âge.
Moudjahid, Mohamed est tombé à 27 ans, du côté de Djelfa à Ouled Mejdel, précisément le 16 septembre 1958. La perte de celui qui se faisait appeler « Lieutenant Bouamama » avait terriblement affecté la famille, notamment son père Mustafa qui, pour perpétuer son souvenir, donna ce prénom au cadet de ses fils… Son autre fils, Aziz, ancien officier du MALG, fait savoir que la famille s’était établie au début du siècle dernier au Maroc. Son grand-père Mohamed y est parti sur une moto. Il est arrivé à Berkane qu’il ne quittera plus. Il y ouvre un café puis une station d’essence, avant de faire fortune dans le commerce de la pièce détachée. En 1938, la famille s’offre le luxe de représenter la grande firme General Motors dans le Maroc oriental. Immense privilège pour des immigrés qui ont su se frayer une place au soleil dans un pays qui n’est pas le leur, mais auquel ils vont résolument s’attacher. L’agriculture sera aussi une de leurs principales activités et les terres qui jouxtent la Mouluya et qui s’étendent sur des centaines d’hectares sont mises en friche et rentabilisées. 900 ha de clémentines, parmi les plus prisées du royaume. Mustafa devient l’un des plus gros propriétaires d’agrumes du Maroc. « Il n’était pas évident de réussir dans un pays étranger, jalousé aussi bien par les colons d’obédience vichyste pour la plupart que par les autochtones qui ne voyaient toujours pas d’un bon œil cet Algérien venu marcher sur leurs platebandes ! » « Mon père était aussi un ami pour nous, confie Aziz. Il était intransigeant mais plein de tendresse. Il se levait à l’aube pour retrouver ses terres et ses fermes. Il ne rentrait que tard dans la nuit. Il nous surprenait dans notre sommeil en nous pinçant pour nous réveiller. C’était sa manière à lui de nous taquiner et de renouer le contact avec nous. On ne le voyait pas souvent, parfois durant des semaines. C’était un homme rigoureux. Les Marocains dans l’ensemble gardent de lui l’image d’un homme inflexible et redouté. Toujours d’attaque, il tient cela de sa prime jeunesse, où il a été brillant footballeur à Maghnia et dirigeant sportif au club de Berkane. »
Un homme rigoureux
Le défunt moudjahid Boualem Dekar, alias Ali Gueras, officier des transmissions au sein du MALG, a rendu un vibrant hommage à la famille et à sa tête si Mustafa. « Patriote de la première heure à la naissance de la Wilaya 5, cet homme a mis à la disposition des dirigeants de l’OS et les cadres de la Wilaya 5 tous ses biens et sa personne pour la cause. J’ai été hébergé à Berkane dans sa famille pendant presque un mois au milieu de ses enfants et son épouse comme un de leurs enfants. Je témoigne que toutes ses fermes, 75 environ, étaient mises à la disposition des djounoud de l’ALN de plusieurs zones de cette wilaya. J’ai même eu la vie sauve grâce à eux, en m’hébergeant chez eux pendant les moments les plus difficiles de la révolution à la fin de l’année 1957. Un des fils de Mustafa, Mohamed est tombé au champ d’honneur et un autre fils aussi valeureux, Abdelmadjid, était avec nous dans les transmissions du MALG. »
Lors des réjouissances marquant l’avènement de l’indépendance marocaine, un fait mérite d’être noté. Une omission aux lourdes conséquences. De quoi s’agit-il ? Dans son livre à paraître sur la diplomatie algérienne (1954-1962) Abdelkader Bouselham en parle : « En vérité, ce n’est que le 20 mars 1956 à l’occasion des festivités populaires et des cérémonies officielles que les Berkani et Rifain réalisèrent que hadj Mustafa Bouabdallah avait été l’âme de la résistance marocaine dans la région, que durant toute cette période décisive, c’est lui qui avait fourni les armes et les munitions aux commandos ainsi que l’argent, les refuges et les moyens de transport. Très énergiquement, les maquisards rifains refusèrent de participer aux festivités et au défilé, tant que Mustafa n’était pas présent à leur tête. Aussi, les cérémonies furent-elles reportées au lendemain. » On a dû faire un forcing auprès de notre homme pour qu’il participe au cérémonial, où les soldats alignés lui présentèrent solennellement les armes. Aujourd’hui, la famille Bouabdallah (et bien d’autres) a perdu toutes ses terres séquestrées. Malgré les garanties qu’offrait aux Algériens la convention d’établissement signée à Alger le 15 mars 1969, complétant les dispositions de la convention d’Ifrane, le contentieux est là, toujours là. Comme le disait un membre de la famille du défunt. « Au-delà de la perte physique de ces terres, c’est surtout la valeur symbolique de ces lieux qui est en jeu. Lieu d’accueil et d’entraînement aussi bien pour l’ALN que pour les maquisards rifains, certaines propriétés confisquées sont des repères que l’histoire doit garder jalousement. » Mais là, c’est une toute autre histoire…
Parcours
Hadj Bouabdallah Mustafa dit Belhadj est né en 1906 près de Ghazaouet. Issu d’une grande famille de propriétaires terriens qui s’est installée au début du siècle dernier à Berkane (Oujda). Propriétaires de plusieurs fermes, Si Mustafa met tous ses biens à la disposition de l’armée des frontières. Ses fermes étaient utilisées comme centre d’entraînement, d’hébergement pour les djounoud et les responsables militaires. Si Mustafa contribua à sa manière à la libération du royaume en jouant un grand rôle dans le Maroc oriental. A l’avènement du 1er Novembre, il sera à l’avant-garde en soutenant résolument la révolution. Tous ceux qui l’ont connu en gardent l’image d’un homme généreux, engagé qui « entre le confort et la dignité » a préféré cette dernière, pour reprendre les termes d’un de ses amis. Père de 19 enfants. 7 sont décédés dont le moudjahid Mohamed. Si Mustafa, que Dieu ait son âme, est mort le dimanche 22 février 2009 à l’âge de 103 ans.


Par Hamid Tahri

http://www.marocainsdalgerie.net

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