Dans le numéro d'El Moudjahid du 19 juillet 1961 qui reproduit le communiqué algéro-marocain, paraît un long éditorial consacré au Sahara sous le titre significatif de « Notre Sahara », où l'on peut lire notamment — « La manœuvre la plus typique du néo-colonialisme français est celle qui a trait au Sahara ... Après la faillite de l'Algérie " française " il est devenu malaisé pour les gouvernants français de s'accrocher à de telles formules. Bien qu'ils utilisent encore — ainsi que cela s'est vu à la table de la Conférence d'Evian — l'expression " Sahara français ", ils lui préfèrent de plus en plus des slogans tels que ." Sahara mer intérieure " et " Sahara question en soi "qui, tout en ayant l'avantage de l'équivoque, ne véhiculent pas moins les mêmes intentions les mêmes manoeuvres.
La notion de " mer intérieure " répond aux besoins d'une politique destinée à déposséder le peuple algérien de son Sahara. En effet, ce slogan est essentiellement destiné à susciter les convoitises des voisins de l'Algérie et à provoquer en eux une vocation de " riverains ". Il a pour but de pousser certains de ces Etats à se decouvrir subitement des droits sur le territoire algérien, droits qui iraient sur la redevance sur l'exploitation des richesses sahariennes jusqu'à la revendication territoriale et les rectifications subséquentes des frontieres.
Le Sahara deviendrait ainsi un élément de discorde entre Africain: une réalité faite non pas pour rassembler et unir, mais pour dissocie et désintégrer, une réalité qui parle à des intérêts égoïstes et subalternes et qui impose le silence aux principes de la cause africaine. Le Sahara n'est pas une res nullius, comme veulent le faire croire le dirigeants français, et les Africains ne sauraient en aucun cas leur emboîter le pas sur ce chemin. Le Sahara n'est pas un territoire vacant, un territoire dépourvu de caractère et d'identité. Il n'est pas une notion abstraite, mais une terre pétrie par la personnalité algérienne et marquée de l'empreinte indélébile de la Révolution du peuple algérien. En ce qui concerne les rectifications de frontières réclamées par certains Etats, notre position est également connue. Sans rejeter a priori ces revendications territoriales, nous estimons cependant qu'elles constituent un problème que nous ne pouvons étudier et trancher qu'apres l'accession de l'Algérie à l'indépendance. S'adresser au gouvernemen français pour demander le règlement d'un tel problème ne saurait être ni juste ni opportun. En effet une telle procédure impliquerait nécessairement une reconnaissance de la souveraineté française sur le Sahara algérien."
En soutenant le G.P.R.A. pour rester fidèle à son idéal de fraternité arabe et d'unité maghrébine, et en acceptant de s'en remettre au bon vouloir de l'Algérie, l'indépendance venue, sans demander de gage, le Maroc faisait donc preuve de générosité et même d'abnégation si l'on tient compte des graves inconvénients que présentait pour lui la forme insolite du territoire algérien au Sud du Dra. Celle-ci résultait de la pénétration française à partir de bases algériennes et du désir des autorités françaises de placer le maximum de territoires sous la souveraineté de la France. Les frontières administratives fixées par la France avaient permis à l'Algérie de lancer vers l'océan Atlantique un véritable pseudopode. Elles aboutissaient à faire du Maroc un territoire encerclé par l'Algérie.
Edouard Meric
REVUE DE SC. POLITIQUES Année 1965 Volume 15 numéro 4 pp. 743-752
La notion de " mer intérieure " répond aux besoins d'une politique destinée à déposséder le peuple algérien de son Sahara. En effet, ce slogan est essentiellement destiné à susciter les convoitises des voisins de l'Algérie et à provoquer en eux une vocation de " riverains ". Il a pour but de pousser certains de ces Etats à se decouvrir subitement des droits sur le territoire algérien, droits qui iraient sur la redevance sur l'exploitation des richesses sahariennes jusqu'à la revendication territoriale et les rectifications subséquentes des frontieres.
Le Sahara deviendrait ainsi un élément de discorde entre Africain: une réalité faite non pas pour rassembler et unir, mais pour dissocie et désintégrer, une réalité qui parle à des intérêts égoïstes et subalternes et qui impose le silence aux principes de la cause africaine. Le Sahara n'est pas une res nullius, comme veulent le faire croire le dirigeants français, et les Africains ne sauraient en aucun cas leur emboîter le pas sur ce chemin. Le Sahara n'est pas un territoire vacant, un territoire dépourvu de caractère et d'identité. Il n'est pas une notion abstraite, mais une terre pétrie par la personnalité algérienne et marquée de l'empreinte indélébile de la Révolution du peuple algérien. En ce qui concerne les rectifications de frontières réclamées par certains Etats, notre position est également connue. Sans rejeter a priori ces revendications territoriales, nous estimons cependant qu'elles constituent un problème que nous ne pouvons étudier et trancher qu'apres l'accession de l'Algérie à l'indépendance. S'adresser au gouvernemen français pour demander le règlement d'un tel problème ne saurait être ni juste ni opportun. En effet une telle procédure impliquerait nécessairement une reconnaissance de la souveraineté française sur le Sahara algérien."
En soutenant le G.P.R.A. pour rester fidèle à son idéal de fraternité arabe et d'unité maghrébine, et en acceptant de s'en remettre au bon vouloir de l'Algérie, l'indépendance venue, sans demander de gage, le Maroc faisait donc preuve de générosité et même d'abnégation si l'on tient compte des graves inconvénients que présentait pour lui la forme insolite du territoire algérien au Sud du Dra. Celle-ci résultait de la pénétration française à partir de bases algériennes et du désir des autorités françaises de placer le maximum de territoires sous la souveraineté de la France. Les frontières administratives fixées par la France avaient permis à l'Algérie de lancer vers l'océan Atlantique un véritable pseudopode. Elles aboutissaient à faire du Maroc un territoire encerclé par l'Algérie.
Edouard Meric
REVUE DE SC. POLITIQUES Année 1965 Volume 15 numéro 4 pp. 743-752