Réponse censée et digne aux allégations d'un général indigne
Analyse d’un expert militaire sur l’affaire des moines de Tibhirine
Un colonel de l’ANP répond au général Buchwalter
Par : Colonel de l’ANP
Je m’insurge contre les allégations de ce François Buchwalter, général français à la retraite, qui tente, par ouï-dire fantaisiste et après 13 années de silence durant lesquelles plusieurs autres versions aussi saugrenues
que la sienne ont été avancées par ses pairs pour porter atteinte à nos services de sécurité et à nos forces armées, de semer le doute à nouveau sur ce qui était advenu des moines trappistes du monastère de Tibhirine, dans les maquis de Médéa, un certain mois de mars 1996.
Je m’insurge d’abord pour la mémoire de ces religieux qui méritent un peu plus de dignité et de respect de la part de leurs ressortissants qui font de leur mort un fonds de commerce indécent.
Je m’insurge contre cette forme d’ingratitude envers les forces armées algériennes qui, à l’époque, n’avaient cessé de remuer ciel et terre, dans une traque farouche et sans relâche, à la recherche des ravisseurs de ces religieux, quand l’ambassade française maintenait son mutisme quant aux tractations engagées avec le chef des GIA.
Je m’insurge contre ce général qui accepte et rapporte une telle version des faits émanant (selon ses dires) d’un félon qui détiendrait lui-même ces indiscrétions de la part de son frère supposé être chef d’escadrille d’hélicoptères.
Pour ce général, j’expliquerai, dans ce qui va suivre et par un petit rappel de tactique militaire des plus élémentaires, que son niveau de compétence opérationnelle s’est, à analyser ses bavardages, avéré nul.
Je m’insurge enfin contre le fait que de telles allégations soient prises en compte par les hautes instances françaises (malgré leur rétractation finale), leur donnant ainsi une consistance à même de semer un sérieux doute dans l’opinion nationale française et internationale.
Mais, revisitons ce supposé événement gardé secret et procédons par un raisonnement par l’absurde
À l’époque, le couvre-feu était de rigueur et toute personne interceptée au-delà de l’horaire fixé était considérée, de par la loi, suspecte et sujette à toute méprise de la part des forces de sécurité. On peut donc légitimer en toute légalité les conséquences d’un bivouac, repéré au crépuscule et en plein milieu de maquis.
L’Armée algérienne n’a pas exporté de guerre hors des frontières nationales.
Elle mène un combat imposé sur son propre territoire et ce faisant, elle n’assume que son devoir constitutionnel et ne saurait être montrée d’un quelconque doigt accusateur.
Général ! Pourquoi avoir attendu 13 années pour remettre sur le tapis cette histoire, alors que vous étiez au su des pourparlers menés au niveau de votre ambassade à Alger avec ce fameux “Abdullah” pour la libération des
7 moines ? Que faites-vous du témoignage des deux autres moines rescapés du monastère ayant assisté à l’enlèvement de leurs frères ? Que faites-vous de l’enregistrement audio transmis à votre ambassade ?
Que faites-vous des communiqués du GIA de l’époque ? Cette attente de 13 ans pour “soulager votre conscience”, au-delà de la prescription légale des faits, constitue-t-elle l’attente nécessaire pour être sûr des départs en retraite des différents acteurs de l’époque pour parler en toute quiétude ? Même si les hommes s’en vont, les archives restent.
Ce classement “secret-défense” que vous dites apposé à votre rapport adressé à l’époque à votre hiérarchie me surprend. En tant qu’ancien élève de votre collège interarmées de défense, j’ai cru y avoir appris que ce niveau de classification concernait exclusivement les documents, plans et supports écrits, filmés ou enregistrés, dont la divulgation pouvait porter préjudice à la défense d’une nation, dans sa compréhension la plus large. En quoi, donc, cette supposée “bavure” de l’Armée algérienne pouvait avoir une quelconque incidence sur la défense française ? À imaginer la teneur de votre document, je l’aurais classé, au plus, “confidentiel”.
En vérité, je pense plutôt que votre rapport a tout simplement été classé sans suite, car dénué de logique militaire et de preuve concrète pouvant étayer vos dires. S’il en est, ce fut une sage décision.
Revisitons maintenant les faits dans leur réalité
Ces moines ont disparu entre le 26 et le 27 mars 1996 et leurs têtes ont été retrouvées vers la fin du mois de mai 1996, reposant sur un lit de satin blanc : s’ils avaient été, à leur disparition, la cible d’un hélicoptère, ces têtes seraient déjà en décomposition avancée et les traces d’égorgement post-mortem seraient identifiées, à l’autopsie, par le légiste.
À moins que vous ne vouliez faire comprendre que les sciences forensiques en Algérie constituent un domaine ignoré. Maintenant, voyons les faits : voilà donc des moines trappistes qui bivouaquent jusqu’au crépuscule en toute quiétude en milieu hostile, dans les maquis d’une chaîne montagneuse réputée infestée de terroristes, et cela au moment même où une opération militaire d’envergure est menée dans la zone. Quel courage !
D’abord, ces moines, même s’ils étaient connus pour leur totale abstinence, ne nourrissaient pas pour autant l’abstinence de ce don de Dieu qu’est la vie. Loin d’être suicidaires, ils ne se seraient jamais embarqués dans une telle aventure, au risque de connaître un sort des plus abominables, sachant pertinemment que les terroristes des GIA avaient juré la mort de tout “Roumi” trouvé sur la terre d’islam. Ensuite, et c’est là où j’explique au général colporteur de ragots de félon comment se déroule une opération de lutte antiterroriste.
Premièrement : la présence de deux hélicoptères en retour d’opération (c’est ce qui est rapporté par la presse) témoigne d’un appui feu de l’échelon supérieur pour l’opération supposée, en l’occurrence de l’appui feu du niveau régional dont dépendent les moyens aériens affectés à la lutte antiterroriste pour la Région militaire. L’appui feu de l’échelon supérieur, général, suppose un centre opérationnel interarmées déployé sur la zone où se trouve un officier de liaison des forces aériennes qui travaille sur fréquence radio des hélicoptères en opération avec lesquels il reste en liaison permanente. Si ce pilote avait “repéré” un objectif suspect sur son itinéraire de retour, il aurait obligatoirement demandé l’autorisation à cet OL de traiter. L’ouverture des feux requiert toujours l’autorisation expresse du commandant du COIA. En outre, le traitement d’une zone avec appui feu commence toujours par un traitement intensif de ou des objectifs par l’artillerie de campagne, après que la zone eut été bouclée tous azimuts par les forces terrestres pour empêcher le repli des terroristes et avant que les hélicoptères ne procèdent au traitement (tirs de roquettes, d’obus ou largage de bombes).
Ensuite, vient le ratissage et le nettoyage de la zone par les troupes au sol. C’est le b.a.-ba du traitement d’une zone hostile. Ainsi, si dans cet enfer de feu et dans les bruits assourdissants d’explosion de bombes et d’obus, vous trouvez admissible que des moines fassent leur bivouac pour admirer tranquillement les étoiles, là, dans ce maquis et en périphérie de la zone d’opération, c’est que vous avez accédé à votre grade de général sans n’avoir jamais connu de baptême du feu.
Savez-vous ce que peut faire l’explosion en série d’obus de 122 mm à charge forte ou de bombes largables de 250 ou 500 kg ? Apparemment non. Référez-vous à vos aînés qui ont fait la guerre d’Algérie, ils vous le diront — encore que ceux-là utilisaient des bombes au napalm.
Sachez que toute la faune disparaît de cet enfer, y compris les oiseaux. Ces moines, en outre, comment ont-ils fait pour se frayer un passage au travers d’un bouclage de zone pour entrer dans ce maquis ? Les bouclages s’effectuent la veille de toute opération et les militaires les auraient vite repérés, en mouvement et avant le moment du bivouac.
Deuxièmement : les hélicoptères en retour d’opération reviennent à la base, toujours par haute altitude, et ce, pour gain de vitesse et pour éviter les tirs éventuels de snipers. Comment le pilote de cet hélicoptère (non doté de caméra thermique pour détecter les sources de chaleur) aurait détecté, la nuit tombante, le fameux bivouac sous le maquis et à son altitude de vol ? Il lui aurait fallu, au moins, une lunette à intensification de lumière et scruter le sol tout au long de son vol au lieu de naviguer !
Comment aurait-il tiré, de son initiative, sur un objectif non identifié et qui aurait pu être un détachement de lutte, un commando de chasse, un poste d’observation, un groupe de Patriotes ou tout autre élément de nos forces combinées ? Impossible.
En outre, je pense que vous n’êtes pas sans savoir comment est calculé l’emport du carburant pour permettre à un hélicoptère de se déplacer d’un point A, traiter un point B et retourner vers le point A, sans refulling, et ce, compte tenu du chargement embarqué et des conditions géoclimatiques.
Vous devez donc savoir que la phase de traitement d’objectif est toujours optimisée, dans le calcul d’autonomie, et que la phase retour se fait impérativement dans le temps alloué et avec le niveau de sécurité requis des réservoirs. Le pilote, dans cette contrainte, ne peut se permettre de perdre de l’altitude, d’effectuer un déroutage latéral pour se repositionner à 180° de sa trajectoire, de se mettre en position de combat et de traiter un objectif (non inscrit dans son plan de vol) en un ou plusieurs raids et encore moins se poser au sol pour ensuite re-décoller à destination de la base. Le carburant restant ne lui aurait jamais suffi.
Dans tous les combats des forces armées combinées (et c’est universel), l’identification ou le dénombrement des morts sur les champs de bataille ne relève pas des forces aériennes, mais des forces terrestres chargées du ratissage et du nettoyage final. Alors pourquoi ce pilote se serait-il posé au sol pour s’enquérir du résultat de son tir ? Pure fabulation ! (Je vous fais une confidence, général : nos pilotes ne recensent pas leurs trophées sur leur carlingue).
Savez-vous, au moins, qu’un hélicoptère ne peut se poser en rase campagne sans la sécurisation préalable du périmètre d’atterrissage ?
Troisièmement : dans le scénario de
7 moines autour d’un feu de bivouac, un hélicoptère ne pourra jamais les tuer tous, simultanément par un tir de mitrailleuse de
12,7 mm ou même après plusieurs raids, car les rescapés auraient fui pour se cacher sous les arbres et se protéger des obus.
Cette affirmation est du simple fait technique que la mitrailleuse coaxiale est un monotube dont les tirs génèrent une ligne de feu sur un seul plan vertical (même si le tir est oblique). Pour les tuer tous et à la fois, il aurait fallu que ces moines fussent positionnés en enfilade. Je ne pense pas que ces malheureux religieux jouaient, à ce moment-là, à saute-mouton ! Pour les tuer tous à la fois, il aurait fallu un bitube ou un tétratube — auquel cas, ce pilote n’aurait même pas retrouvé de soutanes !
Quatrièmement : l’écoute supposée de cette fameuse phrase du pilote “j’ai tiré sur des moines” me fait tout simplement sourire tant elle est dénuée de crédit. Vos pilotes français, général, parlent-ils en clair en cours d’opérations de combat ?
Qu’en est-il donc advenu du concept d’interopérabilité avec les forces de l’Otan et de la codification anglo-américaine de vos communications militaires ?
Après ce bref rappel d’éléments de tactique qui atteste de l’impossibilité des faits rapportés, je tiens à vous préciser, général, que l’Armée algérienne s’enorgueillit de la discipline de ses hommes et de l’unicité de son commandement.
Rien ne se fait d’initiative et toute action relève d’une planification minutée et rigoureuse et s’exécute sur ordre d’une seule autorité. Aussi, ne croit à toute cette fabulation que celui qui veut y croire, envers et contre toute logique et, de toute évidence, pour des raisons autres que celles que vous évoquez.
Désolé, général, vos “révélations” ne tiennent pas du tout la route et votre scoop est un non-événement.
Je suppose que c’est parce que vos élucubrations sont dénuées de tout sens que nos officiels n’ont pas jugé utile de leur réserver une quelconque suite.
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