« Le livre de Paul-Éric Blanrue, Sarkozy, Israël et les juifs (*) s’il arrive à être diffusé, fera date. C’est le premier ouvrage à braquer les projecteurs sur ces groupes de pression, qui évidemment veulent agir dans l’ombre, même si leur influence devient de plus en plus évidente depuis l’élection de Sarkozy », observe le physicien belge Jean Bricmont (**). Car si le livre est distribué dans divers pays, et fait déjà l’objet de quatre traductions, il n’est pas encore diffusé dans le propre pays de l’auteur, la France !
Paul-Éric Blanrue, 42 ans, est un personnage franc, attachant. Il fait partie de ces historiens qui contestent la légitimité de lois qui portent atteinte à la liberté d’expression, comme la loi Gayssot et qui se rebellent à juste titre contre l’intoxication et la désinformation médiatique et politique.
Silvia Cattori : Votre livre « Sarkozy, Israël et les juifs » permet de comprendre en quoi les liens tissés entre Nicolas Sarkozy et les différents réseaux sionistes en France, et dans le monde, sont dangereux pour la souveraineté nationale. Liens qui ramènent évidemment à l’Etat juif d’Israël : le cœur du problème. Quel évènement précis vous a-t-il conduit à écrire ce livre en toute hâte ?
Paul-Éric Blanrue : Ce qui m’a fait réagir c’est quand, après le carnage de l’armée israélienne à Gaza, la France de Sarkozy a envoyé la frégate Germinal [1] pour empêcher le transfert d’armes aux Palestiniens assiégés. Cette nouvelle m’a fait bondir parce que c’était un acte politique très clair de la part de la France en faveur d’Israël. C’était un acte d’autant plus grave, à mon sens, que les Etats-Unis n’y avaient pas pris part.
« Sarkozy, Israël et les juifs » a vraiment commencé à exister à partir de ce moment-là, avec ce qui s’est passé à Gaza. J’ai été scandalisé par la façon dont la France a réagi à ce massacre, dont Bernard Kouchner et les proches de Sarkozy en ont parlé, dont Bernard-Henry Lévy (BHL) en a disserté dans « Le Point ».
J’ai alors cherché à montrer les accointances qu’il y avait, malgré une réserve de surface, entre BHL, et un certain nombre de personnages qui se prétendent de gauche. Qu’il y avait une véritable coalition du monde intellectuel parisien, de cette intelligentsia déliquescente, avec la politique pro-israélienne de Sarkozy. Que c’était très grave.
Cela dit, je suis un observateur de la chose politique. J’avais déjà accumulé de nombreuses informations lors de la rédaction, l’an passé, d’un petit livre sur le mariage de Sarkozy [2]. J’avais suivi sa campagne électorale ; j’avais remarqué comment, grâce à Henri Guaino [3], il avait réussi à se faire passer pour un « gaullien ». Il était parfois libéral dans ses discours. Dans d’autres très protectionniste. La question était : qu’est-ce que cela va donner ?
Par la suite j’ai constaté que la stratégie ouvertement pro-israélienne de Sarkozy, n’avait pas été seulement une tactique pour se faire élire, mais qu’il continuait de s’y tenir. Les résultats sont là. On voit aujourd’hui qu’il s’y est accroché et qu’il est aussi voire plus pro-israélien que ne l’était George W. Bush.
Au mois de janvier 2009 qu’est-ce qu’on a vu ? Alain Finkielkraut se faire décorer de la légion d’honneur [4]. Et en avril c’était au tour d’André Glucksmann. Et que tout cela était logique, répondant à une logique incroyable ! Et qui voit-on aujourd’hui défiler, au Trocadéro contre le Président Ahmadinedjad ? On voit les mêmes ! On voit Pascal Bruckner, BHL, Alain Finkielkraut, André Glucksmann, Jack Lang. Bref tout l’entourage pro-israélien de Sarkozy.
Silvia Cattori : BHL ne faisait-il pas partie de l’entourage de Mme Royal ?
Paul-Éric Blanrue : BHL a fait partie de l’entourage de Ségolène Royal durant la campagne électorale, mais pas très longtemps. Elle ne doit pas être considérée comme suffisamment sioniste par le réseau pro-israélien [5]. C’est une des rares personnalités politiques à avoir émis des réserves sur le dîner du CRIF.
Silvia Cattori : On sent un vent de liberté chez vous, une énergie toute juvénile, une force, une gravité. C’est fascinant. C’est donc cet alignement de la France sur la politique d’un pays qui prêche la guerre contre ses voisins arabes et l’Islam, qui vous a conduit à réagir ? Est-ce à dire que « Sarkozy Israël et les juifs » n’aurait jamais vu le jour sans cette alliance entre la France de Sarkozy et Israël ?
Paul-Éric Blanrue : En effet. C’est l’envoi par Sarkozy de cette frégate destinée à empêcher la résistance palestinienne de recevoir des armes qui m’a conduit à réagir. Cette décision m’a paru grave, car nous n’étions plus ici simplement dans le discours.
La France n’aurait jamais agi de cette façon sous la présidence de Jacques Chirac. Ni sous la présidence de François Mitterrand. Même si, avec ce dernier, les choses étaient plus complexes.
Tant que Sarkozy faisait des déclarations destinées à se mettre les musulmans français dans la poche, ou les catholiques [6], nous pouvions mettre cela sur le compte d’une démagogie purement électoraliste. Mais avec l’envoi d’une frégate dans des eaux contrôlées illégalement par Israël, Sarkozy entrait dans l’action.
En 2006 déjà, lors de l’agression israélienne contre le Liban, Sarkozy, alors ministre, avait déjà montré un net parti pris pro-israélien en demandant à Zeev Boïm, ministre israélien en visite à Paris, de « combien de temps » il avait besoin « pour terminer le travail ». Mais alors il n’y avait pas eu d’action concrète, sinon ce parti pris stupéfiant.
Silvia Cattori : Vous avez réussi à rendre accessible à un large public une réalité terriblement complexe. On comprend que 2007, avec l’arrivée de Sarkozy à l’Elysée, marque un tournant. C’est la fin du régime « gaullien ». La France ne sera plus jamais cette nation unique aux yeux du monde ! Finie la résistance aux pressions des réseaux pro-israéliens. Vous vous attaquez à un tabou. Des personnalités en vue qui, par le passé, ont osé l’enfreindre, l’ont chèrement payé. Je pense à Raymond Barre, à Dieudonné, à Tariq Ramadan, à Guigue [7]. Les temps sont-ils plus propices aujourd’hui ? N’avez-vous pas pensé que vous marchiez sur un champ frappé d’interdits ?
Paul-Éric Blanrue : Je ne me suis pas posé la question de savoir si c’était dangereux ou pas. Si je me posais cette question, je crois que je ne ferais rien ; je resterais chez moi à regarder la télévision en mangeant des chips. Ca n’a jamais été ma façon de penser ni d’agir. Je ne puis pas vivre sans dire ce que je pense. Je crois qu’il y a en moi une forme d’énergie ou de revendication de liberté, comme Fanfan-la-Tulipe ; un côté mousquetaire. Je ne supporte pas l’injustice ; je ne supporte pas, surtout, la contrainte et l’interdiction de s’exprimer. C’est quelque chose d’épouvantable, cet interdit !
Quand on n’a plus le droit de parler, ça devient très grave. Alors, quand on vit dans un pays où le mot « Liberté » est inscrit sur le fronton de tous les monuments, je crois que, quand même, il faut se dresser. Je crois à la vertu de l’exemple de la personne qui part au combat, « sans peur et sans reproche ». Un côté chevalier Bayard. Mais je ne veux pas me comparer à ces personnages-là parce que, tout de même, je ne fais qu’écrire. Je suis un écrivain, je ne pars pas au combat avec un fusil. Mon fusil, c’est mon stylo. Donc, voila, j’essaie d’être efficace dans mon domaine.
Par ailleurs, je ne suis pas du tout partisan de la guerre ; au contraire, ce livre est également un livre pacifiant, je l’espère en tous cas. Il appelle au calme et à la raison ces représentants de la communauté juive, comme le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), et que je ne confonds pas avec l’ensemble de la communauté juive. Je leur dis qu’ils n’ont pas intérêt à faire monter la tension.
Du reste, on prête beaucoup trop d’importance à ces réseaux pro-israéliens français. Certes ils ont beaucoup d’influence, surtout aujourd’hui où ils sont arrivés au pouvoir grâce à leur homme-lige, grâce à Sarkozy. Mais je pense qu’ils sont en réalité très faibles et divisés. Il y a des tensions énormes à l’intérieur du CRIF. L’ancien président du CRIF, Théo Klein, s’est fait traiter de terroriste par un de ses successeurs. Il suffit d’ailleurs d’écouter Radio J, ou Radio Shalom, – je l’écoutais tous les soirs quand j’écrivais mon livre – pour comprendre l’ampleur des dissensions internes.
Les pro-israéliens se sentent forts parce que certains d’entre eux occupent des postes hauts placés. Un député sur six appartient au Groupe d’amitié France-Israël. Ils ont réussi à faire accourir chaque année le pouvoir politique au dîner du CRIF. Mais rien n’obligeait le président Sarkozy à y aller. Il suffirait que la classe politique dise au CRIF « Nous ne nous rendrons pas à votre dîner annuel » pour que cette influence tombe. Ils sont arrivés au faîte de leur puissance et ils ne peuvent que retomber...
Conférence de presse de Paul-Eric BLANRUE
Conférence partie 1
Conférence partie 2
Conférence partie 3
Conférence partie 4
Conférence partie 5