Maroc
La Marche verte : trente ans déjà
Un volontaire participant à la Marche verte tient le drapeau marocain, le 12 novembre 1975, à la frontière espagnole du Sahara occidental.
(Photo: AFP)Le 6 novembre 1975, le royal commandeur des croyants marocains, Hassan II lançait une expédition aux couleurs du prophète, une Marche verte, pour imposer son autorité sur les sables du désert sahraoui, où des indépendantistes bataillaient depuis 1956. Le roi du Maroc s’était employé à cette opération souverainiste sitôt annoncée la décision de la Cour internationale de justice (CIJ). Celle-ci se prononçant en faveur de l’autodétermination des Sahraouis, le 16 octobre 1975, un branle-bas logistique avait alors fait déferler sur le Sud marocain des flottilles de véhicules, mais aussi des avions et des trains, chargés de matériel et de vivres. Armée de corans et de portraits du roi, une marée humaine de quelque 350 000 Marocains suivait. Poussée sur les routes du désert, pour «libérer» l’espace sahraoui, elle devait remplir immédiatement le vide laissé par l’occupant espagnol, lui-même sur le départ. Trente ans plus tard, la volonté royale n’est toujours pas accomplie.
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La question du Sahara occidental reste l’une des dernières pages onusiennes, jamais encore refermée, du chapitre décolonisation. Elle constitue aussi une épine régionale qui oppose aujourd’hui encore le Maroc et l’Algérie, l’Espagne ayant jeté l’éponge coloniale en 1976 et la Mauritanie renoncé, en 1979, à toute prétention sur ce territoire atlantique de 266 000 kilomètres carrés, riche en phosphates, et, peut-être, en pétrole. Le Sahara occidental a aussi usé nombre de résolutions et de médiateurs de l’Onu, sans compter les quelque 600 millions de dollars de subsides internationaux, dépensés en pure perte, depuis la création de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso), par la résolution 690 du 29 avril 1991. Le 28 octobre dernier, le mandat de la Minurso a, du reste, été prolongé jusqu’en avril 2006. Mais nul ne voit venir à cette date le fameux référendum ouvrant aux Sahraouis le choix entre l’indépendance et le rattachement au Maroc.
Revendications territoriales
Comme le rappelle le site du Collège interarmée de défense français, dès son indépendance en mai 1956, le Maroc a fait valoir des revendications territoriales sur le Sahara espagnol en instrumentalisant des combattants sahraouis finalement abandonnés à leur combat indépendantiste et «férocement réprimés, en quinze jours, par l’opération franco-espagnole Ecouvillon», organisée entre le 10 février 1958 et le 5 mai 1959. Mais d’autres indépendantistes sahraouis ont pris par la suite le relais, avec l’appui de l’Algérie, elle-même très intéressée par un débouché maritime sur l’Atlantique. L’heure africaine de la décolonisation ayant sonné au début des années soixante, une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies a recommandé l’organisation d’un référendum pour l’autodétermination du peuple sahraoui en décembre 1966.
Les indépendantistes se sont organisés, le 10 mai 1973 en un Front populaire pour la libération de la Saguia-el-Hamra et du Rio de Oro, le Front Polisario qui continue, aujourd’hui encore, à donner du fil à retordre à la couronne marocaine. La Marche verte de 1975 n’ayant pas permis au Maroc de succéder à l’Espagne au Sahara occidental, le Front Polisario a voulu lui-aussi marquer son territoire sans tarder. Il a décrété une République arabe démocratique sahrahouie (RASD) le 28 février 1976, quelques mois après le retrait espagnol, agitant en même temps les confins mauritaniens d’une lutte armée appuyée par Alger. Pour faire «cesser les actions militaires de guérilla et contraindre le Polisario à régler le problème du Sahara occidental par voie diplomatique», Paris entreprend alors une opération Lamantin de très longue haleine, du 2 novembre 1977 au 27 mai 1987, assistant au passage à la déposition du président mauritanien Mokhtar Ould Daddah, en juillet 1978, et portant une assistance logistique à l’aviation marocaine qui tente de déloger le Polisario.
Des murs, après l’échec de la Marche verte
A défaut de venir à bout du Polisario, le royaume chérifien s’efforcera de l’étouffer, en érigeant des murs ou en distribuant ses largesses à ceux de ses dignitaires et de ses électeurs qu’il a pu récupérer. La trop longue guerre des sables épuisant chacun des protagonistes, un cessez-le-feu, parrainé par l’Onu en 1991, a quasiment éteint les aspects militaires du conflit. En revanche les revendications restent tranchées, le Polisario réclamant l’indépendance, Rabat rejetant désormais l’idée même du référendum et limitant son offre à une autonomie sahraouie, placée sous souveraineté marocaine. Après avoir rejeté en 2003 le plan de l’ancien représentant spécial de l'Onu, James Baker, qui prévoyait une période d'autonomie de cinq ans avant un référendum d'autodétermination, le Maroc propose en effet aujourd’hui de négocier un statut du Sahara occidental avec l'Algérie et le Front Polisario. Mais cela sous l’angle exclusif du rattachement.
En 1984, le Maroc a quitté l’Organisation de l’unité africaine (OUA) après l’admission en son sein de la RASD du Polisario. Rabat boude toujours l’Union africaine (UA) et l’Union économique du Maghreb arabe reste hypothéquée, depuis sa fondation en 1989. Début novembre 2001, Mohammed VI s’est rendu dans l’annexe marocaine du Sahara occidental. Son défunt père n’a jamais toléré la moindre contradiction sur la question de la souveraineté marocaine au Sahara. Mohammed VI juge pour sa part «obsolète et inapplicable» la solution du référendum préconisée par l’Onu. Et cela, même si après la répression, le traitement de faveur des électeurs sahraouis coûte, chaque année, 10% du produit national brut et suscite une inquiétante grogne dans les régions délaissées.
Bien qu’elle ait rapidement abandonné son très convoité héritage sahraoui, la Mauritanie reste toujours plus ou moins suspecte aux yeux du Maroc. De son côté, l’Espagne soutient officiellement le «droit à l'autodétermination du peuple sahraoui». Mais Madrid évite d’aborder ce sujet qui fâche. L’Espagne se préoccupe surtout de ménager de bonnes relations avec son voisin du Sud, garde-barrière des enclaves de Ceuta et Melilla, et, plus largement, rempart contre l’immigration africaine. Bien évidemment, la pomme de discorde saharienne a contribué à empoisonner les actes et les discours liés aux récentes tentatives de passage d’immigrés à Ceuta et Melilla. Nul doute que Rabat puisse en faire, aussi, une carte à jouer, sur le terrain de la diplomatie internationale.
SOUVENIRS DE LA MARCHE VERTE /
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La Marche verte : trente ans déjà
Un volontaire participant à la Marche verte tient le drapeau marocain, le 12 novembre 1975, à la frontière espagnole du Sahara occidental.
(Photo: AFP)Le 6 novembre 1975, le royal commandeur des croyants marocains, Hassan II lançait une expédition aux couleurs du prophète, une Marche verte, pour imposer son autorité sur les sables du désert sahraoui, où des indépendantistes bataillaient depuis 1956. Le roi du Maroc s’était employé à cette opération souverainiste sitôt annoncée la décision de la Cour internationale de justice (CIJ). Celle-ci se prononçant en faveur de l’autodétermination des Sahraouis, le 16 octobre 1975, un branle-bas logistique avait alors fait déferler sur le Sud marocain des flottilles de véhicules, mais aussi des avions et des trains, chargés de matériel et de vivres. Armée de corans et de portraits du roi, une marée humaine de quelque 350 000 Marocains suivait. Poussée sur les routes du désert, pour «libérer» l’espace sahraoui, elle devait remplir immédiatement le vide laissé par l’occupant espagnol, lui-même sur le départ. Trente ans plus tard, la volonté royale n’est toujours pas accomplie.
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La question du Sahara occidental reste l’une des dernières pages onusiennes, jamais encore refermée, du chapitre décolonisation. Elle constitue aussi une épine régionale qui oppose aujourd’hui encore le Maroc et l’Algérie, l’Espagne ayant jeté l’éponge coloniale en 1976 et la Mauritanie renoncé, en 1979, à toute prétention sur ce territoire atlantique de 266 000 kilomètres carrés, riche en phosphates, et, peut-être, en pétrole. Le Sahara occidental a aussi usé nombre de résolutions et de médiateurs de l’Onu, sans compter les quelque 600 millions de dollars de subsides internationaux, dépensés en pure perte, depuis la création de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso), par la résolution 690 du 29 avril 1991. Le 28 octobre dernier, le mandat de la Minurso a, du reste, été prolongé jusqu’en avril 2006. Mais nul ne voit venir à cette date le fameux référendum ouvrant aux Sahraouis le choix entre l’indépendance et le rattachement au Maroc.
Revendications territoriales
Comme le rappelle le site du Collège interarmée de défense français, dès son indépendance en mai 1956, le Maroc a fait valoir des revendications territoriales sur le Sahara espagnol en instrumentalisant des combattants sahraouis finalement abandonnés à leur combat indépendantiste et «férocement réprimés, en quinze jours, par l’opération franco-espagnole Ecouvillon», organisée entre le 10 février 1958 et le 5 mai 1959. Mais d’autres indépendantistes sahraouis ont pris par la suite le relais, avec l’appui de l’Algérie, elle-même très intéressée par un débouché maritime sur l’Atlantique. L’heure africaine de la décolonisation ayant sonné au début des années soixante, une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies a recommandé l’organisation d’un référendum pour l’autodétermination du peuple sahraoui en décembre 1966.
Les indépendantistes se sont organisés, le 10 mai 1973 en un Front populaire pour la libération de la Saguia-el-Hamra et du Rio de Oro, le Front Polisario qui continue, aujourd’hui encore, à donner du fil à retordre à la couronne marocaine. La Marche verte de 1975 n’ayant pas permis au Maroc de succéder à l’Espagne au Sahara occidental, le Front Polisario a voulu lui-aussi marquer son territoire sans tarder. Il a décrété une République arabe démocratique sahrahouie (RASD) le 28 février 1976, quelques mois après le retrait espagnol, agitant en même temps les confins mauritaniens d’une lutte armée appuyée par Alger. Pour faire «cesser les actions militaires de guérilla et contraindre le Polisario à régler le problème du Sahara occidental par voie diplomatique», Paris entreprend alors une opération Lamantin de très longue haleine, du 2 novembre 1977 au 27 mai 1987, assistant au passage à la déposition du président mauritanien Mokhtar Ould Daddah, en juillet 1978, et portant une assistance logistique à l’aviation marocaine qui tente de déloger le Polisario.
Des murs, après l’échec de la Marche verte
A défaut de venir à bout du Polisario, le royaume chérifien s’efforcera de l’étouffer, en érigeant des murs ou en distribuant ses largesses à ceux de ses dignitaires et de ses électeurs qu’il a pu récupérer. La trop longue guerre des sables épuisant chacun des protagonistes, un cessez-le-feu, parrainé par l’Onu en 1991, a quasiment éteint les aspects militaires du conflit. En revanche les revendications restent tranchées, le Polisario réclamant l’indépendance, Rabat rejetant désormais l’idée même du référendum et limitant son offre à une autonomie sahraouie, placée sous souveraineté marocaine. Après avoir rejeté en 2003 le plan de l’ancien représentant spécial de l'Onu, James Baker, qui prévoyait une période d'autonomie de cinq ans avant un référendum d'autodétermination, le Maroc propose en effet aujourd’hui de négocier un statut du Sahara occidental avec l'Algérie et le Front Polisario. Mais cela sous l’angle exclusif du rattachement.
En 1984, le Maroc a quitté l’Organisation de l’unité africaine (OUA) après l’admission en son sein de la RASD du Polisario. Rabat boude toujours l’Union africaine (UA) et l’Union économique du Maghreb arabe reste hypothéquée, depuis sa fondation en 1989. Début novembre 2001, Mohammed VI s’est rendu dans l’annexe marocaine du Sahara occidental. Son défunt père n’a jamais toléré la moindre contradiction sur la question de la souveraineté marocaine au Sahara. Mohammed VI juge pour sa part «obsolète et inapplicable» la solution du référendum préconisée par l’Onu. Et cela, même si après la répression, le traitement de faveur des électeurs sahraouis coûte, chaque année, 10% du produit national brut et suscite une inquiétante grogne dans les régions délaissées.
Bien qu’elle ait rapidement abandonné son très convoité héritage sahraoui, la Mauritanie reste toujours plus ou moins suspecte aux yeux du Maroc. De son côté, l’Espagne soutient officiellement le «droit à l'autodétermination du peuple sahraoui». Mais Madrid évite d’aborder ce sujet qui fâche. L’Espagne se préoccupe surtout de ménager de bonnes relations avec son voisin du Sud, garde-barrière des enclaves de Ceuta et Melilla, et, plus largement, rempart contre l’immigration africaine. Bien évidemment, la pomme de discorde saharienne a contribué à empoisonner les actes et les discours liés aux récentes tentatives de passage d’immigrés à Ceuta et Melilla. Nul doute que Rabat puisse en faire, aussi, une carte à jouer, sur le terrain de la diplomatie internationale.
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Dernière édition par le Mar 27 Nov - 21:38, édité 1 fois