L'incursion militaire, en parallèle
[b]Quand on parle du Polisario, l'Algérie n'est jamais loin. Lorsque Boumedienne apprend par la télévision le 16 Octobre, le lancement de la Marche Verte, il entre dans une rage folle. “Il m'a eu ce fils de p…”, lance-t-il à Jean Daniel, présent à ses côtés et à l'époque totalement acquis à la “révolution algérienne”. Le président algérien met en alerte maximale son armée qui se déploie immédiatement tout le long de la frontière avec le Maroc avant de s'engager plus avant dans le conflit à naître. Stationnées dans un premier temps à Tan Tan dans une phase de préparation tactique, les FAR entrent au Sahara le 31 Octobre. Leur but est d'occuper et sécuriser les points stratégiques que sont Mahbes, Jdirya et Haousa, laissés vacants la veille par les forces espagnoles qui ont reçu l'ordre de se replier vers Laâyoune, avant leur évacuation définitive vers l'archipel canarien et la péninsule. Ces troupes recevront la visite du futur roi Juan Carlos I, le 2 Novembre, soit quatre jours avant l'arrivée de la Marche Verte au poste frontière de Tah. Les militaires ne savent pas encore que c'est la dernière fois qu'ils rendront les honneurs à l'héritier de la couronne sur le sol sahraoui.
Au même moment, Carro Martinez, ministre de la présidence chargé du Sahara, s'envole vers Agadir où il s'entretient avec le roi Hassan II en tête à tête pendant plusieurs heures. Ces négociations au plus haut niveau sont alors encore ignorées de tous. L'incursion militaire proprement dite peut commencer à 160 km à l'est de Tarfaya et sous le commandement du Colonel Ahmed Dlimi, qui pour un temps, abandonne la capitale et les manoeuvres politiques. Ce sont près de 20 000 hommes, soit le tiers de l'effectif total de l'armée marocaine à l'époque, divisés en quatre groupements A, B, C et D, respectivement placés sous les commandements des colonels Ben Othmane, Benkirane, El Hijaoui et El Ouali qui feront leur entrée sur le territoire. Ces troupes d'infanterie sont appuyées par des blindés, des chars d'artillerie, des éléments du génie militaire, primordiaux sur ce terrain hostile, et des transmissions. La présence de l'aviation étant très limitée, l’armée de l’air se contentera de missions de reconnaissance peu concluantes. “Les avions volent trop haut et les pilotes sont souvent incapables de distinguer des jeeps d'une colonie d'arbres, mais leur capacité d'intimidation est très forte”, témoigne un colonel à la retraite. Chaque groupement ratisse un large secteur, Laâyoune, Zag, Smara, jusqu'à Dakhla, dans ce qui sera dans un premier temps, une promenade de santé. Les quelques accrochages qui ont lieu autour de Smara sont vite surmontés et le Polisario résiste piètrement. Encore embryonnaire, le Front est incapable de tenir des positions fixes contre les forces marocaines.
L'accord tripartite Maroc-Mauritanie-Espagne qui survient le 14 Novembre entérine la présence militaire du Maroc sur le sol sahraoui alors que le monde entier parle encore de la Marche Verte et des nombreuses tractations qu'elle a suscitées. Mais surtout, Franco se meurt et les conservateurs savent que les jours du Sahara espagnol sont comptés. Sur place, les officiers et sous-officiers franquistes que le stationnement au Sahara a par ailleurs grandement enrichi, démobilisent les 2500 hommes des “tropas nomadas” et de la police territoriale qu'ils aident à rejoindre le Polisario en leur abandonnant armes et véhicules. Les militaires espagnols leur donnent d'importantes sommes d'argent et assurent même, un temps, l'approvisionnement en vivres. Ces troupes expérimentées et ayant une connaissance parfaite du terrain formeront ultérieurement le noyau dur de l'ALPS (L'Armée de Libération du Peuple Sahraoui). Auparavant, la ville de Laâyoune voit l'arrivée de Ahmed Bensouda, alors directeur du cabinet royal, le 22 Novembre, en tant que gouverneur adjoint du Sahara auprès de Ould Cheikh, le gouverneur-adjoint mauritanien et Salazar, le gouverneur espagnol tel que stipulé par l'accord secret de Madrid qui prévoit le partage du territoire entre le Maroc et la Mauritanie dès Février 76 et l'évacuation espagnole. Bensouda arrive sur les lieux accompagné de Dlimi et d'une centaine de civils dans le premier convoi militaire marocain qui entrera dans la ville...alors que les troupes espagnoles patrouillent toujours et que les guerrilleros du Front Polisario pullulent.
Après une progression sur l'ensemble du territoire, les groupements A, B, C et D stationnent aux abords des villes de Laâyoune, Tarfaya, Smara et Boujdour alors que les forces mauritaniennes s'installent à Lagouira et Dakhla après de violents accrochages avec le Polisario. Pour les Marocains, le but est de contrôler dans un premier temps le Sahara utile qui peut se résumer à Laayoune et son port si stratégique, les gisements de Boukraa plus au sud et le secteur allant de Smara à Tan Tan. De l'autre côté de la frontière, l'Algérie fulmine. Elle s'estime trahie par l'Espagne et la Mauritanie et s'emploie à fournir au Polisario bases et armement quand elle n'envoie pas ses troupes sur le front. C'est ainsi que le 27 Janvier 1976, le Colonel Ben Othmane commande la bataille d'Amgala, du nom d'un point d'eau à 260 Km à l'ouest de la frontière algérienne, dans ce qui sera la plus importante confrontation directe entre les FAR et l'Armée Nationale Populaire. Près de 200 soldats algériens sont tués et une centaine faits prisonniers et conduits à Rabat où ils seront tenus au secret dans une caserne militaire pendant plusieurs années. Ce n'est qu'après une tentative de mutinerie rocambolesque que des pourparlers seront engagés avec Alger pour leur libération. Sur le terrain, la propagande anti-marocaine, qui promet l'apocalypse aux populations civiles dès l'arrivée des FAR, pousse des milliers de personnes à vers l'est. Ceux qui voyaient l'arrivée des troupes avec une relative bienveillance seront enlevés de nuit, parfois même à l'intérieur des villes pour être conduits vers Tindouf. Ce sont ainsi près de 30 000 personnes qui ont été déportées en quelques mois par un Polisario fort de toute la logistique militaire algérienne. Les FAR se lancent alors dans un effort de guerre inédit dans l'histoire du pays. Une campagne de recrutement massive est entreprise pour la création de nouvelles unités. Il s'agit de combler le retard du pays en forces militaires, consécutif aux tentatives de coups d'état de 71 et 72. Le général Salazar dira d'ailleurs en 1978 que “l'armée espagnole était à même d'anéantir l'armée alaouite en 48 heures”. 30 ans plus tard...
TEL QUEL
[b]Quand on parle du Polisario, l'Algérie n'est jamais loin. Lorsque Boumedienne apprend par la télévision le 16 Octobre, le lancement de la Marche Verte, il entre dans une rage folle. “Il m'a eu ce fils de p…”, lance-t-il à Jean Daniel, présent à ses côtés et à l'époque totalement acquis à la “révolution algérienne”. Le président algérien met en alerte maximale son armée qui se déploie immédiatement tout le long de la frontière avec le Maroc avant de s'engager plus avant dans le conflit à naître. Stationnées dans un premier temps à Tan Tan dans une phase de préparation tactique, les FAR entrent au Sahara le 31 Octobre. Leur but est d'occuper et sécuriser les points stratégiques que sont Mahbes, Jdirya et Haousa, laissés vacants la veille par les forces espagnoles qui ont reçu l'ordre de se replier vers Laâyoune, avant leur évacuation définitive vers l'archipel canarien et la péninsule. Ces troupes recevront la visite du futur roi Juan Carlos I, le 2 Novembre, soit quatre jours avant l'arrivée de la Marche Verte au poste frontière de Tah. Les militaires ne savent pas encore que c'est la dernière fois qu'ils rendront les honneurs à l'héritier de la couronne sur le sol sahraoui.
Au même moment, Carro Martinez, ministre de la présidence chargé du Sahara, s'envole vers Agadir où il s'entretient avec le roi Hassan II en tête à tête pendant plusieurs heures. Ces négociations au plus haut niveau sont alors encore ignorées de tous. L'incursion militaire proprement dite peut commencer à 160 km à l'est de Tarfaya et sous le commandement du Colonel Ahmed Dlimi, qui pour un temps, abandonne la capitale et les manoeuvres politiques. Ce sont près de 20 000 hommes, soit le tiers de l'effectif total de l'armée marocaine à l'époque, divisés en quatre groupements A, B, C et D, respectivement placés sous les commandements des colonels Ben Othmane, Benkirane, El Hijaoui et El Ouali qui feront leur entrée sur le territoire. Ces troupes d'infanterie sont appuyées par des blindés, des chars d'artillerie, des éléments du génie militaire, primordiaux sur ce terrain hostile, et des transmissions. La présence de l'aviation étant très limitée, l’armée de l’air se contentera de missions de reconnaissance peu concluantes. “Les avions volent trop haut et les pilotes sont souvent incapables de distinguer des jeeps d'une colonie d'arbres, mais leur capacité d'intimidation est très forte”, témoigne un colonel à la retraite. Chaque groupement ratisse un large secteur, Laâyoune, Zag, Smara, jusqu'à Dakhla, dans ce qui sera dans un premier temps, une promenade de santé. Les quelques accrochages qui ont lieu autour de Smara sont vite surmontés et le Polisario résiste piètrement. Encore embryonnaire, le Front est incapable de tenir des positions fixes contre les forces marocaines.
L'accord tripartite Maroc-Mauritanie-Espagne qui survient le 14 Novembre entérine la présence militaire du Maroc sur le sol sahraoui alors que le monde entier parle encore de la Marche Verte et des nombreuses tractations qu'elle a suscitées. Mais surtout, Franco se meurt et les conservateurs savent que les jours du Sahara espagnol sont comptés. Sur place, les officiers et sous-officiers franquistes que le stationnement au Sahara a par ailleurs grandement enrichi, démobilisent les 2500 hommes des “tropas nomadas” et de la police territoriale qu'ils aident à rejoindre le Polisario en leur abandonnant armes et véhicules. Les militaires espagnols leur donnent d'importantes sommes d'argent et assurent même, un temps, l'approvisionnement en vivres. Ces troupes expérimentées et ayant une connaissance parfaite du terrain formeront ultérieurement le noyau dur de l'ALPS (L'Armée de Libération du Peuple Sahraoui). Auparavant, la ville de Laâyoune voit l'arrivée de Ahmed Bensouda, alors directeur du cabinet royal, le 22 Novembre, en tant que gouverneur adjoint du Sahara auprès de Ould Cheikh, le gouverneur-adjoint mauritanien et Salazar, le gouverneur espagnol tel que stipulé par l'accord secret de Madrid qui prévoit le partage du territoire entre le Maroc et la Mauritanie dès Février 76 et l'évacuation espagnole. Bensouda arrive sur les lieux accompagné de Dlimi et d'une centaine de civils dans le premier convoi militaire marocain qui entrera dans la ville...alors que les troupes espagnoles patrouillent toujours et que les guerrilleros du Front Polisario pullulent.
Après une progression sur l'ensemble du territoire, les groupements A, B, C et D stationnent aux abords des villes de Laâyoune, Tarfaya, Smara et Boujdour alors que les forces mauritaniennes s'installent à Lagouira et Dakhla après de violents accrochages avec le Polisario. Pour les Marocains, le but est de contrôler dans un premier temps le Sahara utile qui peut se résumer à Laayoune et son port si stratégique, les gisements de Boukraa plus au sud et le secteur allant de Smara à Tan Tan. De l'autre côté de la frontière, l'Algérie fulmine. Elle s'estime trahie par l'Espagne et la Mauritanie et s'emploie à fournir au Polisario bases et armement quand elle n'envoie pas ses troupes sur le front. C'est ainsi que le 27 Janvier 1976, le Colonel Ben Othmane commande la bataille d'Amgala, du nom d'un point d'eau à 260 Km à l'ouest de la frontière algérienne, dans ce qui sera la plus importante confrontation directe entre les FAR et l'Armée Nationale Populaire. Près de 200 soldats algériens sont tués et une centaine faits prisonniers et conduits à Rabat où ils seront tenus au secret dans une caserne militaire pendant plusieurs années. Ce n'est qu'après une tentative de mutinerie rocambolesque que des pourparlers seront engagés avec Alger pour leur libération. Sur le terrain, la propagande anti-marocaine, qui promet l'apocalypse aux populations civiles dès l'arrivée des FAR, pousse des milliers de personnes à vers l'est. Ceux qui voyaient l'arrivée des troupes avec une relative bienveillance seront enlevés de nuit, parfois même à l'intérieur des villes pour être conduits vers Tindouf. Ce sont ainsi près de 30 000 personnes qui ont été déportées en quelques mois par un Polisario fort de toute la logistique militaire algérienne. Les FAR se lancent alors dans un effort de guerre inédit dans l'histoire du pays. Une campagne de recrutement massive est entreprise pour la création de nouvelles unités. Il s'agit de combler le retard du pays en forces militaires, consécutif aux tentatives de coups d'état de 71 et 72. Le général Salazar dira d'ailleurs en 1978 que “l'armée espagnole était à même d'anéantir l'armée alaouite en 48 heures”. 30 ans plus tard...
TEL QUEL