Alger Envoyé spécial Alger, ce n'est pas par la mer qu'il faut la découvrir. Mieux vaut l'investir par les hauteurs en prenant appui sur deux prises solides, deux hôtels : le Saint-George et l'Aurassi. Aux explorateurs de la capitale, ils serviront de points de repère et de refuge. Le Saint-George, en réalité, ne s'appelle plus le Saint-George depuis près de trente ans. Il a été rebaptisé par son propriétaire - l'Etat - Hôtel El-Djazaïr ("Algérie" en arabe), mais la greffe n'a pas pris et l'on continue à "descendre" au Saint-George, comme s'il ne fallait pas rompre le fil d'une histoire séculaire. Et quelle histoire ! Palais mauresque transformé en pensionnat pour jeunes filles, puis en hôtel de luxe pour une clientèle d'Anglais fuyant les hivers humides, le Saint-George - et son remarquable jardin botanique - peut témoigner de quelques soubresauts fameux du siècle passé. Au salon des Ambassadeurs fut signé, le 10 novembre 1942, un cessez-le-feu entre l'amiral Darlan et les Américains, qui venaient de débarquer en Afrique du Nord. A l'étage du dessus, la chambre occupée par le général Eisenhower a été conservée. Et, sur la porte voisine, une plaque a été apposée qui rappelle que "le général Dwight Eisenhower, commandant en chef des forces expéditionnaires alliées en Afrique du Nord a tenu son quartier général dans cette chambre entre novembre 1942 et décembre 1943". Une vingtaine d'années plus tard, c'est un autre guerrier qu'allait accueillir le Saint-George : Che Guevara. A vrai dire, tout ce quartier de la capitale respire l'histoire, glorieuse ou dramatique, récente ou pas : chef du gouvernement provisoire, le général de Gaulle résidait à proximité, à la villa des Oliviers. Une autre villa - la villa Susini, en cours de restauration - fut un centre de détention et de torture utilisé par les parachutistes lors de la guerre d'Algérie. La présidence de la République n'est pas loin non plus du Saint-George, mais Abdelaziz Bouteflika ne la fréquente guère. A un jet de pierre de l'hôtel habitait aussi Abassi Madani, le fondateur du Front islamique du salut, parti qui fut majoritaire au premier tour des élections législatives de 1991. Que l'on quitte le Saint-George pour l'Hôtel Aurassi et c'est l'Algérie socialiste des années 1970, celle du tiers-mondisme triomphant, que l'on redécouvre. L'hôtel n'a guère changé depuis son inauguration. C'est un bloc de béton dénué de grâce mais qui offre l'un des plus beaux panoramas sur la baie d'Alger. Dans ses salons se sont tenus de nombreux sommets et conférences internationaux. Les chambres de l'Aurassi sont restées figées dans le temps, avec leur décoration de plastique orange, vert, jaune... De la terrasse de l'hôtel, on aperçoit au loin un autre monument : le centre Riad El-Fath, un tripode de béton de près de 100 mètres de haut planté sur les hauteurs de la capitale. "C'est notre tour Eiffel", disent les Algériens. Mais où sont les files de touristes ? La période coloniale, c'est une autre affaire. Un palace l'incarne, situé non pas sur les hauteurs de la capitale mais en bord de mer, à deux pas du port et du centre-ville : l'Hôtel Aletti, rebaptisé, en pure perte, Hôtel Safir. Ouvert en 1930, soit "l'année du centenaire de l'occupation française", rappelle son directeur, Sami Djilali, il a été inauguré par Charlie Chaplin. L'Aletti est un chef-d'oeuvre Art déco : formes épurées et géométriques, sculptures stylisées... Le palace offrait à ses clients un casino, une salle de music-hall, un cinéma. C'était le rendez-vous obligé des colons fortunés. Depuis, le temps a passé et l'Aletti a perdu son lustre. Des rénovations mal conduites l'ont enlaidi. "Il faudrait rénover les rénovations", dit encore son directeur. En attendant, pourquoi ne pas se rabattre sur un autre lieu, à l'écart de l'agitation de la ville : le Musée national des beaux-arts. Surplombant le -Jardin d'essai (encore une curiosité), il est d'une richesse inouïe. Les collections,qui comportent des Degas, des Dufy, des -Gauguin, des Maillol, des Picasso, sont sans égales dans toute l'Afrique. Même si le pays n'est toujours pas, à l'inverse de ses voisins - le Maroc et la Tunisie -, une destination touristique majeure, l'Algérie est redevenue, après des années de violence, une destination sans grand risque pour les touristes. Selon les dernières statistiques disponibles, le pays a accueilli 1,77 million de touristes en 2008, dont 557 000 étrangers (170 583 Français). Il n'y a guère que dans les montagnes de Kabylie, à l'est, que subsistent quelques groupes armés que les forces de sécurité tentent de maîtriser. Partout ailleurs, il n'y a plus d'affrontements et le calme règne. C'est vrai à Alger, où la police est très présente, et dans les grandes villes, où retournent, pour un pèlerinage de quelques jours, des groupes de pieds-noirs qui viennent accompagnés, de plus en plus souvent, de leurs enfants. Les infrastructures sont peu développées. Il n'y a guère que dans le Sud saharien, bien pourvu en campings et moyens de transport, que le tourisme représente un enjeu économique majeur. Chaque année, plusieurs milliers de touristes européens viennent marcher dans le Hoggar, région montagneuse désertique, ou dans la région de Djanet, riche en gravures et peintures rupestres. 31.03.10 | 17h32 REUTERS/ZOHRA BENSEMRA Vue de la baie d'Alger en juillet 2007. | ||
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