La loi suprême du royaume sacralise la personne du Roi plus que le... Esterfillah
Témoignage. Votre attention s’il vous plaît !
Si vous voulez faire carrière, mieux vaut écouter religieusement les discours du roi. C’est en tout cas la morale de ce haut fonctionnaire qui témoigne sous le sceau de l’anonymat :
“J’étais sur l’autoroute Rabat - Casablanca quand un officier de la DST que j’avais déjà croisé m’a appelé au téléphone. Le roi venait de terminer un discours dans lequel il avait insisté sur la question du Sahara, notre ‘cause nationale’. Après les traditionnelles formules de politesse, l’officier me demande si j’ai écouté le discours et ce que j’en pense. J’avoue que, sur le moment, sa question m’a déstabilisé. Je me suis contenté de lui servir un verbiage consensuel dont je ne me souviens même pas. Par la suite, j’ai bien tenté de me renseigner sur les motifs de cet appel inopportun. Certains amis m’ont répondu : ‘L’assiduité aux discours royaux ne passe pas inaperçue et elle est très appréciée’. Mais je n’ai réalisé à quel point l’attention accordée à la parole et à l’image du roi était importante que quelques années plus tard, lorsque je suis entré dans le bureau d’un des plus hauts commis de l’Etat. En pleine séance de travail, le fonctionnaire en question a demandé à l’un de ses assistants d’allumer le poste de télévision et d’augmenter le volume : le bulletin d’informations, traditionnellement ouvert par une activité royale, venait de commencer. Un silence religieux a suivi. Quand l’image du roi a disparu du petit écran, la réunion a repris comme si de rien n’était”.
Plus loin. Fantasme de journaliste
Le Maroc bouge au rythme de son roi. Les discours de Mohammed VI sont l’expression médiatique de la toute puissance monarchique, celle d’un roi qui personnalise tous les pouvoirs, jusqu’à devenir l’épicentre du système politique, économique, social et culturel du pays. Qu’on se remémore une seule réforme d’envergure qui porte le nom d’un ministre marocain. Qu’on se souvienne d’une seule action publique et consensuelle qui soit associée à une personne autre que le souverain. Très vite, même l’observateur le plus averti de la dernière décennie marocaine est en panne d’exemples.
Il se trouve que les discours royaux, dans leur forme aussi bien que dans leur contenu, contribuent à perpétuer l’idée de cette monarchie omniprésente et omnipotente. Ils sont devenus la feuille de route du Premier ministre, tous les ministres s’y réfèrent et les députés de la majorité comme ceux de l’opposition les reprennent à leur compte. Ont-ils d’ailleurs le choix ? Les discours royaux ne sont-ils pas empreints du sceau de l’infaillibilité et de la sacralité ? En fait, tout se passe comme s’ils étaient une bible de science et d’action politique. Au Maroc, la parole du roi fait droit. Bien plus, elle est le pouls du royaume. Quand les mots de Mohammed VI se font durs, les politiques tremblent. Quand le ton se fait urgent, le Maroc s’ébranle. Un discours, celui du 6 novembre 2009, marque un changement de ton et un changement de doctrine. Le roi y affirmait : “Ou on est patriote, ou on est traître”. Voilà qui n’est pas fait pour nous rassurer, nous autres journalistes, si souvent assimilés à des nihilistes, activistes et autres comploteurs de l’intérieur. Mais nous ne devons pas nous sentir visés, nous a-t-on expliqué : les lignes rouges ne sont qu’un fantasme de journaliste… Souleïman Bencheikh
Telquel
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Dernière édition par admin le Dim 30 Mai - 2:04, édité 2 fois