La trentaine, de taille moyenne, Abdelkrim B., était hier au siège, ou de ce qui en reste, du Conseil constitutionnel où il est chargé de la sécurité. De prime abord, il nous dira : «J’ai tout vu.»
Meriem Ouyahia - Alger (Le Soir) - Avec peine, hésitant et cherchant ses mots, il nous a raconté la journée de l’horreur de ce 11 décembre 2007. Une journée filmée par les caméras de cette institution et dont les films de la bande ont été remis à la police scientifique. Il était 8h30, lorsque Abdelkrim est descendu du bus de transport juste devant le siège du Conseil constitutionnel. «Saïd, le garde républicain, se trouvait devant la porte, et à quelques mètres, se trouvait l’autre Saïd, un agent de sécurité du Conseil constitutionnel. Et aux alentours de la bâtisse, trois ou quatre agents de la sécurité nationale en tenue étaient là», se souvient lentement Abdelkrim. Il ressortira quelques minutes après pour prendre un café. «A mon retour, j’ai rencontré le brigadier chef de la police, ammi Mohamed. Il dessinait, sur la base d’une photo d’un journal, le visage de Djamila Bouhired. Ses cheveux ont été déjà esquissés », relate ce garde républicain avec un triste sourire. Et d’ajouter : «Je lui ai dit qu’il était un vrai artiste avant de me diriger vers mon bureau, de l’autre côté du siège (côté droit, ndlr)». Avec soin, Abdelkrim raconte qu’il a changé sa tenue pour mettre la rouge de la Garde républicaine. «J’ai allumé mon ordinateur tout en surveillant la caméra qui filmait. J’ai vu le bus orange des étudiants, le Cous, en panne», a précisé encore Abdelkrim B. Deux minutes à peine s’écouleront. «C’est à ce moment-là que j’ai aperçu le camion-citerne blanc, un Toyota Jac, qui a été stoppé à l’entrée de l’institution par Saïd, le garde républicain. Quelques secondes s’écouleront avant que l’explosion ne retentisse», raconte Abdelkrim. Il poursuit : «Le camion n’a rien percuté. Je ne sais pas si la bombe a été actionnée de loin ou un autre procédé a été utilisé.» Le faux plafond lui tombant sur la tête, Abdelkrim a réalisé que c’est la réalité. «Le grand portail a été déjà soufflé. J’allais sortir, quand je me suis rappelé qu’après un attentat, des terroristes peuvent tirer. Alors, j’ai rebroussé chemin », dit-il. Abdelkrim s’est heurté aux autres employés qui dévalaient les quatre étages du bâtiment. Ils sortaient en trombe, fuyant la mort. «Je me suis dirigé alors vers le parking. C’était un vrai carnage. Le chauffeur de M. Bouchaïr agonisait. Un membre du Conseil l’aidait à réciter la Chahada», se souvient ce garde républicain. Il explique la présence du chauffeur : «Chaque mois, il venait récupérer sa paie ici, car M. Bouchaïr l’a pris avec lui. Et comme son salaire tardait à être viré, il est venu s’enquérir.» «Il est venu pour mourir», n’a pu s’empêcher d’ajouter ce témoin. «A ses côtés, un autre chauffeur gémissait à cause de ses blessures. Et à quelques mètres, gisait dans son sang ammi Mohamed. Il avait les deux jambes coupées», continue cet agent de la sécurité, la gorge nouée. «Il est maintenant dans le coma. Et dire qu’il devait prendre sa retraite dans quelques mois. Il avait fait des projets dans ce sens, en pensant qu’il aurait une promotion», précise encore Abdelkrim. Rebobinant le film de cette fatidique journée, il continue : «J’ai trouvé Saïd de la garde républicaine complètement déchiqueté à près de 60 mètres de son poste. Il a été propulsé». Sans parents, Saïd rejoint ainsi sa mère morte il y a de cela quelques mois, laissant dans ce bas monde sa fiancée avec qui il devait se marier le mois de mars prochain. L’autre Saïd, agent de sécurité du Conseil constitutionnel, est toujours porté disparu, comme Abbas, un autre chauffeur. «Nous avons trouvé des corps calcinés. Mais, nous ne les avons pas encore identifiés », ajoute Abdelkrim.
M. O.
molesoir@yahoo.fr
Meriem Ouyahia - Alger (Le Soir) - Avec peine, hésitant et cherchant ses mots, il nous a raconté la journée de l’horreur de ce 11 décembre 2007. Une journée filmée par les caméras de cette institution et dont les films de la bande ont été remis à la police scientifique. Il était 8h30, lorsque Abdelkrim est descendu du bus de transport juste devant le siège du Conseil constitutionnel. «Saïd, le garde républicain, se trouvait devant la porte, et à quelques mètres, se trouvait l’autre Saïd, un agent de sécurité du Conseil constitutionnel. Et aux alentours de la bâtisse, trois ou quatre agents de la sécurité nationale en tenue étaient là», se souvient lentement Abdelkrim. Il ressortira quelques minutes après pour prendre un café. «A mon retour, j’ai rencontré le brigadier chef de la police, ammi Mohamed. Il dessinait, sur la base d’une photo d’un journal, le visage de Djamila Bouhired. Ses cheveux ont été déjà esquissés », relate ce garde républicain avec un triste sourire. Et d’ajouter : «Je lui ai dit qu’il était un vrai artiste avant de me diriger vers mon bureau, de l’autre côté du siège (côté droit, ndlr)». Avec soin, Abdelkrim raconte qu’il a changé sa tenue pour mettre la rouge de la Garde républicaine. «J’ai allumé mon ordinateur tout en surveillant la caméra qui filmait. J’ai vu le bus orange des étudiants, le Cous, en panne», a précisé encore Abdelkrim B. Deux minutes à peine s’écouleront. «C’est à ce moment-là que j’ai aperçu le camion-citerne blanc, un Toyota Jac, qui a été stoppé à l’entrée de l’institution par Saïd, le garde républicain. Quelques secondes s’écouleront avant que l’explosion ne retentisse», raconte Abdelkrim. Il poursuit : «Le camion n’a rien percuté. Je ne sais pas si la bombe a été actionnée de loin ou un autre procédé a été utilisé.» Le faux plafond lui tombant sur la tête, Abdelkrim a réalisé que c’est la réalité. «Le grand portail a été déjà soufflé. J’allais sortir, quand je me suis rappelé qu’après un attentat, des terroristes peuvent tirer. Alors, j’ai rebroussé chemin », dit-il. Abdelkrim s’est heurté aux autres employés qui dévalaient les quatre étages du bâtiment. Ils sortaient en trombe, fuyant la mort. «Je me suis dirigé alors vers le parking. C’était un vrai carnage. Le chauffeur de M. Bouchaïr agonisait. Un membre du Conseil l’aidait à réciter la Chahada», se souvient ce garde républicain. Il explique la présence du chauffeur : «Chaque mois, il venait récupérer sa paie ici, car M. Bouchaïr l’a pris avec lui. Et comme son salaire tardait à être viré, il est venu s’enquérir.» «Il est venu pour mourir», n’a pu s’empêcher d’ajouter ce témoin. «A ses côtés, un autre chauffeur gémissait à cause de ses blessures. Et à quelques mètres, gisait dans son sang ammi Mohamed. Il avait les deux jambes coupées», continue cet agent de la sécurité, la gorge nouée. «Il est maintenant dans le coma. Et dire qu’il devait prendre sa retraite dans quelques mois. Il avait fait des projets dans ce sens, en pensant qu’il aurait une promotion», précise encore Abdelkrim. Rebobinant le film de cette fatidique journée, il continue : «J’ai trouvé Saïd de la garde républicaine complètement déchiqueté à près de 60 mètres de son poste. Il a été propulsé». Sans parents, Saïd rejoint ainsi sa mère morte il y a de cela quelques mois, laissant dans ce bas monde sa fiancée avec qui il devait se marier le mois de mars prochain. L’autre Saïd, agent de sécurité du Conseil constitutionnel, est toujours porté disparu, comme Abbas, un autre chauffeur. «Nous avons trouvé des corps calcinés. Mais, nous ne les avons pas encore identifiés », ajoute Abdelkrim.
M. O.
molesoir@yahoo.fr