Slimane Benaissa encense le Maroc et blâme l’Algérie pour son soutien aux Sahraouis
"Les Algériens sont trop excessifs. Nous sommes plus palestiniens que les palestiniens. Nous sommes plus sahraouis que les sahraouis. Le problème est qu'on n'est pas assez algériens'', a confié à la MAP M. Benaissa, en marge de sa participation au festival de la francophonie au Mexique où il a donné plusieurs conférences. [/size]
"Si l'Algérie a des intérêts économiques à défendre dans cette question, elle doit le faire autrement'' et de façon moderne, a-t-il souligné, faisant remarquer que les algériens sont en "retard dans l'esprit de solidarité, ce n'est pas une manière moderne d'être solidaire''.
"Les sahraouis se sont tellement habitués à la vie à Tindouf que peut être, un jour, ils vont revendiquer aussi cette ville du sud de l'Algérie. Et c'est l'Algérie qui sera amenée, dans ce cas, à défendre sa souveraineté'', a ironisé le dramaturge algérien.
M. Benaissa a, d'autre part, exprimé son admiration pour "les projets grandioses'' développés par le Maroc, notamment les projets touristiques qui sont "une manière, selon lui, de renforcer la tolérance de la société'' et "peuvent servir d'éléments de stabilisation'' du pays.
"Je vois avec grande satisfaction ce qui se passe au Maroc. Ce n'est pas encore parfait, mais il y a de grandes idées qui se développent. En tous les cas, le Maroc est déjà dans l'économie fondée sur la connaissance'', a souligné M. Benaissa.
Pour lui, "il y a beaucoup de choses qui mûrissent dans la société marocaine. Les différentes télévisions, une diaspora qui commence à s'organiser sérieusement'', parce qu'elle a un projet à défendre face au fanatisme.
En comparaison, "la diaspora algérienne pourrait exister de manière très forte au niveau de la planète, mais on n'a pas de projet en commun à défendre'', a-t-il regretté.
Ce sexagénaire natif de Guelma, dans l'est algérien, a dû quitter son pays dans les années 90, face à la forte pression des terroristes armés, qui avaient assassiné trois de ses plus proches amis, dont l'écrivain Tahar Djaout.
Ses pièces ont eu un grand retentissement à l'époque, au point, dit-il, de concurrencer les matchs du championnat algérien qui se jouaient en même temps que ses productions.
Parmi ses pièces décrivant de manière incisive les lames de fond qui traversaient alors la société algérienne avant l'éclatement de la violence terroriste, M. Benaissa rappelle "Boualame zid El goudam'' (Bouâlem en avant) et "Babour ghrak'' (le bateau coule), dont le titre révélait déjà ce qui allait se passer en Algérie.
Après la décision "douloureuse'' mais nécessaire de l'exil en France, M. Benaissa a dû "repartir à zéro, tout en restant dans la continuité. J'ai commencé à reconstruire d'autres formes théâtrales, adaptées à mon nouvel environnement, qui n'a rien avoir avec l'Algérie natale''.
"C'était difficile au départ, se rappelle-t-il, car il fallait parler de soi aux autres dans un contexte qui n'a aucune référence à soi, ni linguistique, ni du point de vue des préoccupations quotidiennes, ni même la manière de faire du théâtre. Alors qu'en Algérie, je parlai de moi à moi. Là bas, en France, il a fallu tout réapprendre, et parler de moi à l'Autre'', observe-t-il.