OPINION : Algérie et Maroc entre frasques et bruits de bottes
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Le Maroc, par la voix de son ministre des affaires étrangères, a appelé le 20 mars dernier son « voisin » l’Algérie, à une normalisation des relations bilatérales avec Rabat et l’ouverture de ses frontières terrestres avec le Royaume Chérifien.
D’aucuns ont vu dans cette sortie « royale » quelque peu impromptue une réponse directe aux propos de Bouteflika qui auraient été perçus comme une perche tendue que le Maroc, semble-t-il, s’est empressé de saisir. En effet, sur la question de la réouverture des frontières, Bouteflika avait estimé récemment que cela était « tout à fait envisageable » et que c’était un « souhait » mais que cela demeurait tributaire « des conditions liées à sa fermeture ». La réouverture, avait-il indiqué, interviendra « lorsque seront levés tous les obstacles qui l’empêchent actuellement ». En termes plus clairs, Alger invite Rabat à se retirer du Sahara Occidental pour envisager une possible normalisation des relations entre les deux voisins au moment où le Makhzen ne cesse d’exiger de « la république de l’est » de ne pas se mêler de la question. Dans le meilleur des cas, cela relève plutôt d’un dialogue de sourds hisser au rang de diplomatie. Mais c’est omettre la nature despotique des régimes en place que d’aborder ce concert de couacs du point de vue exclusivement des « affaires étrangères ».
"Il ne s'agit pas de construire un Maghreb où les uns gagnent et les autres perdent. Le Maghreb ne se limite pas seulement au Maroc et à l'Algérie. Il faut que tous les peuples qui se trouvent dans cet ensemble trouvent leur place" a répliqué, le 22 mars récent, le ministre algérien de l'Intérieur et des collectivités locales Nourdine Yazid Zerhouni, dans une déclaration à l'agence algérienne APS.
"Il ne s'agit pas de construire un Maghreb où les uns gagnent et les autres perdent. Le Maghreb ne se limite pas seulement au Maroc et à l'Algérie. Il faut que tous les peuples qui se trouvent dans cet ensemble trouvent leur place" a répliqué, le 22 mars récent, le ministre algérien de l'Intérieur et des collectivités locales Nourdine Yazid Zerhouni, dans une déclaration à l'agence algérienne APS.
On se croirait presque dans un sérieux scénario mettant en scène deux nations souveraines et crédibles. Or, le pouvoir algérien, un Etat gourou, mensonger, escamoteur et corrupteur, par la voix de l’esbroufe, est loin d’être le mieux placé pour refléter la volonté des peuples de la région Afrique du Nord quand celle des populations qu’il gouverne et qu'il maltraite est tout simplement occultée par les fraudes électorales systématiques, la désinformation, la manipulation et la répression. Le viol de la constitution qui est en train de se dérouler au profit d’un clan et au mépris de la loi et de la volonté populaire n’en est pas la seule preuve. Idem pour le Royaume de l’Ouest et pour tous les régimes de la région qui se nourrissent de la même mamelle: le césarisme arabo-islamique. Ensuite, si la frontière avec le Maroc fut fermée pour la raison évoquée en 1994, à savoir l’imputation par le Maroc de l’attentat perpétré, à la même période à Marrakech, aux services secrets algériens, pourquoi avoir renoué avec l'Etat iranien qui a comploté la désintégration de la République en allant jusqu'à financer les terroristes islamistes et ce n’est pas leur allié Belkhadem qui en disconviendra ... Autrement dit, comparativement à la nuisance de l'Iran des ayatollah à notre pays, l'accusation du Maroc en 1994 apparaît comme une plaisanterie de mauvais goût. (...)
A ce propos, il est opportun de se poser la question de savoir quelles seront les enchaînements éventuels de cette tension qui semble être nécessaire pour les deux régimes ( et au-delà pour les autres pays de la région) dont la rupture prononcée du lien gouvernants – gouvernés rend les décideurs comme qui dirait, insensibles au risque d’une issue pernicieuse en premier lieu pour les citoyens nord-africains certes, mais dont les conséquences à grande échelle sont totalement imprévisibles. Ainsi, ces grosses manchettes, prises en exemples, qui ont frappé la une de plusieurs titres de la presse écrite paraissant des deux côtés de la frontière, telles que « Maroc-Algérie : la guerre inévitable » (Maroc Actualités du 14 mars 2008), « Bruits de bottes aux frontières : Fortifications algériennes » (Gazette du Maroc du 03 novembre 2007), « Maroc-Algérie : Embrassades et bruits de bottes » (Jeune Afrique / L’intelligent du 05-11 décembre 2000) ou encore « Maghreb : Les raisons d’un surarmement » (El Watan du 20 février 2008) qui pose la question de l’intrigante course à l’armement entre les deux pays qui viennent de signer de gros contrats avec leurs fournisseurs, ce qui est à ce titre éclairant, ne sonnent-elles pas comme des mises en garde contre une sale guerre qui se conspirerait dans une ultime parade de détournement d’une aspiration populaire démocratique par les gentils « protecteurs » dont l’imposture devenue machinale a, semble-t-il, fini par leur faire prendre leurs démences extra-muros pour des aspirations profondes de leurs « sujets » réprimés intra-muros.
Néanmoins et au-delà de toutes ces considérations, du point de vue purement institutionnel, il est farfelu de concevoir un possible avènement d’un ensemble politique et économique qui regrouperait les pays de la rive sud de la méditerranée au vu de l’incompatibilité d’une royauté où le Roi est le centre névralgique de la décision politique, d’une dictature autocratique d’avec un ordre républicain essentiel à tout rapprochement de cette nature. Le « souverain » marocain saura-t-il saisir les pulsations de son temps pour s’offrir enfin une page glorieuse dans l’Histoire en empruntant le pas à son homologue d’Espagne ? Rien n’est moins sûr connaissant l’obsession hégémonique des tenants du pouvoir dans les pays de la région dont la mutation démocratique, appréhendée comme une promesse certaine de leur procès devant l’Histoire, n’en n’est pas moins, à notre sens, la seule sortie possible qui leur garantirait le maintien de leurs privilèges matériels en contrepartie de leur entrée définitive dans le registre des tyrans devenus anonymes pour jouir de l’indulgence démocratique d’un ordre juste qui aura été instauré à moindre frais. Mais c’est déjà un autre sujet qui relève des affabulations d’un imaginaire social trop généreux pour être fiable.
Les peuples de la région « Afrique du nord » quant à eux, sont condamnés à se retrouver tôt ou tard et à construire ce sous-continent capable de faire face économiquement et politiquement aux défis de notre époque, ce qui est, au risque de le ressasser, inéluctablement tributaire de l'avènement d'une démocratie réelle et majeure dans tous les pays de la région qui, faudra-t-il le souligner, ne sont qu'une pure création de la colonisation. Une démocratie synonyme d'un changement radical des régimes politiques et des hommes qui les ont incarnés et qui les incarnent toujours. C'est une union qui émanera du peuple nord-africain enfin réuni après tant de siècles d’éloignement et reconnu enfin en tant que lui-même après tant de siècles qu'aura duré le déni identitaire et les tentatives désespérées d'effacement de toute trace de la langue et de l'identité amazigh, véritable obsession d’épuration ethnique, menées par les différents envahisseurs et par les régimes dictatoriaux et panarabistes post indépendances.
En effet, faire preuve de réalisme et d'objectivité et reconnaître la diversité culturelle et ethnique de la région « Afrique du Nord » suppose l'abandon de l'appellation "Maghreb arabe" qui renie l'existence des millions d'imazighen qui peuplent depuis des millénaires cette contrée du monde et son remplacement par une appellation où tout le monde se reconnaîtra à l'exemple de l'"Afrique du nord" tout simplement comme antipode géographique à l'Afrique du Sud de Mandela. Dans le cas contraire, il serait illusoire d'imaginer un envisageable assemblage, et donc une hypothétique stabilité dans la région et les événements qui viennent de secouer une énième fois Berriane à Ghardaïa sont là pour dire toute l'importance que revêt la question identitaire et civilisationelle, malgré la réduction de leurs causalités à un stupide éclatement de pétard, par une presse pusillanime et une classe politique qui, malgré la virée sur les lieux de certains acteurs afin de constater les faits de visu et tenter de contribuer à ramener le calme, est restée taciturne par rapport à ce volet de la question, cela et subséquemment au régionalisme ethnique exacerbé par les pouvoirs de la région et à la répression qui s'abat dans une quasi indifférence sur les militants amazigh aussi bien en Libye où il est interdit de parler ou d'écouter des chansons en tamazight même à l'intérieur des logis, qu'en Tunisie ou en Algérie où le pouvoir est passé par la répression aveugle qui a emprisonné des citoyens pour le simple fait d'avoir dans leurs papiers l'alphabet amazigh, à la reconnaissance manœuvrière et rusée dont le but est de corrompre, de pervertir et de déformer jusqu'à susciter le désintérêt voire le rejet d'une cause et d'une identité portée à bras le corps par des générations entières et ayant inspiré des oeuvres intellectuelles et culturelles monumentales, en passant par le Niger et le Mali ou la rébellion des Imucagh (Touareg) mène une guerre lointaine pour sa survie, jusqu'au Maroc où nous nous limiterons à signaler les arrestations récentes de militants Amazighs et plus particulièrement celles de janvier 2008 à Boumalne Dades (Région de Ouarzazate) dont l'émotion est, à juste titre, à l'origine d'une manifestation de solidarité qui se tiendra le 29 mars au Trocadéro à Paris...
On l'aura compris, cette opinion peut paraître biscornue ou ringarde eu égard à la gravité de la situation des droits humains dans chaque pays où la priorité est certes le renversement des régimes en place, ce qui est loin d'être une sinécure, mais aussi à un débat politique frôlant le niveau zéro et qui est devenu une vaste étendue lacustre. Il est grossier à notre époque d’évoquer la volonté des peuples par des princes qui jouent à régler leurs comptes en brandissant sporadiquement le glaive de leurs misérables sujets et les grenouillages de l’inculture de leur forteresse sans en brandir en face de leurs méprisables mensonges les grands principes de fonds qui tiennent lieu de prolégomènes à toute démarche sérieuse allant dans le sens de la redéfinition démocratique de notre grand Ensemble Nord-Africain.
Halim AKLI
Le matin dz